COUR D'APPEL
D'AIX-EN-PROVENCE
[Adresse 2]
[Localité 1]
Chambre 3-1
N° RG 20/11643 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BGSCS
Ordonnance n° 2023/M56
S.A.S. ALL4HOME DEVELOPPEMENT
Représentée par Me Joseph MAGNAN de la SCP PAUL ET JOSEPH MAGNAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
Appelante
M. [Y] [B]
Représenté par Me Fall PARAISO, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant
S.A.R.L. HOME AND CLEAN
Représentée par Me Fall PARAISO, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant
Intimés
ORDONNANCE D'INCIDENT
DU 9 MAI 2023
Nous, Marie-Amélie VINCENT, conseillère de la mise en état de la Chambre 3-1 de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, assistée de Chantal DESSI, greffière ;
Après débats à l'audience du 4 Avril 2023, ayant indiqué à cette occasion aux parties que l'incident était mis en délibéré, avons rendu le 9 mai 2023, l'ordonnance suivante :
EXPOSE DU LITIGE
Par jugement du 2 novembre 2020, le tribunal de commerce de Marseille a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :
- Constaté que Monsieur [Y] [B] et la société Home and Clean Sarl (anciennement dénommée All4Home Reims), sont tenues solidairement entre eux du paiement des sommes dues à la société All4Home Developpement Sas au titre des contrats de franchise;
- Avant dire droit sur le quantum des demandes de la société All4Home Developpement Sas sur le montant des redevances de franchise :
Ordonné la production par Monsieur [Y] [B] et la société Home and Clean Sarl auprès de la société All4home Developpement Sas, de tous les justificatifs afférents au chiffre d'affaires mensuel de la franchise Net4Pro Reims à compter du mois de octobre 2018 dans le mois de la signification du présent jugement, et passé ce délai, sous astreinte de 100 € par jour de retard pendant un mois,
Ordonné la production par Monsieur [Y] [B] et la société Home and Clean Sarl auprès de la société All4home Developpement Sas, de tous les justificatifs afférents au chiffre d'affaires mensuel de la franchise All4Homme Reims à compter du mois de octobre 2018 dans le mois de la signification du présent jugement, et passé ce délai, sous astreinte de 100 € par jour de retard pendant un mois,
- En conséquence, sursoit à statuer sur la demande en paiement des factures afférentes aux redevances de franchise des mois de octobre, novembre et décembre 2018,
- Dit n'y avoir lieu de prononcer la résiliation des deux contrats de franchise au torts de Monsieur [Y] [B] et de la société All4Home Reims Sarl (actuellement dénommée Home and Clean) ;
- En conséquence, déboute la société All4Home Developpement Sas de sa demande de dommages-intérêts pour " manque à gagner et préjudice moral " ;
- Condamne reconventionnellement la société All4Home Developpement Sas à prendre en charge l'intégralité des frais liés à la mise en place ainsi qu'à l'utilisation du logiciel Domino, ainsi que les frais liés aux formations nécessaires à l'apprentissage et à l'utilisation dudit logiciel ;
- Condamne reconventionnellement la société All4Home Developpement Sas à payer à la société Home and Clean Sarl la somme de 1.500 € au titre du changement de logiciel,
- Déboute Monsieur [Y] [B] et la société Home and Clean Sarl (anciennement dénommée All4Home Reims) de leurs demandes en paiement de dommages et intérêts;
- Condamne la société All4Home Developpement Sas à payer à Monsieur [Y] [B] et la société Home and Clean Sarl la somme totale de 3.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamné la société All4Home Developpement Sas aux dépens,
- Rejeté, pour le surplus, toutes les autres demandes, fins et conclusions.
Par acte du 26 novembre 2020, la société All4Home Developpement Sas a interjeté appel du jugement.
Par conclusions enregistrées par voie dématérialisée le 6 septembre 2022, puis par dernières conclusions du 3 avril 2023, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société All4Home Developpement Sas a saisi le conseiller de la mise en état d'une demande de communication de pièces et fait valoir que :
- Alors que les parties sont liées par deux contrats de franchise prévoyant une redevance mensuelle assise sur le chiffre d'affaires HT, en exécution du jugement de première instance, la société Home and Clean Sarl a déclaré un chiffre d'affaires pour la période courant du mois de octobre 2018 au mois de avril 2019, sans aucun élément justificatif ; seul le bilan au titre de l'exercice clos au 31 décembre 2019 a été produit, aucun bilan ni aucune pièce comptable n'est produite au titre des exercices précédents ;
- Il appartient au conseiller de la mise en état d'accorder une provision au créancier lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, de sorte qu'elle est fondée à solliciter une provision contre les défendeurs au vu des éléments de chiffres d'affaires transmis ; les contrats de franchise se sont poursuivis a minima jusqu'au mois d'avril 2019, de sorte que les redevances sont dues a minima jusqu'à cette date ; Monsieur [Y] [B] est personnellement tenu des obligations au titre des deux contrats de franchise, conformément à la motivation du jugement du tribunal de commerce de Marseille ;
- Aucune attitude dilatoire ne serait lui être reproché, au contraire des intimés, lesquels ont tardivement conclu, et n'ont pas produit les pièces sollicitées depuis le 6 septembre 2022, date de l'incident ;
Ainsi, au visa des articles 904 et 789 du code de procédure civile, la société appelante demande au conseiller de la mise en état de :
- Déclarer les demandes, moyens et conclusions de Monsieur [Y] [B] et la société Home and Clean Sarl irrecevables, et en tous les cas mal fondés, et les en débouter,
- Ordonner la production par Monsieur [Y] [B] et la société Home and Clean Sarl de tous les justificatifs afférents au chiffre d'affaires mensuel des franchises All4Home Reims et Net4Pro Reims, à compter du mois de octobre 2018 et ce, dans le mois de la décision à intervenir, et sous astreinte de 150 € par jour de retard,
- Se réserver le pouvoir de liquider l'astreinte,
- Condamner solidairement Monsieur [Y] [B] et la société Home and Clean Sarl à payer à la société All4Home Developpement une provision de 4.879,01 € TTC, au titre des redevances de franchise All4Home pour la période courant de novembre 2018 à avril 2019, avec intérêts au taux conventionnel de 1% par mois à compter de l'assignation délivrée par-devant le tribunal de commerce de Marseille,
- Condamner solidairement Monsieur [Y] [B] et la société Home and Clean Sarl à payer à la société All4Home Developpement une provision de 759,02 € au titre des redevances de la franchise Net4Pro pour la période d'octobre 2018 à avril 2019 avec intérêts au taux conventionnel de 1% par mois à compter de l'assignation délivrée par-devant le tribunal de commerce de Marseille,
- Condamner solidairement Monsieur [Y] [B] et la société Home and Clean Sarl (anciennement dénommée All4Home Reims) à payer à la société All4Home Developpement la somme de 3.500 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions enregistrées par voie dématérialisée le 30 mars 2023, auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, Monsieur [Y] [B] et la société Home and Clean Sarl répliquent que :
- Par conclusions d'appelant notifiées et déposées le 23 février 2021, la société All4Home Developpement Sas sollicitait déjà de la cour au fond, avant dire droit, la production de tous les justificatifs afférents au chiffre d'affaires mensuel des franchises All4Home Reims et Net4Pro Reims à compter du mois d'octobre 2018 ; la demande est ainsi abusive et dilatoire, en ce qu'elle tend uniquement à faire échec la fixation de l'affaire, alors que les pièces sollicitées ont été communiquées depuis le 5 février 2021 ;
- La demande de production de pièces est infondée en ce que celles-ci ont déjà été communiquées par courrier officiel du 5 février 2021 ; qu'aucune exploitation des franchises ne saurait leur être reprochés depuis le 30 avril 2019, date de mise en sommeil des sociétés Home and Clean Sarl et Mawusi exploitant lesdits contrats de franchise ; la demande de provision se heurte à l'existence d'une contestation sérieuse, et relève du fond du droit, dans la mesure où ils contestent le paiement des redevances compte tenu des manquements du franchiseur à ses obligations contractuelles, ainsi que l'engagement personnel de Monsieur [Y] [B] ;
Au visa des articles 32-1 du code de procédure civile et 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, ils sollicitent de voir :
- Juger abusif ou dilatoire la demande d'incident formée par la société All4Home Developpement Sas tendant à voir ordonner la production de pièces déjà versées aux débats ;
- En conséquence, condamner la société All4Home Developpement Sas à une amende civile de 5.000 € ;
- Débouter la société All4Home Developpement à payer à Monsieur [Y] [B] et à la société Home and Clean Sarl (anciennement dénommée All4Home Reims) la somme de 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Renvoyer la cause et les parties à la prochaine audience de plaidoirie ;
- Condamner la société All4Home Developpement aux entiers dépens de l'incident.
L'affaire a été fixée et retenue à l'audience du 4 avril 2023, puis mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 9 mai 2023.
MOTIFS
- Sur la demande de communication de pièces
Aux termes des dispositions de l'article 11 du code de procédure civile, si une partie détient un élément de preuve, le juge peut, à la requête de l'autre partie, lui enjoindre de le produire, au besoin à peine d'astreinte. Il s'agit toutefois d'une simple faculté dont l'exercice est réservé à l'appréciation discrétionnaire du juge qui ne doit pas avoir pour effet de pallier la carence des parties dans l'administration de la preuve.
Aux termes de l'article 142 du code de procédure civile, les demandes de production des éléments de preuve détenus par les parties sont faites, et leur production a lieu conformément aux dispositions des articles 138 et 139, le pouvoir du juge civil d'ordonner la production d'un élément de preuve détenu par une partie étant limitée par l'existence d'un empêchement légitime.
Une partie peut demander au juge la production des pièces détenues par une autre partie, à la condition que les pièces demandées soient précisément identifiées, que leur existence entre les mains d'un tiers ou d'une partie désignée dans la demande soit justifiée. Le demandeur doit en outre justifier d'un intérêt légitime à la production de la ou les pièces dont il sollicite la production et ces dernières doivent être utiles à la solution du litige.
Le conseiller de la mise en état dispose des pouvoirs conférés au juge de la mise en état en application de l'article 907 du code de procédure civile, qui renvoie aux dispositions de l'article 780 du même code, exerçant tous les pouvoirs nécessaires à la communication, à l'obtention et à la production de pièces. Il dispose en matière de production forcée d'une simple faculté dont l'exercice est laissé à son pouvoir discrétionnaire.
En l'espèce, il sera rappelé que le jugement entrepris a ordonné la production par Monsieur [Y] [B] et la société Home and Clean Sarl de tous les justificatifs afférents au chiffre d'affaires mensuel des franchises All4Home Reims et Net4Pro Reims à compter du mois de octobre 2018, dans le mois de la signification du jugement, sous astreinte de 100 € par jour de retard. La demande de production de pièces formulée identiquement, à l'exception du montant de l'astreinte, par la société All4Home Developpement Sas a ainsi déjà fait l'objet d'une décision revêtue de l'autorité de la chose jugée, de sorte que celle-ci relève non du pouvoir du conseiller de la mise en état, mais d'une difficulté d'exécution, à laquelle il appartient, en tant que de besoin, au juge de l'exécution, de répondre.
Par ailleurs, cette demande a déjà été formulée, non devant le conseiller de la mise en état, mais devant la cour, dans le cadre des dernières conclusions déposées et signifiées le 20 août 2021.
Au surplus, il est à observer qu'aux termes de son dernier bordereau de communication de pièces, Monsieur [Y] [B] et la société Home and Clean Sarl ont communiqué les chiffres d'affaires des franchises All4Home Reims et Net4Pro Reims par le biais d'un courriel de leur conseil en date du 5 février 2021. S'il s'agit d'un tableau déclaratif, ces derniers communiquent en outre un extrait du grand livre comptable de la société Home and Clean Sarl pour l'exercice du 1er janvier 2019 au 31 décembre 2019, outre une attestation de l'expert comptable pour l'année 2022, ainsi que les comptes annuels de l'année 2022.
Il convient dès lors de débouter la société All4Home Developpement Sas de sa demande de communication de pièces.
- Sur la demande de provision
L'article 907 du code de procédure civile prévoit que, à moins qu'il ne soit fait application de l'article 905, l'affaire est instruite sous le contrôle d'un magistrat de la chambre à laquelle elle est distribuée, dans les conditions prévues par les articles 780 à 807, et sous réserve des dispositions qui suivent, l'article 789 3° de ce même code prévoyant que le juge de la mise en état peut accorder une provision au créancier lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable.
Au cas d'espèce, si le jugement entrepris a dit n'y avoir lieu de prononcer la résiliation des contrats de franchise aux torts de Monsieur [Y] [B] et la société Home and Clean Sarl, il résulte de l'examen des conclusions au fond que les parties s'opposent quant à l'imputabilité de la résiliation du contrat, les intimés invoquant une série de manquements contractuels et s'opposant ainsi au paiement des redevances réclamées par la société All4Home Developpement Sas en raison de l'inexécution par cette dernière de son obligation essentielle d'assistance. La question de l'engagement personnel de Monsieur [Y] [B] , et dès lors du paiement solidaire par ce dernier des redevances réclamées, demeure tout autant contestée. Il apparaît dès lors qu'une contestation sérieuse existe quant au paiement provisionnel des redevances sollicitées pour la période d'octobre 2018 à avril 2019.
Il convient de rappeler à cet égard que la détermination par l'article 907 du code de procédure civile des pouvoirs du juge de la mise en état ne saurait avoir pour conséquence de méconnaître les effets de l'appel et les règles de compétence définies par la loi. Seule la cour d'appel dispose, à l'exclusion du conseiller de la mise en état, du pouvoir d'infirmer ou annuler la décision frappée d'appel, revêtue dès son prononcé de l'autorité de la chose jugée. Il en résulte que le conseiller de la mise en état ne peut connaître de demandes qui auraient pour conséquence, si elles étaient accueillies de remettre en cause ce qui a été tranché par le premier juge ou seraient susceptibles d'entraîner une réformation du jugement alors même que ce pouvoir n'est dévolu qu'à la cour par application de l'article 542 du code de procédure civile.
Dès lors, accueillir la demande de provision formulée, en ce qu'elle ne serait pas sérieusement contestable, aurait pour incidence de trancher la demande formulée au fond quant à la résiliation des contrats litigieux, ce qui n'incombe pas au conseiller de la mise en état.
En outre, Monsieur [Y] [B] et la société Home and Clean Sarl contestent la poursuite alléguée par la société All4Home Developpement Sas de l'activité de franchise, aux motifs qu'une la société Home and Clean Sarl a été mise en sommeil à compter du 30 avril 2019, ce dont ils attestent par production de son extrait Kbis.
Force est ainsi de constater qu'une contestation sérieuse existe, de sorte que la société All4Home Developpement sera déboutée de ses demandes de provision.
- Sur la demande de dommages et intérêts
Aux termes de l'article 32-1 du code de procédure civile celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 € sans préjudice des dommages et intérêts qui seraient réclamés.
De même, en application de l'article 559 du code de procédure civile en cas d'appel principal dilatoire ou abusif, l'appelant peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10.000 € sans préjudice des dommages et intérêts qui lui seraient réclamés.
Il convient de rappeler que l' " amende civile " prononcée sur le fondement des articles 32-1 et 559 du code de procédure civile ne peut l'être qu'à l'initiative du juge et non des parties, cette amende revenant à l'Etat.
Ainsi, au visa de ces textes il y a lieu de rejeter la demande de dommages et intérêts formée par Monsieur [Y] [B] et la société Home and Clean Sarl.
- Sur les demandes accessoires
La société All4Home Developpement, partie perdante, sera condamnée à payer la somme de 2.000 € à Monsieur [Y] [B] et la société Home and Clean Sarl.
PAR CES MOTIFS
LA CONSEILLERE DE LA MISE EN ÉTAT,
statuant publiquement et contradictoirement,
Déboute la société All4Home Developpement de sa demande de communication de pièces,
Déboute la société All4Home Developpement de l'ensemble de ses demandes en paiement à titre provisionnel,
Déboute Monsieur [Y] [B] et la société Home and Clean Sarl de sa demande d'amende d'amende civile,
Condamne la société All4Home Developpement à payer la somme de 2.000 € à Monsieur [Y] [B] et la société Home and Clean Sarl,
Déboute la société All4Home Developpement de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code procédure civile,
Déboute les parties du surplus de leurs demandes,
Dit que les dépens suivront le sort de ceux de l'instance principale.
La greffière La conseillère de la mise en état
Copie délivrée aux avocats des parties ce jour.
La greffière