La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/04/2023 | FRANCE | N°22/04038

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-7, 14 avril 2023, 22/04038


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-7



ARRÊT AU FOND

DU 14 AVRIL 2023



N°2023/186













Rôle N° RG 22/04038 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJCMI







[V] [C] [U]





C/



S.A. CLINIQUE [2]





































Copie exécutoire délivrée

le : 14 AVRIL 2023

à :

SELARL SELARL CEDRIC HEULIN


SELARL CAPSTAN SUD OUEST







Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Marseille en date du 09 Mai 2017 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 15/01748.







APPELANTE



Madame [V] [C] [U], demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Cedric HEULIN de la SELARL...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-7

ARRÊT AU FOND

DU 14 AVRIL 2023

N°2023/186

Rôle N° RG 22/04038 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJCMI

[V] [C] [U]

C/

S.A. CLINIQUE [2]

Copie exécutoire délivrée

le : 14 AVRIL 2023

à :

SELARL SELARL CEDRIC HEULIN

SELARL CAPSTAN SUD OUEST

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Marseille en date du 09 Mai 2017 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 15/01748.

APPELANTE

Madame [V] [C] [U], demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Cedric HEULIN de la SELARL SELARL CEDRIC HEULIN, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

S.A. CLINIQUE [2] Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 1]

représentée par Me Stéphane LEPLAIDEUR de la SELARL CAPSTAN SUD OUEST, avocat au barreau de TOULOUSE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 Janvier 2023 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Françoise BEL, Président de chambre, et Madame Raphaelle BOVE, Conseiller, chargés du rapport.

Madame Raphaelle BOVE, Conseiller, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Françoise BEL, Président de chambre

Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller

Madame Raphaelle BOVE, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Agnès BAYLE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 Mars 2023 et, à cette date, qu'il a été prorogé au 14 Avril 2023

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 14 Avril 2023.

Signé par Madame Françoise BEL, Président de chambre et Mme Agnès BAYLE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Faits, procédure, prétentions et moyens des parties:

Mme [V] [C], épouse [U] a été engagée par la Clinique [2] à compter du 1er février 2006, en qualité d'Agent de Service Hospitalier (ci-après ASH).

Par acte en date du 28 août 2015, avec d'autres salariés, elle a saisi le conseil de prud'hommes de Marseille de demandes de rappel de salaire et autres demandes.

Par jugement en date du 9 mai 2017, le conseil a partiellement fait droit aux demandes.

Par arrêts en date du 24 janvier 2020, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a débouté les salariés de leurs demandes en payement d'heures supplémentaires et congés payés afférents.

Par arrêt en date du 12 janvier 2022, la Cour de Cassation, après jonction des pourvois no V 20-15.577 , W 20-15.578, X 20-15.579, Y 20-15.580, Z 20-15.581, a cassé et annulé mais seulement en ce que les arrêts déboutent Mmes [S], épouse [T], [C], épouse [U], [L], [W] et [I] de leurs demandes de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires et congés payés et en ce qu'ils les condamnent chacune à payer à la société Clinique [2] la somme de 200 euros au titre des frais irrépétibles et à payer les dépens, les arrêts rendus le 24 janvier 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence , et remis, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoyés devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;

Par acte du 23 février 2022, la salariée a saisi la cour d'appel de renvoi, et par conclusions déposées et notifiées le 16 janvier 2023, demande à la cour de:

Infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de ses autres demandes relatives au rappel de salaire au titre des heures supplémentaires et congés payés et autres demandes subséquentes,

Statuant à nouveau,

Condamner la Clinique [2] à lui payer divers montants au titre de rappel d'heures supplémentaires et de congés payés afférents,

Dire qu'à titre d'indemnisation complémentaire, les sommes susvisées produiront intérêts de droit à compter des demandes en justice, avec capitalisation, en application des articles 1231-7 et 1343-2 du code civil,

Enjoindre à la Clinique [2], sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter du 8ème jour de la notification des arrêts à intervenir, d'avoir à établir et délivrer à chaque salarié les bulletins de salaire rectifiés sur la base des rappels de salaire judiciairement fixés.

Condamner la Clinique [2] à lui payer la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Condamner la Clinique [2] aux entiers dépens.

La salariée, soutient en substance le caractère illicite de l'organisation du travail sous forme de cycles, l'inopposabilité à l'employeur du régime de l'article L. 3122-3 du code du travail s'appliquant aux entreprises fonctionnant en continu, des règles relatives à la répartition de l'horaire de travail sur une période de quatre semaines au plus, du décompte des heures de travail par cycle de travail tel que prévu par l'Accord de branche en l'absence de respect des conditions posées par ledit accord, du régime relatif à la modulation du temps de travail, l'absence de négociations loyales dans le cadre de l'obligation de négociation annuelle, dont elle déduit l'application du droit commun sur le temps de travail.

Par conclusions déposées et notifiées le 28 juin 2022, la Clinique [2] demande à la cour de confirmer les jugements du conseil de prud'hommes de Marseille du 9 mai 2017 en ce qu'ils ont débouté Mmes [S], épouse [T], [C], épouse [U], [L], [W] et [I] de leurs demandes au titre des heures supplémentaires,

Constater que Mme [L], a été remplie de ses droits au titre de l'indemnité de licenciement,

Débouter Mmes [S], épouse [T], [C], épouse [U], [L], [W] et [I] de l'intégralité de leurs demandes, et les condamner à verser à la Clinique [2] la somme de 500 euros chacun sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, les condamner aux entiers dépens de l'instance.

La Clinique fait essentiellement valoir en réplique qu'elle est fondée à faire application des dispositions de l'article L. 3122-3 du code du travail s'appliquant aux entreprises fonctionnant en continu, le secteur des soins de santé bénéficiant d'une dérogation permanente de droit au repos dominical, cette dérogation particulière permettant la mise en place d'une organisation du travail sur plusieurs semaines par décision unilatérale n'imposant ni l'accord des salariés, ni une information spécifique des représentants du personnel, que le cycle de travail de 2 semaines appliqué depuis toujours au sein de la Clinique pour les ASH répond aux exigences posées par l'Accord de branche conclu le 27 janvier 2000, et donc applicable, le rythme de travail par cycle présentant le caractère de régularité imposé, dont elle conclut que les prétentions au payement d'heures supplémentaires ne peuvent être accueillies.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, il y a lieu de se référer aux conclusions déposées.

Motifs:

Sur la demande en payement d'heures supplémentaires:

Après dénonciation de l'accord collectif le 16 janvier 2009, et en l'absence d'accord de substitution, l'employeur a poursuivi l'organisation de la durée de travail des agents de service hospitalier sous la forme d'un cycle de deux semaines, considérant qu'une telle organisation répond aux exigences posées par l'accord de branche conclu le 27 janvier 2000 ainsi qu'aux dispositions de l'article L. 3122-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n°2008-789 du 20 août 2008, aux termes duquel, par dérogation aux dispositions de l'article L. 3122-2, dans les entreprises qui fonctionnent en continu, l'organisation du temps de travail peut être organisée sur plusieurs semaines par décision de I'employeur.

Le recours à l'organisation du travail des ASH par cycles de deux semaines au terme du délai de maintien en vigueur de l'accord sur le fondement de l'article précité ayant été déclaré fondé par l'arrêt 20-15.577 du 12 janvier 2022, le salarié n'est plus recevable à le critiquer.

En revanche le salarié est recevable à critiquer les modalités de la mise en oeuvre de cette organisation par l'employeur lorsque les négociations sont en cours sur l'objet relevant de la négociation annuelle obligatoire.

Dans les entreprises où sont constituées une ou plusieurs sections syndicales d'organisations représentatives, l'employeur engage chaque année une négociation sur les matières prévues par le présent chapitre.

Les matières visées par le texte sont notamment la durée du travail.

Dès lors que la négociation mentionnée aux articles L.2242-1 et L. 2242-2 est en cours, l'employeur ne peut, dans les matières traitées, arrêter de décisions unilatérales concernant la collectivité des salariés, sauf si l'urgence le justifie.

Il incombe à l'employeur d'établir qu'il a respecté les dispositions d'ordre public en matière de négociation collective, lui permettant de prendre une décision unilatérale de maintenir l'organisation antérieure par cycles en dehors des périodes de négociation collective.

En l'espèce l'employeur, contrairement à ses allégations, ne justifie pas de procès verbaux de désaccord sur la durée du travail entre 2009 et 2015, en ce que l'objet des procès verbaux dont il se prévaut n'est pas celui intéressant la durée du travail, la répartition et l'aménagement des horaires, ce qui le prive de la faculté de recourir l'année en cause à l'application unilatérale d'une organisation par cycles.

Il ajoute justifier le bien fondé de sa décision par la situation d'urgence prévue par l'article L.2242-4.

Or en dépit de la contrainte pesant sur les établissements d'hospitalisation et de soins d'assurer la continuité de leur mission, une telle obligation ne saurait constituer à elle seule un motif légitime d'urgence, ni le caractériser, le maintien de l'organisation antérieure constituant en l'espèce l'expression d'une organisation habituelle de la clinique, dès lors que l'organisation en cycles a perduré sans changement et sans que la direction n'ait loyalement engagé des discussions sur la durée du travail, la répartition et l'aménagement des horaires, pour chacune des années à compter du 16 avril 2009 jusqu'en 2015, année de signature d'un accord collectif de substitution.

La cour en déduit le défaut de licéité de la décision de maintien de l'organisation antérieure.

Il en résulte que la salariée est fondée à solliciter l'application du droit commun du travail et le payement d'heures supplémentaires pour les heures effectuées au delà de la durée légale du travail.

Sur les montants:

La durée légale de travail effectif des salariés à temps complet définie par l'article L. 3121-27 du code du travail est fixée à trente-cinq heures par semaine.

Toute heure accomplie au-delà de la durée légale hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente est une heure supplémentaire qui ouvre droit à une majoration ou, le cas échéant, à un repos compensateur équivalent. Les heures supplémentaires se décomptent par semaine.

En conséquence sont décomptées comme heures supplémentaires les heures effectuées au delà de la 35ème heure de travail effectif la semaine 2 au cours de la quelle la salariée effectuait 40 heures de travail effectif, avec la majoration à 25% de la 35ème à la 43ème heure et la majoration à 50% au-delà de la 43ème heure.

Il y a lieu à déduction des sommes versées au titre de la majoration dans le cas où la salariée a perçu une telle majoration. Les bulletins de salaire de la salariée ne mentionnant aucune majoration pour heures supplémentaires, le même taux étant affecté à l'ensemble des heures de travail effectif, dans la mesure où l'employeur a rémunéré la salariée sur la base d'un cycle de deux semaines.

En conséquence l'employeur sera condamné à payer à la salariée la somme de 5234,31 euros brut augmentée de 523,43 euros brut au titre de l'incidence des congés payés.

Autres demandes:

Les montants alloués porteront intérêts au taux légal à compter de la date de réception de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation s'agissant des créances ayant la nature de salaire.

En application de l'article 1343-2 du code civil, les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt, conformément à la présente décision de justice.

Par ces motifs:

La cour,

Infirme le jugement en ce qu'il a débouté la salariée de la demande en payement au titre des heures supplémentaires et de l'incidence des congés payés;

Statuant à nouveau de ces chefs et ajoutant,

Condamne la société Clinique [2] à payer à Mme [C] [U] la somme de 5234,31 euros brut au titre des heures supplémentaires et la somme de 523,43 euros brut au titre de l'incidence des congés payés;

Dit que les montants alloués porteront intérêts au taux légal à compter de la date de réception de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation pour les créances ayant la nature de salaire;

Dit que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt;

Ordonne la remise d'un bulletin de salaire modifié en conformité avec la présente décision;

Dit n'y avoir lieu à astreinte;

Condamne la société Clinique [2] aux dépens et à payer à Mme [C], épouse [U] la somme de 1500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-7
Numéro d'arrêt : 22/04038
Date de la décision : 14/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-14;22.04038 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award