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14/04/2023 | FRANCE | N°21/03999

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-7, 14 avril 2023, 21/03999


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-7



ARRÊT AU FOND

DU 14 AVRIL 2023



N°2023/177













Rôle N° RG 21/03999 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHECL







[G] [W]





C/



S.A.R.L. SOCIETE IMMOBILIERE DE LA RCE SEXTIUS I.R.S. DEL



























Copie exécutoire délivrée

le : 14 avril 2023

à :

Me Rebecca SAGHROUN-ARDITTI

SELARL BURLES VINCENT





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARTIGUES en date du 09 Février 2021 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 19/00177.







APPELANT



Monsieur [G] [W], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Rebec...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-7

ARRÊT AU FOND

DU 14 AVRIL 2023

N°2023/177

Rôle N° RG 21/03999 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHECL

[G] [W]

C/

S.A.R.L. SOCIETE IMMOBILIERE DE LA RCE SEXTIUS I.R.S. DEL

Copie exécutoire délivrée

le : 14 avril 2023

à :

Me Rebecca SAGHROUN-ARDITTI

SELARL BURLES VINCENT

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARTIGUES en date du 09 Février 2021 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 19/00177.

APPELANT

Monsieur [G] [W], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Rebecca SAGHROUN-ARDITTI, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

Société FONCIA IRS (anciennement dénommée S.A.R.L. SOCIETE IMMOBILIERE DE LA RCE SEXTIUS I.R.S. DEL), prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié es qualités au siège social sis [Adresse 3]

représentée par Me Vincent BURLES de la SELARL BURLES VINCENT, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Janvier 2023 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Françoise BEL, Président de chambre, et Madame Raphaelle BOVE, Conseiller, chargés du rapport.

Madame Raphaelle BOVE, Conseiller, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Françoise BEL, Président de chambre

Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller

Madame Raphaelle BOVE, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Agnès BAYLE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 Mars 2023, et à cette date qu'il a été prorogé au 14 avril 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 14 avril 2023.

Signé par Madame Françoise BEL, Président de chambre et Mme Agnès BAYLE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Faits, procédure, prétentions et moyens des parties

M. [W] a été embauché par la Société IRS RESIDENCE SEXTIUS (IRS) ci-après désignée « société », en qualité de gestionnaire de copropriété niveau E3, par contrat à durée indéterminé à temps partiel du 19 avril 2010, transformé en contrat à temps plein le 1er septembre 2010.

Par avenant du 2 janvier 2015, le salarié a été promu au statut de cadre niveau C2 et sa rémunération mensuelle portée à 3.000 euros brut.

A compter du 19 avril 2018 et ce jusqu'au 27 juillet 2018, le salarié a été placé en arrêt de travail.

Ayant repris son activité le 30 juillet 2018, il a été à nouveau placé en arrêt de travail ce même jour et ce jusqu'au 10 septembre 2018. Le 13 août 2018, il a repris le travail de manière anticipé avec l'accord de son médecin.

Le 14 août 2018, le salarié a été convoqué à un entretien préalable à licenciement fixé au 23 août 2017 et mis à pied titre conservatoire.

Le 7 septembre 2018, le salarié a été licencié pour faute grave.

Au moment de la rupture du contrat de travail la rémunération du salarié était de 3180 euros, 180 euros de prime d'ancienneté s'ajoutant à son salaire de base.

Le 5 mars 2019, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Martigues au fond, de demandes tant relatives à l'exécution qu'à la rupture de son contrat de travail.

Par jugement du 9 février 2021, ce même conseil a :

- Dit et jugé que le conseil de Martigues est territorialement compétent,

- Dit et jugé que les demandes nouvelles sont additionnelles et recevables,

Dit et jugé que M. [W] n'a pas été victime de harcèlement moral,

Dit et jugé que le licenciement notifié par la société au salarié le 7 septembre 2018 ne repose sur aucune faute grave et par conséquent, requalifié le licenciement de M.[W] en un licenciement pour cause réelle et sérieuse,

Fixé le salaire de référence du salarié à la somme de 3180 euros,

Condamné la société IRS, prise en la personne de son représentant légal en exercice à verser à M.[W] les sommes suivantes :

8.154,80 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement pour cause réelle et sérieuse,

11 291,25 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

1 129,12 euros au titre des congés payés y afférents,

239,74 euros à titre de prime d'ancienneté,

6 267,79 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires,

906,68 euros à titre de remboursement de la période d'arrêt maladie du 30.07 au 12.08,

285,10 euros à titre de remboursement des frais kilométriques du mois d'avril 2018,

55,99 euros à titre de remboursement des frais de téléphonie du mois de septembre,

3 469,09 euros au titre des salaires durant la mise à pied conservatoire,

- Débouté M.[W] de l'ensemble de ses autres demandes et débouté la société de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles,

- Condamné la société à verser à M.[W] la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 17 mars 2021, le salarié a relevé appel du jugement et sollicité sa réformation en ce qu'il l'a débouté d'une partie de ses demandes.

Par dernières conclusions remises au greffe le 23 février 2022, il sollicite de :

- Déclarer recevable et bien fondé son appel en intégralité,

- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré que les demandes nouvelles formées en cours de premières instances étaient additionnelles et condamné la société aux sommes susmentionnées ;

- Réformer le jugement entrepris, en ce qu'il l'a débouté du reste de ses demandes et

Statuant à nouveau,

- Dire que le salarié a fait l'objet d'un harcèlement moral,

- Dire le licenciement nul ou à titre subsidiaire, dépourvu de cause réelle et sérieuse et

- Condamner la Société IRS à lui verser les sommes suivantes :

- 627 euros au titre des congés payés afférents aux heures supplémentaires,

- 347 euros au titre des congés payés afférents au rappel de salaire relatif à la mise à pied conservatoire,

- 30.000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral et manquement à son obligation de prévention,

- 31.800 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul, ou à titre subsidiaire

- 24 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

- 18.000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire,

- 1.786,14 euros à titre de reliquat de la prime de 13ème mois,

- 30.000 euros à titre d'indemnité d'éviction,

- 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner la Société IRS aux entiers dépens,

- Condamner la Société IRS à verser à M. [W] des intérêts de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir avec capitalisation.

A titre liminaire, s'agissant de la recevabilité de l'ensemble de ses demandes, le salarié soutient que si certaines de ses prétentions ont été formées en cours d'instance prud'homale et non dans sa requête introductive, il s'agit de demandes additionnelles se rattachant aux prétentions originaires par un lien suffisant tel qu'accueilli par le conseil des prud'hommes.

S'agissant de l'exécution du contrat, le salarié précise que le conseil n'a pas tenu compte de l'ensemble des éléments qu'il avait produits et a inversé la charge de la preuve en ce qu'il appartenait à l'employeur de démontrer l'absence de harcèlement moral au regard des faits allégués. À ce titre, il expose avoir notamment fait l'objet à compter de 2018 de comportements humiliant répétés, d'une dévalorisation puis d'une privation progressive de ses fonctions, le tout entraînant une altération de son état de santé. Subséquemment, il chiffre son préjudice et sollicite le prononcé de la nullité de son licenciement.

À titre subsidiaire, s'agissant de la demande la requalification de son licenciement pour faute grave en licenciement sans cause réelle et sérieuse , le salarié argue de l'absence de faute grave démontrée par l'employeur. Il précise par ailleurs qu'une partie des faits allégués dans le courrier de licenciement ont eu lieu le jour de sa reprise de travail après arrêt, sans qu'il n'ait fait l'objet d'une visite de reprise. De ce fait, il en déduit en droit que seul pouvait lui être reproché un manquement à son obligation de loyauté ce qu'il ne considère pas caractérisé. Le salarié fait valoir de surcroît que le licenciement serait verbal, et donc non susceptible de régularisation en ce qu'il a été ordonné par une personne étrangère à l'entreprise. Il chiffre par suite les indemnités liées à la mise à pied conservatoire indue, à la rupture du contrat de travail et au reliquat du 13ème mois non accordé du fait de la non prise en compte des trois mois de préavis qu'il aurait dû effectuer.

S'agissant du chiffrage du préjudice lié au licenciement, il précise compte tenu notamment de son âge et du contexte économique de la région, ne pas avoir réussi à trouver de nouvel emploi et avoir de fait été contraint de solliciter sa mise à la retraite. Il indique que cette situation et l'absence de toute indemnité de licenciement l'ont conduit à réduire sensiblement son niveau de vie. A l'appui de sa demande formée au titre du préjudice moral, il accuse également son employeur de ne pas avoir respecté son obligation de sécurité, précisant avoir informé le gérant de la société à plusieurs reprises des comportements humiliants dont il faisait l'objet et de la dégradation de ses conditions de travail et de sa santé.

Le salarié chiffre par ailleurs un préjudice distinct lié aux circonstances vexatoires de son licenciement faisant valoir que celui-ci est intervenu à la suite de la venue d'un huissier de justice pour lui notifier une mise à pied conservatoire, le premier jour de son retour dans l'entreprise après quatre mois d'arrêt pour maladie.

Sur les heures supplémentaires, il indique avoir fourni un décompte suffisamment précis et détaillé, étayé par de nombreuses pièces sans que celui-ci ne soit pertinemment contesté par la société.

Sur le règlement de ses arrêts de travail, le salarié précise ne pas avoir été indemnisé par la CPAM au titre de son second arrêt de travail du fait de la carence de son employeur à transmettre l'attestation sollicitée par cet organisme. Il fait en outre valoir que la société lui a indûment opéré à deux reprises une retenue d'indemnités journalières, de sorte qu'il sollicite la condamnation de la société à les payer.

Sur le versement de la prime d'ancienneté, il argue que celle-ci n'est pas mentionnée sur son bulletin de salaire de septembre 2018 et en calcule le montant pour en solliciter le paiement.

Sur les frais de déplacement au titre du mois d'avril 2018 et de téléphonie au titre de septembre 2018, il produit ses justificatifs et sollicite la confirmation du jugement entrepris.

Le salarié sollicite enfin outre la condamnation de la société aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile, d'assortir le présent arrêt d'intérêts de retard avec capitalisation dès signification tenant compte du retard important de l'employeur à exécuter la décision de première instance.

Par dernières conclusions remises au greffe le 3 janvier 2023, la société sollicite :

- De juger irrecevables les demandes d'indemnité compensatrice de préavis, de congés payés y afférents, de rappel d'arrêt maladie du 30 juillet au 12 août 2018, de remboursement de frais kilométriques, de remboursement de frais de téléphonie, de rappel de salaire sur mise à pied et de rappel de prime de 13ème mois ; 

- D'infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société à :

- 906,68 euros de remboursement de période d'arrêt maladie du 30 juillet au 12 août ;

- 285,10 euros de remboursement des frais kilométriques au titre du mois d'avril 2018 ;

- 55,99 euros de frais de téléphonie au titre du mois de septembre ;

- 239,74 euros de rappel de prime d'ancienneté ;

- De confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de prime de 13ème mois ;

- De confirmer le jugement en ce qu'il a constaté l'absence de harcèlement moral et rejeté la demande de dommages et intérêts y étant liée ;

- D'infirmer le jugement en ce qu'il a requalifié le licenciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse et condamné la société à verser au salarié des indemnités de licenciement, d'indemnité compensatrice de préavis, de congés payés sur préavis et de rappel de salaire sur mise à pied ;

- De condamner le salarié à rembourser les sommes suivantes versées au titre de l'exécution provisoire:

- 8 154,80 euros d'indemnité de licenciement ;

- 11 921,25 euros d'indemnité compensatrice de préavis ;

- 2 906,16 euros de rappel de salaire sur mise à pied.

- D'infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire et d'indemnité d'éviction

- D'infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société à verser 6 267,79 euros d'heures supplémentaires et de condamner le salarié à rembourser cette somme versée au titre de l'exécution provisoire ;

- D'infirmer le jugement et de condamner le salarié à payer à la société 600 euros de remboursement de frais d'huissier ;

- D'infirmer le jugement et de condamner le salarié à payer à la société 692 euros d'indemnités journalières de sécurité sociale versées à tort ;

- D'infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société à 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à titre reconventionnel, de condamner le salarié à 3 000 euros ;

- De rejeter l'intégralité des demandes du salarié ;

- De le condamner aux dépens.

In limine litis, l'employeur demande à ce que soient jugées irrecevables les prétentions formées au titre des demandes d'indemnité compensatrice de préavis, de congés payés y afférents, de rappel d'arrêt maladie du 30 juillet au 12 août, de remboursement de frais kilométriques, de remboursement de frais de téléphonie, de rappel de salaire sur mise à pied et de rappel de prime de 13ème mois les qualifiant contrairement au raisonnement retenu par le conseil des prud'hommes comme des demandes nouvelles et non additionnelles. Consécutivement il sollicite la réformation des condamnations prononcées de ces chefs.

Sur le harcèlement moral, la société fait valoir l'absence d'élément objectif et de preuves mis en avant par le salarié à l'appui de ses dires pour solliciter la confirmation du jugement entrepris. Il précise que le harcèlement moral ne peut être confondu avec le pouvoir de direction et de sanction de l'employeur, que le salarié ne s'est jamais rapproché de l'inspection du travail pour faire part de harcèlement et qu'il ne peut s'en rapporter à la seule production d'arrêts de travail pour justifier sa prétention

Sur la rupture du contrat de travail, l'employeur considère que le conseil a fait une analyse erronée des faits lui étant rapportés. Il maintient que la faute grave lui semble caractérisée par l'insubordination du salarié, le dénigrement envers sa hiérarchie, ses attitudes violentes, le non-respect de son obligation de loyauté en refusant de communiquer les codes d'accès à sa messagerie professionnelle, sa volonté de bloquer le fonctionnement de l'entreprise en modifiant le mot de passe de cette même messagerie et en ne respectant pas l'interdiction de travailler pendant un arrêt de travail, faits rapportés dans la lettre de licenciement.

S'agissant du moyen soulevé par l'appelant d'un licenciement verbal et donc irrégulier, la société le conteste en indiquant que M. [S] n'a pas procédé à un licenciement verbal et qu'en qualité de supérieur hiérarchique, étant directeur d'une holding, unique associée de la société intimée, il avait bien qualité pour agir et prononcer la mise à pied conservatoire.

L'employeur conteste tout préjudice du salarié lié au licenciement ou à ses circonstances, précisant que M. [W] a fait valoir ses droits à la retraite et qu'il n'est pas fondé à solliciter d'indemnité d'éviction ou au titre d'un licenciement vexatoire. Il s'en remet au surplus à l'application du barème fixé par la loi.

Sur les heures supplémentaires, la société indique les avoir toutes réglées et conteste la validité des décomptes produits à l'instance par le salarié en soulevant que ceux-ci ne sont pas effectués à la semaine.

Sur la contestation soulevée au titre du paiement du complément d'arrêt maladie, l'employeur précise avoir fourni les attestations de salaire requises à la CPAM. Il reproche a contrario au salarié de ne pas lui avoir communiqué le montant de ses indemnités journalières de sécurité sociale et des calculs erronés.

S'agissant du remboursement des notes de frais sollicitées pour frais kilométriques et de téléphonie, l'employeur demande l'infirmation du jugement invoquant les avoir déjà réglées.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, il y a lieu de se référer au jugement entrepris et aux conclusions déposées.

Motifs

Sur la recevabilité des demandes nouvelles 

Aux termes de l'article 70 du code de procédure civile, les demandes reconventionnelles ou additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.

En l'espèce le demandeur a saisi le conseil d'une demande initiale portant sur le payement d' heures supplémentaires, de dommages et intérêts pour licenciement abusif, licenciement vexatoire, dommages et intérêts pour harcèlement moral, d'une indemnité légale de licenciement, une indemnité d'éviction. L'objet de la demande est l'indemnisation du licenciement que le salarié estime avoir été injustement prononcé.

Les demandes additionnelles en payement de frais kilométriques, de frais de téléphonie ou de remboursements de période d'arrêt maladie, aux termes desquelles le demandeur modifie ses prétentions initiales, ne se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant sont déclarées irrecevables.

Lles prétentions formulées au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents, de salaires durant la mise à pied et de prime de 13ème mois se rattachant au licenciement par un lien suffisant seront jugées recevables.

Le jugement est infirmé en ce qu'il a déclaré recevables les demandes en payement de frais kilométriques, de frais de téléphonie ou de remboursements de période d'arrêt maladie.

Sur l'exécution du contrat de travail

Sur le harcèlement moral

L'article L. 1152-1 du code du travail prévoit qu'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L'article L.1154-1 du même code précise que lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L.1152-3 et L.1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement, qu'au vu de ces éléments, pris dans leur ensemble, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement et que le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Il résulte de ces dispositions que pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l'espèce, le salarié expose sur la période antérieure à son premier arrêt de travail débuté en avril 2018, qu'après plusieurs années à jouir d'une importante autonomie dans son travail, il aurait été soumis à compter de 2017 au pouvoir hiérarchique de Mme [L] qui :

- n'aurait eu de cesse de dénigrer son travail et les initiatives qu'il prenait pour le soumettre in fine aux ordres de M. [S], directeur de copropriété de la société Cogefim,

- aurait adopté avec lui une attitude méprisante,

- lui aurait confié des tâches subalternes à exécuter,

- aurait communiqué avec lui à des heures très matinales ou tardives, sans tenir compte de son emploi du temps déjà chargé.

Or, si les arrêts de travail du 9 mai, 1er juin et 30 juillet 2018 font mention respectivement d'un 'brun out professionnel', d'un 'syndrome anxieux-dépressif' et d'un 'syndrome anxieux'que le salarié estime lié à ses conditions de travail, les faits que le salarié impute à Mme [L] et M.[S] ne sont pas établis par les pièces produites ce qui ne permet pas de présumer l'existence d'un harcèlement moral.

S'agissant de la période antérieure au premier arrêt de travail intervenu le 19 avril 2018, s'il ressort bien des échanges écrits communiqués par les parties que M. [W] a été placé par l'employeur sous l'autorité de Mme [L], aucun des éléments produits ne démontre que cette nouvelle organisation l'aurait dépossédé d'une partie de ses attributions antérieures. Il en est de même des échanges intervenus avec M. [S], le salarié n'étant pas fondé à critiquer l'organisation de l'entreprise qui relève du pouvoir de direction de l'employeur, lequel avait également placé le salarié sous l'autorité de M. [S]. La matérialité du fait de rétrogradation n'est pas établie.

Il ne ressort pas davantage des échanges produits, qu'ont été tenus à l'endroit du salarié des propos méprisants ou des communications à des heures matinales ou tardives nécessitant une réponse immédiate. Les termes 'Bonjour [W]' 'tu me boudes' relevés par l'appelant de la part de Mme [L] comme méprisants dans un échange de SMS le 22 mars 2018 , outre qu'il est isolé, s'inscrivent dans un style de communication familier et cordial partagé jusqu'alors entre les intéressés qui exclut le caractère méprisant qui lui est imputé. De même le simple constat du fait qu'il ait été demandé au salarié d'emmener des parapheurs à [Localité 2] à la signature de son employeur, sans plus de précision sur le caractère inadéquat, humiliant ou dénigrant de cette tâche au regard de ses fonctions et de ce qu'il pouvait faire par ailleurs à l'occasion de ces déplacements, ne peut être qualifié de harcelant.

Il ressort des pièces de l'appelant que l'information qu'il a donnée à son employeur porte sur l'importance de sa charge de travail, de son investissement et sa déception face ce qu'il considère comme une absence de reconnaissance de sa hiérarchie. Ainsi dans un mail du 22 mars 2018 à 13h22 M. [W] indique à son employeur 'Mais bien que tu ne sois pas à l'origine immédiate de cet état de fait, cela fait quatre longues années que je 'rame' sans avantage quelconque'. Dans ce même échange, il ne met pas en cause un quelconque comportement harcelant de Mme [L] mais évoque les retours irrespectueux qu'elle lui aurait fait ce même jour, parlant de 'chantage' s'agissant de ses demandes relatives à la récupération de ses heures supplémentaires, terme employé dans un échange écrit qui ne lui était pas destiné et ne peut être qualifié d'harcelant.

S'agissant de la période postérieure au 19 avril 2018, M. [W] explique que les faits de harcèlement auraient perduré et seraient caractérisés par les faits suivants :

-lui avoir par deux fois fait délivrer des sommations interpellatives par huissier afin d'obtenir le mot de passe de sa boîte mail professionnelle alors même qu'il ne s'était pas opposé à la remise de ce code,

-lui avoir réduit ses tâches de travail,

- l'avoir fait remplacer au sein de l'agence par une autre salariée et l'avoir privé de l'accès à sa boîte mail,

-lui avoir refusé de manière fallacieuse le remboursement de notes de frais.

Si l'existence de sommations interpellatives et d'une demande de justification de remboursement de note de frais est matériellement démontrée, l'employeur justifie dans ses écritures en quoi ces actes ont été justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

S'agissant en effet de la réduction de tâches alléguée par l'appelant et de son remplacement, faits contestés par l'employeur, la seule lecture du compte-rendu d'entretien du 23 août 2018 et de la lettre de notification de licenciement pour faute grave du 7 septembre 2018 versé par le salarié au soutien de la prétention, ne permettent pas de l'établir matériellement.

Après trois mois d'absence, la société était fondée à avoir organisé le remplacement temporaire du salarié et à utiliser sa boîte professionnelle, celle-ci étant alors, sans contestation des parties à ce titre, le canal principal de communication de l'agence avec ses clients.

Concernant enfin le reproche qui est fait à l'employeur de ne pas avoir diligenté d'enquête interne suite aux signalements effectués par le salarié, il convient de relever que celui-ci ne dénonce nullement dans ses échanges écrits des faits de harcèlement ou des actes pouvant les présupposer. Ainsi dans un mail du 2 juillet 2018 il précise 'Courant mars, j'ai sollicité une mise en adéquation de mon statut, notamment l'intitulé de mon emploi avec mes nouvelles responsabilités, ainsi qu'une augmentation de salaire que je pensais justifiée par les missions confiées. Je me suis peut-être emporté à tort dans nos échanges, mais j'ai été blessé, notamment par le fait que l'on parle de chantage me concernant alors que loin de moi cette idée. Je cherchais simplement à mettre en avant mon implication (...) Aujourd'hui, je souhaite que nous puissions retrouver un climat relationnel serein et apaisé et je tiens à t'exprimer mon attachement à cette entreprise (...). J'espère que nous pourrons discuter de tout cela à ma reprise et que nous laisserons ces tensions loin derrière nous'.

De même dans un mail du 3 juillet 2018 à 22h20 toujours envoyé au gérant, le salarié fait tout au plus état du constat suivant 'Je comprends du contenu de ton mail que tu entends que les discussions que je souhaite avoir concernant ma situation soient menées avec madame [L] et Monsieur [S]. Tu n'ignores pas que mes relations avec les intéressés étaient devenues très difficiles avant mon arrêt. Madame [L] outre qu'elle m'a accusé de chantage, ce qui m'a fortement blessé, ayant été jusqu'à me menacer de licenciement pour faute lors de sa venue au bureau des 17 et 18 avril dernier (...)'. Aucun fait précis concernant M.[S] n'est allégué et s'agissant de Mme [L], exception faite du quiproquo relatif à l'envoi du mail contenant le terme 'chantage', seule une menace de licenciement non détaillée est rapportée sans autre précision.

Il n'est pas davantage question de harcèlement dans les deux correspondances envoyées par la suite, par le conseil de l'appelant les 9 et 31 juillet 2018 mais de contestations sur les conditions de son retour, lesquelles sont contestées par les représentants de l'employeur et dans les faits, non étayées par l'appelant.

Ainsi, en l'absence de tout signalement à l'employeur de possibles faits de harcèlement, il ne peut lui être fait grief de ne pas avoir diligenté d'enquête interne de ce chef.

Il résulte de ce qui précède que, soit les faits allégués ne sont pas matériellement établis, soit que les faits matériellement établis mais pris dans leur ensemble, ne permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail.

Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

Sur les heures supplémentaires 

Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

Le salarié peut prétendre au paiement des heures supplémentaires accomplies, soit avec l'accord au moins implicite de l'employeur, soit s'il est établi que la réalisation de telles heures a été rendue nécessaire par les tâches qui lui ont été confiées.

En l'espèce et tel qu'il ressort de l'analyse des bulletins de paie produits pour l'année 2018, l'appelant était rémunéré sur une base de 151,670 heures de travail par mois. Or, le salarié produit un décompte précis et journalier des heures supplémentaires qu'il aurait effectuées sur la période du 16 novembre 2016 au 18 avril 2018. Ces décomptes, notamment étayés par de nombreux procès-verbaux d'assemblées générales et compte rendus, constituent des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies permettant à l'employeur d'y répondre utilement.

Or ces éléments ne sont pas contredits utilement par l'employeur, lequel se borne à conclure que ces heures ont été réglées sans toutefois apporter la preuve de leur payement.

Le jugement est confirmé du chef de la condamnation au payement des heures supplémentaires et la société intimée sera condamnée à verser au salarié la somme de 627 euros au titre des congés payés afférents aux heures supplémentaires.

Sur la rupture du contrat de travail 

Sur la qualification du licenciement

Aux termes de l'article L. 1235-1 du code du travail, il appartient au juge d'apprécier le caractère réel et sérieux des griefs invoqués et de former sa conviction au vu des éléments fournis pas les

La faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. La charge de la preuve de la gravité de la faute privative des indemnités de préavis et de licenciement incombe à l'employeur.

En l'espèce selon la lettre de licenciement du 7 septembre 2018, qui fixe l'objet du litige, la société reproche à M. [W] les faits et agissements suivants:

- insubordination,

- dénigrement envers sa hiérarchie,

- attitudes violentes envers sa hiérarchie ainsi que ses collaborateurs,

- non respect de son obligation de loyauté en refusant de communiquer les codes d'accès à sa messagerie professionnelle,

- volonté de bloquer le fonctionnement de l'entreprise en modifiant à distance et sur site lors de sa reprise le mot de passe de cette même messagerie,

- non-respect de l'interdiction qui lui était faite de travailler pendant son arrêt de travail.

Sur les faits d'insubordination et de dénigrement envers sa hiérarchie, ceux-ci ressortent :

-des déclarations mêmes du salarié relevées par procès-verbal de constat d'huissier le 13 août 2018 'Monsieur [G] [W] déclare ne pas reconnaitre la légitimité ni l'autorité de monsieur [S], ni de madame [L] comme membre de la direction, précisant qu'il ne reconnait que monsieur [E]'.

- des attestations produites par Mme [L] et M. [S] qui corroborent les propos rapportés ci-avant en indiquant respectivement s'agissant de leur entretien du 30/07/2018 'Lorsque nous avons souhaité faire un point de reprise avec Monsieur [W], dans un but de bon suivi des dossiers, ce dernier a refusé en invoquant le fait qu'il connaissait parfaitement son travail. Monsieur [W] est alors devenu menaçant en invoquant le fait qu'ils ne reconnaissait pas nos fonctions de supérieurs hiérarchiques', puis du 13/08/2018 'le 13/08/2018, Mr [W] a repris son poste de façon anticipée et je lui ai demandé de me rendre compte du travail effectué sur plusieurs copropriétés. Ce dernier n'a pas voulu me rendre compte et m'a répondu 'je n'ai pas à vous répondre ni à vous, ni à Mme [L] car vous n'êtes rien' en hurlant'.

Lors de ces deux reprises de travail le 30 juillet 2018 puis le 13 août 2018, le salarié a refusé de répondre aux demandes qui lui étaient faites par les personnes désignées par son employeur comme ses supérieurs hiérarchiques, se montrant agressif.

L'appelant lors de sa première reprise a quitté de son chef son lieu de travail comme en atteste un mai envoyé par son employeur le 2 juillet 2018 à 10h41, non contesté : '[G], bonjour, je te souhaites d'aller mieux ; la discussion sera reprise là ou tu l'as interrompu et avec les collaborateurs qui n'ont pas pu la poursuivre avec toi. Bien à toi'.

Lors de sa seconde reprise en août, il a refusé de quitter les locaux suite à la mise à pied à titre conservatoire qui lui a été notifiée verbalement pas M.[S], de sorte que ce dernier a dû faire appel à un huissier.

Les moyens soulevés quant au statut et au rattachement juridique de Mme [L] et M. [S] sont inopérants comme discuté supra. Il est établi par les productions des parties que toutes deux personnes tenaient leur autorité de l'employeur.

Il en est de même du moyen soulevé s'agissant de l'absence d'organisation d'une visite de reprise en juillet 2018. Compte tenu du départ précipité du salarié, placé à nouveau en arrêt de travail, l'employeur n'a pu organiser cette visite dans les huit jours de son retour, tel que la loi en dispose.

L'appelant ne peut davantage justifier son comportement d'opposition du 13 août 2018 en faisant valoir que les propos tenus par M.[S] constituaient de fait un licenciement verbal qui ne pouvait juridiquement être prononcé que par l'employeur. Il s'agissait en l'espèce d'une mise à pied conservatoire, à effet immédiat, que l'intéressé était légitime à notifier au salarié, sur consigne de son employeur, dans le contexte, établi, de dénigrement de son supérieur hiérarchique et du refus d'exécuter des directives.

Il ressort clairement de ces éléments, qu'à compter du 30 juillet 2018 le salarié a refusé de se placer sous l'autorité des personnes pour autant désignées par le gérant de l'entreprise comme légitimes pour superviser et contrôler son travail.

Il peut être relevé au surplus, que le salarié avait commencé à adopter un tel comportement les mois précédents ainsi que cela ressort :

-des propos tenus à l'encontre de Mme [L] dans un SMS du 22 mars 2018 à 21h44 envoyé au gérant de la société 'Je suis certain que tant que ta directrice générale restera au sein du groupe IRS, nous ferons de la merde. J'en ai eu la preuve encore cet après midi. (...) Et ce n'est pas une interprétation malsaine. Je ne tiens plu (suite de la conversation non retranscrite).

- de ses écrits à compter du 22 mars 2018 dans lesquels il ne cesse d'exiger des contacts directs avec le gérant de la société sans passer par l'intermédiaire de Mme [L] ou de M.[S], sans que cette demande ne soit justifiée par un quelconque comportement fautif des deux intéressés tel que vu supra et alors même que le gérant lui rappelle qu'ils sont ses interlocuteurs. Ces rappels ont notamment été faits :

-par SMS du 22 mars 2018 à 22h03 'Lu. Appel moi demain. On règle pas l'organisation d'un cabinet par sms. Fait toi plutôt à l'idée de laver ton linge salle avec elle car comme je te l'ai écrit je ne changerai rien du projet et je ne mettrai personne sur l'échafau sur une situation que je comprends toujours pas.(...)'

-par SMS du 26 avril 2018 à 11h08, alors que le salarié est en arrêt de travail '(...) Sur la situation actuelle tu imposes ta façon de parler, tu ignores les gens avec qui tu doits travailler. Ce n'est pas toi qui fixe les règles puisque j'apprends qu'en 8 ans tu n'(...)', la suite du message n'ayant pas été retranscrite.

-par SMS du 4 mai 2018 à 14h03 : 'Tu es bloquant et tu penses que le chantage est possible'.

Sur les faits relatifs à l'absence de communication des codes d'accès à sa messagerie professionnelle et à la modification par la suite de ces mêmes codes :

Ces faits sont matériellement démontrés par les pièces produites tant par l'employeur que par le salarié.

Malgré les demandes répétées de la société ;

-par SMS du gérant du 26 avril 2018 à 10h30, à 11h08, à 11h30, du 4 mai 2018 à 13h51, à14h03

-par SMS de Mme [L] du 24 avril 2018 à 11h21, du 25 avril 2018 à 14h02

-par courrier avec accusé de réception du 26 avril 2018 et enfin

-par sommation interpellative d'huissier du 4 mai 2018

le salarié n'a pas communiqué spontanément ses codes d'accès et ce avant le 4 mai 2018. Or et contrairement à ce qu'il allègue, l'appelant n'était pas fondé à exiger de communiquer directement avec le gérant de la société pour transmettre ce mot de passe, cette exigence s'apparentant à une forme de chantage alors même que cette transmission était une obligation. Ce chantage ressort clairement de l'échange de SMS tenus entre l'appelant et Mme [L] le 25 avril 2018. Alors que cette dernière lui indiquait 'Bonjour [G]. Ne pas avoir les accès à ton ordinateur nous portent un préjudice considérable car nous ne pouvons poursuivre la gestion des copropriétés (...)', le salarié répondait 'Bonjour [D]. Ne pas être reçu en privé par le gérant d'IRS me pose un plus extrême préjudice (...)'. Dans cet échange, l'appelant ne met aucunement en avant le fait que son préjudice, alors inexistant, pourrait porter sur le fait que des tiers aient accès à des données personnelles de sa boîte mail professionnelle mais bien sur le fait qu'il souhaite voir le gérant et que cette demande n'ait pas été acceptée.

Il est donc établi que l'appelant a pendant plusieurs jours bloqué volontairement le fonctionnement de la société.

Ce comportement a été réitéré lors de la reprise de fonction du 13 août 2018 le salarié modifiant unilatéralement le code d'accès à sa boîte professionnelle alors qu'il était dans l'attente d'une réponse de son employeur sur sa demande. Il a ensuite refusé de communiquer le code d'accès qu'il avait modifié, selon constat dressé par huissier le 13 août, persistant dans son refus lors de la sommation interpellative du 30 août suivant. En refusant cette communication en tout état de cause, le salarié a refusé de se conformer aux directives de son employeur , et contribué à bloquer le fonctionnement normal de la société.

L'ensemble des faits précités suvenus antérieurement aux faits fautifs sanctionnés, peuvent utilement venir au soutien du licenciement prononcé.

En conséquence et sans qu'il n'y ait de nécessité d'analyser les autres faits allégués, il y a lieu de considérer que le salarié a commis plusieurs violations des obligations découlant de son contrat de travail d'une importance telle qu'elles ont rendu impossible le maintien de l'intéressé dans l'entreprise. Le licenciement pour faute grave est donc fondé et le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.

Le salarié est débouté des demandes d' indemnité légale de licenciement, indemnité compensatrice de préavis, indemnité compensatrice de congés payés sur préavis, prime d'ancienneté.

Sur la demande de dommages et intérêts liée au caractère vexatoire du licenciement

Il est de principe que le licenciement peut causer au salarié en raison des circonstances vexatoires qui l'ont accompagné un préjudice distinct de celui résultant de la perte de son emploi et dont il est fondé à demander réparation.

En l'espèce, au regard des faits d'insubordination ci-avant rappelés à l'encontre de Mme [L] et de M.[S] ayant notamment conduit à ce que le salarié reste dans les locaux de la société suite à la mise à pied conservatoire qui lui avait été notifiée, de la nouvelle modification de mot de passe qu'il avait opérée sur sa messagerie professionnelle et des difficultés précédemment rencontrées pour obtenir à nouveau l'accès à cette boîte mail, l'employeur était fondé à faire appel à un huissier pour demander notamment au salarié de quitter les lieux et rendre ses effets professionnels. Cet acte étant par nature légitime, il n'y a lieu (à analyser) d'examiner son caractère prétendument vexatoire.

Sur le surplus des demandes

Les frais d'huissier engagés par l'employeur s'analysant comme des frais inhérents au fonctionnement de l'entreprise et à la mise en oeuvre notamment de la procédure de mise à pied du salarié, et non des dépens ou des frais irrépétibles, sont inhérents à la fonction exercée par l'employeur. La demande est rejetée.

S'agissant de la demande de remboursement des sommes versées au salarié en exécution du jugement, l'obligation de rembourser résultant de plein droit de la réformation de la décision entreprise, la demande de condamnation à rembourser est rejetée.

Il n'apparaît pas inéquitable de confirmer la décision prise par le conseil des prud'homme au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens, de débouter les parties de leurs demandes au titre des frais irrépétibles et de laisser à la charge du salarié succombant pour la plupart des demandes en cause d'appel , la charge des dépens d'appel.

Par ces motifs,

La cour,

Infirme le jugement en ce qu'il a :

-jugé l'ensemble des demandes additionnelles formées par le salarié recevables ;

-jugé que le licenciement notifié par la société IRS à M. [W] le 7 septembre 2018 ne reposait pas sur une faute grave et l'a requalifié en licenciement pour cause réelle et sérieuse ;

-condamné la société IRS, prise en la personne de son représentant légal en exercice, à verser à M. [W] les sommes suivantes:

-8.154,80 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement pour cause réelle et sérieuse;

-11.291,25 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 1.129,12 euros au titre des congés payés afférents ;

-239,74 euros à titre de prime d'ancienneté;

-906,68 euros à titre de remboursement de la période d'arrêt maladie du 30.07 au 12.08.2018;

-285,10 euros à titre de remboursement des frais kilométriques du mois d'avril 2018,

-55,99 euros à titre de remboursement des frais de téléphonie du mois de septembre,

- 3 469,09 euros au titre des salaires durant la mise à pied conservatoire,

le confirme pour le surplus,

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Déclare irrecevables les demandes formées au titre du remboursement de frais kilométriques, de frais de téléphonie et de remboursements de période d'arrêt maladie ;

Juge fondé le licenciement pour faute grave ;

Déboute M. [W] des demandes afférentes au licenciement;

Condamne la société IRS à verser à M. [W] la somme de 627 euros au titre des congés payés afférents aux heures supplémentaires ;

Déboute M. [W] de l'ensemble de ses autres demandes ;

Déboute la société IRS de ses demandes au titre des frais d'huissier et de ses frais irrépetibles;

Condamne M. [W] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-7
Numéro d'arrêt : 21/03999
Date de la décision : 14/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-14;21.03999 ?
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