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14/04/2023 | FRANCE | N°21/03896

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-7, 14 avril 2023, 21/03896


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-7



ARRÊT AU FOND

DU 14 AVRIL 2023



N° 2023/ 176













Rôle N° RG 21/03896 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHDTR







[I] [G]





C/



Société PANASONIC MARKETING EUROPE GMBH

























Copie exécutoire délivrée

le : 14/04/2023

à :



Me Lucile NAUDON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVEN

CE



Me Karen AZRAN de la SCP SCP A & A, avocat au barreau de PARIS





















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AIX EN PROVENCE en date du 16 Février 2021 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 17/00907.





APPE...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-7

ARRÊT AU FOND

DU 14 AVRIL 2023

N° 2023/ 176

Rôle N° RG 21/03896 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHDTR

[I] [G]

C/

Société PANASONIC MARKETING EUROPE GMBH

Copie exécutoire délivrée

le : 14/04/2023

à :

Me Lucile NAUDON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Me Karen AZRAN de la SCP SCP A & A, avocat au barreau de PARIS

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AIX EN PROVENCE en date du 16 Février 2021 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 17/00907.

APPELANTS

Madame [I] [G], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Lucile NAUDON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

Société PANASONIC MARKETING EUROPE GMBH La Société PANASONIC MARKETING EUROPE GmbH, société de droit étranger, dont le siège social est situé [Adresse 3] (ALLEMAGNE), dont l'établissement français, immatriculé au RCS de NANTERRE sous le numéro 445 283 757 portant le nom commercial Panasonic France Succursale de Panasonic Marketing Europe GmbH, est situé au [Adresse 1], agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège., demeurant [Adresse 3] / ALLEMAGNE

représentée par Me Karen AZRAN de la SCP SCP A & A, avocat au barreau de PARIS substituée par Me Alice DINAHET, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Février 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Françoise BEL, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des demandes des parties dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Françoise BEL, Président de chambre

Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller

Madame Raphaelle BOVE, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Suzie BRETER.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 14 Avril 2023.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 14 Avril 2023

Signé par Madame Françoise BEL, Président de chambre et Mme Agnès BAYLE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Faits, procédure, prétentions et moyens des parties:

Mme [I] [G] a été engagée par la société Panasonic France en contrat à durée indéterminée à compter du 12 mai 2014 en qualité d'ingénieur commercial, statut cadre, coefficient C15, selon un forfait annuel de 214 jours travaillés.

Au dernier état de la relation contractuelle, elle percevait une rémunération de 41 800 euros versée sur 13 mois outre une rémunération variable et divers avantages.

La convention collective applicable est celle des entreprises de commission, de courtage et de commerce intracommunautaire et d'importation exportation de France métropolitaine.

La salariée a été convoquée par courrier recommandé du 25 août 2017 à un entretien préalable à son éventuel licenciement, et licenciée par lettre recommandée avec accusé réception du 28 septembre 2017 pour des motifs d'insuffisance professionnelle et réalisation de dépenses personnelles injustifiées avec la carte Total mise à sa disposition par l'entreprise pour les besoins de son activité. Elle a étédispensée d'exécuter son préavis d'une durée de trois mois.

Invoquant le caractère dépourvu de cause réelle et sérieuse de son licenciement, la salariée a saisi le 6 décembre 2017 le conseil de prud'hommes d'Aix-en-Provence de demandes indemnitaires liées à la rupture et à l'exécution de son contrat de travail.

Par jugement en date du 16 février 2021, le conseil a débouté la salariée de l'ensemble de ses demandes et l'a condamnée aux dépens.

Relevant appel par déclaration en date du 15 mars 2021 des chefs du jugement la déboutant de ses demandes et la condamnant aux dépens, la salariée, par conclusions remises au greffe et notifiées le 14 juin 2021, demande à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il :

- 1er chef critiqué : dit et jugé que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse;

- 2ème chef critiqué : l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions;

- 3ème chef critiqué : l'a condamnée aux entiers dépens;

et, statuant à nouveau :

- condamner la société à lui verser les sommes suivantes :

- 19 341,70 euros au titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

- 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement de la société à son obligation d'exécuter de bonne foi le contrat de travail,

- 4 000 euros au titre de l'article 700 en couverture des frais de première instance et d'instance d'appel,

- condamné la société aux dépens de première instance et d'instance d'appel dont distraction au profit de Maître Lucile Naudon Lachcar.

La salariée conteste les griefs invoqués pour prononcer son licenciement, en ce qu'ils ne reposent pas sur une cause objective, réelle et sérieuse, les faits invoqués devant être établis et constituer la véritable cause du licenciement, versant des éléments qui, selon elle les contredisent.

Elle soutient, s'agissant de l'obligation d'exécuter le contrat de travail de bonne foi, s'être vu(e) attribuer d'autorité un secteur géographique plus étendu et de nouvelles tâches sans évaluation de sa charge de travail ni allocation de moyens supplémentaires pour les mener à bien.

Par conclusions déposées et notifiées le 18 janvier 2023, l'employeur demande à la cour de:

- confirmer le jugement,

en conséquence,

- débouter Mme [G] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- la condamner aux entiers dépens et à lui régler à la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société intimée reprend de manière détaillée chacun des griefs fondant le licenciement dont elle estime qu'elle en rapporte la preuve et conteste toute exécution fautive du contrat de travail s'expliquant sur chacun des manquements soulevés par l'appelante.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties il est fait expressément référence au jugement entrepris et aux conclusions des parties sus-visées.

Motifs

Sur le licenciement

Aux termes des dispositions de l'article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

La lettre de licenciement fixe les limites des débats. Doivent être examinés tous les griefs qui y sont énoncés, lesquels doivent être suffisamment précis, objectifs et matériellement vérifiables.

Dans la lettre du 28 septembre 2017, les motifs du licenciement s'énoncent en ces termes :

'-insuffisance professionnelle se traduisant par des résultats très insuffisants par rapport notamment à ceux des autres commerciaux et à vos objectifs et s'expliquant par votre manque d'implication et de sérieux dans l'exercice de vos fonctions, et le non-respect total et répété des directives,

-réalisation de dépenses personnelles injustifiées avec la carte TOTAL mise à votre disposition par notre entreprise pour les besoins de votre activité, ce qui contrevient gravement aux règles de l'entreprise.'

La société détaille par la suite, de manière très circonstanciée, les éléments constitutifs de chacun des comportements rapportés de sorte qu'en énonçant de tels griefs, suffisamment précis, objectifs et matériellement vérifiables, l'employeur satisfait à l'exigence de motivation de la lettre de licenciement.

Sur le premier grief, il y a lieu de rappeler que l'insuffisance professionnelle se définit comme l'incapacité objective et durable d'un salarié à exécuter de façon satisfaisante un emploi correspondant à sa qualification. Elle se caractérise par une mauvaise qualité du travail due soit à une incompétence professionnelle, soit à une inadaptation à l'emploi. Elle ne peut donc, en principe, présenter un caractère fautif. Néanmoins, lorsqu'elle procède d'une abstention volontaire ou d'une mauvaise volonté délibérée, l'insuffisance professionnelle est constitutive d'une faute disciplinaire.

S'agissant des résultats commerciaux très insuffisants de la salariée, la société démontre par les pièces produites au dossier et notamment les évaluations individuelles réalisées au titre de l'exercice 2016/2017 et pour l'exercice engagé d'avril à août 2017 que la salariée n'a atteint ses objectifs qu'un peu plus de moitié, ces résultats illustrant une contre-performance importante en regard des résultats réalisés par son département.

Bien que contesté par l'appelante, ces éléments attestent également du fait qu'elle n'ait formulé aucune observation ou contre-proposition sur la fixation de ces objectifs qu'elle a accepté de signer informatiquement le 20 juin 2016 s'agissant de l'exercice 2016/2017 et le 31 mai 2017 pour l'exercice 2017/2018, alors même qu'au cours du processus d'évaluation il lui était loisible à plusieurs reprises d'en formuler par écrit sur l'interface d'évaluation et de suivi sans qu'il soit nécessaire de solliciter un entretien avec son supérieur pour ce faire.

Au regard de son ancienneté au sein de l'entreprise, près de deux ans au début de l'exercice 2016 et des informations diffusées par l'employeur sur l'utilisation des logiciels DIALOGUE (utilisé de manière habituelle par les commerciaux) et ENGAGE, la salariée ne peut prétendre ne pas avoir su comment remplir ses outils, ayant fait l'objet de plusieurs relances à ce titre de son supérieur hiérarchique dont le 15 mai 2017 et ne justifiant par la production d'aucun écrit du fait qu'elle n'aurait pas réussi à se servir de ces interfaces et aurait demandé de l'aide à ce sujet.

La cour relève au surplus que les pièces produites par l'appelante s'agissant des dossiers qu'elle aurait facturés et qui n'auraient pas été comptabilisés, ou des prospects qu'elle aurait démarchés et pour lesquels son supérieur hiérarchique n'aurait pas donné suite, à défaut de précisions suffisantes ou en raison d'un doute sur l'imputabilité même de ces opérations à son compte, sont inopérantes à remettre en cause les chiffres produits par la société.

Il en est de même concernant le moyen développé quant au paiement en intégralité de sa prime sur objectif, la preuve n'en étant pas rapportée, les conclusions ne précisant pas l'exercice visé et la société démontrant en tout état de cause, pour les exercices objets du litige sur 2016-2017 que 50% des primes sur objectifs pouvant lui être octroyées dépendaient alors des résultats réalisés collectivement par son département lequel avait, en ce qui le concerne, amplement réalisé les objectifs qui lui avaient été assignés.

S'agissant du manque d'implication et de sérieux de la salariée dans le cadre de sa mission de prospection commerciale, le grief est démontré par la production par l'employeur des évaluations de l'appelante, de son absence de retour concernant la réalisation d'un plan d'actions de développement commercial sollicité par sa hiérarchie à plusieurs reprises dès mai 2016, des nombreux mails de rappels mais également des conseils qui non pas été suivis, adressés par son responsable en raison de l'insuffisance de son activité, d'un nombre de visites clients/prospects insuffisant et de ses retours (mails du 30 septembre 2016, 7/10 octobre 2016, 16 novembre 2016, 30 mars 2017, 21 avril 2017), mais aussi des reportings réalisés par la salariée elle-même sur ses visites et leur contenu, lesquels apparaissent comme irréguliers sans justification légitime et pour certains incomplets. Ce manque d'implication est également illustré à titre d'exemple par la relance faite par l'appelante à son supérieur dans le but de se voir communiquer des supports de présentation élaborés par les services marketing aux fins notamment d'harmoniser et de mettre à jour les argumentaires devant être développés par la force de vente, et ce plusieurs mois après leur communication initiale.

Le manque d'implication et de sérieux de la salariée est enfin également démontré par l'employeur s'agissant de la préparation des réunions mensuelles dites 'PSI' et de la mise à jour régulière devant être faite du logiciel Salesforce, celui-ci exposant, écrits à l'appui (mails de relance du 30 septembre, 27 et 28 octobre 2016, 30 mars 2017 et extractions du logiciel Salesforce) au moins deux situations importantes dans lesquelles l'appelante n'aurait pas fait de mise à jour de ce logiciel, l'attestation produite par la salariée trop générale et non circonstanciée s'agissant des attributions de la personne l'ayant réalisée et de son rôle voire de sa capacité à pouvoir mettre à jour ou tout simplement consulter le logiciel précité étant inopérante.

L'ensemble des éléments susvisés suffisent à établir la matérialité du premier grief invoqué et à démontrer l'insuffisance professionnelle de la salariée.

Sur le second grief, la société rapporte par la production de relevés comptables que la salariée a effectué plusieurs dépenses de carburant ou de péages en utilisant sa carte au cours de ses périodes de congés. Sans contester la réalité de ces dépenses, la salariée allègue qu'il s'agissait de dépenses faites à titre professionnel en exposant pour chacun des frais litigieux les circonstances de l'espèce, sans pour autant en justifier par des éléments probants, et contrairement à la note interne RH 05.01 énonçant que la carte Total est à usage exclusivement professionnel , ce qui exclut notamment les périodes de congés ou de RTT.

En conséquence, l'appelante ne venant pas utilement contredire en cause d'appel les motifs pertinents du conseil jugeant que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse, il convient de confirmer le jugement entrepris.

Sur la demande de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail

L'article L. 1222-1 du code du travail dispose que le contrat de travail est exécuté de bonne foi.

Les pièces produites par la salariée au soutien de ses prétentions sont insuffisantes à elles seules à démontrer qu'elle se serait vu attribuer d'autorité un nouveau secteur géographique.

Sur ce point l'employeur rappelle que l'article 4 de son contrat de travail précise s'agissant du secteur géographique d'intervention de la salariée que celui-ci 'ne donne lieu à aucune affectation exclusive ni définitive et ne revêt aucun caractère de fixité'. Au surplus, la société justifie de ce que l'allocation de la zone sud-ouest à l'appelante s'est faite en contrepartie de la rétrocession de plusieurs de ses départements d'intervention précédents au profit d'un de ses collègues, la répartition apparaissant dès lors équilibrée.

L'appelante succombe également par absence de preuves à démontrer que sa charge de travail n'aurait pas été évaluée et qu'elle n'aurait pas bénéficié de moyens suffisants pour exercer ses missions.

Les évaluations individuelles produites au dossier attestent du fait qu'elle était interrogée au moins une fois par an, voire deux fois dans le cadre d'une évaluation à mi-période d'exercice comme en 2017, sur sa charge de travail et l'articulation entre vie professionnelle et vie privée. Or, aucun commentaire n'a été formulé à ce sujet.

La cour relève que le supérieur hiérarchique de l'appelante a cherché à plusieurs reprises à la soutenir dans l'organisation de son travail, le seul argument tiré du retard de traitement de certaines notes de frais étant insuffisant pour caractériser l'inadéquation des moyens lui ayant été octroyés, alléguée par la salariée. Les pièces versées au dossier ne permettent pas de démontrer que le retard de règlement est imputable au responsable de l'appelante, ces notes de frais ayant, en tout état de cause, été remboursées.

Il convient enfin de juger comme inopérant le dernier moyen soulevé par l'appelante s'agissant de la rupture de ses accès informatiques et de la demande formulée par l'employeur de restitution de son matériel, lesquelles, formulées après la rupture du contrat de travail et l'information de la dispense d'effectuer le préavis, étant légitimes et proportionnées.

Aucune exécution fautive du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur n'étant démontrée, le jugement entrepris sera confirmé.

Par ces motifs,

La cour,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Déboute Mme [G] de l'ensemble de ses demandes,

Condamne Mme [G] aux entiers dépens et à payer à la société Panasonic France la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-7
Numéro d'arrêt : 21/03896
Date de la décision : 14/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-14;21.03896 ?
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