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13/04/2023 | FRANCE | N°22/10938

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-11 op, 13 avril 2023, 22/10938


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-11 OP



ORDONNANCE SUR RECOURS CONTRE UNE DÉCISION FIXANT LA RÉMUNÉRATION D'UN EXPERT

DU 13 AVRIL 2023



N° 2023/ 98





N° RG 22/10938 -

N° Portalis DBVB-V-B7G-BJ2WF







[E] [I]





C/



[U] [W]

[X] [J]













































Copie exécutoire délivrée






le :





à :



- Monsieur [U] [W]



Décision déférée au Premier Président de la Cour d'Appel :



Ordonnance de taxe fixant la rémunération de M. [E] [I], expert rendue le 07 Juin 2022 par le TJ de MARSEILLE.



DEMANDERESSE



Madame [E] [I], demeurant [Adresse 1]



comparante en personne





DEFENDEURS

...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-11 OP

ORDONNANCE SUR RECOURS CONTRE UNE DÉCISION FIXANT LA RÉMUNÉRATION D'UN EXPERT

DU 13 AVRIL 2023

N° 2023/ 98

N° RG 22/10938 -

N° Portalis DBVB-V-B7G-BJ2WF

[E] [I]

C/

[U] [W]

[X] [J]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- Monsieur [U] [W]

Décision déférée au Premier Président de la Cour d'Appel :

Ordonnance de taxe fixant la rémunération de M. [E] [I], expert rendue le 07 Juin 2022 par le TJ de MARSEILLE.

DEMANDERESSE

Madame [E] [I], demeurant [Adresse 1]

comparante en personne

DEFENDEURS

Monsieur [U] [W], demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Cyril MELLOUL de l'ASSOCIATION KAROUBY MELLOUL AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Céleste SAVIGNAC, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Madame [X] [J], demeurant [Adresse 2]

non comparante, non représentée

*-*-*-*-*

DÉBATS ET DÉLIBÉRÉ

L'affaire a été débattue le 23 Mars 2023 en audience publique devant

Madame Laurence DEPARIS, Conseillère,

délégué par ordonnance du premier président .

en application des articles 714, 715 à 718 et 724 du code de procédure civile ;

Greffier lors des débats : Mme Manon BOURDARIAS.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 Avril 2023.

ORDONNANCE

Réputée contradictoire,

Prononcée par mise à disposition au greffe le 13 Avril 2023

Signée par Madame Laurence DEPARIS, Conseillère et Mme Manon BOURDARIAS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCÉDURE

Par courrier recommandé envoyé le 27 juillet 2022 et reçu le 28 juillet 2022, Mme [E] [I] a formé un recours à l'encontre de l'ordonnance de taxe rectificative en date du 27 juin 2022 rendue par le juge chargé du contrôle des expertises du tribunal de MARSEILLE, qui a taxé la rémunération de M. [W], expert judiciaire, à la somme de 5 721,78 euros TTC, a autorisé le paiement par la régie de la somme de 5 086,20 euros et a condamné Mme [J] à verser la somme complémentaire de 635,58 euros directement à M. [W].

Les parties ont été régulièrement convoquées par lettre recommandée à l'audience du 23 mars 2023 à laquelle l'affaire a été plaidée. Mme [J], régulièrement convoquée par lettre recommandée, n'était ni présente ni représentée à l'audience.

A cette date, Mme [E] [I] a développé les arguments exposés dans ses conclusions écrites auxquelles il y a lieu de se référer pour un plus ample exposé de ses moyens et demandes. Elle demande de rejeter les demandes formées par M. [W], annulation de l'ordonnance de taxe et demande condamnation de l'expert à lui payer la somme de 850 euros X 6 mois à titre de dommages et intérêts.

Au soutien de ses demandes, elle soutient la recevabilité de son recours indiquant ne pas avoir eu notification régulière des ordonnances de taxe. Elle fait valoir que ses observations n'ont pas été prises en compte par le magistrat taxateur alors qu'elle avait adressé des observations le 10 juin 2022. Elle indique ne pas vouloir supporter à terme les frais de cette expertise. Elle précise que la somme demandée par l'expert est démesurée par rapport à l'enjeu financier de la situation. Elle ajoute que l'expert a prorogé le délai accordé pour la consignation complémentaire en s'affranchissant de l'autorisation du juge contrairement aux articles 280 et 271 du code de procédure civile. Elle indique que l'expert a omis d'effectuer son contrôle au regard de certains points de l'article 2 du décret du 30 janvier 2002 et de la totalité de l'article 3 du même texte et qu'il a étendu sa mission aux accès et annexes extérieures sans autorisation du juge contrairement aux dispositions des articles 238 et 279 du code de procédure civile. Elle ajoute que l'expert aurait du consulter le juge s'agissant du respect du contradictoire et de la prorogation des délais impartis ; elle indique qu'il n'a pas fourni un travail de qualité, se reposant essentiellement sur les photographies émanant de la CAF, sur une étude superficielle des documents, surestimant les troubles de jouissance. Elle ajoute qu'il a oublié de déterminer le montant des charges locatives dues, n'a pas fait les comptes, a appliqué abusivement la perte de jouissance sur le montant des charges locatives. Elle précise que sa condamnation au paiement d'une provision par le jugement n'est pas justifiée.

M. [W] fait valoir l'irrecevabilité du recours formé par Mme [I] en l'absence d'envoi de son recours aux parties ainsi que prévu par l'article 715 alinéa 2 du code de procédure civile. Il ajoute avoir notifié aux parties l'ordonnance rectificative en date du 27 juin 2022. Il précise que les parties avaient un délai de quinze jours expirant le 10 juin 2022 pour présenter leurs observations. Il indique qu'il n'y a pas eu caducité de l'expertise puisque le tribunal l'a informé du versement de la consignation complémentaire effectuée le 26 janvier 2022. Il rappelle que la rémunération de l'expert n'est pas basée sur le montant des préjudices mais sur le temps passé à dresser son rapport. Il précise avoir effectué son travail avec diligence et avoir respecté le principe du contradictoire ainsi que le délai donné dans l'avis de consignation complémentaire. Il ajoute avoir effectué les comptes utiles avec les pièces remises.

Il conclut à l'irrecevabilité du recours, et à titre subsidiaire, au rejet des demandes formées par Mme [I], à la confirmation de l'ordonnance frappée d'appel, à la condamnation de Mme [I] au paiement de la somme de 3 000 euros de dommages et intérêts en raison de la procédure abusive et de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Suivant assignation de Mme [J], Mme [S] a été désignée en qualité d'expert par une ordonnance de référé du tribunal judiciaire de MARSEILLE en date du 1er avril 2021 dans le cadre d'un contentieux locatif aux fins d'examiner la décence d'un logement loué par Mme [I] à Mme [J] et de faire les comptes entre les parties. M. [W] a été désigné en remplacement de ce premier expert.

Sur la recevabilité du recours

En application des articles 724 et 725 du code de procédure civile, les décisions mentionnées aux articles 255, 262 et 284, émanant d'un magistrat d'une juridiction de première instance ou de la cour d'appel, peuvent être frappées de recours devant le premier président de la cour d'appel dans les conditions prévues aux articles 714 (alinéa 2) et 715 à 718. (...) Le délai court, à l'égard de chacune des parties, du jour de la notification qui lui est faite par le technicien. Le recours et le délai pour l'exercer ne sont pas suspensifs d'exécution. Le recours doit, à peine d'irrecevabilité, être dirigé contre toutes les parties et contre le technicien s'il n'est pas formé par celui-ci.

La notification doit mentionner, à peine de nullité, la teneur de l'article précédent ainsi que celle des articles 714 (alinéa 2) et 715.

Il résulte par ailleurs de la combinaison des articles 724 et 715 du code de procédure civile qu'à peine d'irrecevabilité d'un recours dirigé à l'encontre d'une ordonnance de taxe, copie de la note exposant les motifs du recours ou du recours lui-même s'il contient ces motifs, doit être simultanément envoyée à chacune des parties au litige.

Ces règles de procédure qui régissent l'introduction des recours à l'encontre des décisions fixant la rémunération des experts sont d'ordre public et s'imposent au juge.

Il résulte des pièces au dossier que la notification de l'ordonnance effectuée par courrier en date du 18 juillet 2022 à Mme [J] et à Mme [I] n'a pas été délivrée à cette dernière, l'accusé de réception du courrier la concernant portant la mention 'défaut d'accès ou d'adressage'. Dans ces conditions, et même si Mme [I] indique avoir eu connaissance de cette ordonnance par e-mail adressé par l'expert, cet envoi ne peut valablement permettre d'opposer à Mme [I] le non-respect des formalités prévues par l'article 724 du code de procédure civile, à savoir l'envoi simultané aux parties du recours, faute de rapporter la preuve qu'elle ait eu connaissance de ces modalités.

En l'état des éléments du dossier, il y a lieu de constater que le recours est recevable.

Il est constant par ailleurs que l'ordonnance de taxe peut être contestée par toute partie estimant la rémunération fixée trop élevée dès lors qu'elle est susceptible d'être condamnée à payer les dépens. En l'espèce, si la charge des honoraires de l'expert a été intégralement imputée à Mme [J] suivant l'ordonnance de taxe, Mme [I] est susceptible d'être condamnée à payer les dépens dans le cadre de la procédure au fond qui est pendante.

Sur la rémunération de l'expert

L'article 284 du code de procédure civile dispose que la rémunération de l'expert est appréciée en considération notamment des diligences effectuées, du respect des délais impartis et de la qualité du travail fourni.

La fixation de la rémunération de l'expert doit obéir au principe de maîtrise des coûts énoncé par l'article 147 du code de procédure civile mais aussi constituer la juste et nécessaire rétribution de ses compétences et de ses diligences.

Il importe de noter que c'est au vu de ces critères, et non au regard des prétentions des parties et de l'enjeu financier du litige, que la rémunération de l'expert est fixée.

Ainsi, les arguments de Mme [I] relatifs à l'absurdité de la situation et à l'inutilité de l'expertise au vu de son coût n'ont pas vocation à prospérer.

Il convient également de rappeler que c'est à la juridiction du fond qu'il appartiendra d'apprécier la pertinence des conclusions de l'expert. Il est constant par ailleurs que seul le juge du fond est compétent pour annuler tout ou partie d'un rapport d'expertise et que les critères fixés par la loi pour apprécier la rémunération de l'expert sont ceux mentionnés plus avant.

Ainsi, les arguments de Mme [I] relatifs à la surévaluation des troubles de jouissance et à l'application abusive de la perte de jouissance sur le montant des charges locatives n'ont pas lieu d'être examinés dans le cadre de la présente instance.

Enfin, les décisions du premier juge, et en l'espèce la condamnation de Mme [I] à une provision, ne relève pas du juge taxateur dont la compétence est de fixer la rémunération de l'expert.

Il est exact que suivant courrier en date du 25 mai 2022, l'expert a adressé aux parties sa note d'honoraires et leur a imparti un délai de quinze jours pour faire valoir leurs observations. S'il est exact que la première ordonnance de taxe a été rendue avant l'expiration de ce délai et ne mentionnait pas l'existence ou non d'observations de la part de parties, Mme [I] justifie avoir déposé ses observations au service d'accueil du tribunal judiciaire de Marseille le 10 juin 2022, soit postérieurement à l'expiration de ce délai.

Ses observations, reprises dans son recours et élargies, font, quoiqu'il en soit, l'objet d'un débat contradictoire dans le cadre de son recours et de la présente instance.

Il ressort des pièces du dossier que M. [W] a déposé son rapport définitif le 27 mai 2022 après avoir accepté la mission le 14 mai 2021 et réalisé un accedit le 16 juin 2021. Un pré-rapport a été diffusé aux parties le 17 février 2022. L'expert a retracé l'historique des opérations en page 3 de son rapport d'expertise.

Une première consignation d'un montant de 1 500 euros a été payée par Mme [J] le 3 mai 2021. A la suite de la demande de l'expert formée le 20 mai 2021, une ordonnance de consignation complémentaire d'un montant de 3 586,20 euros a été rendue le 24 août 2021, prorogeant le délai pour déposer le rapport jusqu'au 20 février 2022. A la suite du paiement de cette consignation complémentaire, le service du contrôle des expertises en a informé l'expert et a précisé que le délai pour déposer le rapport était prorogé au 30 mai 2022.

Il ne peut être reproché à l'expert dans ces conditions de n'avoir pas informé le magistrat chargé du contrôle des expertises de l'avancement de ses travaux et d'avoir poursuivi son travail sans autorisation. Par ailleurs, il ne peut lui être reproché d'avoir sollicité une consignation complémentaire alors qu'il aurait déjà eu les réponses à ses questions dès le mois de juin 2021, selon l'appelante. Il convient en premier lieu de relever que l'expert a sollicité très rapidement cette consignation complémentaire, et ce dès le mois de mai 2021, sachant que la consignation initiale allait être insuffisante, et ce conformément à l'exigence de prévisibilité des honoraires imposée aux experts en application de l'article 280 du code de procédure civile . En second lieu, si le seul accedit avait été déjà réalisé en mai 2021, il incombait encore à l'expert par la suite de dresser son pré-rapport puis son rapport.

S'agissant du respect du principe du contradictoire, il n'est contesté par Mme [I] que les pièces dont elle a demandé communication à l'expert dans son dire en date du 24 mars 2022 avaient été adressées à son conseil, Maître LADOUARI, qui la représentait jusqu'au début du mois de juillet 2021. Il apparaît également que par la suite, elle a eu communication du pré-rapport et du rapport définitif.

S'agissant de la qualité du travail accompli, il apparaît que le rapport d'expertise comporte 18 pages en ce compris les réponses aux dires. Mme [I] reproche à l'expert de ne pas avoir répondu à toutes les questions de la mission. Il est exact que l'expert n'a pu répondre à la conformité du logement aux articles 2 et 3 du décret en date du 30 janvier 2002 tel que demandé dans la mission d'expertise s'agissant du réseau électrique et en l'absence d'électricité dans le logement le jour de la visite des lieux, les pièces au dossier laissant entendre que la locataire avait quitté les lieux et résilié son abonnement électrique. Toutefois, cette réunion s'est faite après convocation contradictoire des parties et il ne peut être reproché à l'expert, au vu de ces circonstances, de n'avoir pu intégralement réalisé son travail et répondre à l'intégralité de la mission s'agissant de la décence du logement, même s'il eût été préférable qu'il fasse apparaître de façon claire cette difficulté dans son rapport.

Mme [I] reproche à l'expert d'avoir étendu de son chef la mission aux accès aux bâtiments et aux annexes extérieures. Ainsi que l'a indiqué l'expert dans sa réponse aux dires n° 7 et 9 de Mme [I], il appartiendra au juge d'apprécier si les parties communes qu'il a examinées font partie de la mission et du constat de décence du logement sollicité. Il en est également ainsi de l'attestation d'assurance annexée par l'expert à son rapport et dont la validité pourra faire l'objet d'un débat devant le juge saisi du litige.

S'agissant du montant des charges locatives et du compte entre les parties, ce travail a été accompli par l'expert au vu des pièces qui lui étaient produites et en l'absence notamment de quittances de loyers réglés ainsi qu'il l'indique.

L'expert a produit une note d'honoraires, vacations, frais et débours accompagnée d'un état détaillé. Les diligences et frais facturés sont justifiés.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, il convient de confirmer la décision du premier juge.

Sur la demande de paiement en dommages et intérêts formée par Mme [E] [I]

Mme [I] ne justifie d'aucun préjudice dont M. [W] serait à l'origine et sera déboutée de sa demande formée de ce chef.

Sur la demande de paiement en dommages et intérêts formée par M. [U] [W]

L'exercice par Mme [I] de son droit de recours ne peut en soit être constitutif de l'exercice d'une procédure abusive tel que dénoncé par l'expert. Le caractère dilatoire de cette procédure n'est par ailleurs pas avéré puisque Mme [J] s'est acquittée des consignations et qu'en l'état l'expert a été rémunéré au vu de l'ordonnance de taxe exécutoire et que le litige locatif pendant est distinct de la présente instance.

M. [U] [W] sera par conséquent débouté de cette demande.

Sur les frais irrépétibles

En équité, Mme [I] sera tenue au paiement de la somme de 800 euros de ce chef.

Sur les dépens

Mme [I], partie perdante, sera tenue aux dépens.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par décision réputée contradictoire,

Déclarons recevable le recours introduit par Mme [E] [I].

Confirmons l'ordonnance de taxe rectificative rendue du juge chargé du contrôle des expertises du tribunal de MARSEILLE en date du 27 juin 2022.

Condamnons Mme [E] [I] à payer la somme de 800 euros à M. [U] [W] au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Déboutons les parties du surplus de leurs demandes.

Disons que Mme [E] [I] sera tenue aux dépens.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-11 op
Numéro d'arrêt : 22/10938
Date de la décision : 13/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-13;22.10938 ?
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