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11/04/2023 | FRANCE | N°20/12785

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 2-2, 11 avril 2023, 20/12785


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 2-2



ARRÊT AU FOND

DU 11 AVRIL 2023



N° 2023/160









Rôle N° RG 20/12785

N° Portalis DBVB-V-B7E-

BGVPQ







[T] [C]



C/



[G] [R] épouse [C]

PROCUREUR GENERAL

































Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Yonis MUNIR



Me Julie

DUPY



MINISTERE PUBLIC







Décision déférée à la Cour :



Jugement du Juge aux affaires familiales de Grasse en date du 30 juillet 2020 enregistré au répertoire général sous le n° 19/04503





APPELANT



Monsieur [T] [C]

né le 10 mars 1982 à [Localité 3] (Maroc)

de nationalité marocaine, demeurant [Adresse 2]



co...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 2-2

ARRÊT AU FOND

DU 11 AVRIL 2023

N° 2023/160

Rôle N° RG 20/12785

N° Portalis DBVB-V-B7E-

BGVPQ

[T] [C]

C/

[G] [R] épouse [C]

PROCUREUR GENERAL

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Yonis MUNIR

Me Julie DUPY

MINISTERE PUBLIC

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Juge aux affaires familiales de Grasse en date du 30 juillet 2020 enregistré au répertoire général sous le n° 19/04503

APPELANT

Monsieur [T] [C]

né le 10 mars 1982 à [Localité 3] (Maroc)

de nationalité marocaine, demeurant [Adresse 2]

comparant en personne,

assisté de Me Yonis MUNIR, avocat au barreau de NICE

INTIMES

Madame [G] [R] épouse [C]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2021/001942 du 25/06/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE)

née le 28 août 1979 à [Localité 3] (Maroc)

de nationalité française,

demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Julie DUPY de la SELARL DUPY JULIE, avocat au barreau de GRASSE

PROCUREUR GENERAL

comparant en la personne de Madame Isabelle POUEY, Substitut général

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 16 février 2023 en chambre du conseil. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Monsieur Jean-Marc BAÏSSUS, Président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Jean-Marc BAÏSSUS, Président

Madame Michèle CUTAJAR, Conseiller

Madame Hélène PERRET, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Madame Jessica FREITAS.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 11 avril 2023.

MINISTERE PUBLIC :

Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 11 avril 2023.

Signé par Monsieur Jean-Marc BAÏSSUS, Président et Madame Jessica FREITAS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Madame [G] [R] et Monsieur [T] [C] se sont mariés le 20 mai 2017 par devant l'officier d'état civil de [Localité 5] (Alpes-Maritimes), sans contrat de mariage préalable.

Aucun enfant n'est issu de cette union.

Par acte du 10 septembre 2019, Mme [R] a fait assigner M. [C] devant le tribunal judiciaire de Grasse aux fins de voir prononcer la nullité du mariage.

Par jugement réputé contradictoire prononcé le 30 juillet 2020, le tribunal judiciaire de Grasse a notamment :

- prononcé l'annulation du mariage,

- condamné M. [C] à payer à Mme [R] la somme de 10.000 euros au titre du remboursement des frais de mariage et matériels,

- condamné M. [C] à payer à Mme [R] la somme de 3.000 euros de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1240 du code civil,

- débouté Mme [R] de sa demande au titre de l'application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [C] aux entiers dépens de l'instance avec application des dispositions relatives à l'aide juridique.

M. [T] [C] a interjeté appel de cette décision le 18 décembre 2020.

Saisi par Mme [R] d'un incident le 12 octobre 2021, le Président chargé de la mise en état près la chambre 2-2 de la cour d'appel d'Aix-en-Provence , par une ordonnance rendue le 15 mars 2022 a notamment :

- déclaré recevable l'appel formé par M. [C] à l'encontre du jugement du 30 juillet 2020,

- déclaré recevables les conclusions déposées par Mme [R] le 12 octobre 2021.

Dans le dernier état de ses conclusions, enregistrées le 21 janvier 2023, et auxquelles il est expressément fait renvoi pour un exposé plus ample de ses moyens et prétentions, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, M. [C] demande à la cour de :

- dire que l'appel de M. [C] est recevable,

- constater la bonne foi de M.[C],

- dire que M. [C] n'a pas commis de fraude,

- dire que M. [C] a eu une intention matrimoniale,

- infirmer intégralement le jugement d'annulation de mariage n° 19/04503 rendu par le juge du Tribunal judiciaire de Grasse le 30/07/2020 prononçant l'annulation du mariage célébré le 20 mai 2017 à [Localité 5] (Alpes-Maritimes) entre [T] [C] né le 10 mars 1982 à [Localité 3] 'Maroc) et [G] [R] née le 28 août 1979 à [Localité 3] (Maroc) »,

- rejeter la demande d'annulation du mariage de Mme [R] [G] épouse [C],

- infirmer la condamnation de M. [C] à la somme de 10.000 euros au titre du remboursement des frais de mariage et matériels,

- infirmer la condamnation de M. [C] à la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 1240 du code civil,

- infirmer la condamnation de M. [C] en première instance aux dépens,

- condamner Mme [R] [G] épouse [C] à payer à M. [C] à la somme de 5.000 euros le fondement de l'article 1240 du code civil pour tous les préjudices subis par lui,

- condamner Mme [R] à payer à M. [C] à la somme 2.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [R] aux entiers dépens,

- dispenser totalement M. [C] de l'application des dispositions de l'article 43 de la loi du 10/07/1991 et l'article 123 du décret du 19/12/1991 relatifs à l'aide juridique au cas où la décision de la cour lui serait défavorable.

M. [C] fait en effet notamment valoir que :

- il est de nationalité marocaine et Mme [R] est de nationalité française ; que la dissolution de leur mariage est régie par la convention franco-marocaine du 10 août 1981 qui prévoit la compétence du juge français et l'application de la loi française ;

- les pièces produites prouvent qu'il a toujours eu une intention matrimoniale ; qu'ils se sont rencontrés à [Localité 6] en 2013 et se sont mariés après une relation amoureuse intense de quatre ans ; que le mariage a été célébré avec leurs proches dans la joie ; qu'il avait la volonté de vivre avec elle et de fonder une famille ; qu'il l'a accepté comme elle est malgré sa maladie ; que l'épouse avait des comportements qu'il n'avait pas remarqués avant leur mariage ; qu'elle se montrait violente verbalement et physiquement ; que la cohabitation est devenue de plus en plus difficile ; qu'elle le mettait dehors et l'obligeait à dormir dans sa voiture ; qu'il avait peur d'elle et a tout supporté pour conserver son mariage ; qu'elle a fini par le chasser de la maison après l'obtention de son titre de séjour ; qu'il a traversé une période très difficile en terme de logement ; que la situation avec son épouse a entrainé des angoisses et une dépression ; qu'elle est à l'origine de la séparation et aurait dû engager une procédure en divorce ; qu'elle fait preuve de mauvaise foi et présentent des arguments mensongers et incohérents ;

- il ne peut pas argumenter sur une pièce justificative de dépense qu'il n'a pas vue ; qu'aucune facture n'a été produite pour attester des dépenses de mariage ; que la cérémonie du mariage était modeste compte tenu de leur situation économique ; que l'ensemble des dépenses ne dépassent pas la somme de 4.000 euros et ont été partagées par le couple ;

- l'épouse argue d'un préjudice moral et matériel alors que c'est elle qui a été violente verbalement et physiquement et l'a chassé du logement ;

- il a été victime de violences conjugales et notamment le 8 décembre 2019 ; qu'elle l'a appelé cinq minutes après qu'il fut parti pour lui faire du chantage affectif en inventant d'autres maladies que les médecins lui auraient découvertes et menacer de se suicider ; qu'à cause des mensonges de l'épouse et de sa volonté de lui mener la vie dure, il est sans titre de séjour et sans emploi ;

- l'équité et sa situation économique justifient qu'il soit dispensé des dépens.

Dans le dernier état de ses conclusions, enregistrées le 3 février 2023, et auxquelles il est expressément fait renvoi pour un exposé plus ample de ses moyens et prétentions, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, Mme [R] demande à la cour de :

- confirmer la décision rendue en première instance dans toutes ses dispositions,

- condamner en outre M. [C] à verser à Mme [R] la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance et donner acte au conseil de Mme [R] qu'elle entend renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle le cas échéant.

Mme [R] fait en effet notamment valoir que :

- le juge français est compétent par extension à l'ordre international de l'article 1070 du code de procédure civile ; qu'en matière de conditions de fond de la validité du mariage, les époux de nationalité différente sont soumis à leur loi nationale ; qu'elle est de nationalité française et que les époux ont vécu en France ; que la loi française impose une véritable intention matrimoniale ; que le code de la famille marocain impose le consentement de chaque époux et dit que le mariage a pour fin la vie dans la fidélité, la pureté et la fondation d'une famille ;

- l'époux n'avait aucune intention matrimoniale et poursuivait un but contraire à l'essence du mariage ; qu'il a eu un comportement inapproprié le jour du mariage, qu'il ne finançait rien et n'avait pas de geste ou d'élan d'affection envers son épouse ; qu'ils n'avaient pas d'échanges montrant le lien affectif ; que son profil Facebook montre un homme totalement différent ; qu'on n'y retrouve aucune allusion à son statut d'homme marié alors qu'il s'étend sur ses relations amicales ; qu'il a révélé ses véritables intentions une fois qu'il a obtenu son titre de séjour et a quitté le domicile conjugal concomitamment ; qu'il était défaillant en première instance et n'avait pas jugé opportun de constituer avocat ; qu'il a interjeté appel après avoir reçu l'arrêté portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire ; qu'il a totalement éludé la question de son mariage dans ses démarches pour obtenir un titre de séjour ;

- elle était trop naïve et vulnérable pour s'en rendre compte ; qu'elle présente un lourd handicap ; qu'elle a subi des violences physiques, sexuelles et morales ayant entrainé une ITT de huit jours et un syndrome de stress post traumatique ;

- elle doit être indemnisée pour le préjudice subi tant moral que matériel ; qu'elle justifie de la somme de 990 euros déboursée pour les frais du mariage ; que son père a payé 1.300 euros pour la réception, la décoration et les faireparts du mariage ; que l'époux lui doit 2.000 euros de dote ; qu'elle lui a prêté la somme de 5.000 euros qu'il s'était engagé à rembourser ; qu'il a profité d'elle jusqu'au bout en lui demandant de payer en mai et août 2017 sa facture d'électricité à [Localité 6] ainsi que son téléphone ; qu'il n'a jamais participé aux charges de leur vie commune ;

- M. [C] devra supporter l'intégralité des conséquences de ce mariage autant qu'il a trouvé les ressources pour payer son conseil afin d'interjeter appel ; qu'elle renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Le ministère public, auquel le dossier de l'affaire a été communiqué en application des articles 180 et 184 du code civil et 425 du code de procédure civile, a pris des conclusions écrites notifiées le 10 février 2023 dans lesquelles il considère que les écritures et pièces produites par l'appelant ne sont pas de nature à modifier l'appréciation du premier juge quant à la vulnérabilité médicalement établie de l'épouse et quant à l'absence d'intention matrimoniale de l'appelant, qui justifie la confirmation de la décision querellée.

L'affaire a été appelée à l'audience du jeudi 16 février 2023, date à laquelle l'ordonnance de clôture a été rendue.

SUR CE

Sur les limites de la saisine de la cour

Aux termes de l'article 954 alinéa 3 du Code de Procédure Civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

A la page 3 de ses dernières conclusions, Mme [G] [R] sollicite le rejet des dernières écritures de la partie adverse au motif de ne pas avoir mentionné les paragraphes nouveaux dans ses conclusions.

Cependant cette prétention n'est pas reprise dans le dispositif.

La cour n'aura donc pas à statuer sur ce point.

Sur la compétence et la loi applicable

En présence d'un élément d'extranéité, il résulte de l'article 3 du Code Civil, 13 du Code de Procédure Civile, et des principes du droit international privé, que le juge français doit d'office, et sous réserve du respect du principe de la contradiction, mettre en application la règle de conflit de lois pour les droits indisponibles.

Le mari étant de nationalité marocaine, et l'épouse de nationalité française, la dissolution du lien matrimonial est régi par la convention franco-marocaine du 10 août 1981 relative au statut des personnes et de la famille.

Aux termes de l'article 11 de ladite convention, la dissolution du mariage peut être prononcée par les juridictions de celui des deux Etats sur le territoire duquel les époux ont leur domicile commun ou avaient leur domicile commun.

En l'espèce, le dernier domicile commun des époux se situe à [Adresse 7], là où l'épouse vit toujours.

Les juridictions françaises sont donc bien compétentes pour connaître du présent litige.

Elles appliquent la loi française, en application de l'article 202-1 du Code Civil qui édicte : « quelle que soit la loi personnelle applicable, le mariage requiert le consentement des époux, au sens de l'article 146 et le premier alinéa de l'article 180 ».

Cette disposition, introduite par la loi du 4 août 2014 pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes, a pour effet d'écarter l'application de la loi étrangère, devenant une loi de police applicable à toutes les situations dont les juridictions françaises ont à connaître.

Au fond

Sur l'annulation du mariage

Aux termes de l'article 146 du Code Civil, il n'y a pas de mariage lorsqu'il n'y a point de consentement.

L'article 180 alinéa 1 du même code complète la disposition précédente en édictant que le mariage qui a été contracté sans le consentement libre des deux époux, ou de l'un d'eux, ne peut être attaqué que par les époux, ou par celui des deux dont le consentement n'a pas été libre, ou par le ministère public.

La notion de consentement au mariage a une acception large en droit français : elle implique non seulement que la volonté soit libre, c'est-à-dire que les facultés mentales des époux ne soient pas altérées au moment du mariage, ou que l'un et/ou l'autre des époux ne soient pas soumis à une contrainte, y compris la crainte révérencielle envers un ascendant, mais également que soit présente l'intention matrimoniale, c'est-à-dire que l'un ou les deux époux n'aient pas poursuivi un but contraire à l'essence même du mariage.

Ainsi par la loi du 4 août 2014, l'intention matrimoniale a été élevée au nombre des principes constituant l'ordre international français.

En l'espèce, Mme [G] [R] sollicite l'annulation de son union avec M. [T] [C] au motif que ce dernier ne l'a épousée que dans le but de régulariser sa situation administrative.

Le couple s'est connu en 2013 lors d'un mariage dans la région parisienne, et s'est fréquenté pendant quatre années, selon les dires mêmes de Mme [G] [R] (dcf : ses déclarations au médecin expert qui l'a examinée le 8 avril 2019). Peut-être même que les futurs époux ont vécu sous le même toit avant le mariage car l'acte de mariage les domicilie à la même adresse.

Le mariage a été célébré selon les usages comme le démontrent les clichés photographiques : les époux étaient vêtus de tenues de cérémonie, les parents et amis avaient été invités en nombre et constituaient une joyeuse assemblée, une réception avait été offerte, les mariés avaient reçu des fleurs, ils étaient repartis ensemble en voiture.

De prime abord, la cérémonie de mariage est l'aboutissement de plusieurs années de relation et n'a pas été programmée dans la précipitation, alors même que M. [T] [C] était depuis son arrivée sur le sol français, sans titre de séjour.

Pour démontrer que M. [T] [C] ne l'aimait pas vraiment, Mme [G] [R] verse deux témoignages aux termes desquels M. [T] [C] se serait montré froid et distant le jour de la cérémonie, n'ayant aucun geste d'affection pour son épouse, qu'il serait resté avec ses amis, et n'aurait posé sur les photos que face à l'insistance de la photographe.

L'appelant produit quant à lui le témoignage d'un ami qui explique qu'au début de l'année 2017, M. [T] [C] avait commencé à lui parler de ses projets de mariage et qu'il l'avait encouragé en ce sens. Le témoin avait demandé à son ami s'il allait se marier juste pour les papiers, et avait reçu des réponses rassurantes sur ses intentions. La cérémonie de mariage lui était apparue normale.

Elle lui reproche également de n'avoir jamais fait état sur les réseaux sociaux de son état d'homme marié.

Le fait de passer un tel évènement sous silence est certes parfaitement injurieux pour le partenaire, mais il est plus qu'hasardeux d'en tirer des conclusions sur l'intention matrimoniale de M. [T] [C].

Le 1er août 2017, Mme [G] [R] a écrit au Consul de France à [Localité 4] pour solliciter au profit de son mari l'obtention d'un visa long séjour en qualité de conjoint de français. M. [T] [C] a obtenu ce visa long séjour le 6 septembre 2017. Puis il lui a été délivré une carte de séjour pluriannuelle valable du 7 septembre 2018 au 6 septembre 2020. Il a réceptionné ce document le 12 septembre 2018.

Entre cette dernière date et celle du mariage, les rapports des époux s'étaient considérablement détériorés. Mme [G] [R] allègue des violences physiques, sexuelles et morales. M. [T] [C] quant à lui explique que son épouse, reconnue bipolaire, avait un caractère changeant et imprévisible, se montrant facilement violente en gestes et en paroles, le chassant à plusieurs reprises du domicile conjugal.

Quoiqu'il en soit, il est certain qu'après l'obtention par M. [T] [C] de sa carte de séjour pluriannuelle, le couple s'est séparé de manière définitive. Mais contrairement à ce qu' affirme l'épouse, et à l'inverse de ce qui peut être constaté dans le cadre d'un « mariage gris » ce n'est pas le mari qui a mis un terme aux relations et pris la poudre d'escampette, mais c'est bien Mme [G] [R] qui l'a chassé du domicile conjugal et n'a plus voulu qu'il y revienne malgré les supplications de celui-ci qui n'avait plus où se loger et a dû dormir plusieurs nuits dans son véhicule.

Cette volonté de chasser le mari de son domicile et de sa vie transparait parfaitement des échanges par SMS ou par téléphone, dans lesquels l'épouse lui indique clairement qu'elle n'en a plus rien à faire de lui, qu'elle se moque des ses problèmes qui ne sont pas les siens, lui conseille de revenir sur [Localité 6] ce qui serait mieux pour tout le monde. Mme [G] [R] exprime également son contentement à l'idée qu'elle sera bientôt divorcée, rabaisse son mari et le menace de le "démolir" et de le "détruire". Jamais cependant dans ces échanges, elle ne l'accuse de l'avoir épousée que pour les papiers.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, la preuve n'est aucunement rapportée que M. [T] [C] n'avait aucune intention matrimoniale et n'a contracté mariage que pour obtenir un titre de séjour.

Partant la décision sera infirmée et Mme [G] [R] déboutée de sa demande d'annulation du mariage.

Sur la demande de remboursement des frais de mariage et autres

Succombant en sa demande principale, Mme [G] [R] sera déboutée de cette demande accessoire.

Les dommages et intérêts

Aux termes de l'article 1240 du Code Civil, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Sur le fondement de cet article , Mme [G] [R] a été admise par les premiers juges en sa demande de réparation de son préjudice moral. Cette disposition sera infirmée par suite du rejet de la demande principale de l'épouse.

L'appelant formule lui aussi une demande de dommages et intérêts. Effectivement, suite à un courrier que l'épouse a adressé le 31 août 2020 à la Préfecture, et à la procédure diligentée à son encontre en annulation de mariage, le Préfet des Alpes Maritimes a pris un arrêté portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire. Comme il n'était plus en mesure de présenter un titre de séjour renouvelé, son employeur qui l'avait embauché en novembre 2019, l'a licencié le 8 juillet 2022 pour cause réelle et sérieuse.

M. [T] [C] a donc subi un préjudice qu'il conviendra de réparer par l'octroi de la somme de 2.000€.

Les dépens

Ceux de première instance et d'appel seront mis à la charge de Mme [G] [R] .

Tenue aux dépens, Mme [G] [R] n'est pas recevable en sa demande au titre des frais irrépétibles.

L'équité commande d'allouer à M. [T] [C] la somme de 1.200€ sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant en audience publique, contradictoirement, après débats en chambre du conseil

Vu l'ordonnance du Président de la Chambre en date du 15 mars 2022

Reçoit l'appel

Dit les juridictions françaises compétentes pour connaître du présent litige et la loi française applicable

Dit n'y avoir lieu à statuer sur la validité des dernières écritures de l'appelant

Infirme la décision entreprise

Et statuant à nouveau

Déboute Mme [G] [R] de sa demande d'annulation du mariage célébré le 20 mai 2017 par devant l'Officier d'Etat Civil de la commune de [Localité 5] (Alpes Maritimes) avec M. [T] [C]

Déboute Mme [G] [R] de sa demande de remboursement des frais de mariage et sa demande de dommages et intérêts

Condamne Mme [G] [R] à verser à M. [T] [C] la somme de 2.000€ à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral

Dit que Mme [G] [R] sera tenue aux dépens de première instance et d'appel, qui seront recouvrés conformément aux règles applicables en matière d'aide juridictionnelle

Déclare Mme [G] [R] irrecevable en sa demande au titre des frais irrépétibles

Condamne Mme [G] [R] à verser à M. [T] [C] la somme de 1.200€ sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 2-2
Numéro d'arrêt : 20/12785
Date de la décision : 11/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-11;20.12785 ?
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