COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-6
ARRÊT AU FOND
DU 07 AVRIL 2023
N° 2023/ 113
Rôle N° RG 22/10574 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJZQW
S.A.S. OUISPEAK SOLUTIONS
C/
[U] [L]
Copie exécutoire délivrée
le :07/04/2023
à :
Me Fabien ROUMEAS de la SARL ROUMEAS AVOCATS, avocat au barreau de LYON
Me Rachel COURT-MENIGOZ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance de reféré du Président du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NICE en date du 05 Juillet 2022 enregistré(e) au répertoire général sous le n° R22/00015.
APPELANTE
S.A.S. OUISPEAK SOLUTIONS, demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Fabien ROUMEAS de la SARL ROUMEAS AVOCATS, avocat au barreau de LYON
INTIME
Monsieur [U] [L], demeurant Chez Monsieur [Z] [Adresse 2]
représenté par Me Rachel COURT-MENIGOZ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, et pour plaidoirie par Me Marion WACKENHEIM, avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été appelée le 09 Février 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Estelle de Revel, Conseillère, chargée du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
M. Philippe SILVAN, Président de chambre
Madame Dominique PODEVIN, Présidente de chambre
Madame Estelle de Revel, Conseillère
Greffier lors des débats : Madame Caroline POTTIER.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 07 Avril 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 07 Avril 2023
Signé par M. Philippe SILVAN, Président de chambre et Mme Suzie BRETER, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE DU LITIGE
M. [U] [L] a été engagé en qualité de directeur des nouvelles technologies, statut cadre, par la société Ouispeak Solutions, selon contrat à durée indéterminée à temps complet du 17 mai 2021.
M. [L] a saisi le juge des référés du conseil des prud'hommes de Nice en paiement de ses salaires du mois d'octobre 2021 au mois de janvier 2022 et de dommages et intérêts au titre de l'indemnisation du préjudice financier.
Par ordonnance du 27 juin 2022, le juge des référés a:
- rejeté l'exception d'incompétence territoriale et de formation soulevée par la SAS Ouispeak Solutions ;
- condamné la SAS Ouispeak Solutions à payer à M.[L] la somme de 13 204,06 € au titre des salaires d'octobre 2021 à janvier 2022 ;
- ordonné la remise des bulletins de paiement rectifiés dans un délai de un mois à compter de la notification de la présente décision sous astreinte de 50 € par jour de retard ;
- condamné la SAS Ouispeak Solutions à payer à M.[L] la somme de 1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- débouté les parties du surplus de leurs demandes ;
- condamné la SAS Ouispeak Solutions aux entiers dépens.
La société Ouispeak a interjeté appel de la décision le 21 juillet 2022.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 10 août 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé détaillé des moyens, la SAS Ouispeak Solutions demande à la cour de:
- réformer l'ordonnance entreprise dans toutes ses dispositions;
- constater l'existence d'une contestation sérieuse;
- débouter M.[L] de l'intégralité de ses demandes;
- condamner M.[L] à rembourser à la SAS Ouispeak Solutions l'intégralité des sommes versées en exécution de l'exécution provisoire attachée à l'ordonnance de référé.
- condamner M.[L] à payer à la société Ouispeak la somme de 1 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;
- condamner M.[L] aux entiers dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 5 septembre 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé détaillé des moyens, M. [L] demande à la cour de:
- juger que les demandes de M.[L] ne se heurtent à aucune contestation sérieuse;
- confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue par la formation de référé du Conseil de Prud'hommes de Nice du 27 juin 2022;
- débouter la SAS Ouispeak Solutions de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions;
- condamner la SAS Ouispeak Solutions à lui payer la somme de montant de 3000€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile;
- condamner la SAS Ouispeak Solutions aux dépens.
MOTIFS DE LA DECISION
La société soutient qu'en raison de ses difficultés financières, un accord est intervenu avec M. [L] en octobre 2021 portant sur la prise d'un congés sans solde par celui-ci durant la procédure de rupture conventionnelle qui avait été initiée.
Elle affirme que le salarié n'a plus fourni de prestation de travail à partir du mois d'octobre 2021 et qu'elle ne lui devait donc aucune rémunération.
Au soutien de sa demande en paiement de ses salaires des mois d'octobre 2021 à janvier 2022, le salarié fait valoir qu'il a travaillé de manière effective jusqu'en décembre 2021, date à laquelle la société ne lui a plus fourni de prestation de travail, et qu'il n'a jamais été convenu qu'il prenne des congés sans solde durant la période litigieuse.
En application des dispositions des articles R 1455-5 et suivants du code du travail, dans tous les cas d'urgence, la formation de référé peut, dans la limite de la compétence des conseils de prud'hommes, ordonner toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend; dans le cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, elle peut accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire; et elle peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent pour prévenir un dommage imminent ou pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Il est de principe qu'il appartient à l'employeur de payer sa rémunération et de fournir un travail au salarié qui se tient à sa disposition et qu'il appartient à l'employeur, pour justifier de l'inexécution de ces obligations, de démontrer que le salarié a refusé d'exécuter son travail ou qu'il ne s'est pas tenu à sa disposition.
Selon l'article 5.9 de la convention collective applicable SYNTEC, un congé sans solde peut être accordé par l'employeur à la demande du salarié. Les modalités d'application et de fin de ce congé doivent faire l'objet d'une notification écrite préalable.
Pour justifier de l'existence d'un accord sur un congé sans solde à partir du mois d'octobre 2021, la société produit :
- le mail qu'elle a adressé le 5 octobre au salarié pour lui demander s'il peut 'prendre un congé sans solde jusqu'à l'obtention d'un financement' en raison du manque de 'cash';
- le mail qu'elle a à nouveau adresse à M. [L] le 8 octobre pour lui demander : 'on peut s'appeler pour le congés sans solde'';
- les bulletins de salaire des mois d'octobre 2021 à janvier 2022 portant la mention 'absence complète - congés sans solde'.
De son côté, l'intimé produit les mises en demeure de payer son salaire adressées à l'employeur par courrier recommandé avec avis de réception les 22 novembre 2021, 6 décembre 2021 et 29 décembre 2021 ainsi que le mail du 10 février 2022 de M.[T], gérant de la société, qui lui communique ses fiches de paie lui rappelant qu'elles étaient disponibles sur le logiciel comme il le sait, et lui reprochant de vouloir 'faire payer notre entreprise des salaires pour lesquels tu n'as pas travaillé, tout en connaissant nos difficultés financières; (...) Si nous faisons faillite à cause de ton escroquerie, tu auras sur la conscience sept foyers au chômage technique, tout ça pour toucher ton chômage en prétendant avoir travaillé six mois.'
Alors qu'il appartient à l'employeur de rapporter la preuve du refus du salarié de se tenir à la disposition de l'employeur ou de son refus d'exécuter son travail lui permettant de s'exonérer de son obligation de paiement de salaire, aucun élément versé aux débats n'établit que M. [L] a accepté de poser des congés sans solde sur la période du mois d'octobre 2021 au mois de janvier 2022.
Les attestations produites par la société ne démontrent pas plus que le salarié aurait refusé de se tenir à la disposition de l'employeur ou de fournir une prestation de travail.
La cour relève encore que s'il est produit un formulaire cerfa de rupture conventionnelle établissant la mise en oeuvre d'une telle procédure entre les parties, celui-ci est daté du 6 décembre 2021, soit postérieurement de plus de deux mois à l'arrêt du paiement du salaire et n'a pas été suivi d'effet.
Il en résulte que la SAS Ouispeak Solutions était tenue de fournir un travail et de payer sa rémunération à M. [L] qui s'est tenu à sa disposition en raison des obligations réciproques des parties liées par le contrat de travail.
Au vu de ces éléments, sur la période litigieuse, l'obligation pour l'employeur de devoir payer le salaire n'est pas sérieusement contestable, soit une somme totale de 13 204,06 euros au titre du salaire correspondant aux mois d'octobre 2021 à janvier 2022 inclus.
Il convient en conséquence de confirmer l'ordonnance qui a condamné l'employeur au paiement de cette somme, sauf à préciser que c'est à titre provisionnel, et à la remise des bulletins de salaire rectifiés. Aucune mesure d'astreinte n'est nécessaire.
La SAS Ouispeak Solutions succombant au principal, il convient de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de la condamner à payer à M. [L] la somme de 1 500 euros.
Les entiers dépens de première instance et d'appel seront supportés par la société.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et contradictoirement
Confirme l'ordonnance entreprise et statuant à nouveau sur le tout pour une meilleure compréhension et y ajoutant,
Condamne la SAS Ouispeak Solutions à payer à M. [U] [L], à titre provisionnel, la somme de 13 204,06 euros au titre des salaires des mois d'octobre 2021 à janvier 2022 inclus,
Condamne la SAS Ouispeak Solutions à payer à M. [U] [L] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SAS Ouispeak Solutions aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Le Greffier Le Président