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07/04/2023 | FRANCE | N°19/10846

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-6, 07 avril 2023, 19/10846


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-6



ARRÊT AU FOND

DU 07 AVRIL 2023



N° 2023/ 110













Rôle N° RG 19/10846 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BERP3







[U] [C] épouse [O]





C/



SARL ETABLISSEMENTS AIMAR











Copie exécutoire délivrée

le :07/04/2023

à :



- Me Noëlle ROUVIER-DUFAU, avocat au barreau de DRAGUIGNAN



- Me Barbara BALESTRI, avocat au barr

eau de DRAGUIGNAN



- POLE EMPLOI



















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DRAGUIGNAN en date du 06 Juin 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 17/00100.





APPELANTE



Madame...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-6

ARRÊT AU FOND

DU 07 AVRIL 2023

N° 2023/ 110

Rôle N° RG 19/10846 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BERP3

[U] [C] épouse [O]

C/

SARL ETABLISSEMENTS AIMAR

Copie exécutoire délivrée

le :07/04/2023

à :

- Me Noëlle ROUVIER-DUFAU, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

- Me Barbara BALESTRI, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

- POLE EMPLOI

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DRAGUIGNAN en date du 06 Juin 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 17/00100.

APPELANTE

Madame [U] [C] épouse [O], demeurant [Adresse 1] /FRANCE

représentée par Me Noëlle ROUVIER-DUFAU, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

INTIMEE

SARL ETABLISSEMENTS AIMAR, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Barbara BALESTRI, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été appelée le 09 Février 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Estelle de REVEL, Conseillère, en charge du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Philippe SILVAN, Président de chambre

Madame Dominique PODEVIN, Présidente de chambre

Madame Estelle de REVEL, Conseillère

Greffier lors des débats : Madame Caroline POTTIER.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 07 Avril 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 07 Avril 2023

Signé par M. Philippe SILVAN, Président de chambre et Mme Suzie BRETER, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

Mme [U] [C] a été engagée en qualité de vendeuse par la société SARL Tissus Claudine, devenue la SARL Etablissement Aimar, selon contrat de travail à durée indéterminée du 15 septembre 2007.

Le 1er décembre 2015, elle a été victime d'un accident du travail et son contrat de travail s'est trouvé suspendu.

Le 31 mai 2016, le médecin du travail a déclaré la salariée 'apte avec aménagement de poste: pas de charge de plus de 8 kg, pas d'effort de traction des bras. A revoir dans un mois..'

Le 3 juin 2016, la salariée a à nouveau été victime d'un accident du travail.

Le même jour, Mme [C] a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement économique fixé au 17 juin suivant.

Par courrier du 10 juin 2016, la convocation à l'entretien préalable a été annulée par l'employeur.

Le 8 novembre 2016, lors de la première visite de reprise, le médecin du travail a déclaré la salariée 'inapte au poste, apte à un autre : sans manutention manuelle de charge supérieure à 5 kg et sans mouvement en contrainte de l'épaule G 1ère visite en référence à l'article R.4624-31 du code du travail. A revoir dans 15 jours après étude de poste pour éventuel aménagement ou reclassement professionnel.'

Le 15 novembre suivant, lors de la deuxième visite de reprise, le médecin du travail a confirmé son précédant avis.

Le 14 décembre 2016, Mme [C] a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 23 décembre suivant.

Le 27 décembre 2016, elle s'est vue notifier un licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Estimant que l'employeur était à l'origine de son inaptitude et de sa rechute et qu'il n'avait pas satisfait à son obligation de reclassement, la salariée a saisi le conseil de prud'hommes de Draguignan en contestation de son licenciement.

Par jugement du 6 juin 2019, le conseil de prud'hommes de Draguignan a débouté Mme [C] de l'ensemble de ses demandes et la société de sa demande reconventionnelle.

Mme [C] a été condamnée aux dépens.

Mme [C] a relevé appel du jugement le 4 juillet 2019.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 10 février 2021, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé détaillé des moyens, Mme [C] demande à la cour de :

REFORMER en l'ensemble de ses dispositions le jugement rendu le 6 juin 2019 par le Conseil de Prud'hommes de DRAGUIGNAN;

DIRE ET JUGER que la rupture de son contrat est sans cause réelle et sérieuse;

En conséquence;

CONDAMNER la Société ETABLISSEMENTS AIMAR au paiement de la somme de 25 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;

ORDONNER la remise de l'attestation Pole emploi rectifiée sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir;

A titre subsidiaire;

CONSTATER que la Société ETABLISSEMENTS AIMAR n'a pas exécuté loyalement le contrat de travail et n'a pas respecté son obligation de sécurité;

En conséquence;

CONDAMNER la Société ETABLISSEMENTS AIMAR au paiement 15 000 € à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail;

CONDAMNER la Société ETABLISSEMENTS AIMAR au paiement de 2000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile;

DIRE l'ensemble des sommes assimilées à des salaires, productives d'intérêts de droit, capitalisés d'année en année, à compter de la citation devant le Bureau de conciliation et jusqu'à parfait paiement;

METTRE à la charge de l'employeur tous les frais d'exécution;

CONSTATER que, conformément à l'article 11 du décret du 8 mars 2001, les sommes allouées sont de la compétence d'une créance née de l'exécution d'un contrat de travail;

CONDAMNER la Société ETABLISSEMENTS AIMAR aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 3 avril 2021, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé détaillé des moyens, la SARL Etablissements Aimar demande à la cour:

CONFIRMER le jugement du Conseil des Prud'hommes en date du 6 juin 2019,

DEBOUTER Madame [U] [O] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

CONDAMNER Madame [U] [O] à verser la somme de 2.500,00 euros à la SARL

ETABLISSEMENTS AIMAR au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

CONDAMNER Madame [U] [O] aux entiers dépens.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le bienfondé du licenciement

Moyens des parties

Mme [C] soutient que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse.

En premier lieu, elle fait valoir que par son manquement à l'obligation de sécurité, la société est à l'origine de son licenciement pour inaptitude.

Elle soutient en ce sens qu'elle avait à manipuler des rouleaux de tissus de plus de 20 kg sans aide ce qui a eu des conséquences sur sa santé et a engendré un premier accident du travail en décembre 2015.

Elle indique qu'à l'issue de son arrêt de travail, elle a dû attendre deux mois pour obtenir une visite de reprise auprès du médecin du travail du fait de la carence de son employeur, et que durant cette période, elle a travaillé dans les mêmes conditions qu'auparavant.

Elle explique enfin que l'employeur n'a pas appliqué les recommandations du médecin du travail et que suite à de nouvelles manipulations de tissus sans aucun aménagement de son poste de travail, elle a à nouveau été placée en arrêt de travail.

En second lieu, l'appelante fonde la contestation de son licenciement sur l'absence de recherche sérieuse de reclassement par l'employeur.

Elle considère en effet que le poste de couturière proposé par l'employeur ne tient pas compte des préconisations du médecin du travail et qu'elle était donc en droit de refuser un poste incompatible avec de telles consignes.

Elle fait valoir que l'employeur aurait dû solliciter l'avis du médecin du travail sur le poste proposé et non la licencier.

En réplique, l'employeur conteste que la salariée ait eu à effectuer les manipulations de matériel (rouleaux de tissus de 20 kg) dans les conditions qu'elle invoque.

Il en veut pour preuve le fait qu'elle travaillait au sein de l'entreprise depuis 2007 et qu'elle n'avait jamais eu à se plaindre de son comportement, ni d'un accident lié à cette activité.

Il affirme que Mme [C] était aidée dans les manipulations par la gérante ou son époux.

Il soutient par ailleurs qu'après son arrêt de travail ayant pris fin le 1er avril 2016 jusqu'à la visite de reprise le 2 juin suivant, la salariée n'a en réalité que très peu travaillé ayant été en congés durant la plus grande partie du temps.

Il conteste qu'elle ait eu un accident le 3 juin 2016, son dernier jour travaillé étant le 2 juin.

Il considère en conséquence qu'il n'a commis aucun manquement.

S'agissant du respect de son obligation de procéder au reclassement de la salariée, il soutient avoir proposé un poste de reclassement respectant les préconisations du médecin du travail.

Il indique avoir également tenté un reclassement de l'appelante dans un autre atelier, en vain.

Réponse de la cour

Aux termes de l'article L. 4121-1 du code du travail, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

L'obligation générale de sécurité se traduit par un principe de prévention au titre duquel les équipements de travail doivent être équipés, installés, utilisés, réglés et maintenus de manière à préserver la santé et la sécurité des travailleurs.

L'employeur, tenu d'une obligation de sécurité en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise, doit en assurer l'effectivité.

Selon l'article R.44624-35 du code du travail, le travailleur bénéficie d'un examen de reprise du travail par le médecin du travail après une absence d'au moins 30 jours pour cause d'accident du travail. Dès que l'employeur a connaissance de la fin de l'arrêt de travail, il saisit le service de santé au travail qui organise l'examen de reprise le jour de la reprise effective du travail par le travailleur, et au plus tard dans un délai de huit jours qui suivent cette reprise.

Est dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement pour inaptitude lorsqu'il est démontré que l'inaptitude était consécutive à un manquement préalable de l'employeur qui l'a provoquée.

En l'espèce, Mme [C] produit les éléments suivants :

- le certificat d'accident du travail subi le 1er décembre 2015;

- les avis d'arrêt de travail qui ont suivi mentionnant un traumatisme de l'épaule gauche et qui se sont prolongés jusqu'au 1er avril 2016,

- le courrier qu'elle a adressé à la société le 14 avril 2016 indiquant avoir repris son activité depuis le 1er avril et n'avoir toujours pas été convoquée par le service de santé au travail pour la visite de reprise,

- la réponse de son employeur le 18 avril dans laquelle il indique s'être inscrit le 13 avril 2016 'compte tenu de la gestion des dossiers, je ne pourrai connaître la date de rendez-vous de votre visite de contrôle que le 21 avril 2016";

- l'avis rendu le 31 mai 2016 lors de la visite de reprise mentionnant que la salariée est 'apte avec aménagement de poste : pas de charge de plus de 8 kg, pas d'effort de traction des bras.'

- 3 juin 2016, elle a à nouveau été victime d'un accident du travail pour une douleur à l'épaule gauche après effort et placée en arrêt de travail pour un traumatisme de l'épaule gauche.

Il n'est pas discuté que le 1er avril 2016, Mme [C] a repris son poste de travail dans les mêmes conditions qu'avant son accident du travail. La cour relève au demeurant que le fait qu'elle ne se soit jamais plainte de ses conditions de travail est inopérant, de même que le fait qu'elle ait pu être en congés payés durant une partie de cette période.

Il ressort des éléments produits que l'employeur a tardé à organiser une visite de reprise à la suite d'un arrêt de travail de 30 jours pour accident du travail, que la salariée a occupé le même poste de travail pendant deux mois après sa reprise sans que l'employeur ne sache si elle était apte, qu'elle a versé une lettre pour informer l'employeur qu'elle reprenait son activité, qu'une fois l'avis d'aptitude rendu avec les restrictions susvisées, les préconisations du médecin du travail n'ont pas été suivies par l'employeur, que de façon anormal le travail imposé à la salariée a participé de façon déterminante à son inaptitude consécutive à un accident du travail, et ainsi caractérisé un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité.

La seule affirmation de l'intimé que la salariée était aidée pour manipuler les rouleaux de tissus ne saurait être regardée comme satisfaisant aux préconisations du médecin du travail.

Il en résulte que l'inaptitude de Mme [C], cause alléguée de son licenciement, trouve son origine dans un manquement de la société Etablissement Aimar qui l'a directement provoquée.

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens, et pour ce seul motif, la cour dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse. Le jugement doit être infirmé.

Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Mme [C] sollicite des dommages et intérêts à hauteur de 25 000 euros au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse faisant valoir son ancienneté de près de 10 ans, la perte de sa rémunération et son état de santé.

Elle considère que c'est à l'employeur de supporter l'entière responsabilité de son inaptitude.

La société Etablissement Aimar qui conclut au rejet de la demande n'a pas développé de subsidiaire.

Selon l'article L.1235-3 du code du travail, dans sa version antérieure à l'ordonnance du 22 septembre 2017, le salarié ayant plus de deux ans d'ancienneté peut prétendre à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse au moins égale au six derniers mois de salaire.

La cour rappelle que l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse répare le préjudice résultant du caractère injustifié de la perte de l'emploi et n'a pas pour objet de réparer le préjudice résultant de son accident du travail ou du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité.

Au vu de ces éléments, et du salaire de référence s'élevant à 1 636,41 euros selon les bulletins de salaire produits, la cour considère que la somme de 10 000 euros répare intégralement le préjudice né du licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur la remise des documents de fin de contrat

Il y a lieu d'ordonner à la société de remettre à la salariée l'attestation Pôle Emploi rectifiée.

Aucune astreinte n'est nécessaire.

Sur le remboursement des indemnités Pôle Emploi

Le licenciement étant sans cause réelle et sérieuse, il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 1235-4 du même code qui l'imposent et sont donc dans le débat, d'ordonner d'office à l'employeur de rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage versées au salarié, dans la limite de trois mois d'indemnités.

Sur les autres demandes

La société succombant au principal, il est équitable de la condamner à payer à l'appelante la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement entrepris,

Statuant à nouveau et Y ajoutant

Dit que le licenciement de Mme [U] [C] est sans cause réelle et sérieuse,

Condamne la SARL Etablissement Aimar à payer à Mme [U] [C] les sommes suivantes :

- 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Ordonne à la SARL Etablissement Aimar la remise de l'attestation Pôle Emploi rectifié au vu du présent arrêt à Mme [C],

Dit n'y avoir lieu à prononcer une astreinte,

Ordonne le remboursement par la SARL Etablissement Aimar à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées à la salariée, au jour de la présente décision et ce dans la limite de trois mois d'indemnités de chômage';

Dit qu'à cette fin, une copie certifiée conforme de la présente décision sera adressée à Pôle Emploi, par le greffe,

Condamne la SARL Etablissement Aimar aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-6
Numéro d'arrêt : 19/10846
Date de la décision : 07/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-07;19.10846 ?
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