La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/04/2023 | FRANCE | N°19/09644

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-6, 07 avril 2023, 19/09644


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-6



ARRÊT AU FOND

DU 07 AVRIL 2023



N° 2023/ 102













Rôle N° RG 19/09644 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BEN34







SAS PERRENOT BRIGNOLES





C/



[B] [I]

























Copie exécutoire délivrée

le :7/04/2023

à :



- Me Audrey JURIENS de la SCP JURIENS & ASSOCIES, avocat au barreau d'AI

X-EN-PROVENCE



- Me Sandrine OTT-RAYNAUD, avocat au barreau de TOULON



- POLE EMPLOI





















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULON en date du 27 Mai 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° F17/00535.
...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-6

ARRÊT AU FOND

DU 07 AVRIL 2023

N° 2023/ 102

Rôle N° RG 19/09644 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BEN34

SAS PERRENOT BRIGNOLES

C/

[B] [I]

Copie exécutoire délivrée

le :7/04/2023

à :

- Me Audrey JURIENS de la SCP JURIENS & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

- Me Sandrine OTT-RAYNAUD, avocat au barreau de TOULON

- POLE EMPLOI

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULON en date du 27 Mai 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° F17/00535.

APPELANTE

SAS PERRENOT BRIGNOLES, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Audrey JURIENS de la SCP JURIENS & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIME

Monsieur [B] [I], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Sandrine OTT-RAYNAUD, avocat au barreau de TOULON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 Février 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Philippe SILVAN, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des demandes des parties dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Philippe SILVAN, Président de chambre

Mme Dominique PODEVIN, Présidente de chambre

Madame Estelle de REVEL, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Suzie BRETER.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 07 Avril 2023.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 07 Avril 2023

Signé par M. Philippe SILVAN, Président de chambre et Mme Suzie BRETER, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Le 25 juillet 2005, M. [I] a été recruté en qualité de chauffeur par la société TCL Provence, aux droits de laquelle vient la société Perrenot Brignoles.

Le 16 novembre 2016, M. [I] a été convoqué à un entretien préalable en vue de son éventuel licenciement et a fait l'objet d'une mise à pied à titre conservatoire.

Il a été licencié pour faute grave le 2 décembre 2016.

Le 27 juillet 2017, il a saisi le conseil de prud'hommes de Toulon d'une contestation de son licenciement.

Par jugement du 27 mai 2019, le conseil de prud'hommes de Toulon a':

''requalifié le licenciement en licenciement pour cause réelle et sérieuse';

''condamné la société Perrenot Brignoles à verser à M. [I] les sommes suivantes':

- 5'365,10'€ au titre de l'indemnité légale de licenciement';

- 1'143, 30'€ au titre du salaire pendant la mise à pied conservatoire';

- 114,33'€ au titre des congés payés sur la mise à pied conservatoire';

- 5'242'€ au titre de l'indemnité compensatrice de préavis';

- 524,20'€ au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis';

''condamné la société Perrenot Brignoles à payer à M. [I] la somme de 1'500'€ en application de l'article 700 du code de procédure civile';

''débouté la société Perrenot Brignoles de sa demande reconventionnelle';

''condamné la société Perrenot Brignoles aux entiers dépens';

La société Perrenot Brignoles a fait appel de ce jugement le 17 juin 2019.

A l'issue de ses conclusions du 25 février 2020, auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions, la société Perrenot Brignoles demande de':

''réformer le jugement dont appel rendu le 27 mai 2019 par le conseil de prud'hommes de Toulon';

en ce qu'il':

''a requalifié le licenciement en licenciement pour cause réelle et sérieuse';

''l'a condamnée à verser à M. [I]':

- 5'365,10'€ au titre de l'indemnité légale de licenciement';

- 1'143, 30'€ au titre du salaire pendant la mise à pied conservatoire';

- 114,33'€ au titre des congés payés sur la mise à pied conservatoire';

- 5'242'€ au titre de l'indemnité compensatrice de préavis';

- 524, 20'€ au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis';

''l'a condamnée à payer à M. [I] la somme de 1'500'€ en application de l'article 700 du code de procédure civile';

''l'a déboutée de sa demande reconventionnelle';

''l'a condamnée aux entiers dépens';

en conséquence, statuant à nouveau';

''fixer le salaire mensuel de référence de M. [I] à la somme brute de 2.621,00 euros';

''dire que le licenciement de M. [I] pour faute grave est justifié';

''débouter M. [I] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions';

''condamner M. [I] à lui régler la somme de 1.500,00'€ en application de l'article 700 du code de procédure civile';

condamner M. [I] aux entiers dépens.

La société Perrenot Brignoles soutient qu'elle était fondée à procéder au licenciement pour faute grave de M. [I] en raison, d'une part, du détournement de marchandises qu'il aurait dû livrer au client Carrefour, M. [I] ayant conservé celles-ci dans le fond de son camion au lieu de les remettre à ce client, et, d'autre part, de nombreuses infractions aux temps de service et de pause, et ce malgré plusieurs lettres de mise en garde et un avertissement antérieurs.

Elle précise que M. [I] a été l'auteur de plusieurs accidents de la circulation, ce qui lui a valu un avertissement le 19 décembre 2013, qu'elle ne pouvait se permettre d'exposer M. [I], les autres usagers de la route et son entreprise aux conséquences d'un accident ni conserver dans ses effectifs un salarié ne respectant pas les temps de pause.

Enfin, concernant le préjudice subi par M. [I], elle fait valoir que ce dernier a presque immédiatement retrouvé un emploi en juin 2017 et lui fait grief de ne pas justifier de sa situation entre janvier et juin 2017.

Selon ses conclusions du 28 novembre 2019, auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions, M. [I] demande de':

à titre principal,

''confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes en ce qu'il a condamné la société Perrenot Brignoles au paiement des indemnité de rupture et du salaire pendant la période de mise à pied conservatoire';

''réformer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes en ce qu'il a jugé que son salaire mensuel de référence était de 2621 euros, condamné la société Perrenot Brignoles au paiement des indemnités sur la base de ce salaire de 2621'€, et l'a débouté de ses demandes au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse';

''en conséquence, statuant à nouveau';

''dire et juger que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse';

''condamner la société Perrenot Brignoles à lui payer':

-indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse': 27793.3 euros (subsidiairement au minimum 17793.3 euros)';

-indemnité compensatrice de préavis': 5931 euros';

-indemnité compensatrice de congés payés sur préavis': 593.1 euros';

-indemnité légale de licenciement': 7'898.25 euros';

-salaire mise à pied conservatoire': 1143.30 euros';

-congés payés y afférents': 114.33 euros';

à titre subsidiaire';

''confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes';

''en conséquence';

''requalifier le licenciement en licenciement pour cause réelle et sérieuse';

''condamner la société Perrenot Brignoles à lui payer':

-5'365,10'€ au titre de l'indemnité légale de licenciement';

-1'143,30'€ au titre du salaire pendant la mise à pied conservatoire';

-114,33'€ au titre des congés payés sur la mise à pied conservatoire';

-5'242'€ au titre de l'indemnité compensatrice de préavis';

-524,20'€ au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis';

en tout état de cause';

''condamner la société Perrenot Brignoles à la somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens';

''débouter la société Perrenot Brignoles de l'intégralité de ses demandes.

M. [I] conteste les faits invoqués par la société Perrenot Brignoles pour procéder à son licenciement pour faute grave.

Il expose, concernant les faits de vol, que le comportement qui lui est reproché trouve sa cause dans une erreur, isolée, dépourvue de tout élément intentionnel, et à laquelle aucune suite pénale n'a été donnée.

Concernant le non-respect des temps de pause, il fait valoir que ses feuilles de route démontrent que les coupures de conduite ont bien été effectuées puisqu'elles peuvent être fractionnées en deux périodes de 15 et 30 minutes, que la société Perrenot Brignoles, qui n'a pas mis en place des conditions de travail permettant d'assurer la santé et la sécurité de ses chauffeurs, ne peut lui reprocher ce type d'infraction, qu'il incombait en effet à la société Perrenot Brignoles de respecter les durées maximales légales du travail, dont les amplitudes horaires ainsi que les durées maximales de travail hebdomadaire, que les horaires mis en place par l'entreprise ne respectaient pas les amplitudes journalières légales d'une durée maximum de 13 heures, que, compte tenu de sa charge de travail, notamment le respect des délais de livraison, il était dans l'incapacité de bénéficier de tous les temps de pause, que la violation des temps de pause alléguée, à la supposer démontrée, existait depuis plusieurs années et ne constitue donc pas un fait nouveau, que la faute grave implique une réaction immédiate de l'employeur et que des agissements longuement tolérés ne peuvent donc être invoqués.

Il estime que la véritable cause de son licenciement réside dans la volonté de son employeur de mettre fin à son contrat de travail pour limiter les charges salariales et recruter de nouveaux chauffeurs aux salaires moins élevés.

Il conteste le montant du salaire de référence retenu par le conseil de prud'hommes pour procéder au calcul des indemnités de rupture et sollicite en conséquence la somme de 7898.25 euros à titre d'indemnité légale de licenciement et celle de 5931,10 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 593.11 euros au titre des congés payés afférents.

Enfin, concernant les dommages et intérêts réclamés pour licenciement sans cause réelle et sérieuse il fait valoir qu'il a subi un préjudice moral important du fait de la rupture soudaine de son contrat de travail, sans salaire, indemnité ni préavis, qu'il est en recherche d'emploi pendant plus d'un an excepté une période de contrat à durée déterminée, qu'il perçoit un salaire nettement inférieur à celui qu'il percevait antérieurement, qu'il a perdu le bénéfice des primes, du 13e mois, des chèques KDOS, etc. et que, victime d'accident du travail, il se trouve toujours en arrêt dans l'attente d'une intervention chirurgicale.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 20 janvier 2013. Pour un plus ample exposé de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère expressément à la décision déférée et aux dernières conclusions déposées par les parties.

SUR CE':

Il est de jurisprudence constante que la faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de l'intéressé dans l'entreprise. Il est de principe que la charge de la preuve incombe à l'employeur, le salarié n'ayant rien à prouver.

La lettre de licenciement adressée par la société Perrenot Brignoles à M. [I] le 2 décembre 2016 est rédigée dans les termes suivants':

«'A plusieurs reprises, nous avons eu à nous plaindre de votre comportement.

Nous avons été informés par notre client, pour qui vous travaillez exclusivement, de certains de vos actes, qualifiés de vol, pendant votre mission de travail.

Ainsi, le 14 novembre 2016, vous avez effectué le chargement prévu par notre client puis étiez sur le point de partir du site. Un agent de sécurité vous a alors interpellé juste avant votre sortie à 21h15 et vous a demandé d'ouvrir les portes de la semi.

Il s'est avéré qu'il restait au fond de la semi, dans le noir, plusieurs marchandises. En effet, il restait 3 colis': un carton de café l'or, un carton de Granola et un carton de papier toilette.

Lorsque l'agent de sécurité vous a interrogé sur ces faits, vous lui avez répondu que les colis étaient tombés d'une palette.

Pourtant, vous êtes totalement responsable de votre déchargement. Selon les procédures établies avec notre client, vous vous devez de signaler lors de la livraison au client la casse marchandise et vous avez l'obligation de sortir avec la semi-remorque à vide du site.

Or, dans le cas présent, vous n'avez délibérément rien déclaré pour repartir avec les marchandises. Plus graves encore, il s'avère que les cartons dérobés n'étaient pas du tout abîmé et pouvaient ainsi être livrés au client.

Notre client a ainsi récupéré la marchandise et nous a demandé de ne plus vous affecter à leurs tournées.

Une telle attitude nuit gravement à nos relations employeur/employé, mais aussi à nos relations commerciales.

Nous ne pouvons tolérer de tels agissements de vol.

Ces faits démontrent du peu d'intérêt que vous portez à votre travail, à la société Perrenot Brignoles et à notre client.

Suite à cela, vous avez d'ailleurs été interdit de site chez notre client.

A cela s'ajoute des manquements dans l'exercice de votre activité de conduite.

Ainsi, nous avons constaté, à la lecture de vos disques de chronotachygraphe des mois de septembre à novembre 2016, des infractions à la réglementation et à la législation sur les temps de service, concernant notamment les temps de pause.

Vous avez commis 39 infractions supérieures à 6 heures de temps de service sans observer les temps de pause réglementaires.

Ces infractions auraient pu être évitées en adoptant une manipulation plus rigoureuse.

Votre comportement n'est donc pas accessible et surtout, est clairement incompatible avec le statut de conducteur routier professionnel que vous détenez au sein de notre entreprise.

Les explications que vous avez formulées lors de votre entretien ne nous ont donc pas permis de modifier notre appréciation sur les faits reprochés.

Dès lors, nous vous avions mis à pied à titre conservatoire dès le 15 novembre dernier.

Ces agissements étant constitutifs de fautes graves, nous vous notifions par la présente votre licenciement pour faute grave, sans indemnité de préavis, ni de licenciement.

Vous cesserez à la date d'envoi de cette lettre à votre domicile de faire partie du personnel de notre entreprise.'».

sur les faits de vol':

Il est constant que, le 14 novembre 2016, à 21h15, M. [I], alors qu'il quittait un site de la société Carrefour, au sein duquel il avait effectué une livraison de marchandises pour le compte de son employeur, a fait l'objet d'un contrôle du camion qu'il conduisait par le personnel de sécurité de la société Carrefour lequel a découvert la présence dans sa remorque de trois cartons, à savoir un colis de café, un colis de papier toilette et un colis de gâteaux de marque Granola, le tout d'une valeur de 82 euros.

La société Perrenot Brignoles produit aux débats un courriel de la société carrefour qui lui a été adressé le 15 novembre 2016 dans lequel celle-ci expose que son personnel de sécurité, après ouverture des portes par l'agent, s'était aperçu qu'il restait au fond du camion, dans le noir, de la marchandise, que le chauffeur n'était pas du tout tranquille lors du contrôle et avait donné comme explication que cette marchandise était tombée d'une palette. Par ce courriel, la société Carrefour demande à la société Perrenot Brignoles de ne plus autoriser M. [I] à livrer sur son site. À ce courriel est annexé une photographie des marchandises en question.

M. [I] verse aux débats le témoignage de M. [W], ancien chauffeur de la société Perrenot Brignoles, qui expose que l'éclairage intérieur de la plupart des remarques ne fonctionne pas et qu'il est difficile de voir des colis dans la pénombre, qu'il arrive que des colis tombent de palettes mal montées ou mal filmées, et ce à l'insu des chauffeurs qui sont toujours sous pression pour pouvoir respecter les horaires et que la découverte à la sortie de tels colis n'a jamais été considérée comme un vol.

En l'état de ces éléments, il n'apparaît pas avec certitude que M. [I] a sciemment conservé ces colis au fond de sa remorque, notamment en considération du fait qu'il est constant que les véhicules font l'objet d'un contrôle en quittant le site de la société Carrefour, ou si leur présence dans le véhicule conduit par M. [I] peut être imputé à la négligence de ce dernier. En conséquence, la matérialité des faits de vol reprochés à M. [I] n'est pas établie. Ce grief ne peut donc être invoqué à l'appui de son licenciement pour faute grave.

sur la violation des temps de pause':

Selon l'article L.'3313-1 du code des transports, le temps de conduite et de repos des conducteurs est régi par les dispositions du Règlement (CE) n° 561/2006 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2006 relatif à l'harmonisation de certaines dispositions de la législation sociale dans le domaine des transports par route, modifiant les Règlements (CEE) n° 3821/85 et (CE) n° 2135/98 du Conseil et abrogeant le Règlement (CEE) n° 3820/85 du Conseil (ci-après) et par celles de l'accord européen relatif au travail des équipages des véhicules effectuant des transports internationaux par route (AETR) du 1er juillet 1970 modifié.

L'article 7 du Règlement n°561/2006 du 15 mars 2006 prévoit que, après un temps de conduite de quatre heures et demie, un conducteur observe une pause ininterrompue d'au moins quarante-cinq minutes, à moins qu'il ne prenne un temps de repos et que cette pause peut être remplacée par une pause d'au moins quinze minutes suivie d'une pause d'au moins trente minutes réparties au cours de la période de manière à se conformer aux dispositions du premier alinéa.

La société Perrenot Brignoles produit un débat un tableau récapitulant, sur la période courant du 31 août 2016 au 11 novembre 2016 les 39 violations, reprochées à M.[I], de son obligation à prendre un repos après six heures de conduite. Ce tableau comprend l'indication des dates et heures de début et de fin de service de M. [I] ainsi que l'amplitude entre le début et la fin de son service.

De son côté, M. [I] verse à l'instance ses bulletins de paie pour la période litigieuse comprenant en annexe le relevé de sa carte magnétique et dont il ressort effectivement, qu'aux dates reprochées par la société Perrenot Brignoles, il a conduit plus de six heures.

Cependant, alors qu'il est soutenu par M. [I] qu'il a pris ses périodes de pause en fractionné sur des périodes de 15 et 30 minutes, les éléments soumis à l'appréciation de la cour ne permettent pas de vérifier si, effectivement, M. [I] a pris ou non ses périodes de pause à l'issue d'une période de conduite de quatre heures et demie et si les pauses en question ont été conformes aux prévisions du Règlement n°561/2006 du 15 mars 2006. Il existe en conséquence un doute sur la réalité de ce second grief qui devra profiter à M. [I].

Le licenciement de M. [I] pour faute grave est en conséquence dépourvu de cause réelle et sérieuse.

L'article L.'1234-9 du code du travail, dans sa version issue de la loi n°2008-596 du 25 juin 2008, énonce que le salarié titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu'il compte une année d'ancienneté ininterrompue au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement.

L'article R.'1234-2 du même code, dans sa version tirée du décret n°2008-715 du 18 juillet 2008, dispose que l'indemnité de licenciement ne peut être inférieure à un cinquième de mois de salaire par année d'ancienneté, auquel s'ajoutent deux quinzièmes de mois par année au-delà de dix ans d'ancienneté.

Enfin, selon l'article R.'1234-8 du même code, dans sa version issue du décret n°2008-244 du 7 mars 2008, le salaire à prendre en considération pour le calcul de l'indemnité de licenciement est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié':

1° Soit le douzième de la rémunération des douze derniers mois précédant le licenciement';

2° Soit le tiers des trois derniers mois. dans ce cas, toute prime ou gratification de caractère annuel ou exceptionnel, versée au salarié pendant cette période, n'est prise en compte que dans la limite d'un montant calculé à due proportion.

M. [I] a fait l'objet d'une mise à pied conservatoire le 16 novembre 2016, dès lors, le calcul du salaire de référence devra s'effectuer en considération des rémunérations perçues entre le mois d'octobre 2015 et le mois d'octobre 2016 et des salaires payés entre le mois d'août 2016 et le mois d'octobre 2016. Les modes de calcul les plus favorables à M. [I], soit les trois derniers mois de salaires perçus, permettent de retenir un salaire de référence de 2932,59 euros.

M. [I] bénéficiait d'une ancienneté de onze ans, six mois et sept jours lors de la rupture du contrat de travail. La cour, statuant dans les limites de sa demande, allouera à M. [I] la somme de 7'898.25 euros à titre d'indemnité légale de licenciement.

L'article L.'1234-5 du code du travail prévoit que, lorsque le salarié n'exécute pas le préavis, il a droit, sauf s'il a commis une faute grave, à une indemnité compensatrice et que l'inexécution du préavis, notamment en cas de dispense par l'employeur, n'entraîne aucune diminution des salaires et avantages que le salarié aurait perçu s'il avait accompli son travail jusqu'à l'expiration du préavis, indemnité de congés payés comprise.

Compte tenu des salaires perçus par M. [I] au cours des douze derniers mois, il apparaît que M. [I] pouvait escompter percevoir jusqu'à l'expiration de son préavis un salaire de'2385,20 euros. Il lui sera en conséquence alloué la somme de 4770,41'euros outre 477,04 euros au titre des congés payés afférents.

Le préjudice subi par M. [I] en raison de la rupture de son contrat de travail, caractérisé par une période de chômage jusqu'en juin 2017 puis en reprise d'emploi, d'abord en contrat à durée déterminée puis en contrat à durée indéterminée mais pour une rémunération moindre que celle dont il bénéficiait au sein de la société Perrenot Brignoles, sera indemnisé en condamnant celle-ci à lui payer la somme de 16'000'euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le licenciement ne résultant pas d'une cause réelle et sérieuse il conviendra en conséquence de faire application des dispositions de l'article L.'1235-4 du code du travail et d'ordonner le remboursement par l'employeur, qui emploie plus de onze salariés, des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour de la présente décision et ce dans la limite de deux mois d'indemnités de chômage.

Enfin, la société Perrenot Brignoles, partie perdante qui sera condamnée aux dépens et déboutée de sa demande au titre de ses frais irrépétibles, devra payer à M. [I] la somme de 1500'euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS';

LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement';

DECLARE la société Perrenot Brignoles recevable en son appel';

INFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Toulon du 27 mai 2019';

STATUANT à nouveau';

DIT que le licenciement pour faute grave de M. [I] est dépourvu de cause réelle et sérieuse';

CONDAMNE la société Perrenot Brignoles à payer à M. [I] les sommes suivantes':

- 16'000'euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse';

- 4770,41 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis';

- 477,04 euros au titre des congés payés afférents';

- 7'898.25 euros à titre d'indemnité légale de licenciement';

- 1'143, 30'€ au titre du salaire pendant la mise à pied conservatoire';

- 114,33'€ au titre des congés payés sur la mise à pied conservatoire';

- 1'500'€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile';

ORDONNE le remboursement par la société Perrenot Brignoles des indemnités de chômage versées à M. [I], du jour de son licenciement au jour de la présente décision et ce dans la limite de deux mois d'indemnités de chômage';

DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes';

CONDAMNE la société Perrenot Brignoles aux dépens de première instance et d'appel.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-6
Numéro d'arrêt : 19/09644
Date de la décision : 07/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-07;19.09644 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award