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06/04/2023 | FRANCE | N°20/04298

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-5, 06 avril 2023, 20/04298


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5



ARRÊT AU FOND

DU 06 AVRIL 2023

lv



N° 2023/ 144













Rôle N° RG 20/04298 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BFZAN







[T] [U]

[G] [N]





C/



[C] [N]

[B] [N]

[H] [N]





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :





SCP MAGNAN PAUL MAGNAN JOSEPH



SELAR

L BOSCO AVOCATS







Décision déférée à la Cour :



Sur saisine de la Cour suite à l'arrêt n° 192 F-D rendu par la Cour de Cassation en date du 12 mars 2020, enregistré sous le numéro de pourvoi D 18-24.938 qui a cassé et annulé l'arrêt rendu le 19 septembre 2018 par la Chambre Civile Section 1 de la Cour d'Appel de...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5

ARRÊT AU FOND

DU 06 AVRIL 2023

lv

N° 2023/ 144

Rôle N° RG 20/04298 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BFZAN

[T] [U]

[G] [N]

C/

[C] [N]

[B] [N]

[H] [N]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

SCP MAGNAN PAUL MAGNAN JOSEPH

SELARL BOSCO AVOCATS

Décision déférée à la Cour :

Sur saisine de la Cour suite à l'arrêt n° 192 F-D rendu par la Cour de Cassation en date du 12 mars 2020, enregistré sous le numéro de pourvoi D 18-24.938 qui a cassé et annulé l'arrêt rendu le 19 septembre 2018 par la Chambre Civile Section 1 de la Cour d'Appel de BASTIA, enregistré au répertoire général sous le n° 17/00380 FL-C , sur appel d'un jugement du Tribunal de grande instance de BASTIA du 14 avril 2017, enregistré au répertoire général sous le n° 15/01234 .

DEMANDEURS A LA SAISINE APRES RENVOI CASSATION

Monsieur [T] [U]

demeurant [Adresse 6]

représenté par Me Joseph MAGNAN de la SCP MAGNAN PAUL MAGNAN JOSEPH, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assisté de Me Eve NOURRY, avocat au barreau d'AJACCIO

Madame [G] [N]

demeurant [Adresse 7]

représentée par Me Joseph MAGNAN de la SCP MAGNAN PAUL MAGNAN JOSEPH, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Eve NOURRY, avocat au barreau d'AJACCIO

DEFENDEURS A LA SAISINE APRES RENVOI CASSATION

Monsieur [C] [V]

demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Jean-François PEDINIELLI de la SELARL BOSCO AVOCATS, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Shirley LEBEGUE, avocat au barreau de MARSEILLE, assisté de Me Antoine GIOVANNANGELI de la SCP MORELLI MAUREL ET ASSOCIES, avocat au barreau d'AJACCIO

Madame [B] [N]

demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Jean-François PEDINIELLI de la SELARL BOSCO AVOCATS, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Shirley LEBEGUE, avocat au barreau de MARSEILLE, assistée de Me Antoine GIOVANNANGELI de la SCP MORELLI MAUREL ET ASSOCIES, avocat au barreau d'AJACCIO

Madame [H] [N]

demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Jean-François PEDINIELLI de la SELARL BOSCO AVOCATS, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Shirley LEBEGUE, avocat au barreau de MARSEILLE, assistée de Me Antoine GIOVANNANGELI de la SCP MORELLI MAUREL ET ASSOCIES, avocat au barreau d'AJACCIO

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 09 Février 2023 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Laetitia VIGNON, faisant fonction de président de chambre , a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Laetitia VIGNON, Conseiller, faisant fonction de président de chambre

Madame Patricia HOARAU, Conseiller

Monsieur Olivier ABRAM, Vice Président placé

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Avril 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcée par mise à disposition au greffe le 06 Avril 2023,

Signé par Madame Laetitia VIGNON, Conseiller, faisant fonction de président de chambre et Madame Danielle PANDOLFI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Par acte authentique du 25 novembre 1992, Mme [L] [W] a fait donation entre vifs, à titre d'avancement d'hoirie, dans son immeuble situé [Adresse 4], à chacune de ses trois filles ;

- à Mme [G] [N], le lot numéro 1 en pleine propriété constitué de la totalité du rez-de-chaussée à usage commercial avec une petite place devant faisant l'angle de la [Adresse 8] et avec deux accès indépendants, l'un par la rue [Adresse 2] et l'autre par la petite place ;

- à Mme [H] [N], la moitié indivise en pleine propriété du lot numéro 2 constitué par le premier étage avec accès indépendant par un escalier extérieur sur la rue [Adresse 2], du lot numéro 3 constitué par le deuxième étage avec accès par l'escalier intérieur à partir du premier étage et du lot numéro 4 constitué par les combles avec accès par escalier intérieur à partir du deuxième étage ;

- à Mme [B] [N], l'autre moitié indivise du même bien.

Par acte sous seing privé du 11 mars 1992, Mme [L] [W] avait autorisé M. [T] [U], compagnon de sa fille [G], « à effectuer des travaux d'agrandissement dans cette maison ».

Un permis de construire demandé par M. [T] [U] a été obtenu le 20 juillet 1992 pour une extension de 36 m² en R+ 1 du commerce, et les travaux ont été réalisés entre le 21 décembre 1992, date d'ouverture du chantier et le 4 janvier 1994, date de déclaration d'achèvement du chantier.

M. [T] [U] bénéficiait d'un bail portant sur le local commercial du rez-de-chaussée et y exploitait un commerce de vêtements et bijoux fantaisie.

Mme [L] [W] est décédée le 2 mai 2001.

Se plaignant, sur la base d'un constat du 1er avril 2015, de ce que Mmes [H] et [B] [N] violeraient leur droit de propriété et entraveraient la liberté de commerce de M. [T] [U], Mme [G] [N] et M. [T] [U] ont assigné Mme [B] et Mme [H] [N], ainsi que M. [C] [N], fils de celle-ci, pour voir dire que Mme [G] [N] est seule propriétaire de l'intégralité de la construction édifiée sur la parcelle ayant fait l'objet de la donation, voir ordonner la restitution de la réserve située au premier étage, voir ordonner la remise en état sous astreinte, l'expulsion immédiate des consorts [N], obtenir un remboursement des frais engagés par M. [T] [U], ainsi que le paiement de dommages-intérêts.

Par jugement contradictoire du 14 avril 2017, le tribunal de grande instance d'Ajaccio a :

- dit que Mme [G] [N] est propriétaire de la totalité du rez-de-chaussée composé du local commercial agrandi et de la placette constituant le lot numéro un ;

- dit que Mme [B] et Mme [H] [N] sont propriétaires indivises de la totalité du premier étage agrandi constituant le lot numéro deux ;

- débouté Mme [G] [N] de sa demande relative au droit de propriété de l'extension du premier étage ;

- débouté M. [T] [U] de sa demande relative à un préjudice commercial ;

-débouté Mmes [H], [B] et M. [C] [N] de leur demande au titre d'un préjudice moral ;

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné Mme [G] [N] et M. [T] [U] aux entiers dépens de l'instance.

Sur appel de Mme [G] [N] et M; [T] [U], la cour d'appel de Bastia a, par arrêt du 19 septembre 2018 :

-confirmé le jugement,

-y ajoutant :

-dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamné Mme [G] [N] et M. [T] [U] aux entiers dépens.

La Cour de cassation a, dans un arrêt du 12 septembre 2019 :

- cassé et annulé en toutes ses dispositions cet arrêt,

- remis en conséquence la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et les a renvoyées devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

- condamné Mme [B] [N], Mme [H] [N] et M. [C] [N] aux dépens;

- rejeté les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La cassation est motivée comme suit :

« Vu l'article 552, alinéa 1er, du code civil :

Aux termes de ce texte, la propriété du sol emporte la propriété du dessus et du dessous.

Pour rejeter les demandes de M. [U] et Mme [G] [N], après avoir relevé que l'extension du premier étage avait été intégralement édifiée entre le 21 décembre 1992 et le 4 janvier 1994, au-dessus de l'extension du rez-de-chaussée, elle-même édifiée sur la petite place, propriété depuis le 25 novembre 1992 de Mme [G] [N], l'arrêt retient que le principe selon lequel la propriété du sol emporte la propriété des constructions qui y sont édifiées est inopérant, que la donatrice était encore propriétaire de l'intégralité de l'immeuble lorsque les travaux d'extension avaient été sollicités et autorisés, que l'extension revendiquée est en réalité indépendante de l'extension du rez-de-chaussée, qu'elle constitue, une partie de l'appartement du premier étage et non pas la « réserve » nécessaire à une exploitation corciale et, au regard de la configuration des lieux et de leur accès, un ajout au premier étage, propriété de Mmes [H] et [B] [N], plutôt qu'une édification au-dessus de la petite place appartenant à Mme [G] [N].

En statuant ainsi, par des motifs qui ne permettent pas d'écarter la présomption de propriété du dessus au profit du propriétaire du sol, laquelle ne peut être combattue que par la preuve contraire résultant d'un titre ou de la prescription, la cour d'appel, qui a constaté que la partie revendiquée avait été construite au-dessus de celle érigée sur le sol du lot dont Mme [G] [N] est propriétaire, a violé le texte susvisé. ».

Par déclaration du 25 mars 2020, Mme [G] [N] et M. [T] [U] ont saisi la cour d'appel d'Aix-en-Provence.

La cour d'appel d'Aix-en-Provence, par arrêt du 11 mars 2021, a:

- infirmé le jugement sauf en ce qu'il a :

* dit que Mme [G] [N] est propriétaire de la totalité du rez-de-chaussée composé du local commercial agrandi et de la placette constituant le lot numéro un,

* débouté [T] [U] de sa demande relative à un préjudice commercial,

* débouté Mmes [H], [B] et M. [C] [N] de leur demande au titre d'un préjudice moral,

statuant à nouveau pour le surplus,

- dit que [G] [N] est seule propriétaire de l'intégralité de la construction édifiée sur la petite place, comprenant l'extension du rez-de-chaussée et du premier étage situé au-dessus, mais pas de l'escalier extérieur qui dessert également l'appartement du 1er étage, lequel est une partie commune ;

- condamné solidairement Mme [B] [N], Mme [H] [N] et M. [C] [N] à :

* restituer à Mme [G] [N] le premier étage construit sur l'extension de la placette,

* lui remettre dans le mois suivant la signification de cette décision, les clefs des serrures de cette extension et du portail d'accès à l'escalier extérieur sous astreinte de 20 € par jour de retard pendant trois mois,

- rejeté la demande de condamnation de Mme [G] [N] et M. [T] [U] à « procéder à leurs frais à la remise en état immédiate de l'extension du premier étage »,

- ordonne l'expulsion de Mme [B] [N], Mme [H] [N] et M. [C] [N] et de tout occupant de leur chef, de l'extension du premier étage, si besoin avec le concours de la force publique,

- condamné Mme [B] [N], Mme [H] [N] et M. [C] [N] à payer à Mme [G] [N] une indemnité d'occupation de 100 € par mois à compter du 1er avril 2015 et jusqu'à la libération effective des lieux,

- rejeté le surplus des demandes indemnitaires de Mme [G] [N] et M. [T] [U],

avant dire droit sur la demande de démolition par Mme [G] [N] et M. [T] [U] et à leurs frais de l'intégralité de l'extension (rez-de-chaussée et premier étage) et la remise en état des lieux, ordonné la réouverture des débats aux fins visées dans les motifs de la présente décision,

vu les articles 696 à 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme [B] [N], Mme [H] [N] et M. [C] [N] à payer à Mme [G] [N] et M. [T] [U] la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme [B] [N], Mme [H] [N] et M. [C] [N] aux dépens de toute la procédure, avec distraction dans les conditions prévues par l'article 699 du code de procédure civile.

Aux termes de leurs dernières conclusions suite à réouverture des débats déposées et notifiées le 1er février 2023, Mme [G] [N] et M. [T] [U] demandent à la cour de:

Vu l'arrêt de renvoi de la cour d'appel d'Aix-en-Provence en date du 11 mars 2021,

Vu l'article 42 de la loi du 10 juillet 1965,

Vu l'article L 131-3 du code des procédures civiles d'exécution,

- révoquer l'ordonnance de clôture et admettre les présentes écritures,

- déclarer irrecevables les demandes de démolition de l'intégralité de l'extension et de remise en état des lieux faites par M. [C] [N] et Mmes [H] et [B] [N]

- en conséquence, débouter M. [C] [N] et Mmes [H] et [B] [N] de leur demande de démolition de l'intégralité de l'extension et la remise en état des lieux,

- liquider l'astreinte ordonnée selon l'arrêt du 11 mars 2021 à la somme de 1.800 €,

- en conséquence condamner solidairement M. [C] [N] et Mmes [H] et [B] [N] à payer à Mme [G] [N] et M. [T] [N] la somme de 1.800€,

- fixer une nouvelle astreinte de 500 € par jour de retard à compter de la décision à intervenir et ce jusqu'à la remise effective des clefs de l'extension et de l'escalier d'accès extérieur,

- condamner solidairement M. [C] [N] et Mmes [H] et [B] [N] à payer Mme [G] [N] et M. [T] [N] une astreinte de 500 € par jour de retard à compter de la décision à intervenir et ce jusqu'à la remise effective des clefs de l'extension et de l'escalier d'accès extérieur,

- débouter les défendeurs de toutes leurs demandes,

- condamner solidairement M. [C] [N] et Mmes [H] et [B] [N] à payer Mme [G] [N] et M. [T] [N] une somme de 4.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Ils concluent à la prescription de l'action en démolition de l'extension litigieuse en ce que :

- l'extension du premier étage a été réalisée le 25 novembre 1992, date du permis de construire et l'extension du rez-de-chaussée est encore plus ancienne car antérieure,

- la prescription trentenaire s'applique aux actions réelles dans l'hypothèse d'une appropriation des parties communes ou privatives mais les autres actions personnelles relative à une modification des parties communes ou de l'aspect extérieur de l'immeuble se prescrivaient par 10 ans et désormais 5 ans en application de l'article 42 de la loi du 10 juillet 1965,

- en l'espèce, il n'existe aucune appropriation des parties communes car la ' petite place' sur laquelle l'extension, tant du rez-de-chaussée que du premier étage, a été réalisée, est comprise dans le lot privatif de Mme [G] [N], de sorte que la demande en démolition est largement prescrite,

- le point de départ du délai de prescription est le jour où a été commise la violation du règlement de copropriété et non le jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer, comme visé à l'article 2224 du code civil,

- en l'espèce, l'ouverture du chantier est du 21 décembre 1992 et la déclaration de fin de chantier date du 4 janvier 1994, de sorte que la prescription est acquise au plus tard depuis le 4 janvier 2004,

- contrairement à leurs affirmations, les intimés n'ont jamais occupé les lieux avant leur annexion de l'extension du 1er étage le 1er avril 2015,

- ils reconnaissent en outre que la fenêtre a été remplacée par une porte fenêtre depuis la construction de l'extension et qu'il n' y a jamais eu opposition de leur part.

Ils ajoutent que la loi impose que le syndic soit informé ou mis en cause, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

Ils précisent qu'en application de l'article L 131-3 du code des procédures civiles d'exécution, la cour étant toujours saisie, elle est compétente tant pour liquider l'astreinte que pour en fixer une nouvelle, qu'il s'agit de demandes découlant de l'arrêt rendu par la cour d'appel de céans le 11 mars 2021 et non de demandes complémentaires à leurs demandes initiales d'accession.

Mme [H] [N], Mme [B] [N] et M. [C] [V], suivant leurs conclusions suite à réouverture des débats signifiées par RPVA le 23 janvier 2023, demandent à la cour de:

- ordonner le rabat de l'ordonnance de clôture pour permettre la régularisation de la procédure par l'intervention d'un syndicat de copropriété,

- ordonner la démolition par Mme [G] [N] et M. [T] [U] et à leurs frais, de l'intégralité de l'extension ( rez-de-chaussée et 1er étage) et la remise en état des lieux sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir,

- débouter Mme [G] [N] et M. [T] [U] de leurs demandes nouvelles comme irrecevables et, en tout état de cause, mal fondées et de l'intégralité de leurs demandes,

- condamner solidairement Mme [G] [N] et M. [T] [U] à payer à Mme [H] [N], Mme [B] [N] et M. [C] [V] la somme de 3.000 € au titre des frais irrépétibles et les dépens.

Ils s'opposent à la fin de non recevoir tirée de la prescription, au motif qu'il s'agit d'une action réelle, en ce que ladite construction, édifiée sans autorisation et en violation des règles de la copropriété, a pour conséquence de supprimer une fenêtre existante du lot des concluants et a créé un accès sur l'escalier extérieur constituant pourtant un accès indépendant bénéficiant à leurs seuls lots. Ils en tirent pour conséquence que leur droit de propriété a été violé direment par l'édification de cette construction, de sorte que leur demande de remise en état est nécessairement une action réelle.

Ils font valoir qu'ils ont accepté l'édification de cette construction, pour la seule raison, qu'elle devait constituer une extension de leur propre lot au 1er étage, qu'avant l'arrêt de cette cour du 11 mars 2021, la propriété de l'extension leur était judiciairement reconnue, qu'ils en avaient donc la possession et ne pouvaient donc agir en démolition. Ils considèrent qu'à partir du jour où la cour a reconnu la propriété des appelants sur le 1er étage de l'extension, leur lot s'est vu privé d'une fenêtre, constituant une ouverture dans une partie commune, et leur escalier devenait à usage partagé, de sorte que le délai de prescription n'a commencé à courir qu'à compter de l'arrêt du 11 mars 2021.

Ils estiment que la mise en cause du syndic n'est pas indispensable en la matière, que l'ensemble immobilier n'a été qualifié de copropriété que par l'arrêt du 11 mars 2021, qualification qui était contestée par les parties. Ils précisent avoir sollicité la désignation d'un administrateur provisoire de la copropriété créée par l'arrêt susvisé.

Sur les demandes d'astreinte, ils relèvent que les conclusions après réouverture des débats n'ont pas pour but de formuler des demandes nouvelles mais simplement de fournir les observations sollicitées de la cour, qu'en conséquence de telles demandes sont irrecevables et en tout état de cause mal fondées.

La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 24 janvier 2023. Elle a fait, à la demande des parties, l'objet d'une révocation afin d'admettre les dernières écritures de M. [T] [U] et Mme [G] [N] en date du 1er février 2023 et la dernière pièce communiquée le 7 février 2023 par Mmes [B] et [H] [N] et M. [C] [N], à savoir l'ordonnance du président judiciaire d'Ajaccio désignant Me [P] [X], en qualité d'administrateur provisoire de la copropriété [Adresse 5].

Elle a été à nouveau clôturée le 9 février 2023 avant l'ouverture des débats.

MOTIFS

La cour, dans son arrêt en date du 21 mars 2021, uniquement sur la demande de démolition par Mme [G] [N] et M. [T] [U], à leurs frais, de l'intégralité de l'extension (rez-de-chaussée et premier étage) et la remise en état des lieux, a invité les parties à s'expliquer sur les fins de non recevoir, relevées d'office, tirées:

- d'une part, de la prescription de cette action en démolition,

- d'autre part, de l'absence d'information ou de mise en cause du syndic résultant de l'article 15 de la loi du 10 juillet 1965.

En vertu de l'article 42 alinéa 1 de la loi du 10 juillet 1965, dans sa version applicable au présent litige, sans préjudice de l'application des textes spéciaux fixant des délais plus courts, les actions personnelles nées de l'application de la présente loi entre des copropriétaires, ou entre un copropriétaire et le syndicat, se prescrivent par un délai de dix ans et désormais cinq ans.

En l'espèce, Mme [L] [D] avait autorisé, par acte sous seing privé, du 11 mars 1992, M. [T] [U], compagnon de sa fille [G], à ' effectuer des travaux d'agrandissement dans cette maison', ce dernier ayant alors sollicité et obtenu un permis de construite le 20 juillet 1992 pour uen extension de 36 m² en R+1 du commerce.

Lesdits travaux ont été réalisés entre le 21 décembre 1992, date d'ouverture du chantier et, le 4 janvier 1994, date de la déclaration de fin de chantier.

Les parties s'opposent sur le délai de prescription, Mme [G] [N] et M. [T] [U] considérant qu'il convient de faire application de l'article 42 alinéa 1er de la loi du 10 juillet 1965 alors que Mme [B] , Mme [H] [N] et M. [C] [N] soutiennent que leur action en démolition est une action réelle somise à la prescription trentenaire.

La prescription trentenaire concerne les actions réelles dans l'hypothèse d'une appropriation des parties communes privatives tant que les actions personnelles realtives à une modification des parties communes et de l'aspect extérieur de l'immeuble se prescrivent par dix ans et désormais, en application de l'article 42 alinéa 1 de la loi du 10 juillet 1965 susvisé.

Or, il n'existe, en l'occurrence aucune appropriations des parties communes dès lors que la ' petite place' sur laquelle l'extension, tant du rez-de-chaussée que du premier étage a été réalisée, est considérée comme comprise dans le lot privatif n° 1 depuis la division de l'immeuble.

En conséquence, la demande de démolition ne peut être fondée que sur une modification des parties communes ou de leur aspect extérieur et est donc soumise à la prescriptionde dix ans.

Contrairement à ce que prétendent Mme [B] , Mme [H] [N] et M. [C] [N], les travaux litigieux n'ont pas eu pour conséquence la suppression d'une ouverture dans un mur, en ce que depuis la construction de l'extension, la fenêtre a été uniquement remplacée par une porte-fenêtre.

A titre subsidiaire, ces derniers estiment que le point de départ du délai de prescription doit être fixé au 11 mars 2021, date de l'arrêt de cette cour, en ce qu'avant l'intervention de cette décision, la propriété de l'extension leur était judiciairement reconnue, qu'ils en avaient donc la possession et ne pouvaient agir en démolition. Ils ajoutent qu'ils ont accepté l'édification de la construction pour la seule raison qu'elle devait constituer une extension de leur propre lot au 1er étage.

Or, il ressort des pièces produites et notammment du jugement, de l'arrêt de cette cour et des assignations introductives d'instance que l'extension du premier étage n'a pas été construite dans le but de profiter aux occupants du lot 2, Mme [B] , Mme [H] [N] et M. [C] [N] n'ayant jamais occupé les lieux avant leur annexion de l'extension du premier étage qui a été constaté par procès-verbal d'huissier en date du 1er avril 2015.

En outre, le point de départ du délai de prescription de dix ans prévu à l'article 1er de l'article 42 de la loi du 10 juillet 1965, dans sa version applicable au présent litige, doit être fixé au jour où a été commise la violation du règlement de copropriété, soit , en l'espèce, au plus tard, au 4 janvier 1994, date de la déclaration de fin de chantier relative à la construction de l'extension litigieuse , modifiant l'aspect extérieur de l'immeuble.

En conséquence, l'action en démolition de Mme [B] , Mme [H] [N] et M. [C] [N] est prescrite depuis le 4 janvier 2004.

Ils sont donc irrecevables en cette demande, sans qu'il soit nécessaire d'examiner le moyen tiré de l'absence d'information ou de mise en cause du syndic, en vertu de l'article 15 de la loi du 10 juillet 1965.

Aux termes de leurs conclusions après réouverture des débats, Mme [G] [N] et M. [T] [U] forment une demande:

- de liquidation de l'astreinte prononcée par cette cour dans son arrêt du 11 mars 2021,

- de fixation d'une nouvelle astreinte.

Ils se prévalent de l'article L 131-3 du code des procédures civiles d'exécution qui stipule que ' l'astreinte, même définitive, est liquidée par le juge de l'exécution, sauf si le juge qui l'a ordonnée reste saisi de l'affaire ou s'en est expressément réservé le pouvoir'.

Ils soutiennent, en effet, que la cour étant toujours saisie de l'affaire, elle est compétente pour liquider l'astreinte et également en fixer une nouvelle.

Conforément à l'article 481 alinéa 1er du code de procédure civile, le jugement, dès son proononcé, dessaisit le juge de la contestation qu'il tranche.

Ce dessaisissement du juge signifie que le prononcé du jugement épuise son pouvoir juridictionnel.

Ainsi une juridiction qui tranche une partie du litige et réserve l'examen d'une autre partie, reste saisie de ce qu'elle n'a pas tranché.

En l'espèce, dans son arrêt du 11 mars 2021, la cour d'appel de céans a:

' Infirmé le jugement sauf en ce qu'il a :

* dit que Mme [G] [N] est propriétaire de la totalité du rez-de-chaussée composé du local commercial agrandi et de la placette constituant le lot numéro un,

* débouté [T] [U] de sa demande relative à un préjudice commercial,

* débouté Mmes [H], [B] et M. [C] [N] de leur demande au titre d'un préjudice moral,

statuant à nouveau pour le surplus,

- dit que [G] [N] est seule propriétaire de l'intégralité de la construction édifiée sur la petite place, comprenant l'extension du rez-de-chaussée et du premier étage situé au-dessus, mais pas de l'escalier extérieur qui dessert également l'appartement du 1er étage, lequel est une partie commune ;

- condamné solidairement Mme [B] [N], Mme [H] [N] et M. [C] [N] à :

* restituer à Mme [G] [N] le premier étage construit sur l'extension de la placette,

* lui remettre dans le mois suivant la signification de cette décision, les clefs des serrures de cette extension et du portail d'accès à l'escalier extérieur sous astreinte de 20 € par jour de retard pendant trois mois,

- rejeté la demande de condamnation de Mme [G] [N] et M. [T] [U] à « procéder à leurs frais à la remise en état immédiate de l'extension du premier étage »,

- ordonne l'expulsion de Mme [B] [N], Mme [H] [N] et M. [C] [N] et de tout occupant de leur chef, de l'extension du premier étage, si besoin avec le concours de la force publique,

- condamné Mme [B] [N], Mme [H] [N] et M. [C] [N] à payer à Mme [G] [N] une indemnité d'occupation de 100 € par mois à compter du 1er avril 2015 et jusqu'à la libération effective des lieux,

- rejeté le surplus des demandes indemnitaires de Mme [G] [N] et M. [T] [U],

avant dire droit sur la demande de démolition par Mme [G] [N] et M. [T] [U] et à leurs frais de l'intégralité de l'extension (rez-de-chaussée et premier étage) et la remise en état des lieux, ordonné la réouverture des débats aux fins visées dans les motifs de la présente décision,

vu les articles 696 à 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme [B] [N], Mme [H] [N] et M. [C] [N] à payer à Mme [G] [N] et M. [T] [U] la somme de

5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme [B] [N], Mme [H] [N] et M. [C] [N] aux dépens de toute la procédure, avec distraction dans les conditions prévues par l'article 699 du code de procédure civile. '

Aux termes de cette décision, la cour a tranché l'intégralité du litige qui lui était soumis, en ce compris les frais irrépétibles et les dépens, à l'exception d'une seule demande en démolition formée par Mme [B] , Mme [H] [N] et M. [C] [N], pour laquelle elle a ordonné la réouverture des débats , au visa de l'article 444 du code de procédure civile, afin que les parties s'expliquent sur les fins de recevoir relevées d'office et afin de respecter le principe du contradictoire.

La cour n'est donc plus saisie que de cette seule question qui n'a pas été tranchée.

En revanche, le litige ayant trait à la question de la propriété de la construction édifiée sur la petite place, comprenant l'extension du rez-de-chaussée et du premier étage et des demandes subséquentes, à savoir de la restitution sous astreinte des lieux à son propriétaire, en l'occurrence, Mme [G] [N], a été tranché dans son intégralité et la cour n'en est donc plus saisie.

La cour ne peut en conséquence liquider l'astreinte prononcée, étant précisé qu'elle ne s'en est pas expressément réservée le pouvoir. Par voie de conséquence, elle ne peut pas davantage fixer une nouvelle astreinte.

Enfin, il a déjà été statué, dans l'arrêt du 11 mars 2021, sur le sort des dépens de la procédure de toute la procédure et sur les demandes formées au titre des frais irrépétibles par les parties.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Vu l'arrêt de cette cour du 11 mars 2021,

Déclare irrecevable comme prescrite la demande de démolition présentée par Mme [B] , Mme [H] [N] et M. [C] [N] de l'intégralité de l'extension (rez-de-chaussée et premier étage) et de remise en état des lieux,

Déboute Mme [G] [N] et M. [T] [U] de leurs demandes de liquidation de l'astreinte et de fixation d'une nouvelle astreinte,

Rappelle qu'il a déjà été statué, dans l'arrêt du 11 mars 2021, sur le sort des dépens de la procédure de toute la procédure et sur les demandes formées au titre des frais irrépétibles par les parties.

Le greffier Le conseiller pour le président empêché


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-5
Numéro d'arrêt : 20/04298
Date de la décision : 06/04/2023
Sens de l'arrêt : Irrecevabilité

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-06;20.04298 ?
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