COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-8
ARRÊT AU FOND
DU 31 MARS 2023
N°2023/.
Rôle N° RG 21/09961 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHXR3
Caisse URSSAF NORD PAS DE CALAIS
C/
[H]
Caisse URSSAF PACA
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
- Me Marie-pierre HEINTZE LE DONNE
- Me Laëtitia GUILLET
- URSSAF PACA
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Pole social du TJ de nice en date du 28 Mai 2021,enregistré au répertoire général sous le n° 19/00608.
APPELANTE
URSSAF NORD PAS DE CALAIS, demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Marie-pierre HEINTZE LE DONNE de l'ASSOCIATION LE DONNE - HEINTZE-LE DONNE, avocat au barreau de GRASSE
dispensée en application des dispositions de l'article 946 alinéa 2 du code de procédure civile d'être représentée à l'audience
INTIMES
Monsieur [G] [U], demeurant [Adresse 2]
Ayant pour avocat Me Laëtitia GUILLET, avocat au barreau de PARIS
NON COMPARANTE
URSSAF PACA, demeurant [Adresse 1]
NON COMPARANTE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Janvier 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Isabelle PERRIN, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre
Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller
Mme Isabelle PERRIN, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Isabelle LAURAIN.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 31 Mars 2023.
ARRÊT
Réputé contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 31 Mars 2023
Signé par Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre et Madame Isabelle LAURAIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
M. [G] [U], gérant de la société à responsabilité limitée (SARL) [4] du 1er octobre 2010 au 26 juin 2015 puis gérant de l'EURL [6] depuis le 27 juin 2015, a été affilié en qualité de travailleur indépendant à l'Union de recouvrement des cotisations de Sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF), d'abord auprès de l'URSSAF Nord Pas de Calais jusqu'à sa radiation au 31 décembre 2016 puis auprès de l'URSSAF Provence Alpes Côte d'Azur à compter du 1er janvier 2017.
Le 14 octobre 2017, une première mise en demeure émise par l'URSSAF/RSI/CGSS du Pas de Calais a été notifiée au cotisant pour un montant de 11.888 euros, au titre de cotisations pour la période du 4ème trimestre 2016, de la régularisation 2016 et du 1er trimestre 2017.
Le 9 janvier 2019, une seconde mise en demeure délivrée par l'URSSAF de Provence Alpes Côte d'Azur lui a été notifiée pour un montant de 11.181 euros au titre de la régularisation 2016.
M. [U] s'est vu signifier, par exploit d'huissier du 2 avril 2019, une contrainte en date du 23 mars 2019, d'un montant de 11 961 euros , visant des cotisations dues pour la régularisation 2016, le 4ème trimestre 2016 et le 1er trimestre 2017, à l'encontre de laquelle il a formé opposition le 9 avril 2019 devant le tribunal de grande instance de Nice.
Par jugement en date du 28 mai 2021, le tribunal judiciaire de Nice a:
- constaté qu'il n'était pas saisi décritures de l'URSSAF Nord pas de Calais et que les conclusions du dit organisme du 14 avril 2021 ne comportaient aucun dispositif ni demande;
- constaté qu'il n'était saisi que de demande en paiement de l'URSSAF Provence Alpes Côte d'Azur ;
- annulé la contrainte en litige ;
- condamné l'URSSAF Nord Pas de Calais à payer la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné solidairement l'URSSAF Nord Pas de Calais et l'URSSAF Nord Pas de Calais aux dépens en ce compris les frais de signification de la contrainte.
Par déclaration au greffe de la cour en date du 1er juillet 2021, l'URSSAF Nord Pas de Calais a interjeté appel dudit jugement en toutes ses dispositions.
Par conclusions parvenues au greffe le 30 décembre 2022 auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé de ses moyens et arguments, l'appelante, dispensée de comparution demande à la cour de :
- la recevoir en son appel,
- réformer le jugement du tribunal judiciaire de Nice en date du 28 mai 2021,
- dire qu'elle a qualité à poursuivre le recouvrement des cotisations visées par la contrainte décernée le 25 mars 2019 et signifiée le 2 avril 2019,
- prononcer la mise hors de cause de l'URSSAF Provence Alpes Côte d'Azur,
- débouter M. [U] de son opposition,
- valider la contrainte décernée le 25 mars 2019 et signifiée le 2 avril 2019 pour la somme de 11.961 euros,
- condamner M. [U] à lui régler la somme de 11.961 euros,
- condamner M. [U] à lui régler la somme de 2.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens, en ce compris les frais de signification de la contrainte.
Aux termes de ses conclusions déposées au greffe le 4 janvier 2023, oralement soutenues et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé de ses moyens et arguments, M. [G] [U] demande à la cour de:
à titre principal:
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
subsidiairement:
- déclarer nulles les nouvelles prétentions de l'URSSAF Nord Pas de Calais et débouter celle-ci de ses demandes ;
à titre très subsidiaire :
- annuler les deux mises en demeure et la contrainte en litige et débouter l'URSSAF Nord Pas de Calais de l'ensemble de ses demandes ;
à titre infiniment subsidiaire :
- annuler l'affectation de la somme de 4 161,90 euros au titre des majorations de retard ;
- annuler les majorations de retard de 828 euros ;
- déduire de la somme de 11 1333 euros réclamés par l'URSSAF Pas de calais la somme de 4 161,90 euros
- lui accorder un échéancier de 12 mois ;
en tout état de cause:
- condamner l'URSSAF du Pas de Calais à lui régler la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
L'URSSAF Provence Alpes Côte d'Azur, bien que régulièrement convoquée par courrier électronique le 13 juillet 2022, n'est ni comparante ni représentée et n'a pas sollicité de dispense de comparution.
MOTIFS
Sur les fins de non recevoir
M. [U] soutient en premier lieu, en se prévalant des dispositions de l'article 122 du code de procédure civile, que l'URSSAF Pas de Calais, qui n'a pas émis la contrainte en litige, décernée par le directeur de l'URSSAF Provence Alpes Côte d'Azur, est dépourvue de qualité qualité tant pour poursuivre le recouvrement des cotisations qui y sont exigées, que dans l'instance relative à l'opposition à ladite contrainte.
L'URSSAF Nord Pas de Calais répond que l'URSSAF Provence Alpes Côte d'Azur a agi pour son compte en procédant à la signification de la contrainte au domicile personnel de [Localité 5] du cotisant à cette date, tandis que la contrainte a été délivrée par elle-même et signée de son directeur, au regard du siège social de l'entreprise du cotisant sis dans le Nord.
Elle explique ainsi qu'en vertu de l'article 15 de la loi N°2017-1836 du 30 décembre 2017 portant loi de financement pour la sécurité sociale pour 2018, avant le 1er janvier 2020 et dans le cadre de la période transitoire ayant suivi la suppression du RSI, la gestion des dossiers des travailleurs indépendants était effectuée par rattachement basé sur l'adresse de leur domicile, de sorte qu'à la date de délivrance de la contrainte, le siège de l'entreprise de M. [U] étant sis dans le Nord et son adresse personnelle étant dans les Alpes Maritimes, elle avait compétence pour recouvrer ses cotisations et l'URSSAF de Provence Alpes Côte d'Azur a agi pour son compte en procédant à la signification de la contrainte.
Elle précise qu'à compter du 1er janvier 2020, suite à la dissolution des caisses déléguées et à la reprise du régime de protection sociale des indépendants par les organismes du régime général, ce sont les URSSAF territorialement compétentes eu égard au siège social du travailleur indépendant qui ont repris les dossiers en cours relatifs au recouvrement des dites cotisations, de sorte qu'elle avait seule compétence, à partir de cette date, pour recouvrer les cotisations dues par M. [U] sur sa période d'affiliation auprès d'elle.
Elle en déduit par ailleurs que c'est à tort que le tribunal, auquel elle avait expressément et oralement précisé qu'elle reprenait la gestion du dossier du cotisant aux lieux et place de l'URSSAF Provence Alpes Côte d'Azur, a considéré d'une part n'être pas saisi de ses écritures et demandes en paiement oralement soutenues à l'audience et d'autre part, qu'elle n'avait pas qualité pour agir.
Sur ce:
Les premiers juges, pour constater qu'ils n'étaient saisis d'aucune demande de l'URSSAF Nord Pas de Calais, ont relevé à juste titre l'absence de dispositif de ses dernières conclusions du 14 avril 2021. Cependant, la procédure étant orale et l'URSSAF Nord Pas de Calais ayant été représentée à l'audience de première instance par son conseil, il convient de se référer aux notes d'audience afin de déterminer si le tribunal était oralement saisi de prétentions et de moyens du dit organisme.
Les notes d'audience mentionnent que l'URSSAF du Nord Pas de Calais et l'URSSAF de Provence Alpes Côte d'Azur étaient représentées par le même conseil, qui a expressément indiqué que l'URSSAF Provence Alpes Côte d'Azur avait agi sur délégation du directeur l'URSSAF du Nord Pas de Calais pour recouvrer les sommes exigées, et qui a sollicité la validation de la contrainte en litige et la condamnation de l'opposant à régler la somme de 11133 euros outre 828 euros de majorations de retard.
C'est donc à tort que le premiers juges, dont la décision sera infirmée sur ce point, ont considéré qu'ils n'étaient pas saisis de demandes en paiement émanant de l'URSSAF Nord pas de Calais à l'encontre de M. [U].
S'agissant du défaut de qualité à agir soulevé par l'intimé, il résulte du courrier adressé par l'URSSAF du Nord Pas de Calais à M. [G] [U] le 7 mai 2018 que celui-ci a été affilié au régime social des indépendants du Nord Pas de Calais jusqu'à sa radiation, effective au 31 décembre 2016, et qu'un nouveau compte de cotisant en tant que travailleur indépendant lui a ensuite été ouvert auprès de l'URSSAF Provence Alpes Côte d'Azur à compter du 1er janvier 2017.
Il est également acquis au regard des pièces versées aux débats que l'adresse personnelle de M. [U] était sise à [Localité 5] au moment de l'émission des mises en demeure et de la contrainte en litige, et que cet élément était connu de l'URSSAF du Nord Pas de Calais depuis au moins 2016 au regard des appels de cotisations qu'elle lui a adressés à ses différentes adresses à [Localité 5] à compter de cette date.
La contrainte litigieuse du 24 mars 2019, qui porte sur les régularisations de cotisations pour l'année 2016, le 4ème trimestre 2016 et les cotisations provisionnelles du 1er trimestre 2017, a été émise au nom de l'URSSAF de Provence Alpes Côte d'Azur 'pris en la personne de son directeur en exercice, élisant domicile à l'adresse ci-dessus', soit à [Localité 5], et signée du directeur ou son délégataire, M. [S] [C].
L'exploit d'huissier du 2 avril 2019 mentionne également expressément que ladite contrainte est signifiée à la demande de l'URSSAF de Provence Alpes Côte d'Azur.
Les premiers juges, pour considérer que la contrainte en litige avait été émise par le directeur de l'URSSAF du Nord Pas de Calais, ont pris en considération un arrêté de nomination de M. [C] en tant que directeur dudit organisme à compter du 1er avril 2013 et l'intimé n'en rapporte pas la preuve contraire, de sorte qu'il est considéré comme établi que la contrainte a bien été signée par le directeur de l'URSSAF du Nord Pas de Calais, alors qu'elle mentionne être émise par l'Urssaf Provence-Alpes-Côte d'Azur.
Or, il résulte des dispositions combinées des articles L 244-9, L 122-1 et R 122-3 du code de la sécurité sociale dans leur version applicable à l'espèce, que seul le directeur d'un organisme de sécurité sociale territorialement compétent a qualité pour émettre une contrainte à l'égard d'un cotisant affilié auprès d'elle, et que seul le directeur de l'organisme de sécurité sociale territorialement compétent peut, sauf délégation expresse, agir en justice.
Il résulte certes de l'article R.133-2-7 du code de la sécurité sociale issu du décret n°2018-174 du 9 mars 2018 (relatif à la mise en 'uvre de la réforme de la protection sociale des travailleurs indépendants prévue par l'article 15 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018) que les travailleurs indépendants versent les cotisations et contributions sociales qu'ils sont tenus d'acquitter auprès des organismes du régime général à l'organisme mentionné à l'article L.213-1 ou L.752-4 dans le ressort duquel ils exercent leur activité professionnelle.
Pour autant la contrainte, n'est pas émise par l'Urssaf Pas de Calais, mais par l'Urssaf Provence-Alpes-Côte d'Azur et l'appelante ne justifie pas de sa qualité à poursuivre l'action en recouvrement initiée au nom de l'Urssaf Provence-Alpes-Côte d'Azur.
Elle ne peut utilement se contenter d'alléguer venir aux droits de l'Urssaf Provence-Alpes-Côte d'Azur alors que suivant son raisonnement elle était l'organisme compétent pour décerner la contrainte frappée d'opposition, qui est émise non point en son nom mais au nom de l'Urssaf Provence-Alpes-Côte d'Azur.
Il s'ensuit que les régles de compétence territoriale qu'elle invoque au soutien de sa qualité à agir sont inopérantes, d'autant qu'elle ne s'explique pas davantage sur les circonstances dans lesquelles son directeur a pu signer une contrainte émise au nom d'un organisme dont il n'était pas le directeur.
Il s'ensuit que l'Urssaf Provence-Alpes-Côte d'Azur ayant émis la contrainte frappée d'opposition, l'Urssaf Nord Pas de Calais n'a pas qualité à poursuivre l'action en recouvrement dans le cadre de l'opposition à contrainte.
En conséquence, l'URSSAF du Nord Pas de Calais est, faute de qualité à agir, irrecevable en son action et le jugement sera infirmé en toutes ses dispositions.
Succombant, l'URSSAF du Nord Pas de Calais sera condamnée aux dépens et ne saurait se prévaloir du bénéfice des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, en ce compris les frais signification de la contrainte.
Il serait en outre inéquitable de laisser à M. [G] [U] supporter les frais exposés pour sa défense et l'URSSAF du Nord Pas de Calais sera condamnée à lui verser la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement en toutes ses dispositions soumises à la cour,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Dit l'Urssaf Nord Pas de Calais irrecevable en son action,
Déboute l'URSSAF Nord Pas de Calais de sa demande au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne l'URSSAF Nord Pas de Calais aux dépens en ce compris les frais de signification de la contrainte,
Condamne l'URSSAF Nord Pas de Calais à payer à M. [G] [U] la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Le Greffier Le Président