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30/03/2023 | FRANCE | N°19/19173

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-5, 30 mars 2023, 19/19173


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5



ARRÊT AU FOND

DU 30 MARS 2023

lv

N°2023/ 130













Rôle N° RG 19/19173 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BFJZ4







SAS INVESTIL





C/



Société CDC HABITAT





























Copie exécutoire délivrée le :

à :



Me Florence BOYER



SCP ERMENEUX-CAUCHI & ASSOCIES
>



Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 14 Novembre 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 19/06683.





APPELANTE



SAS INVESTIL prise en la personne de son Président en exercice, (anciennement dénommée FONCIERE NICE LINGOSTIERE), dont le siè...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5

ARRÊT AU FOND

DU 30 MARS 2023

lv

N°2023/ 130

Rôle N° RG 19/19173 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BFJZ4

SAS INVESTIL

C/

Société CDC HABITAT

Copie exécutoire délivrée le :

à :

Me Florence BOYER

SCP ERMENEUX-CAUCHI & ASSOCIES

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 14 Novembre 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 19/06683.

APPELANTE

SAS INVESTIL prise en la personne de son Président en exercice, (anciennement dénommée FONCIERE NICE LINGOSTIERE), dont le siège social est [Adresse 1]

représentée par Me Florence BOYER, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant

INTIMEE

Société CDC HABITAT Société d'économie mixte, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié ès qualités au siège social sis, [Adresse 2]

représentée par Me Agnès ERMENEUX de la SCP ERMENEUX-CAUCHI & ASSOCIES, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Paul TALBOURDET, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Agnès ERMENEUX, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 31 Janvier 2023 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Laetitia VIGNON, Conseiller, faisant fonction de Président de chambre, et Madame Patricia HOARAU, Conseiller, chargés du rapport.

Madame Laetitia VIGNON, Conseiller, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Laetitia VIGNON, Conseiller , faisant fonction de Président de chambre,

Madame Patricia HOARAU, Conseiller

Monsieur Olivier ABRAM,Vice Président placé

Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 30 Mars 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 30 Mars 2023.

Signé par Madame Laetitia VIGNON, Conseiller faisant fonction de Président de chambre, v et Madame Danielle PANDOLFI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

La société FONCIERE NICE LINGOSTIERE est propriétaire d'un ensemble immobilier sis [Adresse 3] dont elle a fait l'acquisition en 2005 auprès de LA POSTE.

Par acte notarié du 26 mars 1987, l'ensemble immobilier a été donné à bail par l'Etat à la société NATIONALE IMMOBILIERE, aujourd'hui dénommée CDC HABITAT, pour une durée de 47 ans, à l'exception des parties suivantes dont le bailleur s'est réservé la jouissance exclusive :

- le sous-sol et le rez-de-chaussée de l'ensemble immobilier à usage de restaurant administratif,

- le 1er niveau de l'immeuble portant le n° 51,

- les 2ème, 3ème et 4ème niveaux de l'immeuble portant le n° 55.

L'Etat et la société NATIONALE IMMOBILIERE avaient, auparavant, conclu une convention préalable le 17mars 1986.

Le bail prévoyait une obligation pour le preneur de ' maintenir les immeubles en bon état d'entretien et d'utilisation et assurer les réparations de toute nature, y compris les grosses réparations sans pouvoir exiger aucune de l'Etat pendant toute la durée de la location.'

Un arrêté de péril grave et imminent visa le [Adresse 3] a été notifié au preneur, la société CDC HABITAT, le 21 janvier 2019, après conclusions de l'expert judiciaire [J] en date du 8 janvier 2019.

La société FONCIERE NICE LINGOSTIERE a mis en demeure la société CDC HABITAT, le 10 janvier 2019, de réaliser les travaux préconisés par cet expert.

La société CDC HABITAT a fait réaliser les travaux urgents conformément au rapport SIXSENSE du 2 avril 2019.

Autorisée par ordonnance sur requête du 29 mai 2019, la société FONCIERE NICE LINGOSTIERE a fait assigner, par acte d'huissier du 11 juin 2019, la société CDC HABITAT devant le tribunal de grande instance de Marseille, aux fins de voir prononcer la résiliation judiciaire du bail emphytéotique du 26 mars 1987 aux torts du preneur et ordonner son expulsion des lieux loués.

Par jugement mixte du 14 novembre 2019, le tribunal de grande instance de Marseille a :

- dit et jugé que la clause d'entretien ne concerne que les locaux effectivement données à bail emphytéotique à la société CDC HABITAT,

- déclaré recevable la demande en résiliation judiciaire du bail emphytéotique,

- débouté la société FONCIERE NICE LINGOSTIERE de sa demande en résiliation judiciaire du bail emphytéotique et des demandes subséquentes,

Avant dire droit,

- ordonné une expertise judiciaire et désigné à cette fin M. [S] [J] avec mission de:

* se rendre sur les lieux et décrire les désordres affectant les immeubles sis [Adresse 3], en précisant notamment leur date d'apparition,

* déterminer l'origine et la cause de ces désordres,

* rechercher si ces désordres proviennent d'un défaut d'entretien ou de toutes autres causes,

* en cas de pluralité de causes dans la survenance des désordres, indiquer la part incombant à chaque cause,

* indiquer pour chaque désordre les conséquences quant à la solidité, l'habitabilité, l'esthétique de l'ouvrage, et plus généralement quant à l'usage qui peut en être attendu ou quant à la conformité à sa destination,

* indiquer les solutions appropriées pour y remédier et / ou les travaux restant à effectuer pour obtenir la levée de l'arrêté de péril, évaluer le coût des travaux utiles, poste par poste, à l'aide de devis fournis par les parties, sauf en cas de carence à proposer lui-même ou à l'aide d'un sapiteur, un chiffrage, et en préciser la durée et les éventuelles contraintes liées à leur exécution,

* donner tous les éléments d'information technique et de fait permettant à la juridiction ultérieurement saisie de statuer sur les responsabilités et dans quelles proportions,

* donner tous les éléments d'appréciation concernant le ou les préjudices subis du fait des désordres puis de leur réparation, en précisant notamment leur point de départ et éventuellement la date à laquelle ils ont cessé,

- plus généralement faire toutes observations utiles sur la solution du litige,

- dit que la société FONCIERE NICE LINGOSTIERE devra consigner au greffe, dans un délai de trois mois à compter du prononcé de la décision, la somme de 4.000 € afin de garantir le paiement des frais et honoraires de l'expert,

- sursis à statuer sur les autres demandes des parties et l'indemnisation des frais irrépétibles,

- ordonné l'exécution provisoire,

- réservé les dépens.

Par déclaration en date du 17 décembre 2019, SAS INVESTIL, anciennement dénommée FONCIERE NICE LINGOSTIERE , a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 10 janvier 2023, la SAS INVESTIL demande à la cour de:

Vu les articles L.451-2 et L.451-5 du Code rural et de la pêche maritime,

Vu l'ancien article 1134 du code civil et le nouvel article 1103 du code civil,

Vu l'article 1147 du Code civil dans sa version applicable en 1987, lors de la signature du bail,

Vu l'article 1240 du Code civil,

Vu les articles 32 et 515 du Code de procédure civile,

Sur l'appel principal :

- déclarer la SAS INVESTIL recevable en ses demandes et bien fondée en son appel,

- réformer le jugement rendu le 14 novembre 2019 par le tribunal de grande instance de Marseille en ce qu'il a :

* dit et jugé que la clause d'entretien ne concerne que les locaux effectivement donnés à bail

emphytéotique à CDC HABITAT,

* débouté la société FONCIERE NICE LINGOSTIERE de sa demande de résiliation judiciaire du bail emphytéotique et des demandes subséquentes,

Avant dire-droit

Ordonné une expertise judiciaire et désigné M. [S] [J], en qualité d'expert

judiciaire, qui pourra recueillir l'avis de tout technicien dans une spécialité distincte de la sienne après en avoir avisé les parties, avec mission de, qui pourra être réalisée de manière dématérialisée par le biais de la plate-forme sécurisée OPALEXE:

après avoir pris connaissance du dossier et les parties présentes ou dûment appelées, ainsi que leurs conseils, et après s'être fait remettre tous documents utiles à la solution du litige, et notamment les pièces contractuelles,

* se rendre sur les lieux litigieux sis [Adresse 3], décrire les

désordres affectant les immeubles sis [Adresse 3], en précisant

notamment leur date d'apparition,

* déterminer l'origine et les causes de ces désordres,

* rechercher si les désordres proviennent d'un défaut d'entretien ou de toutes autres causes,

* en cas de pluralité de causes dans la survenance des désordres, indiquer la part incombant à chaque cause,

* indiquer pour chaque désordre les conséquences quant à la solidité, l'habitabilité, l'esthétique de l'ouvrage, et plus généralement quant à l'usage qui peut en être attendu ou quant à la conformité à sa destination,

* indiquer les solutions appropriées pour y remédier et/ou les travaux restant à effectuer, pour obtenir la levée de l'arrêté de péril, évaluer le coût des travaux utiles, poste par poste, à l'aide de devis fournis par les parties, sauf en cas de carence à proposer lui-même ou à l'aide d'un sapiteur, un chiffrage, et en préciser la durée et les éventuelles contraintes liées à leur exécution,

* donner tous éléments d'information techniques et de fait permettant à la juridiction ultérieurement saisie de statuer sur les responsabilités et dans quelles proportions,

* donner tous éléments d'appréciation concernant le ou les préjudices subis du fait des désordres puis de leur réparation, en précisant notamment leur point de départ et éventuellement la date à laquelle ils ont cessé ;

* plus généralement faire toutes observations utiles à la solution du litige,

établir un pré-rapport pour le cas où des travaux urgents seraient nécessaires lequel sera déposé au tribunal ;

* établir des pré-conclusions qui seront remises aux parties ou à leurs conseils pour leurs éventuels dires ou observations à formuler dans un délai impératif, conformément à l'article 276 du code de procédure civile, et y apporter la réponse appropriée et motivée dans son rapport étant précisé que l'expert n'est pas tenu de prendre en compte les observations et réclamations tardives,

* dit que l'expert devra faire connaître sans délai son acceptation et disons qu'à défaut ou en cas de carence dans l'accomplissement de sa mission, il sera pourvu à son remplacement par ordonnance du magistrat chargé du contrôle de l'expertise ;

* que la société FONCIERE NICE LINGOSTIERE devra consigner au greffe dans le délai de trois mois à compter du prononcé de la présente décision la somme de 4.000 euros afin de garantir le paiement des frais et honoraires de l'expert ;

*dit qu'à défaut de consignation selon les modalités ainsi fixées, la désignation de l'expert sera caduque à moins que le magistrat chargé du contrôle de l'expertise, à la demande d'une partie se prévalant d'un motif légitime, ne décide une prorogation du délai ou un relevé de forclusion,

* dit que si le coût probable de l'expertise est beaucoup plus élevé que la provision fixée, l'expert devra à l'issue de la première ou, à défaut, de la deuxième réunion des parties, communiquer au magistrat chargé du contrôle des opérations et aux parties l'évaluation prévisible de ses frais et honoraires en sollicitant la consignation d'une provision complémentaire et en avisant par écrit les parties ou leurs avocats qu'elles disposent d'un délai de 15 jours pour présenter leurs observations sur cette demande de provision complémentaire directement au magistrat chargé du contrôle des expertises qui statuera à l'issue de ce délai,

* dit que l'expert devra déposer son rapport au greffe dans le délai de 12 mois à compter de la

notification qui lui sera faite par celui-ci de la consignation, à moins qu'il ne refuse la mission,

* dit qu'il devra solliciter du magistrat chargé du contrôle de l'expertise une prorogation de ce délai s'il s'avère insuffisant,

* dit qu'en application des dispositions de l'article 173 du Code de procédure civile, l'expert devra remettre une copie de son rapport à chacune des parties, ou à leurs représentants, en mentionnant cette remise sur l'original,

* désigné le juge de ce tribunal chargé du contrôle des mesures d'instruction pour le contrôle et le suivi de la mesure d'instruction qui vient d'être ordonnée,

* sursis à statuer sur les autres demandes des parties et l'indemnisation des frais irrépétibles,

* réservé les dépens,

Statuant à nouveau,

- dire et juger que le preneur au bail emphytéotique du 26 mars 1987 a pour obligation d'entretenir et réparer les immeubles des 51 à [Adresse 3],

- dire et juger que la cause du bail emphytéotique d'une durée de 47 ans pour un loyer annuel de 550 Francs, soit 75 € par an, est l'entretien des immeubles visés au bail,

- dire et juger que la clause d'entretien formulée dans le bail emphytéotique est en conséquence valide,

- dire et juger que la société CDC HABITAT, preneur, a manqué à cette obligation essentielle du bail emphytéotique,

- dire et juger que la société CDC HABITAT exploite en dehors du cadre contractuel deux appartements propriété de la société FONCIERE NICE LINGOSTIERE, devenue INVESTIL, aux niveaux 2 et 3 du [Adresse 3], sans droit, ni titre,

En conséquence,

- prononcer la résiliation judiciaire du bail emphytéotique du 26 mars 1987 aux torts du preneur, la société CDC HABITAT,

- ordonner l'expulsion de la société CDC HABITAT et de tout occupant de son chef des immeubles sis [Adresse 3], et ce avec l'assistance de la force publique et d'un serrurier, et sous astreinte de 500€ par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, que la cour se réserve le droit de liquider,

- ordonner l'expulsion de la société CDC HABITAT et de tout occupant de son chef des niveaux 2 et 3 de l'immeuble [Adresse 3], et ce avec l'assistance de la force publique et d'un serrurier, et sous astreinte de 500€ par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, que la cour se réserve le droit de liquider,

- ordonner le transport et la séquestration des meubles et objets mobiliers qui en sont susceptibles garnissant les lieux dans un garde meuble qu'il désignera ou dans tel autre lieu au choix du bailleur et ce en garantie de toutes sommes qui pourront être dues,

- ordonner s'il y a lieu, de faire constater et estimer les réparations locatives par un huissier de justice qui sera commis à cet effet, assisté, s'il l'estime utile, d'un technicien,

- fixer le montant de l'indemnité d'occupation due par la société CDC HABITAT à la somme mensuelle de 10.000€, dont 1.342€ pour les deux appartements occupés jusqu'à lors sans droit ni titre aux niveaux 2 et 3 de l'immeuble [Adresse 3], jusqu'à la libération effective des lieux par la remise des clés,

- donner acte à la société FONCIERE NICE LINGOSTIERE devenue société INVESTIL qu'elle respectera les contrats de sous-location en cours et préservera les droits des sous-locataires acquis à la date de résiliation du bail emphytéotique,

- dire et juger que la société CDC HABITAT sera condamnée à assumer le coût des travaux nécessaires à l'entretien et à toutes les réparations nécessaires à la pérennité des immeubles des [Adresse 3],

- ordonner, avant dire droit sur le montant de cette condamnation de la société CDC HABITAT, une expertise judiciaire contradictoire destinée à établir l'étendue des travaux nécessaires à l'entretien et aux réparations des immeubles sis [Adresse 3] et,

- désigner tel expert judiciaire, disposant de compétences en matière immobilière, avec pour mission de :

* se rendre sur les lieux,

* entendre tout sachant,

* se faire remettre tout document utile à l'accomplissement de sa mission,

* constater et décrire les désordres affectant les immeubles sis [Adresse 3] et déterminer les travaux nécessaires pour en assurer la pérennité,

* décrire et chiffrer les travaux nécessaires pour y remédier,

* s'attacher les services de tout sapiteur de son choix,

* déposer un pré-rapport permettant aux parties de formuler leurs observations,

* déposer un rapport définitif,

- condamner la société CDC HABITAT à verser à la société INVESTIL, anciennement FONCIERE NICE LINGOSTIERE la somme de 139.568 € à titre de dommages intérêts en

réparation de l'exploitation de ses biens sis [Adresse 3], sans droit ni titre pendant les cinq années précédant l'assignation et jusqu'au 31 janvier 2023, somme à parfaire,

Sur l'appel incident ,

- dire et juger que la société INVESTIL, anciennement FONCIERE NICE LINGOSTIERE, n'a pas commis de faute contractuelle ou délictuelle mais subit la volonté de son preneur à bail de se soustraire de son obligation essentielle d'entretenir et de procéder aux grosses réparations des immeubles donnés à bail,

- dire et juger que la société CDC HABITAT s'est engagée contractuellement à n'exiger aucune réparation du bailleur, la société FONCIERE NICE LINGOSTIERE, pendant toute la durée de la location,

- dire et juger que les travaux dont la société CDC HABITAT demande la réalisation relèvent de la compétence exclusive du syndicat des copropriétaires,

- dire et juger que les dommages et intérêts dont la société CDC HABITAT demande la condamnation concernent la prise en charge de travaux relatifs aux parties communes de l'immeuble en copropriété, relevant de la compétence exclusive du syndicat des copropriétaires,

En conséquence,

- déclarer la demande de la société CDC HABITAT de condamnation à faire réaliser des travaux dans les parties communes de la copropriété du [Adresse 3] irrecevable en ce qu'elle est dirigée contre un des copropriétaires,

- déclarer la demande de la société CDC HABITAT de condamnation à verser des dommages intérêts consécutifs à la réalisation de travaux dans les parties communes de la copropriété du [Adresse 3] irrecevable en ce qu'elle est dirigée contre un des copropriétaires,

- débouter la société CDC HABITAT de sa demande de dommages-intérêts à l'encontre de la société INVESTIL,

En tout état de cause :

- débouter la société CDC HABITAT de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions à l'encontre de la société INVESTIL,

- condamner la société CDC HABITAT à verser à la société INVESTIL la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Elle soutient que la volonté commune des parties a été de donner à bail l'intégralité des immeubles, sauf certains lots précis et exclus et c'est cette même volonté qui s'exprime quant à l'obligation d'entretien. Elle fait ainsi grief au premier juge d'avoir retenu que la clause d'entretien prévue au bail ne concernait que les seuls logements exploités par CDC HABITAT alors que:

- la chose louée ayant été clairement définie par les parties, à savoir ' un ensemble immobilier, composé de deux bâtiments accolés', l'obligation d'entretien concerne nécessairement cet ensemble immobilier donné à bail, ce que confirme le choix délibéré d'un vocabulaire précis et distinct pour chacune des obligations du preneur,

- une telle obligation a justifié que CDC HABITAT dispose des clés des étages exclus de la location et la stipulation d'un droit d'accès n'est nullement indispensable pour qu'une obligation d'entretien soit à la charge d'une partie,

- l'assurance souscrite par le preneur vise bien les immeubles, dans leur ensemble, conformément à l'assiette de son obligation d'entretien,

- l'équilibre contractuel et l'objet même de ce bail, compte tenu d'un montant de loyer très faible ( 75 € par an) consenti par le propriétaire confirment cette volonté de l'entretien de l'ensemble des immeubles, quand bien même le bailleur se serait réservé la jouissance d'une partie des surfaces,

- si la société CDC HABITAT n'avait pas eu à sa charge l'entretien de l'intégralité des immeubles, le bail aurait été dépourvu de contrepartie réelle et sérieuse, un loyer quasiment nul ayant nécessairement une contrepartie,

- l'arrêté de péril du 21 janvier 2019 vise expressément CDC HABITAT et met à sa charge les réparations, de sorte qu'elle est mal, fondée à solliciter qu'un tiers les assume en ses lieu et place.

Elle considère que la clause ainsi interprétée est parfaitement valable sinon le propriétaire de son bien ne se serait pas dépossédé pendant 47 ans d'une majeure partie de son immeuble sans contrepartie, tout en conservant l'obligation de l'entretenir.

Elle estime être fondée à solliciter la résiliation judiciaire du bail aux torts exclusifs du preneur:

- le preneur a commis une faute grave en n'entretenant pas les locaux, à savoir les parties communes et structurantes de l'ensemble immobilier donné à bail,

- le défaut d'entretien du [Adresse 3] est avéré, au regard de l'arrêté de péril grave et imminent du 21 janvier 2019, établissant d'importantes carences,

- si effectivement la réalisation des travaux urgents visés par l'arrêté de péril étaient indispensables, d'importants travaux destinés à la préservation des immeubles doivent être mis en oeuvre, ainsi que l'a parfaitement décrit la société SIXSENSE, mandatée par le preneur,

- en sa qualité de bailleresse de l'immeuble et créancière d'une obligation contractuelle d'entretien des immeubles pesant sur le preneur, elle est recevable en sa demande de résiliation judiciaire.

Elle sollicite:

- la condamnation du preneur à la prise en charge du coût des travaux nécessaires à l'entretien de l'immeuble mais réclame, avant dire droit, sur la montant de la condamnation de l'intimée, une expertise judiciaire pour déterminer l'étendue et le coût de tels travaux.

- l'allocation de dommages et intérêts au titre de l'occupation de la partie des immeubles dont la jouissance lui est réservée:

* le preneur s'est approprié et exploite, en dehors de tout cadre contractuel, la moitié des niveaux 2 et 3 de l'immeuble portant le n° 55,

* son préjudice correspond aux loyers qu'elle aurait dû percevoir pendant les cinq années précédents l'assignation,

- l'infirmation du jugement querellé en ce qu'il a ordonné une expertise avant dire droit, cette mesure telle qu'ordonnée par le tribunal étant inutile en ce qu'aucun débat n'oppose les parties sur la nécessité de procéder à des travaux sur l'immeuble en question, les parties s'opposant uniquement sur la question de savoir laquelle devra en supporter le coût, étant précisé que le preneur étant tenu d'une obligation d'entretien de la totalité des immeubles, la SDC HABITAT sera seule tenue à prendre le coût en charge de ces travaux.

Sur l'appel incident de la société intimée, elle formule les observations suivantes:

- la demande de condamnation du bailleur à faire réaliser des travaux dans les parties communes de la copropriété est irrecevable:

* elle a vendu le 29 janvier 2021 à la société [Localité 5] HABITAT les lots 8, 9, 10, 11, 12, 13 et 14 de l'ensemble immobilier sis [Adresse 3], qui est désormais soumis au statut de la copropriété,

* l'ensemble des travaux réclamé par SDC HABITAT concerne des parties communes de la copropriété, qui relèvent de la compétence exclusive du syndicat des copropriétaires représenté par son syndic,

* elle n'a donc pas le pouvoir de réaliser lesdits travaux,

- la demande de condamnation du bailleur à verser des dommages et intérêts pour la réalisation de travaux dans les parties communes de la copropriété est également irrecevable pour les mêmes raisons,

- les demandes sont mal fondées en ce que l'intimée ne peut faire prendre en charge par son bailleur les travaux qui lui incombent en vertu d'un arrêté de péril la visant expressément, étant rappelé qu'elle s'est engagée contractuellement à ' n'exiger aucune réparation de l'Etat pendant toute la durée de la location'.

La société d'économie mixte CDC HABITAT SOCIAL, suivant ses dernières conclusions déposées et notifiées par RPVA le 16 janvier 2023, demande à la cour de:

Vu les articles L 451-2 et suivants du code rural,

Vu les articles 651, 1188, 1189 et 1190 du code civil,

Vu l'article L 353- 1 et suivants du code de la construction et de l'habitation,

Vu l'article 568 du code de procédure civile,

Vu la jurisprudence citée,

1. Sur l'étendue de l'obligation d'entretien de CDC HABITAT:

- confirmer le jugement en ce qu'il a jugé que la clause d'entretien ne concerne que les locaux effectivement données à bail emphytéotique à la société CDC HABITAT,

- à titre subsidiaire, prononcer la nullité, par voie d'exception de la clause d'entretien en application de l'article 1131 ancien du code civil,

2. Sur les demandes formées par la société INVESTIL:

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société FONCIERE NICE LINGOSTIERE de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions, en ce qu'elles sont mal fondées,

A titre subsidiaire, pour le où la résiliation du bail emphytéotique serait prononcée par la cour:

* débouter la société INVESTIL de sa demande d'expulsion de la société CDC HABITAT et de tous occupants de son chef, en raison de la poursuite des baux d'habitation consentis par CDC HABITAT, et la débouter en tout état de cause de sa demande d'astreinte,

* accorder à CDC HABITAT un délai de maintien dans les lieux de trois ans pour lui permettre de reloger les locataires,

3. Sur les demandes formées à titre reconventionnel par CDC HABITAT:

- infirmer le jugement en ce qu'il a ordonné une expertise judiciaire;

Et, statuant à nouveau de ce chef infirmé :

- débouter la société INVESTIL de ses fins de non-recevoir ;

- condamner la société INVESTIL à réaliser, dans un délai de 4 mois courant à compter de la signification du jugement à intervenir et sous astreinte de 1.000 € par jour de retard, les études

et travaux nécessaires à la levée de l'arrêté de péril et la remise en état complète de l'immeuble portant le n°55, notamment ceux visés en p.11 du rapport SIXSENSE, à savoir:

- mandater un bureau d'études pour effectuer la réhabilitation du bâtiment à partir d'un diagnostic structurel de 1'ensemble des éléments porteurs du bâtiment afin de définir les éléments à renforcer, réparer ou remplacer ;

-faire réaliser:

* le renforcement ou dépose de l'extension en brique côté cour ;

* le renforcement ou remplacement des éléments porteurs des escaliers en fonction de leur état ;

* le renforcement ou remplacement des planchers du R+2, R+3 et R+4 côté Sud ;

* le ravalement de la façade Sud incluant un rejointement des pierres maçonnées à l'intérieur et à l'extérieur du bâtiment ;

*le remplacement complet de la toiture et de la terrasse (couverture et charpente) ;

*le traitement de la corrosion des poutrelles métalliques constatées en sous-sol ;

* la mise en place d'installation de traitement/gestion des flux d'air sur l'ensemble du bâtiment notamment en sous-sol ;

* tous autres travaux nécessaires à la réhabilitation du bâtiment.

- condamner la société INVESTIL à poursuivre1'entretien des locaux exclus du bail emphytéotique, la surveillance périodique des désordres et de la fissuration actuellement réalisée par la société SIXSENSE jusqu'à l'achèvement des travaux de remise en état,

- condamner la société INVESTIL à verser à la société CDC HABITAT la somme de l74.744,07€ (sauf a parfaire) à titre de dommages et intérêts;

- condamner la société INVESTIL à indemniser CDC HABITAT de la perte de revenus locatifs au titre de l'appartement initialement occupé par M. [M] ainsi que de la remise commerciale lui étant accordée, pour un montant total 410,71€ par mois jusqu'à l'achèvement des travaux de remise en état;

A titre subsidiaire, confirmer le jugement en toutes ses dispositions en ce qu'il a ordonné une expertise judiciaire,

En tout état de cause,

- condamner la société INVESTIL à verser à la société CDC HABITAT la somme de 25.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Elle rappelle que:

- par acte du 26 mars 1987, l'Etat lui a donné à bail emphytéotique, partie de l'ensemble immobilier sis [Adresse 3], à l'exception:

* du sous-sol et du rez-de-chaussée,

* le 1er niveau de l'immeuble n° 51,

* les niveaux 2, 3 et 4 de l'immeuble n° 55,

et ce afin d'y créer 13 logements sociaux pour être donnés en location,

- l'assiette du bail comprend donc:

* les niveaux 2, 3, 4 et 5 de l'immeuble n° 51,

* les niveaux 2 et 3 du n° 53,

* le niveau 1 de l'immeuble n°55,

- les parties avaient auparavant convenu l'opération dans les grandes lignes par la conclusion d'une convention préalable le 17 mars 1986, qui permet apporter un éclairage sur les intentions des parties et notamment:

* que le preneur prenait l'engagement d'entreprendre la réhabilitation de la partie de l'immeuble destinée à la location,

* comportait un détail des surfaces cédées à bail,

* prévoyait que les droits et obligations des parties seront réglés conformément du dispositions du code civil pour tout ce qui n'est pas prévu par la convention,

- une ' note de présentation de la réhabilitation' réalisée peu de temps après la conclusion du bail met en évidence les contraintes auxquelles a dû faire le preneur, de sorte il n'existait déséquilibre en la faveur de ce dernier.

- le preneur n'a jamais disposé des clés permettant d'accéder aux niveaux exclus de l'assiette du bail, sauf lorsque le bailleur lui a confiées pour permettre la réalisation des travaux de mise en sécurité urgente,

- lorsque l'appelante a acquis l'ensemble immobilier litigieux, elle a soutenu en 2006 qu'il appartenait au preneur de réaliser les travaux d'entretien relatifs à cet ensemble immobilier,

- entre 2006 et 2019, elle n'a jamais réitéré une telle position,

- l'arrêté de péril pris par la Mairie de [Localité 5] le 21 janvier 2019 portait sur les 2ème, 3ème et 4 ème niveaux de l'immeuble n° 55, à savoir précisément les étages ne faisant pas l'objet du bail et sur lesquels elle ne dispose d'aucun droit, décision qu'elle a contestée en ce qu'il visait par erreur CDC HABITAT en tant que propriétaire,

- elle a fait procéder, tous droits réservés et aux frais avancés de qui il appartiendra, à la réalisation des travaux urgents conformément au rapport SIXSENSE du 2 avril 2019.

Elle conclut à l'absence d'obligation d'entretien du preneur portant sur la totalité de l'ensemble immobilier aux motifs que la clause d'entretien ne porte que sur les locaux pris à bail par CDC HABITAT:

- l'obligation d'entretien ne peut pas porter sur des biens dont le preneur n'a pas la jouissance,

- la formulation retenue ne fait que rappeler le droit commun de l'article L 451-8 du code rural,

- il n'existe aucun bail emphytéotique ou tout autre type de bail dans lequel le preneur aurait une obligation d'entretien qui porterait sur des immeubles dont le bail ne lui conférerait pas un droit réel ou de jouissance, une telle clause devant être qualifiée de léonine et présenterait, en tout état de cause, d'importantes difficultés de mises en oeuvre,

- l'expert [J] a constaté que les locaux frappés d'arrêtés de péril sont inoccupés depuis longtemps et sont clos par une grille fermée à clef et ne sont accessibles que par INVESTIL,

- si les parties avaient entendu convenir d'une telle clause exorbitante de droit commun, l'intention des parties en ce sens aurait été clairement exprimée dans le bail , lequel aurait prévu un droit d'accès pour le preneur,

- la convention préalable du 17 mars 1986 confirme qu'il n'a jamais été question que l'obligation d'entretien du bailleur porte sur la totalité de l'ensemble immobilier,

- il n'a jamais été question d'une telle obligation lorsque l'Etat puis LA POSTE étaient propriétaires de cet immeuble,

- les parties n'ont pas pu convenir que le preneur entretiendrait la totalité de l'ensemble immobilier puisqu'une telle stipulation aurait été illicite au regard de l'article 1131 ancien du code civil, l'obligation d'entretien du preneur résidant précisément dans l'obligation du bailleur de lui conférer la jouissance du bien,

- en toute hypothèse, une telle clause serait nulle pour absence de cause.

Elle s'oppose à la demande de résiliation judiciaire du bail emphytéotique en ce que:

- elle n'est pas tenue à une obligation d'entretien portant sur la totalité de l'ensemble immobilier,

- l'arrêté de péril ne portant que sur les niveaux de cet ensemble qui n'entrent pas l'assiette du bail,

- au demeurant, dès lors que l'arrêté de péril la visait expressément, elle a mené à bien les travaux de mise en sécurité immédiate, tous droits réservés à cet égard, de sorte qu'elle n'a commis aucun manquement de gravité suffisante justifiant qu'il soit fait à une telle demande.

Elle sollicite enfin le rejet:

- de la demande de condamnation du preneur à la prise en charge des coûts des travaux nécessaires à l'entretien des immeubles, en ce qu'il est démontré qu'elle n'est tenue à aucune obligation d'entretien portant sur les locaux ne figurant pas dans le bail, seuls concernés par l'arrêté de péril,

- de la demande d'indemnité d'occupation:

* elle justifie n'occuper que ce qui figure dans l'assiette du bail, ce qui ne lui a jamais été reproché, ni par l'Etat, ni par la POSTE, ni pendant les 14 durant lesquels la société FONCIERE NICE LINGOSTIERE s'est trouvée propriétaire,

* la note de présentation de la réhabilitation et le rapport de l'expert désigné par le tribunal administratif confirment sa position.

A titre reconventionnel, elle réclame la condamnation du bailleur à faire réaliser les travaux nécessaires et à indemniser le préjudice du preneur:

- cette demande est parfaitement recevable:

* le bail emphytéotique, qui confère au preneur des droits réels sur le bien immobilier et notamment sur des parties communes, est incompatible avec le régime de la copropriété,

* elle n'a pas été associée, en dépit des droits réelles qui lui sont conférés par le bail, à l'assemblée générale du 8 juin 2021 lors que laquelle les copropriétaires ont désigné le cabinet FERGAN en qualité de syndic avec notamment mission d'établir un règlement de copropriété,

* cette mise en copropriété, qui n'est d'ailleurs pas prouvée en l'absence de pièces justificatives, lui est inopposable, en ce qu'elle n'y pas consenti,

- cette demande est parfaitement fondée:

* le bailleur a commis une faute contractuelle en ayant laissé en état d'abandon les parties de l'ensemble immobilier dont elle n'avait pas la jouissance et ce pendant 14 ans, perturbant ainsi sa propre jouissance

* le bailleur, par son attitude, lui cause également un trouble anormal de voisinage,

* la société appelante devra être condamnée à réaliser les études et travaux nécessaires à la levée de l'arrêté de périls et à la remise en état complète de l'immeuble n° 55, notamment ceux visés par le rapport SIXSENSE en page 11,

* une telle situation lui cause un important préjudice ainsi qu'elle en justifie.

La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 17 janvier 2023.

MOTIFS

Sur l'étendue de l'obligation d'entretien du preneur

Les parties sont en l'état d'un acte 'annexé à un acte administratif du 26 mars 1987" en date du 26 mars 1987 par lequel l'Etat a donné à bail la société NATIONALE IMMOBILIERE , aujourd'hui dénommée CDC HABITAT ' un ensemble immobilier, composé de deux bâtiments accolés situés sur les Allées Gambetta sur lesquelles il porte les n° 51 à 55 et cadastré (...).

Sont exclus de la présente location:

- le sous-sol et le rez-de-chaussée de l'ensemble immobilier à usage de restaurant administratif,

- le niveau 1 de l'immeuble portant le n° [Adresse 3],

- et les niveaux 2, 3 et 4 de l'immeuble portant le n° 55 de la rue susnommée à usage de logements de fonctions.

L'administration consent, en outre, à la S.N.I un droit de passage sur l'entrée de l'immeuble sis au n° 55 de la même voie pour accéder aux surfaces louées'.

A la lecture de cette clause, il ne peut être utilement soutenu, comme le prétend la SAS INVESTIL, que l'assiette du bail porte sur l'intégralité des immeubles en faisant une lecture partielle de la première partie de cette clause qui mentionne effectivement 'un ensemble immobilier, composé de deux bâtiments accolés (...), en oubliant la seconde partie qui précisément exclut de la location un certain nombre de locaux de cet ensemble immobilier. Le fait que l'administration consente au preneur un droit de passage pour accéder ' aux surfaces louées' met bien en évidence que l'objet du bail ne porte pas sur la totalité de l'ensemble immobilier sis [Adresse 3].

Au demeurant, il y a lieu de rappeler que la signature du bail emphytéotique avait été précédée par la conclusion d'une convention préalable entre les parties en date du 17 mars 1986 qui précise les surfaces cédées à bail emphytéotique à savoir:

- 1er étage du n° 55,

- 2ème étage du n° 51 et 53,

- 3ème étage du n° 51 et 53,

- 4ème du n° 51

- 5ème étage du n° 51,

et qu'en contrepartie, la S.N.I s'engage à entreprendre la réhabilitation de la partie destinée à la location afin de créer 13 logements sociaux.

Cette convention préalable corrobore qu'il n'a jamais été dans l'intention des parties de mettre à la disposition du preneur, dans le cadre du bail, la totalité de l'immeuble et que le bailleur a toujours entendu exclure du champ de la location, les niveaux mentionnés dans l'acte du 26 mars 1987

Cet acte du 26 mars 1987 comprend un paragraphe ' Obligations particulières ' qui rappelle, conformément à ce qui avait été initialement convenu, que ce bail a été consenti afin que la société preneuse entreprenne et poursuive jusqu'à leur parfait achèvement les travaux portant sur la création de 13 logements sociaux devant être loués aux personnel de l'Administration des Postes et Télécommunications et de la Télédiffusion, selon la répartition suivante:

T2: 6

T3: 6

T4: 1

Le paragraphe liste ensuite les conditions dans lesquelles ces travaux, portant donc sur l'aménagement de ces 13 logements devront être réalisés et poursuit en précisant que:

' la société entretiendra les immeubles en bon état d'entretien et d'utilisation et assurera les réparations de toutes natures, y compris les grosses réparations sans pouvoir exiger aucune de l'Etat pendant toute la durée de la location.'

La société appelante soutient que cette clause d'entretien porte sur la totalité de l'ensemble immobilier alors CDC HABITAT fait valoir qu'elle n'est tenue d'entretenir que les niveaux faisant l'objet du bail.

Or cette clause:

- constitue un rappel du droit commun de l'article L 451-8 du code rural en vertu duquel ' Le preneur est tenu de toutes les contributions et charges de l'héritage. En ce qui concerne les constructions existant au moment du bail et celles qui auront été élevées en exécution de la convention, il est tenu de des réparations de toute nature, mais il n'est pas obligé de reconstruire les bâtiments, s'il prouve qu'ils ont été détruits par cas fortuit, par force majeure ou qu'ils ont péri par le vice de la construction antérieure au bail',

- est insérée dans un paragraphe portant sur les obligations particulières du preneur sur les surfaces données à bail, à savoir leur réhabilitation complète afin d'y créer 13 logements, de sorte que l'obligation d'entretien qui y est mentionnée concerne à l'évidence ces surfaces données à bail et non pas l'intégralité de l'ensemble immobilier.

L'obligation d'entretien du preneur ne peut évidemment pas porter sur les locaux dont il n'a pas la jouissance ni d'ailleurs l'accès.

Le rapport d'expertise dressé par M. [J], désigné par le tribunal administratif et à l'origine de l'arrêté de péril confirme que s'agissant de l'immeuble portant le n° 55, au niveau du 1er étage, il ya une fermeture grillagée interdisant l'accès aux étages , à savoir les niveaux 2, 3 et 4 du n° 55, lesquels ne sont accessibles que par la société INVESTIL.

Il y a lieu de rappeler, qu'en matière de bail, la cause de l'obligation d'entretien pesant sur le preneur réside précisément dans l'obligation du bailleur de lui conférer la jouissance du bien.

Comme le souligne à juste titre la société intimée, si les parties avaient entendu convenir d'une telle clause exorbitante de droit commun, cette intention aurait été clairement stipulée dans le bail et, à tout le moins, ce bail aurait prévu un droit d'accès pour le preneur aux locaux dont il n'a pas la jouissance mais qu'il est supposé entretenir en réalisant tous les travaux nécessaires.

Il n'a, en outre, jamais été question d'une telle obligation d'entretien portant sur l'intégralité de l'ensemble immobilier lorsque l'Etat puis la Poste en étaient propriétaires et que si l'appelante a pu l'invoquer dans un courrier au début de l'année 2006, il n'en a jamais plus été question suite à la réponse qui lui a été adressée juste après par l'intimée, et ce jusqu'en date de 2019, à la suite de l'arrêté la prise de l'arrêté de péril.

En outre, dans deux courriers du 6 novembre 2012 et 3 novembre 2013 adressés au preneur, la société bailleresse a mis en évidence que l'organisation juridique de l'ensemble immobilier rendait la réalisation des travaux et leur financement complexe, reconnaissant ainsi de fait que tout ne pouvait être à la charge du preneur.

En conséquence, l'obligation d'entretien du preneur ne porte pas sur la totalité de l'ensemble immobilier appartenant à la SAS INVESTIL mais uniquement sur les niveaux de cet ensemble immobilier pris à bail par la société CDC HABITAT.

Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

Sur la demande en résiliation judiciaire du bail emphytéotique

En cause d'appel, la société CDC HABITAT ne se prévaut plus du moyen de l'irrecevabilité d'une telle demande, de sorte que les dispositions du jugement querellé ayant déclaré recevable la demande en résiliation judiciaire du bail emphytéotique seront purement et simplement confirmées.

Conformément à l'article L 451-5 alinéa 2 du code rural, la résolution peut être demandée par le bailleur en cas d'inexécution des conditions du contrat ou si le preneur a commis sur le fonds des détériorations graves.

La société appelante reproche à l'intimée d'un défaut d'entretien de l'ensemble des immeubles des [Adresse 3], qui est avéré en l'état de l'arrêté de péril grave et imminent qui a été pris le 21 janvier 2019, pointant d'importantes carences.

La lecture de l'arrêté de péril est ainsi motivé:

' Considérant que le rapport d'expertise susvisé, reconnaissant l'état de péril grave et imminent et constatant les pathologies suivantes:

Destructuration avancée, état d'abandon des appartements situés au 2ème, 3ème et 4 ème étage:

- destructuration des linteaux des fenêtres sur rue,

- ruine des menuiseries avec de larges entrées d'eaux,

- fuites en toitures importantes,

- fissures sur les parois (....)

Les étages du 2ème, 3ème et 4ème de l'immeuble côté rue sis [Adresse 3] sont interdits à toute occupation et utilisation (...)'

Or, dès lors que ne pesait pas sur la société CDC HABITAT une obligation d'entretien de locaux portant sur la totalité de l'ensemble immobilier et que l'arrêté de péril porte exclusivement sur les niveaux de cet ensemble n'entrant pas dans l'assiette du bail, la SAS INVESTIL, qui n'a pas entretenu les locaux lui appartenant et non donnés à bail, ne peut qu'être déboutée de sa demande en résiliation judiciaire aux torts du preneur ainsi que de ses demandes subséquentes.

Sur la demande de dommages et intérêts au titre de l'occupation par la société CDC HABITAT de la partie des immeubles dont la jouissance est réservée à la société INVESTIL

La société INVESTIL reproche à la société CDC HABITAT d'exploiter, en dehors du cadre contractuel, la moitié des niveaux 2 et 3 de l'immeuble portant le n° 55.

Elle soutient plus particulièrement qu'il n'existe aucun immeuble portant le n° 53 et que l'ensemble immobilier ne concerne que le n° 51 et 55.

Toutefois, une telle analyse ne peut être retenue au regard des pièces du dossier et notamment:

- la convention préalable entre les parties en date du 17 mars 1986 qui précise les surfaces cédées à bail emphytéotique à savoir:

'1er étage du n° 55,

2ème étage du n° 51 et 53,

3ème étage du n° 51 et 53,

4ème du n° 51,

5ème étage du n° 51,'

- la note de présentation de la réhabilitation des 13 logements '[Adresse 3]'

qui comprend un plan de répartition par numéro d'immeuble mettant en évidence que le n° 51 et le n° 55 sont situés sur l'[Adresse 4] et que le n° 53 se trouve, quant à lui, sur cour,

- la pièce n° 23 communiquée par l'appelante, à savoir l'attestation notariée de vente des biens lui appartenant en date du 29 janvier 2021, qui décrit l'ensemble immobilier litigieux situé à [Adresse 3] comprenant au:

'- au [Adresse 3] (....)

- au [Adresse 3] (...) '

mettant en évidence que le n° [Adresse 3] existe.

L'expert [J], désigné par le tribunal administratif, avait pour mission de visiter l'immeuble du [Adresse 3]. Celui-ci ne fait état, dans sa visite, que des appartements situés au 2ème, 3ème et 4ème de l'immeuble sur rue, à savoir ceux exclus de l'assiette du bail.

A l'inverse, il a visité le 1er étage sur rue, qui correspond au niveau donné à bail à la société CDC HABITAT et indique ' nous montons au 1er étage pour constater que par un passage vers la cour arrière, cette entrée dessert en réalité un immeuble situé au'delà de cette cour' ( à savoir le n° 53)

La société SDC HABITAT n'occupe en conséquence que le 1er étage du n° [Adresse 3] et non pas les 2ème, 3ème et 4ème niveaux et ce , conformément aux termes du bail emphytéotique.

En conséquence, la société INVESTIL ne peut qu'être déboutée de sa demande de dommages et intérêts au titre d'une prétendue occupation par le preneur de la partie des immeubles ont il s'est réservé la jouissance.

Par voie de conséquence, sa demande tendant à la fixation d'une indemnité d'occupation à hauteur de 10.000 € par mois pour l'occupation indue de ces deux niveaux et ce jusqu'à complète libération des lieux ne peut qu'entrer en voie de rejet.

Sur la demande de condamnation du preneur à la prise en charge le coût des travaux nécessaires à l'entretien et à toutes les réparations nécessaires à la pérennité des immeubles des [Adresse 3]

Au regard des développements qui précèdent et l'arrêté péril du 21 janvier 2019 ne concernant que des niveaux de cet ensemble immobilier n'entrant pas dans l'assiette du bail et pour lesquels le preneur n'est tenu à aucune obligation d'entretien, cette demande sera pas davantage accueillie, de même que celle tendant, avant dire droit et sur le montant de cette condamnation de la société SCD HABITAT, à l'organisation d'une mesure d'expertise judiciaire.

Sur les demandes reconventionnelles présentées par la société CDC HABITAT

Celle-ci sollicite:

- d'une part, la condamnation du bailleur à réaliser les études et travaux nécessaires à la levée de l'arrêté de péril et la remise en état complète de l'immeuble portant le n° 55, à savoir ceux visés en page 11 du rapport SIXSENSE,

- d'autres part, la condamnation du bailleur à l'indemniser des différents préjudices subis et notamment des dommages et intérêts pour les travaux qu'elle a été contrainte de réaliser.

La société INVESTIL lui oppose, en premier lieu, l'irrecevabilité de telles demandes en ce qu'elle a cédé, le 29 janvier 2021, certains lots à la société [Localité 5] HABITAT, que désormais l'immeuble sis [Adresse 3] est soumis au statut de la copropriété et que l'entretien, la conservation et l'administration commune de l'immeuble relèvent de la compétence exclusive du syndicat des copropriétaires.

Il y a lieu cependant de relever que cette mise en copropriété de l'immeuble litigieux n'est pas démontrée, l'attestation notariée du 29 janvier 2021faisant état de la vente de lots de copropriétés sans aucune quote-part de parties communes déterminées et il n'est produit aucun règlement de copropriété, ni état descriptif de division.

En conséquence, cette mise en copropriété, ne peut être opposée au preneur et la société INVESTIL, en sa qualité de bailleur, reste tenue envers l'intimée des conséquences dommageables de l'absence d'entretien des locaux lui appartenant mais non donnés à bail, à savoir l'arrêté de péril et les dégradations des immeubles, en ce compris les locaux inclus dans l'assiette du bail.

En conséquence, la société CDC HABITAT est recevable en ses demandes reconventionnelles.

En vertu de l'article 568 du code de procédure civile, lorsque la cour d'appel infirme ou annule un jugement qui a ordonné une mesure d'instruction, ou qui statuant sur une exception de procédure, a mis fin à l'instance, elle peut évoquer les points non jugés si elle estime de bonne justice de donner à l'affaire une solution définitive, après avoir ordonné elle-même, le cas échéant, une mesure d'instruction.

Cette faculté d'évocation ne peut porter que sur les points du litige qui n'ont pas été jugés en première instance. L'évocation est également possible sur appel d'un jugement mixte pour autant que la cour soit saisie du chef de jugement qui a prescrit la mesure d'instruction.

En l'espèce, la SAS INVESTIL a interjeté appel d'un jugement mixte, ayant partiellement statué sur le fond et ordonné, pour le surplus et d'office, une mesure d'instruction.

La cour est bien saisie du chef du jugement ayant ordonné cette expertise.

La société CDC HABITAT demande à la cour d'évoquer les points du litige qui n'ont pas été jugés en première instance, à savoir ses demandes reconventionnelles, en ce que le tribunal a ordonné, avant dire droit, sur ce point, une mesure d'expertise judiciaire.

Elle s'appuie notamment sur le rapport d'investigation structurelle du cabinet SIXSENSE du 4 février 2019 et le rapport de fin de travaux de ce même cabinet en date du 2 avril 2019 qui préconise en page 11 les travaux nécessaires à la remise en état complète de l'immeuble portant le n° 55.

Il n'en demeure pas moins que les préconisations résultant de ce rapport sont anciennes comme datant de près de quatre années, de sorte que la situation de l'immeuble a pu évoluer depuis les constatations effectuées par ce cabinet, voir même être devenues obsolètes.

Le rapport d'expertise judiciaire ne peut, dans ces conditions, que constituer une plus-value s'agissant plus particulièrement des travaux nécessaires pour permettre la levée de l'arrêté de péril, d'autant qu'il est établi que les opérations sont bien avancées dès lors que le pré-rapport a été déposé.

En outre, le fait pour la cour d'accepter d'évoquer la totalité du litige et par là d'examiner les demandes reconventionnelles de la société CDC HABITAT a pour effet de priver la société appelante du double degré de juridiction alors que ces demandes sont particulièrement lourdes et conséquentes.

En conséquence, le jugement entrepris en ce qu'il a ordonné avant dire droit, une mesure d'expertise judiciaire, sur les demandes reconventionnelles présentées par la société CDC HABITAT, sera également confirmé.

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

Vu l'article 696 du code de procédure civile,

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Marseille déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne la société INVESTIL à payer à la société CDC HABITAT la somme de 5.000€ sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel,

Condamne la société INVESTIL aux dépens de la procédure d'appel.

Le greffier Le conseiller pour le président empêché


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-5
Numéro d'arrêt : 19/19173
Date de la décision : 30/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-30;19.19173 ?
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