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24/03/2023 | FRANCE | N°21/13601

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-7, 24 mars 2023, 21/13601


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-7



ARRÊT AU FOND

DU 24 MARS 2023



N° 2023/154













Rôle N° RG 21/13601 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BIEB2







[J] [X]





C/



S.A. S.A. RMTT, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié es qualités au siège social sis [Adresse 2]

représentée par Me Anne-Sylvie VIVES de la SELARL VIVES AVOCATS, avocat au barreau de TOULON









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Copie exécutoire délivrée

le : 24 MARS 2023

à :

SELARL ABRAN DURBAN & ASSOCIES

SELARL VIVES AVOCATS





























Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-7

ARRÊT AU FOND

DU 24 MARS 2023

N° 2023/154

Rôle N° RG 21/13601 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BIEB2

[J] [X]

C/

S.A. S.A. RMTT, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié es qualités au siège social sis [Adresse 2]

représentée par Me Anne-Sylvie VIVES de la SELARL VIVES AVOCATS, avocat au barreau de TOULON

Copie exécutoire délivrée

le : 24 MARS 2023

à :

SELARL ABRAN DURBAN & ASSOCIES

SELARL VIVES AVOCATS

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULON en date du 25 Juin 2021 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 19/00701.

APPELANT

Monsieur [J] [X], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Nathalie ABRAN de la SELARL ABRAN DURBAN & ASSOCIES, avocat au barreau de TOULON substituée par Me Delphine DIDDI, avocat au barreau de TOULON

INTIMEE

S.A. RMTT, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié es qualités au siège social sis [Adresse 2]

représentée par Me Anne-Sylvie VIVES de la SELARL VIVES AVOCATS, avocat au barreau de TOULON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Françoise BEL, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Françoise BEL, Président de chambre

Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller

Madame Raphaelle BOVE, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Agnès BAYLE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 Mars 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 24 Mars 2023

Signé par Madame Françoise BEL, Président de chambre et Mme Agnès BAYLE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Faits, procédure, prétentions et moyens des parties:

M. [J] [X] a été engagé par la société Régie Mixte des Transports Toulonnais ( RMTT, ci-après 'la société') le 1er novembre 2015 en contrat à durée déterminée, poursuivi en contrat à durée indéterminée le 2 octobre 2017, en qualité de mécanicien. Au dernier état des relations contractuelles, le salarié était mécanicien ouvrier OP1, Coefficient 185, moyennant une rémunération mensuelle brute moyenne de 1872.81 euros.

La Convention collective nationale applicable est celle des réseaux de transports urbains.

Dans le cadre de la réduction du temps de travail à 35 heures, les personnels des services techniques, (atelier), travaillaient en équipe (matin, jour et soir) 4 jours par semaine à raison de 8h 45 par jour. En contrepartie, ces salariés bénéficiaient de 46 jours de repos supplémentaires pris en principe soit le lundi soit le vendredi.

Un avenant portant sur l'organisation, l'aménagement et la réduction du temps de travail a été signé entre les organisations syndicales et l'entreprise le 24 juin 2009 aux termes duquel la semaine du travail du personnel de l'atelier présent au moment de la signature de l'avenant a été allongée à 5 jours par semaine (au lieu de 4) et le nombre de jours de repos réduits à 16 jours (au lieu de 46).

Le salarié concerné, affecté aux services techniques depuis 2015, effectuant selon lui les mêmes tâches que les salariés bénéficiant de l'application de cet accord, invoquant être victime d'une différence de traitement en ce qu'il travaille16 jours de plus que les salariés bénéficiant l'accord a saisi le conseil de prud'hommes de Toulon, ainsi que d'autres salariés de l'entreprise, aux fins d'indemnisation de son préjudice et sollicite la condamnation de l'employeur à lui verser diverses sommes à titre de dommages et intérêts et de rappel de salaire.

Par jugement en date du 25 juin 2021 le conseil a débouté le demandeur de ses demandes.

Relevant appel par déclaration en date du 24 septembre 2019, le salarié, dans ses dernières conclusions notifiées et déposées le 22 décembre 2021 demande à la cour de réformer le jugement dont appel en ce qu'il le déboute de sa demande de dommages et intérêts, de sa demande de rappel de salaire, de sa demande de rappel de primes et de gratifications, de toutes ses autres demandes afférentes à ce chef de demande, et statuant à nouveau, de condamner l'employeur à lui payer des dommages et intérêts, rappels de salaire et primes.

L'appelant soutient subir une différence de traitement, en ce que, engagé postérieurement à l'accord collectif signé le 24 Juin 2009 , effectuant les mêmes tâches au sein du même atelier que certains salariés présents au jour de la signature de l'accord, il ne perçoit pas les mêmes avantages que les salariés embauchés antérieurement à l'accord, lesquels bénéficient de 16 jours de repos supplémentaires, l'inégalité de traitement ne reposant sur aucun élément objectif, ni pertinent ni d'origine professionnelle, méconnaisant ainsi le principe 'à travail égal, salaire égal'. Il ajoute que la différence de traitement subie, même lorsqu'elle résulte d'un accord collectif, ne peut être justifiée au regard du principe de non- discrimination.

Par conclusions déposées et notifiées le 17 mars 2022, la société RMTT demande à la cour de confirmer le jugement et de condamner l'appelant aux dépens et à lui payer la somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société intimée, réplique que l'accord collectif visait à compenser le préjudice que subissait les salariés en poste antérieurement à son entrée en vigueur , travaillant dans les services techniques de renfort du matin et de renfort du soir, de la perte des 30 jours de repos supplémentaires engendrée par la nouvelle répartition du temps de travail, le salarié appelant ne subissant pas un tel préjudice, que la compensation octroyée ne peut être considérée comme un avantage consenti au détriment des autres salariés engagés postérieurement à la modification de l'organisation du travail , que la différence de traitement en cause n'est pas fondée sur un motif discriminatoire à la définition duquel elle ne répond pas.

Pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties la cour renvoie à leurs écritures précitées.

Motifs

Sur le moyen tiré d'une rupture de l'égalité de traitement:

Le principe 'à travail égal, salaire égal', dégagé par la jurisprudence, oblige l'employeur à assurer une égalité de rémunération entre des salariés effectuant un même travail ou un travail de valeur égale ou, du moins, à devoir justifier toute disparité de salaire. Cette règle est une application particulière du principe d'égalité de traitement entre les salariés. Elle s'oppose à ce que des salariés, placés dans une situation identique, soient traités différemment au regard de l'octroi d'une augmentation de salaire, d'une prime ou d'un avantage.

Les salariés exercent un même travail ou un travail de valeur égale lorsqu'ils sont dans une situation comparable au regard de la nature de leur travail et de leurs conditions de formation et de travail.

Les différences de rémunération entre des salariés exerçant un travail égal ou de valeur égale sont licites dès lors qu'elles sont justifiées par des critères objectifs et pertinents, étrangers à toute discrimination. Dans ce cadre, des raisons conjoncturelles peuvent permettre de déroger à l'égalité de traitement entre salariés.

Il appartient au salarié qui s'estime victime d'une inégalité de traitement de soumettre au juge les éléments de fait, loyalement obtenus, laissant supposer son existence. C'est à celui qui invoque une atteinte au principe d'égalité de traitement de démontrer qu'il se trouve dans une situation identique ou similaire, au regard de l'avantage considéré, à celui auquel il se compare de façon déterminée. Il incombe ensuite à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs et pertinents.

Une différence de traitement peut se justifier par l'application d'une disposition légale ou d'une décision de justice, voire d'une disposition conventionnelle. Dans certains cas, l'inégalité de traitement est présumée justifiée lorsqu'elle résulte d'un accord collectif ou d'un protocole de fin de conflit ayant valeur d'accord collectif, sous réserve de la non généralisation d'une présomption de justification notamment dans les domaines où est mis en oeuvre le droit de l'Union européenne dans une certaine mesure. En revanche, si la différence de traitement découle d'une décision unilatérale de l'employeur, celui-ci doit nécessairement la justifier. En effet, l'employeur ne peut pas opposer son pouvoir discrétionnaire pour se soustraire à son obligation de justifier une inégalité de rémunération ou de traitement.

L'avenant portant sur l'Organisation l'Aménagement et la Réduction du Temps de Travail pour le personnel terrestre stipulant en son article 6 relatif au changement d'organisation des services techniques, énonce que :

« Afin d'accroître la qualité de service en termes de disponibilité et de réactivité tout en diminuant le risque de travail avec des journées de travail moins longues, il est convenu que l'ensemble du personnel affecté au service technique de l'entreprise travaille sur 5 jours et non plus de 4 jours à compter du 1er janvier 2010.

Le personnel présent dans l'entreprise à la date de la signature de l'accord bénéficie de 16 jours de repos supplémentaires qui devront être planifiés chaque année.

Les modifications apportées aux horaires de travail feront l'objet d'une large concertation sur les bases suivantes :

- équipe du matin : 4 h 30 du matin - 12 heures dont 30 minutes de pause

- équipe de jour : 8 .h-.15h 30 dont 30 minutes de pause

- équipe de soir: 14 h30 - 22 heures dont 30 minutes de pause.»

L'accord s'applique au personnel présent dans l'entreprise à la date de la signature de l'accord, affecté au service technique de l'entreprise, et instaure une nouvelle organisation de la semaine du travail du personnel de l'atelier, allongeant la semaine de travail à 5 jours, au lieu de 4, ainsi que des jours de repos supplémntaires de 16 jours.

Le personnel affecté aux services techniques de l'entreprise, travaillant en équipe, matin, jour, soir, 4 jours par semaine à raison de 8h45 par jour, bénéficiaient, avant l'entrée en vigueur de l'accord modificatif, de 46 jours de repos supplémentaires.

Les motifs de la réorganisation, sont ceux de la qualité de service en termes de disponibilité et de réactivité des équipes , la performance et la prévention du risque (accidents') avec des journées de travail moins longues.

Le salarié, embauché le 1er novembre 2015, est affecté au service technique ( ateliers).

Entré dans l'entreprise postérieurement à l'accord de modification du temps de travail, il n'est pas éligible aux dispositions de cet accord.

Il soutient qu'effectuant les mêmes tâches, occupant le même poste, et travaillant au sein du même atelier que les salariés présents au jour de la signature de l'accord et qui bénéficient de 16 jours de repos supplémentaires, il subit un préjudice de sa non application, les salariés bénéficiaires travaillant 210 jours l'an alors que lui-même travaille 226 jours.

Il résulte de l'analyse de l'accord de modification du 24 juin 2009, que le passage de l'organisation du travail de 4 jours à 5 jours ouvrés pour les salariés travaillant aux services techniques, aux postes de matin, de jour et de soir, entraîne pour le personnel concerné, présent à la date de signature de l'accord, une perte de 30 jours de repos supplémentaires à compter du 1er janvier 2010 date d'entrée en vigueur de l'accord.

La note de service 206 bis du 8 janvier 2010 intitulée « Organisation des services techniques à compter du 4 janvier 2010 » comprenant la liste des personnels présents et concernés , organise pour les services techniques les nouveaux horaires de travail applicables et les modalités permettant le calcul des 16 jours de repos supplémentaires prévus par l'accord collectif.

Il résulte de cet accord que l'octroi de jours de repos supplémentaires constitue pour les salariés concernés par le passage de la semaine de travail de quatre jours à cinq jours, la compensation de la perte de 30 jours de repos dans l'année préjudiciant aux salariés présents à la date de signature de l'accord et affectés à l'atelier, la note de service mettant en oeuvre l'accord de modification.

Les jours de repos supplémentaires prévus par l'accord collectif présentant un caractère indemnitaire

en ce qu'il vient compenser la perte d'un avantage pour les salariés qui en ont bénéficié antérieurement à l'entrée en vigueur de l'accord collectif, et non celui d'un avantage dont aurait été privé le salarié entré dans l'entreprise postérieurement au jour de signature de l'accord, le salarié appelant ne se trouve pas placé dans une situation identique au regard de l'avantage considéré, n'étant pas affecté par la perte de jours de repos, de sorte qu'il n'est pas justifié d'une rupture d'égalité de traitement.

En conséquence le moyen est rejeté.

Sur le moyen tiré d'une discrimination:

Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi no 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m'urs, de son orientation ou identité sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou en raison de son état de santé ou de son handicap.

Lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions du chapitre II du code du travail, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi no 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.

Au vu de cels éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

L'indemnisation des salariés présents dans l'entreprise et affectés aux services techniques à la date de l'entrée en vigueur de l'accord collectif dans les conditions précitées, venant compenser le préjudice subi par ces salariés privés de partie de leurs jours de repos, tel qu'énoncé supra, il en résulte que la décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Le moyen d'une discrimination est rejeté.

Le jugement entrepris est dès lors confirmé.

Par ces motifs

La cour,

Confirme le jugement entrepris,

Condamne M. [J] [X] aux dépens et à payer à la société RMTT la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-7
Numéro d'arrêt : 21/13601
Date de la décision : 24/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-24;21.13601 ?
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