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24/03/2023 | FRANCE | N°21/04000

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-7, 24 mars 2023, 21/04000


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-7



ARRÊT AU FOND

DU 24 MARS 2023



N°2023/168













Rôle N° RG 21/04000 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHECN







[W] [J]





C/



Association UNEDIC-CGEA DE [Localité 4]

S.C.P. BR ASSOCIES























Copie exécutoire délivrée

le : 24 mars 2023

à :

SELARL FAYOLLE JEAN

Me Frédéric LA

CROIX

SELARL SJB AVOCAT





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARTIGUES en date du 26 Février 2021 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 20/00060.





APPELANT



Monsieur [W] [J], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me J...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-7

ARRÊT AU FOND

DU 24 MARS 2023

N°2023/168

Rôle N° RG 21/04000 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHECN

[W] [J]

C/

Association UNEDIC-CGEA DE [Localité 4]

S.C.P. BR ASSOCIES

Copie exécutoire délivrée

le : 24 mars 2023

à :

SELARL FAYOLLE JEAN

Me Frédéric LACROIX

SELARL SJB AVOCAT

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARTIGUES en date du 26 Février 2021 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 20/00060.

APPELANT

Monsieur [W] [J], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Jean FAYOLLE de la SELARL FAYOLLE JEAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMEES

Association UNEDIC-CGEA DE [Localité 4] Représentée par sa directrice nationale Mme [E] [O] ; Constitution de Me Frédéric LACROIX avocat au Barreau d'AIX-EN-PROVENCE, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Frédéric LACROIX, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

S.C.P. BR ASSOCIES ès qualité de mandataire liquidateur de la SARL [Localité 5], demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Stéphanie JACOB BONET de la SELARL SJB AVOCAT, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Janvier 2023 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Françoise BEL, Président de chambre, et Madame Raphaelle BOVE, Conseiller, chargés du rapport.

Madame Raphaelle BOVE, Conseiller, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Françoise BEL, Président de chambre

Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller

Madame Raphaelle BOVE, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Agnès BAYLE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 Mars 2023..

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 24 Mars 2023.

Signé par Madame Françoise BEL, Président de chambre et Mme Agnès BAYLE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Faits, procédure, prétentions et moyens des parties:

M. [J] a été engagé par la Société [Localité 5], ci-après 'la société', exploitant un fonds de commerce de discothèque, selon contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel, pour une durée de travail de 4 heures par jour à compter du 1er février 2008, en qualité d'employé polyvalent.

Le salarié a été confirmé dans ses fonctions à temps plein, à compter du 1er janvier 2012.

Par jugement du 7 février 2019, le tribunal de commerce de Salon de Provence a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société. La liquidation judiciaire a été prononcée le 25 avril 2019.

Le 3 mai 2019, le salarié a pris acte de la rupture de son contrat de travail.

Le 9 mai 2019, la SCP BR associés, ès qualités de mandataire liquidateur de la société lui a notifié son licenciement pour motif économique.

Le salarié a saisi le conseil des prud'hommes de Martigues le 19 février 2020 aux fins notamment de voir constater la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur et juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par jugement du 26 février 2021, le conseil précité a :

- constaté que la société a exécuté loyalement le contrat de travail la liant avec le salarié,

- dit et jugé que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par le salarié s'analyse en une démission,

- dit et jugé que la rupture du contrat de travail a eu lieu le 4 mai 2019,

-débouté le salarié de :

- ses demandes découlant de la rupture de son contrat de travail,

- sa demande de dommages et intérêts pour travail dissimulé,

- sa demande de rappel de salaires,

- sa demande au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés,

- du surplus de ses demandes, plus amples ou contraires,

-condamné le salarié aux entiers dépens.

Par déclaration du 17 mars 2021, le salarié a relevé appel du jugement et sollicité la réformation des chefs de jugement critiqués.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 15 juin 2021, l'appelant sollicite:

- l'infirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Et statuant à nouveau,

- de constater la situation de travail dissimulé du salarié,

- de constater que la société n'a pas exécuté loyalement le contrat de travail la liant avec l'appelant,

- de dire la prise d'acte de la rupture du contrat de travail du salarié fondée et d'analyser son licenciement comme dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- de fixer la moyenne des salaires bruts du salarié à la somme de 6.344,36 euros et subsidiairement à la somme de 5.469,13 euros,

- de fixer la créance du salarié au passif de la société aux sommes suivantes :

s'il est retenu un salaire moyen de 6.344,36 euros :

-38.066,16 euros à titre de dommages-intérêts pour travail dissimulé,

-12.688,72 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

-1.268,87 euros à titre de congés payés afférents,

-18.856,85 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

- 22.839,70 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,

- 66.615,78 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

s'il est retenu un salaire moyen de 5.469,13 euros :

-32.814,78 euros à titre de dommages-intérêts pour travail dissimulé,

- l0.938,26 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

-1.093,82 euros à titre de congés payés afférents,

-16.255,46 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

-19.688,87 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,

-57.425,86 euros a titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-d'enjoindre au mandataire-liquidateur de la société de régulariser la situation du salarié auprès des organismes sociaux pour la période du 1er octobre 2012 au 3 mai 2019, avec pour base un salaire brut mensuel de 6.344,36 euros ou subsidiairement de 5.469,13 euros,

-d'enjoindre au mandataire-liquidateur de la société de délivrer au salarié sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document, à compter de la notification de l'arrêt à intervenir une attestation destinée à pôle emploi mentionnant pour motif de rupture du contrat de travail 'un licenciement sans cause réelle et sérieuse au 3 mai 2019",

A titre subsidiaire,

-de constater la situation de travail dissimulé du salarié,

-de dire la prise d'acte de la rupture du contrat de travail du salarié irrégulière faute d'avoir été notifiée au mandataire-liquidateur,

-de dire la rupture du contrat de travail du salarié rendue effective par le licenciement économique notifié par le mandataire-liquidateur le 9 mai 2019,

-de fixer la moyenne des salaires et les créances au passif de la société comme exposé supra,

En tout état de cause,

-de constater que le salarié n'a pas perçu ses salaires pendant les périodes de fermetures administratives,

-de constater que le salarié n'a pas perçu de salaires du 1er janvier 2019 au 3 ou 9 mai 2019, selon la date retenue par la cour pour la rupture du contrat de travail,

-de fixer la créance du salarié au passif de la société, s'agissant des périodes de fermetures administratives:

si le salaire moyen retenu est de 6.344, 36 euros à :

- 28.549,63 euros à titre de rappels de salaires,

- 2.854,96 euros au titre des congés payés incidents,

si le salaire moyen retenu est de 5.469,13 euros à :

- 24.611,08 euros à titre de rappels de salaires,

- 2.461,11 euros à titre de congés payés incidents,

-de fixer la créance du salarié au passif de la société, s'agissant de la période courant du 1er janvier 2019 à la rupture du contrat de travail,

si le salaire moyen retenu est de 6.344, 36 euros et la prise d'acte constatée à :

-25.377,44 euros à titre de rappels de salaires,

-2537,74 euros à titre de congés payés afférents,

si le salaire moyen retenu est de 5.469,13 euros et la prise d'acte constatée à :

- 21.876,52 euros à titre de rappels de salaires,

- 2.187,65 euros à titre de congés payés incidents,

si le salaire moyen est fixé à 6.344, 36 euros et le licenciement économique retenu, à :

- 27.219,35 euros à titre de rappels de salaires,

- 2.721,93 euros à titre de congés payés incidents,

si le salaire moyen est fixé à 5.469,13 euros et le licenciement économique retenu à :

- 23.464,33 euros à titre de rappels de salaires,

- 2.346,43 euros à titre de congés payés incidents,

-de condamner la SCP BR associés, es qualité de mandataire-liquidateur de la société intimée au paiement de la somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens,

-de dire et juger la décision à intervenir opposable à l'AGS [Localité 4] pour toutes les dispositions qui concernent la société intimée.

A l'appui de ses demandes, le salarié expose que sa rémunération réelle était supérieure à celle figurant à son contrat de travail en ce que son employeur avait pris pour habitude de lui verser des espèces en complément. Par suite, il précise que la société intimée a cessé de le rémunérer en qualité de salarié à compter d'octobre 2012, sans aucune procédure de rupture de son contrat de travail, en lui imposant de poursuivre ses fonctions de manière dissimulée et en lui demandant d'établir mensuellement des factures en qualité d'auto-entrepreneur, sans que son lien de subordination ne s'en trouve affecté. Il chiffre ainsi son préjudice au titre du travail dissimulé et de l'exécution fautive de son contrat de travail qu'il alloue également au non paiement de son salaire lors des périodes de fermetures administratives de l'établissement.

Il précise ne plus avoir eu de nouvelles de son employeur à compter du 1er janvier 2019, ni n'avoir été payé. Sachant la société en redressement judiciaire et restant sans activité, le salarié explique avoir pris acte le 3 mai 2019 de la rupture de son contrat de travail, par courrier recommandé envoyé à la société. Il conteste dès lors le licenciement économique notifié par le mandataire liquidateur le 9 mai 2019 en ce que sa demande d'acte est intervenue antérieurement et demande à ce que celui-ci soit requalifié en licenciement sans cause réelle et sérieuse. Il chiffre par suite ses demandes.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 3 juin 2021, le mandataire liquidateur de la société intimée sollicite :

-la confirmation de l'entier jugement entrepris tout en sollicitant la rectification de l'erreur matérielle constatée sur la date de rupture du contrat de travail fixée au 4 et non au 3 mai 2019,

-le débouté du salarié de l'ensemble de ses demandes.

Il précise qu'il ne peut être fait grief à la société de fautes ayant conduit le salarié à prendre acte de la rupture de son contrat de travail. Il expose que celle-ci a rencontré d'importantes difficultés financières ayant conduit à sa mise en redressement, difficultés connues de l'appelant et qui ne peuvent caractériser une faute. L'employeur conteste par ailleurs tout travail dissimulé précisant que le salarié en sus de son contrat, travaillé en qualité d'indépendant avec factures à l'appui. Il sollicite

de ce fait que la rupture du contrat par le salarié soit considérée comme une démission et le débouté de l'ensemble de ses demandes subséquentes.

Sur le travail dissimulé qu'il conteste, il oppose en outre à l'appelant le fait de ne pas rapporter la preuve du caractère fictif ou frauduleux de son activité d'auto-entrepreneur.

Sur les rappels de salaires, l'employeur fait valoir que toute demande antérieure au 19 février 2017 est prescrite. Sur la période postérieure, il indique que la salarié n'a jamais formalisé de demande de rappel et qu'il ne justifie pas des périodes de fermetures antérieures au 1er janvier 2019.

S'agissant du rappel des indemnités de congés payés, il expose que le salarié ne démontre pas avoir personnellement réclamé le bénéfice de ses congés et n'apporte pas la preuve qu'il a été mis dans l'impossibilité par l'employeur de les prendre, conditions selon lui cumulatives nécessaires pour en obtenir le paiement.

Dans ses dernières écritures remises au greffe et notifiées le 10 septembre 2021, l'Ags sollicite:

-à titre principal, la confirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions,

-à titre subsidiaire, de fixer la rémunération mensuelle moyenne brute du salarié à 3000 euros et de débouter le salarié de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé,

-à titre très subsidiaire :

- de fixer en tant que de besoin le rappel de salaire de l'employé entre le mois de janvier 2017 et le 13 octobre 2018 sous réserve de justificatifs probants et à défaut de le débouter,

- de fixer l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse au minimum légal,

- de fixer en tant que de besoin l'indemnité compensatrice de préavis, l'indemnité compensatrice de congés payés et l'indemnité de licenciement,

- de mettre hors de cause l'Ags pour les créances d'indemnités de rupture du salarié au titre des indemnités compensatrices de préavis, de congés payés, de licenciement, pour travail dissimulé et de dommages et intérêts pour rupture illégitime,

- d'accorder la garantie Ags aux créances de salaires et accessoires de salaires antérieures au redressement judiciaire intervenu le 7 février 2019,

- d'accorder la garantie Ags à hauteur d'une limite maximale d'un mois et demi, aux créances de salaires et accessoires de salaires dues sur la période d'observation, soit du redressement judiciaire du 7 février 2019 à la liquidation judiciaire intervenue le 25 avril 2019.

L'Ags développe des moyens similaires au mandataire liquidateur pour solliciter que la rupture du contrat de travail par le salarié soit tenue comme démission, celui-ci n'ayant jamais émis depuis son embauche de reproche sur ses conditions de travail.

Sur la fixation du montant de son salaire moyen brut, elle demande à retenir le salaire fixé sur le bulletin de paie et subsidiairement que soit retenue la somme de 3.000 euros brut soit 2.500 euros brut de salaire auquel s'ajoutent 500 euros facturés en qualité d'auto-entrepreneur.

L' Ags rappelle enfin le cadre de sa garantie et comment celle-ci peut être mise en oeuvre dans le présent litige. Elle précise notamment qu'au regard de la prise d'acte du salarié, sa garantie ne pourra opérer sur les créances liées à la rupture du contrat de travail.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, il y a lieu de se référer aux conclusions déposées.

Motifs

Sur la prise d'acte de la rupture du contrat de travail

Lorsque le salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission.

L'écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture du contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur ne fixe pas les limites du litige. La cour est tenue d'examiner les manquements de l'employeur invoqués devant elle par le salarié, même si celui-ci ne les a pas mentionnés dans cet écrit.

Dans son courrier du 3 mai 2019, le salarié fait grief à l'employeur d'avoir travaillé de manière dissimulée pendant la plupart de son activité professionnelle et de ne plus lui avoir fourni de travail, ni de rémunération depuis le 1er janvier 2019.

Sur le travail dissimulé, l'article L'8221-5 du code du travail énonce qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.

En l'espèce, il n'est pas contesté que le salarié a travaillé pour la société intimée en qualité de disc jockey à temps plein et ce depuis janvier 2012. Ces informations ressortent de deux attestations délivrées par l'employeur et produites par le salarié les 16 février 2013 et 18 mai 2016 et font preuve contre la société. Le caractère salarié de la relation résulte également de la décision prise par le mandataire judiciaire de procéder au licenciement de l'appelant.

Le salarié expose qu'à compter d'octobre 2012, il n'a plus été déclaré par son employeur et n'a plus reçu de bulletins de paie. Il explique avoir par la suite été rémunéré en espèces et sur la base de factures qu'il établissait en qualité d'auto-entrepreneur.

La qualité de 'DJ' salarié , exerçant ses activités en soirée, n'excluant pas en elle-même la qualité d'auto-entrepreneur, remplissant pour autrui des prestations de service, n'est pas en elle-même suffisante à établir l'intention de l'employeur d'occuper le salarié dans le cadre d'un travail dissimulé. L'appelant échoue à établir, en l'absence de tout élément objectif suffisamment probant, que cette activité s'exerçait en réalité dans le cadre du lien de subordination.

Les seules allégations du salarié , qui ne sont pas corroborées par des éléments objectifs, ne font pas la preuve du caractère intentionnel d'une dissimulation d'emploi salarié . Le jugement est confirmé de ce chef.

Sur le second moyen soulevé par le salarié dans sa prise d'acte, l'employeur précise qu'au regard de ses difficultés économiques, lesquelles l'ont conduit à être placé en redressement judiciaire, puis en liquidation judiciaire, il n'a pu fournir de travail et de salaire à l'appelant à compter du 1er janvier 2019. L'absence de fourniture d'un travail et de salaire présente un caractère fautif d'une gravité telle qu'elle justifie la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur.

La prise d'acte de rupture du salarié produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse qui ouvre droit pour le salarié au versement d'indemnités de rupture et de dommages-intérêts.

La prise d'acte de la rupture entraîne la cessation immédiate du contrat de travail, dès l'émission de la lettre, même si l'employeur n'a pas eu connaissance du contenu de la lettre.

Sur la détermination du salaire moyen du salarié

Il n'est pas contesté par les parties que le salarié travaillait à temps plein. Il percevait 1965,31 euros net par mois, comme en atteste le dernier bulletin de salaire versé au dossier par l'appelant pour le mois de septembre 2012.

Compte tenu de l'ensemble des éléments versés, il apparaît justifié de fixer à la somme de 2.465,31 euros nets la rémunération mensuelle moyenne du salarié, soit 3.136,03 euros bruts.

Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Compte tenu de l'ancienneté du salarié au sein de la société, à savoir onze ans, et des effectifs de cette dernière, l'article L.'1235-3 du code du travail prévoit que l'indemnité qui peut lui être allouée au titre de son licenciement sans cause réelle et sérieuse ne peut être inférieure à'trois mois de salaires brut sans excéder dix mois et demi.

En considération de la situation de l'appelant qui ne justifie par aucune pièce du fait qu'il aurait rencontré des difficultés à retrouver un travail ou aurait dû faire face à des difficultés financières, le préjudice subi sera justement indemnisé par une somme de 9.408,09 euros.

Sur l'indemnité légale de licenciement

Au regard des règles de calcul fixées par l'article R.1234-2 du code du travail et compte tenu de la situation du salarié au montant de la rupture de son contrat de travail, soit le 3 mai 2019, l'indemnité légale de licenciement sera fixée justement à la somme de 9.200 euros bruts.

Sur l'indemnité compensatrice de préavis

Compte tenu de son ancienneté, le salarié doit bénéficier d'un préavis de deux mois. En conséquence, il lui est dû la somme de 6.272,06 euros brut d'indemnité compensatrice de préavis outre celle de 627,21 euros bruts de congés payés afférents, montants fixés au passif de la liquidation judiciaire de la société .

Sur les rappels de salaires

Le salarié ne justifie pas des périodes de fermetures administratives qu'il allègue. En conséquence, il est débouté de sa demande de rappels de salaire de ce chef.

Sur la période du 1er janvier au 3 mai 2019, le représentant de l'employeur ne conteste pas l'absence de rémunération. La créance de l'appelant sera dès lors évaluée à la somme de 12.544,12 euros brut outre 1.254,41 euros brut de congés payés afférents et fixée au passif de la procédure collective de la société .

Sur l'indemnité compensatrice de congés payés

Lorsque le contrat de travail est rompu avant que le salarié ait pu bénéficier de la totalité du congé auquel il avait droit, il reçoit, pour la fraction de congé dont il n'a pas bénéficié, une indemnité compensatrice de congé déterminée d'après les articles L. 3141-24 à L. 3141-27.

Sur la période antérieure au 1er janvier 2019, le salarié ne rapporte pas la preuve du fait qu'il aurait demandé à bénéficier de congés payés et qu'il aurait été mis dans l'impossibilité par son employeur de les prendre. L'appelant sera donc débouté de sa demande sur cette période.

Pour la période postérieure, soit du 1er janvier au 3 mai 2019, il est établi supra, que des congés payés lui ont été octroyés au titre des rappels de salaires.

L'appelant est débouté de sa demande.

Sur les dommages et intérêts au titre du travail dissimulé

La cour ne retenant pas l'existence du travail dissimulé, le jugement est confirmé en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande de dommages et intérêts.

Sur la garantie de l'Ags

Aux termes de l'article L.3253-8 du code du travail, l'Ags garantit les sommes dues par l'employeur au jour du jugement d'ouverture de la procédure collective, ainsi que celles dues au cours de la période d'observation, et ce dans la limite d'un mois et de demi de travail pour cette dernière catégorie si la société a fait l'objet d'une liquidation judiciaire.

En conséquence, l'Ags garantira la créance de rappels de salaires et accessoires de salaires pour la période du 1er janvier 2019 au 7 février 2019 antérieure au redressement judiciaire et du 7 février au 25 avril 2019, correspondant à la période d'observation à hauteur d'un mois et demi de travail, soit les sommes de 12.544,12 euros brut outre 1.254,41 euros brut de congés payés afférents.

S'agissant des créances résultant de la rupture du contrat de travail, cette rupture résultant de la prise d'acte du salarié à effet immédiat le 3 mai 2019, la garantie n'est pas due par l'Ags.

Sur les autres demandes

Il y a lieu d'ordonner la remise par le mandataire liquidateur des documents de fin de contrat et du bulletin de paie conformes à la présente décision et ce, sans qu'il y ait lieu de fixer une astreinte.

Par ces motifs

La cour,

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions à l'exception du débouté de M.[J] s'agissant de sa demande de rappel de salaires antérieurs au 1er janvier 2019 et de celle relative aux dommages et intérêts pour travail dissimulé,

Statuant à nouveau,

Dit que la prise d'acte par M. [W] [J] le 3 mai 2019 produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Fixe le salaire moyen mensuel brut de M. [W] [J] à la somme de 3.136,03 euros,

Fixe la créance de M. [W] [J] au passif de la procédure collective ouverte à l'encontre de la société [Localité 5] aux sommes suivantes :

- 9.408,09 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 9.200 euros bruts à titre d'indemnité légale de licenciement,

- 6.272,06 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre celle de 627,21 euros bruts de congés payés afférents,

- 12.544,12 euros bruts à titre de rappels de salaires pour la période du 1er janvier 2019 au 3 mai 2019 outre 1.254,41 euros bruts de congés payés afférents;

Déboute M.[W] [J] du surplus de sa demande d'indemnité compensatrice de congés payés;

Ordonne la remise à M. [W] [J] par Mme [Z] ès qualités de mandataire liquidateur de la société [Localité 5], des documents de fin de contrat et du bulletin de paie rectifiés conformément au présent arrêt;

Déclare le présent arrêt opposable à l'UNEDIC délégation AGS C.G.E.A de [Localité 4];

Dit que l'UNEDIC délégation AGS C.G.E.A de [Localité 4] garantit la créance des rappels de salaires et accessoires de salaires pour la période du 1er janvier 2019 au 7 février 2019 , et du 7 février 2019 au 25 avril 2019 dans la limite d'un mois et demi de travail, soit les sommes de 12.544,12 euros brut outre 1.254,41 euros brut de congés payés afférents;

Dit que le versement par l'Ags ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé de créances par le mandataire judiciaire, et sur justification par ce celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement en vertu de l'article L. 3253-19 du code du travail;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires;

Fixe au passif de la procédure collective ouverte à l'encontre de la société [Localité 5] les dépens de l'instance.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-7
Numéro d'arrêt : 21/04000
Date de la décision : 24/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-24;21.04000 ?
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