COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-8
ARRÊT AU FOND
DU 23 MARS 2023
N°2023/246
Rôle N° RG 21/05455 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHISO
Société [1]
C/
CPAM DES BOUCHES-DU-RHONE
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
- Me Grégory KUZMA
- CPAM BDR
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Pole social du Tribunal Judiciaire de Marseille en date du 24 Mars 2021,enregistré au répertoire général sous le n° 17/7423.
APPELANTE
Société [1], demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Grégory KUZMA de la SELARL R & K AVOCATS, avocat au barreau de LYON substituée par Me Jessica CHATONNIER-FERRA, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE
INTIMEE
CPAM DES BOUCHES-DU-RHONE, demeurant [Adresse 2]
représentée par Mme [P] [W] en vertu d'un pouvoir spécial
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Janvier 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame Dominique PODEVIN, Présidente de chambre
Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller
Mme Isabelle PERRIN, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Séverine HOUSSARD.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 23 Mars 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 Mars 2023
Signé par Madame Dominique PODEVIN, Présidente de chambre et Mme Séverine HOUSSARD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
M. [E] [O], employé en qualité de chef d'équipe au sein de la société par actions simplifiée (SAS) [1] depuis 2014, a déclaré avoir été victime d'un accident du travail le 1er février 2017, en se cognant le dos sur le coin d'une armoire métallique.
Un certificat médical initial en date du jour même a fait état d'une contracture des muscles paravertébraux au niveau lombaire et une contusion lombaire.
L'accident a été pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches du Rhône, selon la législation sur les risques professionnels.
La société a contesté cette décision ainsi que la longueur des arrêts de travail pris en charge au titre de l'accident du travail, devant la commission de recours amiable de la caisse qui a rejeté son recours par décision du 19 septembre 2017.
La date de consolidation de l'état de M. [O] a été fixée au 11 octobre 2017 et le salarié s'est vu attribuer un taux d'incapacité permanente partielle de 0%, les douleurs lombaires persistantes étant en rapport avec les lésions dégénératives du rachis lombaire antérieures à l'accident du travail.
Par requête du 12 décembre 2017, la société a contesté la décision de rejet de la commission de recours amiable, écartant son recours sur la reconnaissance du caractère professionnel de l'accident et la relation de cause à effet entre l'accident du travail et les arrêts consécutifs pris en charge à ce titre.
Par jugement du 24 mars 2021, le pôle social du tribunal judiciaire de Marseille a :
- déclaré le recours de la société [1] recevable en la forme, mais mal fondé,
- déclaré opposables à la société [1] les soins et arrêts de travail prescrits à M. [E] [O], salarié, en rapport avec son accident du travail du 1er février 2017,
- confirmé la décision de la commission de recours amiable de la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône en date du 19 septembre 2017,
- condamné la société [1] aux dépens de l'instance.
Par lettre recommandée avec accusé de réception expédiée le 9 avril 2021, la société [1], a interjeté appel de cette décision.
Par arrêt avant dire droit du 10 juin 2022, la cour de céans a ordonné une expertise judiciaire sur pièces et désigné M. [I] [B], aux fins notamment de :
- déterminer exactement les lésions initiales rattachables à l'accident du 1er février 2017 ;
- dire si l'accident a révélé ou a temporairement aggravé un état pathologique antérieur indépendant, et dans l'affirmative, dire à partir de quelle date cet état est revenu à son statu quo ante ou à recommencer à évoluer pour son propre compte ;
- déterminer la date de consolidation de l'état de santé de M. [E] [O] suite à l'accident de travail du 1er février 2017 ;
- fixer la durée des soins et arrêts de travail en relation, au moins en partie, avec l'accident et la durée des soins et arrêts de travail exclusivement liés à une cause étrangère à l'accident.
L'expert a rendu son rapport le 14 septembre 2022.
A l'audience du 19 janvier 2023, la société appelante reprend les conclusions déposées et visées par le greffe le jour même. Elle demande à la cour de lui déclarer inopposable l'ensemble des conséquences financières de l'accident dont M. [O] a été victime le 1er février 2017, de condamner la CPAM aux frais d'expertise et de lui rembourser la somme de 650 euros versée à titre de provision sur les honoraires de l'expert.
Au soutien de ses prétentions, elle s'appuie sur l'expertise pour démontrer qu'il existe un état antérieur dégénératif qui n'a été ni révélé, ni aggravé par l'accident du travail litigieux et qui est a l'origine des arrêts de travail postérieurs au 6 mars 2017, date à partir de laquelle l'état antérieur évolue pour son propre compte. Elle en conclut que seuls les arrêts de travail du 1er février au 6 mars 2016 sont imputables à l'accident du travail et que la prise en charge des arrêts à compter du 7 mars 2017 doit lui être déclarée inopposable.
La caisse intimée reprend les conclusions déposées et visées par le greffe le jour de l'audience. Elle demande à la cour de déclarer opposable à la société appelante sa décision de prise en charge des soins et arrêts consécutifs à l'accident de travail dont a été victime M. [O] le 1er février 2017 pour la période du 1er février 2017 au 1er mai 2017, débouter la société de sa demande tendant à lui déclarer inopposables les conséquences financières postérieures au 6 mars 2017 et de ses autres demandes.
Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir l'argumentaire de sa médecin-conseil selon laquelle il semble que la décompensation et l'aggravation de l'état pathologique de l'assuré soient liées dans leur intégralité au fait traumatique survenu le 1er février 2017 et que la contracture musculaire réactionnelle mentionnée au certificat médical initial est encore constatée lors de l'examen du 24 mars 2017, de sorte que l'état de santé de l'assuré ne pouvait être consolidé au 6 mars précédent. Il y est ajouté qu'une lombalgie traumatique pure, persistante, sans signes neurologiques, dure trois mois environ de sorte qu'une consolidation de l'état de santé au 1er mai 2017 serait souhaitable. Elle s'oppose ainsi à l'entérinement de l'expertise.
Il convient de se reporter aux écritures reprises oralement à l'audience pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties.
MOTIFS DE LA DECISION
Il est désormais acquis qu'il résulte des dispositions de l'article L.411-1 du code de la sécurité sociale, que la présomption d'imputabilité au travail des lésions apparues à la suite d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, dès lors qu'un arrêt de travail a été initialement prescrit ou que le certificat médical initial d'accident du travail est assorti d'un arrêt de travail, s'étend pendant toute la durée d'incapacité de travail précédant soit la guérison complète, soit la consolidation de l'état de la victime, et il appartient à l'employeur qui conteste cette présomption d'apporter la preuve contraire.
En l'espèce, il ressort du rapport d'expertise du docteur [B] rendu le 14 septembre 2022, que l'accident du travail dont M. [O] a été victime le 1er février 2017 est à l'origine d'une lésion bénigne du rachis lombaire survenue sur un état pathologique antérieur indépendant non révélé (puisque connu depuis 2013) et non aggravé par l'accident du travail, compte tenu du mécanisme lésionnel consistant en des contractures musculaires traitées par antalgiques, anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) et myorelaxants justifiant un arrêt de travail jusqu'au 6 mars 2017.
La caisse ne contredit pas sérieusement les conclusions de l'expert.
En effet, la durée moyenne d'une lombalgie traumatique de trois mois dont se prévaut la caisse ne permet pas de vérifier que l'appréciation de la durée de la lombalgie dans ce cas précis par l'expert, à un peu plus d'un mois, est erronée.
En conséquence, les conclusions de l'expert seront entérinées et les soins et arrêts de travail pris en charge après le 6 mars 2017, au titre de l'accident du travail dont M. [O] a été victime le 1er février 2017, seront déclarés inopposables à la société appelante.
La caisse succombant à l'instance sera condamnée aux dépens en vertu de l'article 696 du code de procédure civile. Il convient de préciser que les frais d'expertises seront à la charge de la CNAM en vertu de l'article L.142-11 du code de la sécurité sociale.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement par décision contradictoire,
Infirme le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a déclaré la société [1] recevable en la forme,
Statuant à nouveau,
Déclare inopposable à la société [1] les les soins et arrêts de travail pris en charge après le 6 mars 2017, au titre de l'accident du travail dont M. [O] a été victime le 1er février 2017,
Condamne la CPAM des Bouches-du-Rhône au paiement des dépens de l'appel et de la première instance, étant précisé que les frais d'expertise judiciaire sont à la charge de la Caisse nationale d'assurance maladie.
Le Greffier La Présidente