COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
0046COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Hospitalisation sans consentement
1-11 HO
ORDONNANCE
DU 21 MARS 2023
N° 2023/0046
Rôle N° RG 23/00046 - N° Portalis DBVB-V-B7H-BK67Q
[L] [I]
C/
LE PREFET DU VAR (ARS)
LE DIRECTEUR DU CENTRE HOSPITALIER INTERCOMMUNAL DE [Localité 3]/
LA PROCUREURE GENERALE PRES LA COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENC
Florence TRINEZ
Copie délivrée :
par courriel
le : 21 Mars 2023
- au Ministère Public
- jld ho.Toulon
-Le patient
-Le directeur
-L'avocat
-Le préfet
-Le curateur/tuteur
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance rendue par le Juge des libertés et de la détention de TOULON en date du 10 mars 2023 enregistrée au répertoire général sous le n°23/00208.
APPELANT
Monsieur [L] [I]
né le 18 Septembre 1980 à [Localité 4] - MAROC, demeurant [Adresse 1] actuellement hospitalisé au centre hospitalier de [Localité 3] /[Localité 6]
comparant en personne, assisté de Me Bénédicte GLEIZE, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE, commis d'office
INTIME
Monsieur LE PREFET DU VAR (ARS)
[Adresse 5]
non comparant
ETABLISSEMENT D'HOSPITALISATION
Monsieur LE DIRECTEUR DU CENTRE HOSPITALIER INTERCOMMUNAL DE [Localité 3]/[Localité 6]
[Localité 3]
non comparant
CURATRICE
Madame [B] [U] (MANDATAIRE JUDICIAIRE)
[Adresse 2]
non comparante
PARTIE JOINTE
Madame LA PROCUREURE GENERALE PRES LA COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
Cour d'appel d'Aix-en-Provence. [Adresse 7]
non comparante, ayant déposé des réquisitions écrites
*-*-*-*-*
DÉBATS
L'affaire a été débattue le 21 mars 2023, en audience publique, devant Madame Catherine LEROI, Conseillère, déléguée par ordonnance du premier président, en application des dispositions de l'article L.3211-12-4 du code de la santé publique,
Greffière lors des débats : Madame Pauline BILLO-BONIFAY, greffier placé,
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 21 mars 2023.
ORDONNANCE
Réputée contradictoire,
Prononcée par mise à disposition au greffe le 21 mars 2023
Signée par Madame Catherine LEROI, Conseillère et Madame Pauline BILLO-BONIFAY, greffier placé à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire,
****************
RAPPEL DE LA PROCEDURE
M. [L] [I] a fait l'objet le 23 octobre 2017 d'une admission en soins psychiatriques et en hospitalisation complète au sein du centre hospitalier intercommunal de [Localité 3]- [Localité 6] dans le cadre des articles L3213-1 et suivants du code de la santé publique, sur décision du maire de [Localité 3] confirmée par arrêté en date du 24 octobre 2017 du préfet du Var, suite à des propos faisant l'apologie du terrorisme.
A compter du 23 juillet 2021, M. [L] [I] a bénéficié d'un programme de soins jusqu'au 27 février 2023.
Le 28 février 2023, il a été réintégré en hospitalisation complète par arrêté du préfet du Var au vu d'une certificat médical du même jour du Dr [F] [Z] faisant état d'un mauvais contact, d'une hostilité envers les soignants et la prise en charge, des déclarations de M. [I] selon lesquelles il déclare vouloir devenir un taliban, de l'arrêt de son traitement et d'un discours et d'une pensée désorganisés.
Par ordonnance rendue le 10 mars 2023, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Toulon, saisi dans le cadre du contrôle obligatoire prévu aux articles L3211-12-1 et suivants du même code, a dit maintenir la mesure de soins psychiatriques de l'intéressé.
Par lettre reçue et enregistrée le 13 mars 2023 au greffe de la chambre de l'urgence, M. [L] [I] a interjeté appel de la décision précitée.
Le ministère public a conclu par écrit en date du 16 mars 2023 à la confirmation de la décision querellée.
A l'audience du 21 mars 2023, M. [L] [I] a comparu ; il a déclaré : 'Le problème est de savoir combien de temps je vais rester à l'hôpital, je ne suis pas handicapé mental, je ne suis pas schizophrène. Je ne deviens pas quelque chose comme eux. Je suis handicapé mental, on ne donne pas des médicaments à un handicapé mental. En 2011, j'ai fait un test, je suis retourné à [Localité 3], je me suis éloigné de la mosquée. En revenant, j'ai changé un peu de caractère. La tenue est sacrée pour un musulman, le médecin ne veut pas que je la porte à l'hôpital. Les grands croyants, le prophète, ont leur habits. Je suis un futur homme, comme j'ai récupéré la tenue d'une femme, j'ai le droit de la mettre. Je veux un délai pour l'hospitalisation : combien de temps ils vont me garder ' Si je deviens un taliban, faut que j'aille en Afghanistan, je suis devenu complètement impuissant, regardez mon ventre. Je suis handicapé mental, c'est pour ça que je tiens des propos comme ça. J'ai travaillé à l'université, je suis tombé de la poubelle, je dormais. Je suis handicapé mental, je reviens à la raison à cause de la torture, mon cerveau n'est pas comme ceux des gens. J'ai un traitement lourd à l'hôpital. J'en parle au médecin, oui. Il dit qu'il baissera le traitement à la fin.
Un jour j'étais dans un bar à boire un café avant que je commence à prier. Qu'est ce que vous voulez que je dise ' Mon enfance m'a fait du mal. Donnez moi un délai. Je ne peux pas faire le ramadan, ils me donnent des médicaments toute la journée'.
Son avocat a été entendu et n'a pas fait d'observations sur la régularité de la procédure ; il explique qu'après une longue période en programme de soins, M. [I] a cessé de prendre son traitement sur une courte durée car il y avait des effets indésirables, qu'il ne voulait pas rompre totalement le traitement, c'est pourquoi il est allé au rendez vous avec son psychiatre, qu'il ne comprend pas pourquoi il a été hospitalisé et pense que c'est parce qu'il est arrivé au rendez-vous avec son habit de prière, qu'il veut repartir à l'extérieur et accepte le traitement, qu'il pense que celui-ci ne fonctionne pas parce qu'il est handicapé mental et non schizophrène et qu'il a un petit cerveau et qu'il souhaite rester le moins de temps possible à l'hôpital.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la forme
L'appel interjeté dans le délai de 10 jours prévu par les articles R 3211-18 et R 3211-19 du code de la santé publique, apparaît recevable.
Le juge des libertés et de la détention a statué dans le délai prévu à l'article L 3211-12-1 1° du même code.
Sur le fond
M. [L] [I] a fait l'objet d'une hospitalisation à temps complet sans son consentement dans les circonstances ci-dessus précisées, les conditions de l'hospitalisation complète étant énumérées à l'article L 3213-1 du code de la santé publique, selon lesquelles l'intéressé doit présenter des troubles mentaux qui nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l'ordre public.
Outre le certificat médical susvisé, le dossier contient :
- l'avis médical du Dr [T] en date du 8 mars 2023,
- l'avis médical de ce même praticien en date du 20 mars 2023 indiquant que la réhospitalisation de M. [L] [I] est due à une rechute délirante dans le cadre d'une psychose chronique, qu'il existe lors de l'entretien un délire à thème de persécution et mystique, de nombreuses interprétations morbides, des intuitions pathologiques ainsi que des constructions délirantes aboutissant à une méfiance marquée. Il précise que M. [L] [I] s'isole, est revendiquant, qu'il déclare que les traitements psychotropes sont inutiles dans son cas et réclame sa sortie du service ; ce praticien conclut que son traitement doit encore être adapté face à la persistance d'éléments délirants et qu'il est indispensable de maintenir la mesure de façon à poursuivre la prise en charge spécialisée chez un patient opposé aux soins,
- l'avis médical du Dr [T] en date du 21 mars 2023 mentionnant une absence de conscience des troubles et une adhésion aux soins très fragile, rendant nécessaire la poursuite de l'hospitalisation complète.
En premier lieu, l'hospitalisation sous contrainte de M. [L] [I] a été rendue nécessaire à la suite des troubles du comportement qu'il a présentés l'ayant conduit à faire l'apologie du Djihâd et de Daesh, ce qui porte gravement atteinte à l'ordre public et est de nature à compromettre la sécurité des personnes, et encore récemment à vouloir devenir un taliban.
En second lieu, la teneur circonstanciée des documents médicaux susvisés permet de constater que les conditions fixées par l'article L 3213-1 du code de la santé publique sont toujours réunies, en ce sens que les troubles du comportement présentés par M. [L] [I] nécessitent des soins et, s'il venait à sortir à bref délai de l'établissement hospitalier, compromettraient la sûreté des personnes ou porteraient atteinte, de façon grave à l'ordre public.
En conséquence la décision du premier juge qui a autorisé la poursuite de l'hospitalisation complète doit être confirmée, la demande de sortie de l'intéressé étant prématurée au regard de la gravité de la pathologie et de la fragilité de son état de santé décrites par les médecins.
Les dépens seront laissés à la charge du Trésor public en application de l'article R 93-2° du code de procédure pénale.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement par décision réputée contradictoire.
Déclarons recevable mais non fondé l'appel formé par M. [L] [I].
Confirmons la décision déférée rendue le 10 mars 2023 par le Juge des libertés et de la détention de TOULON.
Laissons les dépens à la charge du Trésor public.
Le greffier, La présidente,