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16/03/2023 | FRANCE | N°19/16559

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-4, 16 mars 2023, 19/16559


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-4



ARRÊT AU FOND

DU 16 MARS 2023



N° 2023/

CM/FP-D











Rôle N° RG 19/16559 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BFCM7







SA LES SILOS DE TOURTOULEN





C/



[X] [T]

























Copie exécutoire délivrée

le :

16 MARS 2023

à :

Me Julien DUMOLIE, avocat au barreau D'AIX-EN-

PROVENC

E





Me François MAIRIN, avocat au barreau de TARASCON























Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ARLES en date du 22 Octobre 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° F18/00123.





APPELANTE



SA LES SILOS DE ...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-4

ARRÊT AU FOND

DU 16 MARS 2023

N° 2023/

CM/FP-D

Rôle N° RG 19/16559 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BFCM7

SA LES SILOS DE TOURTOULEN

C/

[X] [T]

Copie exécutoire délivrée

le :

16 MARS 2023

à :

Me Julien DUMOLIE, avocat au barreau D'AIX-EN-

PROVENCE

Me François MAIRIN, avocat au barreau de TARASCON

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ARLES en date du 22 Octobre 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° F18/00123.

APPELANTE

SA LES SILOS DE TOURTOULEN représentée par son Président en exercice, domicilié audit siège, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Julien DUMOLIE, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Flore SCHINTONE, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

Madame [X] [T], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me François MAIRIN, avocat au barreau de TARASCON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 Janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Catherine MAILHES, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Natacha LAVILLE, Présidente de chambre

Madame Frédérique BEAUSSART, Conseiller

Madame Catherine MAILHES, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Françoise PARADIS-DEISS.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 Mars 2023.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 16 Mars 2023

Signé par Madame Natacha LAVILLE, Présidente de chambre et Madame Françoise PARADIS-DEISS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

Mme [T] (la salariée) a été embauchée le 21 avril 2005 par la société Les silos de Tourtoulen selon contrat à durée indéterminée à temps partiel de 17,5 heures par semaine, en qualité d'agent d'entretien.

Par avenant du 12 juin 2006, la durée de travail est passée à temps complet de 35 heures par semaine.

La société Les silos de Tourtoulen a pour objet le stockage, le traitement, le conditionnement et le négoce de céréales et en particulier de riz en provenance d'exploitations rizicoles de Camargue.

Mme [T] a été en arrêt maladie du 24 mars 2017 au 29 novembre 2017.

Selon avis du médecin du travail du 7 décembre 2017, Mme [T] a été déclarée inapte à son poste et à tout reclassement au sein de l'entreprise.

Le 6 janvier 2018, la salariée a été convoquée à un entretien préalable à éventuel licenciement pour le 17 janvier suivant.

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 22 janvier 2018, la salariée a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Le 29 mai 2018, Mme [T], contestant son licenciement, a saisi le conseil de prud'hommes d'Arles aux fins de voir dire qu'elle occupait le poste de silotier, de voir dire qu'elle a été victime de harcèlement moral, et voir la société Les silos de Tourtoulen condamnée à lui verser des dommages-intérêts en réparation du préjudice moral subi (15'000 euros), de voir dire que l'employeur n'a pas respecté les durées maximales de travail et voir la société Les silos de Tourtoulen condamnée à lui payer la somme de 10'000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi, la somme de 17'439,97 euros à titre de rappel de repos compensateur et la somme de 1744 euros pour incidence de congés payés, de voir dire que le licenciement pour inaptitude physique est nul et voir condamner la société Les silos de Tourtoulen à lui payer 30'000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi, 5420 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 542 euros à titre d'indemnité de congés payés afférente outre une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile de 2500 euros, à lui remettre les bulletins de salaire et documents de fin de contrat rectifiés avec astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification, voir condamner la société Les silos de Tourtoulen aux entiers dépens.

La société Les silos de Tourtoulen a été convoquée devant le bureau de conciliation et d'orientation par courrier recommandé avec accusé de réception signé le 31 mai 2018.

La société Les silos de Tourtoulen s'est opposée aux demandes de la salariée et a sollicité à titre reconventionnel la condamnation de celle-ci au versement de la somme de 3000 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 22 octobre 2019, le conseil de prud'hommes d'Arles a :

débouté Mme [T] de sa demande de reconnaissance de l'occupation d'un poste de silotier,

débouté Mme [T] de toutes ses demandes subséquentes,

dit qu'il y a lieu de faire droit à la demande de reconnaissance de l'état de harcèlement moral en droit de Mme [T], en conséquence,

condamné la société Les silos de Tourtoulen à payer à Mme [T] la somme de 5000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral,

dit qu'il y a lieu de faire droit à la demande de reconnaissance du non-respect des durées maximales de travail, en conséquence,

condamné la société Les silos de Tourtoulen à payer à Mme [T] la somme de 5000 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect des durées maximales de travail,

dit qu'il y a lieu de faire droit à la demande de rappel de repos compensateur, en conséquence,

condamné la société Les silos de Tourtoulen à payer à Mme [T] les sommes de :

15'586,02 euros à titre de rappel de repos compensateur dû (17'439,97euros demandés moins 863,45euros et 345,02 euros déjà réglés),

1558,60 euros à titre d'incidence congés payés,

dit qu'il y a lieu de faire droit à la demande de reconnaissance de licenciement nul et de nul effet, en conséquence,

condamner la société Les silos de Tourtoulen à payer à Mme [T] les sommes de :

15'000 euros à titre de dommages-intérêts,

5420 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

542 euros à titre d'incidence congés payés,

accordé à Mme [T] le paiement de la somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

débouté Mme [T] de sa demande de remise d'un certificat de travail et d'une attestation pôle emploi conformément au jugement sous astreinte, ainsi que de sa demande au titre de l'exécution provisoire de l'article 515 du code de procédure civile,

débouté la société Les silos de Tourtoulen de sa demande de paiement de la somme de 3000euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

condamné la société Les silos de Tourtoulen aux entiers dépens.

Selon déclaration électronique de son avocat remise au greffe de la cour le 25 octobre 2019, la société Les silos de Tourtoulen a interjeté appel dans les formes et délais prescrits de ce jugement, aux fins d'infirmation en ce qu'il a dit qu'il y a lieu de faire droit à la demande de reconnaissance de l'état de harcèlement moral en droit de Mme [T], en conséquence, condamné la société Les silos de Tourtoulen à payer à Mme [T] la somme de 5000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral, en ce qu'il a dit qu'il y a lieu de faire droit à la demande de reconnaissance du non-respect des durées maximales de travail, en conséquence, condamné la société Les silos de Tourtoulen à payer à Mme [T] la somme de 5000 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect des durées maximales de travail, en ce qu'il a dit qu'il y a lieu de faire droit à la demande de rappel de repos compensateur, en conséquence, condamné la société Les silos de Tourtoulen à payer à Mme [T] les sommes de 15'586,02 euros à titre de rappel de repos compensateur dû (17'439,97 euros demandés moins 863,45 euros et 345,02 euros déjà réglés), 1558,60 euros à titre d'incidence congés payés, en ce qu'il a dit qu'il y a lieu de faire droit à la demande de reconnaissance de licenciement nul et de nul effet, en conséquence, condamné la société Les silos de Tourtoulen à payer à Mme [T] les sommes de 15'000 euros à titre de dommages-intérêts, 5420 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 542 euros à titre d'incidence congés payés ; en ce qu'il a accordé à Mme [T] le paiement de la somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civil en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de paiement de la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et en ce qu'il a condamné aux entiers dépens.

Aux termes des dernières conclusions de son avocat remises au greffe de la cour le 19 décembre 2022, la société Les silos de Tourtoulen demande à la cour de :

confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [T] de sa demande de reconnaissance de l'occupation d'un poste de silotier et de remise d'un certificat de travail et d'une attestation pôle emploi sous astreinte,

réformer le jugement en ce qu'il a condamné la société Les silos de Tourtoulen pour harcèlement moral et au versement à Mme [T] de la somme de 5000 euros à titre de dommages-intérêts, en ce qu'il a condamné la société Les silos de Tourtoulen pour non-respect des durées maximales de travail à verser à Mme [T] la somme de 5000 euros à titre de dommages-intérêts, en ce qu'il a condamné pour non-respect du repos compensateur et à verser à Mme [T] les sommes de 15'586,02 euros à titre de rappel de repos compensateur et 1558,60 euros à titre d'incidence congés payés, en ce qu'il a condamné pour licenciement nul et de nul effet et à verser à Mme [T] les sommes de 15'000 euros à titre de dommages-intérêts, 5420 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 542 euros à titre d'indemnité de congés payés afférentes,

statuant à nouveau,

à titre principal,

débouter Mme [T] de l'ensemble de ses demandes dont celles formulées au titre de son appel incident,

à titre subsidiaire,

déclarer irrecevables les demandes indemnitaires soutenues par Mme [T] au titre du repos compensateur pour les années 2010, 2013, 2014,

réduire les indemnités allouées au titre des repos compensateurs à la somme de 11'543,42 euros et les congés payés afférents,

réduire les indemnités allouées au titre du licenciement nul à la somme de 14'625,42 euros,

réduire les indemnités allouées au titre du préjudice moral subi à la somme de 2500 euros,

réduire les indemnités allouées au titre du préavis à la somme de 4875,14 euros et celles au titre des congés payés afférents à la somme de 487,51euros,

condamner Mme [T] aux entiers dépens ainsi qu'à la somme de 3000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Selon les dernières conclusions de son avocat remises au greffe de la cour le 12 décembre 2022, Mme [T] ayant fait appel incident en ce qu'elle a été déboutée de sa demande tendant à voir reconnaître qu'elle occupait un poste de silotier et sur le quantum des dommages et intérêts accordés, demande à la cour de :

confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a dit qu'il y a lieu de faire droit à la demande de reconnaissance de l'état de harcèlement moral en droit de Mme [T], en conséquence, en ce qu'il a dit qu'il y a lieu de faire droit à la demande de reconnaissance du non-respect des durées maximales de travail, en ce qu'il a dit qu'il y a lieu de faire droit à la demande de rappel de repos compensateur, en conséquence, condamné la société Les silos de Tourtoulen à payer à Mme [T] les sommes de 15'586,02 euros à titre de rappel de repos compensateur dû (17'439,97 euros demandés moins 863,45 euros et 345,02 euros déjà réglés), 1558,60 euros à titre d'incidence congés payés, en ce qu'il a dit qu'il y a lieu de faire droit à la demande de reconnaissance de licenciement nul et de nul effet, en conséquence, condamné la société Les silos de Tourtoulen à payer à Mme [T] 5420 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 542 euros à titre d'incidence congés payés ; en ce qu'il a accordé à Mme [T] le paiement de la somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civil ;

infirmer la décision entreprise pour le surplus,

statuant à nouveau,

dire qu'elle occupait le poste de 'silotier',

dire qu'elle a été victime de harcèlement moral,

condamner la société Les silos de Tourtoulen au paiement de la somme de 15'000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral subi du fait du harcèlement moral,

constater que l'employeur n'a pas respecté les durées maximales de travail,

condamner la société Les silos de Tourtoulen au paiement de la somme de 10'000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la violation par l'employeur de son obligation de sécurité,

condamner la société Les silos de Tourtoulen au paiement de la somme de 15'586,02 euros à titre de rappel de repos compensateur outre celle de 1558,60 euros à titre d'incidence congés payés,

dire et juger que le licenciement est nul et de nul effet à raison de ce que l'inaptitude physique et consécutive au harcèlement moral, en conséquence,

condamner la société Les silos de Tourtoulen au paiement des sommes suivantes :

30'000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi,

5420 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre la somme de 542 euros à titre d'incidence congés payés y afférents,

ordonner la remise d'un certificat de travail et d'une attestation pôle emploi conforme aux dispositions de la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification,

condamner la société Les silos de Tourtoulen au paiement de la somme de 2500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, en ce compris les frais d'exécution de la décision à intervenir,

la condamner aux entiers dépens.

La clôture des débats a été ordonnée le 9 janvier 2023 et l'affaire a été évoquée à l'audience du 23 janvier 2023.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties il est fait expressément référence au jugement entrepris et aux conclusions des parties sus-visées.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l'exécution du contrat de travail

1- Sur la demande de reconnaissance de la qualification de silotier et de rectification des bulletins de salaire aux fins de mention de cette qualification

Pour contester le jugement entrepris en ce qu'il l'a déboutée de sa demande tendant à voir dire qu'elle occupait un poste de silotier, Mme [T] fait valoir que si initialement elle avait été engagée comme agent d'entretien, elle occupe depuis lors un autre poste de travail consistant aux tâches suivantes : vérifier le planning des commandes, tirer les big bag, rechercher le numéro de lot de fabrication, faire les étiquettes et charger les camions en vrac ou en big bag, qu'elle participait ainsi activement et majoritairement à la réalisation des tâches relevant du poste de silotier. Elle indique d'ailleurs qu'elle était titulaire du Caces et qu'il n'est pas nécessaire d'occuper un poste d'ingénieur pour occuper le poste de silotier, qu'elle savait utiliser le système informatique pour les manipulations de base pour la gestion du processus même si ce n'était pas dans son intégralité, qu'un autre salarié a été affecté au poste d'agent d'entretien. Elle oppose à l'employeur l'absence de signature des fiches de poste.

L'employeur conteste que la salariée occupait un poste de silotier, faisant valoir que la fonction de la salariée tendant à maintenir l'état de propreté dans les zones de vie de l'entreprise, à assurer l'entretien des rizeries et des zones de travail nécessaires au conditionnement, au stockage et à l'expédition des matières outre à gérer le matériel de nettoyage et à participer à la dynamique de l'amélioration continue, précisant que l'entreprise avait acquis en 2010/2011 la certification aux normes ISO et HACCP, impliquant un strict respect de la propreté des lieux. Il conteste que la salariée ait occupé un poste de silotier et argue ainsi de l'absence de qualification ou compétence de la salariée pour occuper ce poste, nécessitant un BTSA, une licence de cariste ou encore la détention d'un permis poids lourd et une habilitation électricité. Il précise ainsi que le silotier doit pouvoir faire fonctionner une installation complexe spécialisée comprenant plus de 80 moteurs électriques, mettant en oeuvre une interface informatique par des logiciels de traçabilité (Tracelog et Usilog) qui pilotent un automate industriel commandant la mise en route des moteurs.

Il expose qu'en avril 2015, il s'est rendu compte de l'absence d'efficacité de la salariée dans ses tâches d'entretien, de ce qu'elle ne respectait par les consignes au regard des normes Iso et HACCP, laquelle d'un tempérament nonchalant, refusait de travailler avec le matériel industriel mis à sa disposition, l'ayant conduit à engager un second agent d'entretien et à cantonner Mme [T] à l'entretien de la salle de conditionnement, des abords du site et des fosses de réception, et à l'affecter en même temps au conditionnement de sacs de 25kg pour l'export. Il conteste la valeur probantes des attestations produites par la salariée et que la simple détention d'un Caces soit suffisante pour lui conférer la qualification de silotier, estimant tout au plus qu'elle occupait un poste de manutentionnaire compte tenu des fonctions d'entretien et d'affectation aux sacs de 25 kg.

Le poste de silotier revendiqué n'est pas répertorié dans la convention collective nationale des coopératives agricoles de céréales applicable et il n'est pas discuté qu'il s'agit d'un métier spécifique interne.

Ce faisant seule la fiche de poste de silotier de l'entreprise a valeur pour définir le poste.

Au regard de la fiche de poste de silotiers, il est prévu :

- des pré-requis consistant en une formation en interne avec un tutorat pour ce métier spécifique, une expérience d'un an minimum avec la participation à une campagne de récolte, des compétence approfondie des variétés de riz, la maîtrise du logiciel Tracelog et au titre des qualités, de l'autonomie, de la rigueur et une bonne connaissance de communication ;

- la finalité du poste est d'assurer la réception et l'expédition des matières, d'assurer les mouvements internes et externes des matières, de surveiller les stocks pour éviter la dégradation des matières et de nettoyer et entretenir les silos ;

- sous l'autorité du responsable de production, le silotier doit :

prévoir les réceptions et les expéditions en fonction du planning des usines

optimiser les transferts de matière de manière à limiter l'attente des apporteurs,

vérifier que les produits qui doivent être expédiés sont en stock

contrôler que les réceptions/expéditions sont bien conformes (mode opératoire réceptions/expéditions)

contrôler et surveiller l'état du stockage : température, fuites de toiture, infestation, mélange variétal

transférer la matière dans le but d'alimenter l'usine et d'optimiser la place dans les cellules

enregistrer les transferts dans le logiciel tracelog

gérer et suivre les pompes de traitement (période estivale)

maintenir les silos en bon état de fonctionnement et en bon état de propreté

maintenir une température optimale dans les cellules

traiter la matière conformément au mode opératoire de traitement

maintien du site en parfait état de propreté

aide et assistance aux riziers lors d'actions de maintenance préventive et curative sur le matériel d'exploitation.

Il est constant et avéré que les tâches de la salariée avaient évolué et avaient été orientées sur des tâches de remplissage de big bag, de conditionnement de sacs de 25kg, néanmoins, les attestations versées aux débats sont insuffisantes pour établir que la salariée accomplissait les tâches du silotier, étant précisé qu'elle ne rapporte aucun élément justifiant qu'elle avait accompli les pré-requis imposés en matière de formation, d'expérience et de compétence approfondie des variétés de riz.

Il s'ensuit que la salariée sera déboutée de ses demandes tendant à lui reconnaître la qualification de silotier et à rectifier en conséquence les bulletins de salaire.

Le jugement entrepris sera confirmé sur ces chefs.

2- Sur le harcèlement moral et la demande de dommages et intérêts à ce titre

La société reproche au jugement d'avoir reconnu l'existence d'un harcèlement moral alors que :

- les faits présentés par la salariée ne sont pas établis par les attestations versées aux débats qui sont mensongères ou insuffisamment probantes ;

- aucun certificat médical émanant d'un psychiatre n'établit l'existence d'un lien de causalité entre l'état dépressif de la salariée et ses conditions de travail ;

- la salariée a été réprimandée à raison de ses propres défaillances et insuffisances et les attestations versées par cette dernière ne font que le confirmer.

La salariée qui conclut à la confirmation, fait valoir que l'employeur a exercé à son encontre une pression permanente et un dénigrement systématique de la qualité de sa prestation, précisant que ce ne sont pas les consignes qu'elle remet en cause mais la façon insultante et outrageante de les transmettre, qu'elle était ainsi traitée de 'boulet' et d'incapable, que ces propos ont contribué à la dégradation de son état de santé, souffrant d'un état dépressif réactionnel. Elle soutient par ailleurs que l'employeur ne propose aucun élément objectif pour expliquer ce comportement.

Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Selon l'article L. 1154-1 du code du travail, lorsque survient un litige relatif à l'application de ce texte, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement ; il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l'occurrence, il résulte des attestations précises et concordantes versées aux débats qui ne sont pas utilement remises en cause par la société, que :

- la salariée a fait l'objet de propos vulgaires et grossiers de la part de M. [M], directeur général de la société qui lui a dit :'Vous voyez [X], le nouveau robot pour conditionner, il est rapide, il nique, il nique, il nique', '[X], attrape le big bag et secoue lui la bite' ;

- le dirigeant s'en prenait régulièrement à elle en lui imputant des faits dont elle n'était pas responsable : 'et vous [X], vous avez tiré des big bag et même pas respecté le travail de [F] alors qu'elle nettoyait. Si vous l'aviez pas souillé avec le chariot élévateur, elle aurait pas passé autant de temps à nettoyer après vous, alors que le chariot élévateur était utilisé par d'autres salariés', M. [G], délégué du personnel a ainsi reproché directement au directeur le 24 mars 2017 d'avoir reproché à la salariée d'arriver à 7h tous les matins et de réellement commencer à travailler qu'à partir de 7h30, de prendre des pauses café toute la matinée, de ne pas savoir tirer les big bag, de ne pas savoir garer les camions et de ne pas être rapide dans ses tâches; il pouvait ainsi dire de Mme [T] : 'cette pauvre fille, elle sait rien faire ni tirer des big bag , on ne sait pas si c'est elle qui tient son balai ou le balai qui la tient'.

Ces faits pris dans leur ensemble, au regard du certificat médical du Dr [P] qui indique que la salariée était suivie pour un traitement anti-dépresseur en attente d'un suivi psychiatrique spécialisé de juillet octobre 2017, du certificat médical du Dr [N] du 22 février 2019 qui précise que les arrêts maladie prescrits ont été uniquement en rapport avec des troubles dépressifs et des attestations versées aux débats qui font état pour deux d'entre elles que la salariée a quitté son poste en pleurs (au moins à deux reprises dont le 24 mars 2017) à la suite de propos de M. [M], laissent supposer l'existence de harcèlement moral.

S'il ressort de deux audits d'hygiène propreté du secteur pris en charge par Mme [T] datés des 9 janvier et 6 décembre 2014 que les lieux étaient sales et que de nombreuses non conformité au HACCP étaient mentionnées, il n'en demeure pas moins que le troisième audit n'est pas daté et que la salariée n'a pas fait l'objet de sanctions dans l'exercice de son pouvoir disciplinaire par l'employeur et que ces deux audits sont insuffisants pour expliquer de manière objective exempt de tout harcèlement moral le comportement de M. [M] à son encontre.

Ainsi et quelque soit les difficultés de financières de la salariée, c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu que Mme [T] avait fait l'objet d'un harcèlement moral de la part de son employeur.

La salariée a subi un préjudice moral à raison de ce harcèlement moral qui a été entièrement réparé par la somme de 5.000 euros accordée par les premiers juges à titre de dommages et intérêts. Le jugement entrepris sera également confirmé sur ces chefs.

3- Sur le non-respect de la durée maximale de travail et la demande de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité à ce titre

La société reproche au jugement d'avoir considéré qu'elle avait manqué à son obligation de sécurité au titre du dépassement des plafonds de la durée du travail et de l'avoir condamnée au paiement de dommages et intérêts à ce titre en faisant valoir que :

- la salariée ne prouve pas que les plafonds de la durée moyenne hebdomadaire de travail de 44 heures sur une période de 12 semaines consécutives et de la durée maximale de travail hebdomadaire de 48 heures ont été dépassés ;

- la salariée ne tient pas compte des dispositions particulières de la convention collective nationale en matière de plafonds de la durée de travail hebdomadaire et ne démontre pas en quoi elle aurait travaillé au-delà des prescriptions conventionnelles, aucun relevé hebdomadaire ne permettant de caractériser un dépassement des heures de travail autorisées, précisant que durant les périodes de récolte, il est prévu une durée maximale de 12 heures par jour sur 12 semaines consécutives tout en respectant une durée de repos d'au moins 24 heures par semaine.

La salariée conteste le jugement dans le quantum de l'indemnisation accordée et fait valoir, se fondant sur les dispositions légales des article L.3121-18 et suivants du code du travail, qu'elle a effectué au regard des bulletins de salaire, plus de 52 heures de travail par semaine en 2016, plus de 11 heures quotidienne en septembre 2016, en moyenne plus de 53 heures de travail par semaine en 2015 et plus de 11 heures de travail quotidien en novembre 2015 en novembre 2015, plus de 15 heures de travail par jour en octobre 2015, qu'elle a travaillé six jours sur sept ce même mois et plus de 12 heures de travail quotidien en octobre 2014.

Elle soutient par ailleurs que l'article 3 de la convention collective nationale qui est invoqué par la société ne correspond pas aux règles applicables, aucune indication n'étant d'ailleurs donnée sur l'avenant duquel il serait issu et qu'en tout état de cause, la société ne démontre pas que les horaires excessifs réalisés, l'ont été en période de pointe saisonnière en raison d'imprévus liés aux aléas climatiques, de réparation d'urgence ou en raison de circonstances exceptionnelles.

Selon les dispositions légales applicables à compter du 10 août 2016, il est prévu que :

La durée quotidienne de travail effectif ne peut excéder dix heures, sauf :

1° En cas de dérogation accordée par l'inspecteur du travail dans les conditions déterminées en décret ;

2° En cas d'urgence, dans les conditions déterminée par décret;

3° Dans les cas prévus à l'article L.3121-19.

Une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche peut prévoir le dépassement de la durée maximale quotidienne de travail effectif, en cas d'activité accrue, ou pour des motifs liés à l'organisation de l'entreprise, à condition que ce dépassement n'ait pas pour effet de porter cette durée à plus de douze heures.

Au cours d'une même semaine, la durée maximale hebdomadaire de travail est de 48 heures.

En cas de circonstances exceptionnelles et pour la durée de celles-ci, le dépassement de la durée maximale définie à l'article L.3121-20 peut être autorisé par l'autorité administrative, dans les conditions déterminées par décret en Conseil d'Etat, sans toutefois que ce dépassement puisse avoir pour effet de porter la durée du travail à plus de 60 heures par semaine.

La durée hebdomadaire de travail calculée sur une période quelconque de 12 semaines consécutives ne peut dépasser 44 heures, sauf dans les cas prévus aux articles L.3121-23 à L.3121-25.

A défaut d'accord prévu à l'article L.3121-23, le dépassement de la durée maximale hebdomadaire prévue à l'article L.3121-22 est autorisé par l'autorité administrative dans les conditions déterminées par décret en Conseil d'Etat, dans la limite d'une durée totale maximale de 46 heures.

A titre exceptionnel, dans certains secteurs, dans certaines régions ou dans certaines entreprises, le dépassement de la durée maximale de 46 heures prévue aux article L.3121-23 et L.3121-24 peut être autorisé pendant des périodes déterminées par décret en Conseil d'Etat.

La convention collective nationale des coopératives agricoles de céréales applicable à la relation en cours, mise à jour par avenant n°122 du 14 novembre 2013, en vigueur étendu par arrêté du 15 avril 2014 et publié le 29 avril 2014 ne prévoit aucune disposition relative à la durée maximale de travail. Il s'ensuit que pour la période à compter du 30 avril 2014, les dispositions légales supplétives sont applicables à compter du 10 août 2016.

Il appartient à l'employeur de justifier qu'il a respecté les dispositions légales supplétives en matière de durée maximale de travail quotidienne et hebdomadaire.

En l'occurrence, il ressort des propres relevés horaires produits par l'employeur que la salariée a accompli postérieurement au 10 août 2016 des semaines de travail de :

- 55,20 heures, 52,08 heures en août 2016,

- 48,39h, 49,51h, 52,52h, 53,45h, 54,60 h en septembre 2016,

- 62,22, 60,61h, 67,39, 52,43h en octobre 2016,

- 52,35h, 50,61h, 52,24h, 44,20h en novembre 2016,

-51,35h, 49,08h, 49,23h, 45,84h en décembre 2016,

permettant de considérer, à défaut pour l'employeur de justifier d'une quelconque autorisation administrative permettant le dépassement de la durée maximale de travail hebdomadaire de 48 heures et le dépassement de la durée maximale de travail hebdomadaire sur 12 semaines consécutives de 44 heures, qu'il a manqué à son obligation de respecter les durées maximales de travail hebdomadaire.

De même, pendant ces mois, les heures pointées dépassent régulièrement 10 heures par jour et l'employeur ne justifie pas d'une dérogation accordée par l'inspecteur du travail ou de cas d'urgence.

Il s'ensuit que l'employeur n'a pas respecté les durées maximales de travail quotidien et hebdomadaire et a causé un préjudice moral à la salariée qui a été entièrement réparé par la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts.

Le jugement entrepris sera confirmé sur ces chefs.

4- Sur les demandes au titre du repos compensateur

Pour contester le jugement en ce qu'il a accordé une indemnité au titre de repos compensateur à la salariée, la société fait valoir que :

- les heures supplémentaires ont été accomplies à la demande de la salariée qui souhaitait améliorer ses revenus et qu'elle ne saurait prétendre à la violation de l'obligation de sécurité ;

- aucun élément ne vient étayer les affirmations de la salariée selon lesquelles elle aurait réalisée 417,20 heures supplémentaires en 2013 et 393,5 heures supplémentaires en 2010 ;

- la convention collective nationale prévoit un contingent d'heures supplémentaires de 130 heures et un contingent supplémentaire de 90 heures pour les entreprises dont le secteur d'activité comporte des périodes telles que définies à l'article 3.3 pour les catégories de personnel déterminé dans l'entreprise ;

- la salariée a renoncé à prendre son repos compensateur et a sollicité le règlement en décembre 2016 ;

- la salariée a perçu l'intégralité de l'indemnité de repos compensateur qui lui était due pour les années 2013, 2014, 2015 et 2016 ;

- les demandes d'indemnité pour les années 2010, 2013 et 2014 sont prescrites par application de la prescription relative aux salaires.

La salariée qui conclut à la confirmation du jugement sur les chefs de condamnation de la société à lui régler la valorisation du repos compensateur et l'indemnité de congés payés afférente, soutient que l'employeur ne l'a pas informée de son droit à repos compensateur alors qu'elle avait fait un nombre d'heures supplémentaires dépassant le contingent de 220 heures en 2010, 2013, 2014, 2015 et 2016, et qu'il ne lui a pas réglé l'intégralité de l'indemnité, compte tenu des régularisations partielles en décembre 2016 et janvier 2018. Elle fonde ses demandes sur les articles L.3121-30 et suivants du code du travail.

Elle estime que sa demande est recevable, en arguant que le délai de prescription ne court qu'à compter du jour où le salarié a eu connaissance de son droit et qu'à défaut pour l'employeur d'avoir respecté son obligation d'information, aucune prescription ne lui est opposable.

Elle conteste le moyen selon lequel le fait pour le salarié de demander à exécuter des heures supplémentaires dispenserait l'employeur de son obligation de contrepartie obligatoire en repos et soutient que les relevés horaires mensuels produits tardivement par l'employeur ne présentent aucune valeur probante puisqu'il n'ont pas été signés par les parties.

Il est de principe que les heures effectuées au-delà du contingent annuel d'heures supplémentaires ouvrent droit à une contrepartie obligatoire sous forme de repos, qu'une convention ou un accord collectif d'entreprise ou d'établissement fixe l'ensemble des conditions d'accomplissement d'heures supplémentaires au-delà du contingent annuel ainsi que les caractéristiques et les conditions de prise de la contrepartie obligatoire en repos due pour toute heure supplémentaire accomplie au-delà du contingent annuel et qu'à défaut d'accord collectif, le contingent applicable est de 220 heures par an et la contrepartie obligatoire en repos due pour toute heure supplémentaire accomplie au-delà du contingent est fixée à 50% pour les entreprises de vingt salariés au plus et à 100% pour les entreprises de plus de vingt salariés.

En l'occurrence, la cour note que les dispositions particulières de l'article 4.4 auxquelles la société renvoie dans sa pièce n°42, ne résultent pas de la convention collective nationale des coopératives agricoles de céréales que la société dit appliquer qui ne prévoit pas de disposition particulière portant sur le contingent annuel d'heures supplémentaires ou la rémunération de celui-ci, que ce soit dans sa version issue de l'avenant sus-visé ou antérieure à cet avenant. Ce faisant, il sera appliqué un contingent annuel de 220 heures supplémentaires.

Il n'est pas plus contesté que la société a plus de 20 salariés.

Par ailleurs, le moyen selon lequel les heures supplémentaires ont été effectuées à la demande de la salariée est sans incidence sur le droit à contrepartie obligatoire en repos en cas de dépassement du contingent annuel d'heures supplémentaires.

Tout salarié dont le contrat est rompu avant qu'il ait pu bénéficier d'un repos compensateur reçoit une indemnité en espèce correspondant à ses droits acquis comprenant l'indemnité de congés payés.

La société soulève la prescription des demandes d'indemnité de contrepartie obligatoire en repos pour les années 2010, 2013 et 2014 à titre subsidiaire. Or s'agissant d'une fin de non-recevoir, elle doit être examinée avant le fond.

La prescription triennale applicable aux salaires, n'a commencé à courir qu'à compter du jour où la salariée a eu connaissance de ses droits lorsque l'employeur n'a pas respecté l'obligation de l'informer du nombre d'heures de repos compensateur portées à son crédit par un document annexé au bulletin de salaire.

En l'occurrence, l'employeur ne justifie pas avoir informé la salariée du nombre d'heures de contrepartie obligatoire en repos par un document annexé aux bulletins de salaire pour les années 2010, 2013 et 2014. Ce n'est qu'au sein du bulletin de salaire de décembre 2015 que l'acquisition de 51,71 heures de contrepartie obligatoire en repos, la prise de 7 heures et un solde de 44,71 heures de contrepartie obligatoire en repos ont été notées. Ce faisant, le délai de prescription de la contrepartie obligatoire en repos pour les années 2010, 2013 et 2014 n'a pas commencé à courir et les demandes de la salariée sont recevables.

La salariée qui prétend avoir dépassé le contingent annuel d'heures supplémentaires au cours des années 2010, 2013, 2014, 2015 et 2016, ne produit ses bulletins de salaire que pour les années 2015 et 2016, en sorte qu'elle ne justifie pas de l'ouverture de son droit à contrepartie obligatoire en repos et de l'obligation pour l'employeur de lui payer l'indemnité de contrepartie obligatoire en repos pour les années 2010 à 2014.

En l'absence de tout élément établissant le droit de la salariée à une contrepartie obligatoire en repos au titre de l'année 2010, celle-ci sera déboutée de sa demande d'indemnité au titre de l'année 2010.

Néanmoins, la société a produit les relevés horaires de la salariée pour les années 2013 et 2014, desquels il ressort qu'elle a effectué :

359 heures supplémentaires en 2013 et

590,60 heures supplémentaires en 2014,

établissant que le contingent de 220 heures supplémentaires annuelles a été dépassé et que la salariée avait droit à une contrepartie obligatoire en repos pour ces années 2013 et 2014.

De même l'examen des bulletins de salaire établit que la salariée avait effectué :

775,96 heures supplémentaires en 2015 et

812,86 heures supplémentaires en 2016.

La salariée ne conteste pas le paiement de l'ensemble des heures supplémentaires qu'elle a effectuées telles que résultant des bulletins de salaire, en sorte que la cour retient le nombre d'heures supplémentaires accompli résultant des bulletins de salaire et des relevés horaires de l'employeur.

Il s'ensuit que le droit à contrepartie obligatoire en repos de la salariée s'élève à :

- 139 heures (359- 220) pour 2013, correspondant à 19,85 jours de repos (139h/7h),

- 370 heures pour 2014, correspondant à 52 jours de repos,

- 555,96 heures pour 2015, correspondant à79,42 jours de repos

- 592,86 heures pour 2016 correspondant à 84,69 jours de repos.

En considération des heures supplémentaires accomplies au-delà du contingent annuel de 220 heures, du droit à repos compensateur équivalent à 100% de ces heures et des minima conventionnels applicables en fonction des années en cause, Mme [T] pouvait bénéficier d'une indemnité de 17.542,15 euros (15.947,41 + 1594,74 euros) comprenant l'indemnité de congés payés.

Le bulletin de salaire du mois de décembre 2016 mentionne que la salariée qui bénéficiait de 123,36 jours de repos compensateur les a tous pris et il est noté qu'elle a pris 35 heures de repos compensateur rémunérées à hauteur de 342,02 euros outre qu'elle a perçu une 'prime' de 863,45 euros au titre des repos compensateurs pour 88,36 heures, étant précisé que l'indemnité de contrepartie obligatoire en repos réglée en janvier 2018 concerne la contrepartie obligatoire en repos acquise en 2017, au sujet de laquelle il est constant que la salariée a été remplie de ses droits.

La cour relève également que la salariée a pris 7 heures de repos compensateur en novembre 2015.

Il résulte de ces éléments que la salariée n'a pas bénéficié de l'intégralité de l'indemnité de contrepartie obligatoire en repos due et que la société reste lui devoir une somme de 14.674,67 euros outre 1.467,46 euros, soit une indemnité de contrepartie obligatoire en repos d'un montant total de 16.142,13 euros.

En conséquence, la société reste devoir la somme de 16.142,13 euros au titre de l'indemnité de contrepartie obligatoire en repos comprenant l'indemnité de congés payés, au titre de l'ensemble des années 2013 à 2016, et non la somme de 11.543,42 euros offerte à titre subsidiaire par la société.

Néanmoins, le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a condamné la société Les silos de Tourtoulen au paiement des sommes de 15.586,02 euros et 1.558,60 euros à ce titre, correspondant à un total de 17.144,62 euros.

Sur la rupture du contrat de travail

1- Sur la demande de nullité du licenciement

Il résulte de l'article L. 1152-3 du code du travail que le licenciement intervenu en méconnaissance des dispositions de l'article L. 1152-1 est nul.

Le médecin du travail a, le 7 décembre 2017, déclaré la salariée inapte à son poste de travail en précisant que son état de santé faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi.

Il ressort des certificats médicaux versés aux débats que la salariée était en arrêt de travail depuis le mois de mars 2017 à raison, exclusivement, d'un état anxio-dépressif et que le médecin psychiatre a constaté, selon certificat du 22 novembre 2017, la recrudescence anxieuse à chaque fois qu'il évoquait la relation avec l'employeur. Compte tenu de ces éléments, outre la survenance de cette pathologie progressive dans les mois qui ont suvi la constatation des faits de harcèlement moral entre mars 2016 et le 24 mars 2017 et de la mention du médecin du travail qui a précisé que l'état de santé de la salariée faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi, la cour dit que l'inaptitude procède du harcèlement moral de l'employeur.

En conséquence, le licenciement pour inaptitude sera déclaré nul.

2- Sur les conséquences de la rupture

2-1- sur l'indemnité pour licenciement nul

En application des dispositions de l'article L.1235-3-1 dans sa rédaction applicable au litige, la salariée dont le licenciement est entaché de nullité à raison de faits de harcèlement moral, a droit à une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

En l'occurrence, les salaires des six derniers mois se sont élevés à la moyenne mensuelle de 2.710 euros, en sorte que la salariée ne saurait obtenir moins que 16.260 euros.

Compte tenu du montant de la rémunération versée à la salariée, de son âge au jour de son licenciement (47 ans), de son ancienneté à cette même date (12 ans), de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels que ces éléments résultent des pièces et des explications fournies, il convient d'indemniser la salariée en lui allouant la somme de 25.000 euros au titre de l'indemnité résultant de la perte illicite de son emploi, que la société sera condamnée à lui verser.

Le jugement entrepris qui a alloué une somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts, correspondant à moins que six mois de salaire, sera infirmé.

2-2- sur l'indemnité compensatrice de préavis et l'indemnité de congés payés afférente

La salariée dont le licenciement est nul est en droit de bénéficier de l'indemnité compensatrice de préavis correspondant aux salaires qu'elle aurait perçus si elle avait continué à travailler pendant la durée du préavis, ainsi que de l'indemnité compensatrice de congés payés afférente.

Compte tenu du salaire de 2.710 euros qu'elle aurait perçu si elle avait continué à travailler, c'est à bon droit que les premiers juges ont condamné la société à verser à la salariée les somme de 5420 euros et de 542 euros sur ces chefs. Le jugement entrepris sera confirmé à ces titres.

Sur la remise des documents de fin de contrat

Il convient d'ordonner la remise par l'employeur à la salariée d'un certificat de travail et d'une attestation Pôle emploi conformes au présent arrêt, sans qu'il y ait lieu à astreinte.

Sur l'indemnité de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

La société Les silos de Tourtoulen succombant sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel. Le jugement entrepris sera confirmé sur le chef de cette condamnation au dépens de première instance et il sera ajouté du chef des dépens de l'appel.

Il s'ensuit qu'elle sera déboutée de sa demande d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité commande de faire bénéficier la salariée d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile tant pour la première instance que pour l'appel. Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il lui a alloué la somme de 1 000 euros et il sera ajouté une indemnité complémentaire de 1 000 euros au titre de l'appel.

Il n'y a pas lieu de faire droit à la demande tendant à faire supporter par l'employeur en cas d'exécution forcée du présent arrêt le droit proportionnel dégressif mis à la charge du créancier.

La cour rappelle que les sommes allouées sont exprimées en brut.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Statuant contradictoirement et publiquement par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile;

Dans la limite de la dévolution,

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme [T] de sa demande de reconnaissance de l'occupation d'un poste de silotier, débouté Mme [T] de toutes ses demandes subséquentes, en ce qu'il a fait droit à la demande de reconnaissance de l'état de harcèlement moral de Mme [T] et condamné la société Les silos de Tourtoulen à payer à Mme [T] la somme de 5000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral, en ce qu'il a fait droit à la demande de reconnaissance du non-respect des durées maximales de travail, et condamné la société Les silos de Tourtoulen à payer à Mme [T] la somme de 5000 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect des durées maximales de travail, en ce qu'il a déclaré le licenciement nul et de nul effet, en ce qu'il a condamné la société Les silos de Tourtoulen à payer à Mme [T] les sommes de 5420 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 542euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférente, en ce qu'il a accordé à Mme [T] le paiement de la somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en ce qu'il a débouté la société Les silos de Tourtoulen de sa demande de paiement de la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en ce qu'il a condamné la société Les silos de Tourtoulen aux entiers dépens ;

Infirme le jugement entrepris, en ce qu'il a dit qu'il y a lieu de faire droit à la demande de rappel de repos compensateur et condamné la société Les silos de Tourtoulen à payer à Mme [T] les sommes de 15'586,02 euros à titre de rappel de repos compensateur dû et 1558,60 euros à titre d'incidence congés payés, en ce qu'il a condamné la société Les silos de Tourtoulen à payer à Mme [T] la somme de 15'000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul ;

Statuant à nouveau dans cette limite,

Déclare recevables les demandes d'indemnité de contrepartie obligatoire en repos au titre des années 2010, 2013 et 2014 ;

Déboute Mme [T] de sa demande d'indemnité de contrepartie obligatoire en repos au titre de l'année 2010 ;

Condamne la société Les silos de Tourtoulen à verser à Mme [T] la somme de 16.142,13 euros au titre de l'indemnité de contrepartie obligatoire en repos comprenant l'indemnité de congés payés, au titre de l'ensemble des années 2013 à 2016 ;

Condamne la société Les silos de Tourtoulen à verser à Mme [T] la somme de 25.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul ;

Y ajoutant,

Rappelle que les sommes allouées par la cour sont exprimées en brut ;

Ordonne la remise par la société Les silos de Tourtoulen à Mme [T] d'un certificat de travail et d'une attestation Pôle emploi conformes au présent arrêt, sans qu'il y ait lieu à astreinte ;

Ordonne le remboursement par la société Les silos de Tourtoulen à Pôle Emploi des indemnités de chômages versées à Mme [T] du jour de son licenciement dans la limite de deux mois d'indemnités de chômage ;

Condamne la société Les silos de Tourtoulen à verser à Mme [T] une indemnité de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties de leurs autres demandes ;

Condamne la société Les silos de Tourtoulen aux entiers dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-4
Numéro d'arrêt : 19/16559
Date de la décision : 16/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-16;19.16559 ?
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