COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-6
ARRÊT AU FOND
DU 10 MARS 2023
N° 2023/ 080
Rôle N° RG 19/09365 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BENCR
[R] - [K]
C/
SARL ISAGNES-GLOBE TROTTER'S
SARL MJ [T] [T] [J]
Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE [Localité 4]
Copie exécutoire délivrée
le :10/03/2023
à :
Me Christine GUIHENEUF, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
Me Isabelle FICI, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
Me Isabelle PIQUET-MAURIN, avocat au barreau de TOULON
Me Marguerite LIONS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de FREJUS en date du 25 Avril 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 19/00016.
APPELANTE
Madame [R] - [K]
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2020/9996 du 22/01/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE), demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Christine GUIHENEUF, avocat au barreau de DRAGUIGNAN substitué par Me Fabrice CARAVA, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMES
SARL ISAGNES-GLOBE TROTTER'S CAFE, demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Marguerite LIONS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
Maître SARL MJ [T] [T] [J] Mandataire liquidateur de la SARL ISAGNES -GLOBE TROTTER'S CAFE
, demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Isabelle FICI, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Maeva LAURENS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et par Me Amandine QUEMA, avocat plaidant inscrit au barreau de DRAGUIGNAN
Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE [Localité 4], intervenant volontaire, demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Isabelle PIQUET-MAURIN, avocat au barreau de TOULON
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été appelée le 05 Janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Estelle de REVEL, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des demandes dans le délibéré de la cour, composée de :
M. Philippe SILVAN, Président de chambre
Madame Dominique PODEVIN, Présidente de chambre
Madame Estelle de REVEL, Conseillère
Greffier lors des débats : Madame Caroline POTTIER.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 10 Mars 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 10 Mars 2023
Signé par M. Philippe SILVAN, Président de chambre et Mme Suzie BRETER, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE DU LITIGE
Mme [R] a été engagée par la SARL Isagnes-Globe Trotter's Café en qualité de commis de cuisine plongeur au cours de l'été 2018 pour une durée déterminée du 9 juillet au 31 août 2018.
Elle a démissionné le 31 juillet 2018.
Le 22 janvier 2019, elle a saisi le conseil des prud'hommes de Fréjus aux fins de voir condamner son employeur au paiement de diverses sommes au titre d'un rappel de salaire pour heures supplémentaires impayées et de diverses indemnités de rupture au titre d'un licenciement irrégulier et sans cause réelle et sérieuse.
Par jugement du 25 avril 2019, le conseil de prud'hommes a :
' Dit qu'il n'y pas lieu à requalification du contrat de travail de Madame [R], cette dernière ayant abandonné son poste le 3l juillet 2018,
Que sur les heures supplémentaires Madame [R] a été remplie de ses droits.
Déboute Madame [R] de l'ensemble de ses demandes.
Laisse les dépens à la charge du demandeur.'
Mme [R] a relevé appel de la décision.
Parallèlement, la société a été placée en redressement judiciaire par jugement du 11 juin 2019 du tribunal de commerce de Fréjus, puis en liquidation judiciaire le 2 septembre suivant. La SELARL MJ [T] a été désignée es qualité de liquidateur judiciaire.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 10 décembre 2021, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé détaillé des moyens, Mme [R] demande à la cour :
REFORMER LE JUGEMENT DU CONSEILDE PRUD,HOMMES EN DATE DU 25 AVRIL 2019 DANS SON ENSEMBLE et fixer la créance de Madame TON de la manière suivante:
indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement un mois de salaire, soit '1540 €
indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse 11540 €
indemnité de licenciement
indemnité compensatrice de préavis huit jours, /355,38 € bruts
indemnité de requalification en contrat à durée indéterminée 12101 €
dommages et intérêts 19240 €
indemnité pour travail dissimulé 5,1 9240 €
congés payés sur salaire du 9.07.2018 au 31.07. 2018
heures supplémentaires 53,32, soit 561,82 euros bruts
article 700 du CPC,/ 2000 €
Ordonner la remise attestation pôle emploi rectifiée sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter de la décision à intervenir, qui sera assortie en totalité de l'exécution provisoire'.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 3 décembre 2019, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé détaillé des moyens, la SELARL M.J [T] demande à la cour de:
CONFIRMER le jugement rendu le 25 avril 2019 par le Conseil de Prud'hommes de FREJUS en ce qu'il a débouté Madame TON de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
Par conséquent,
DEBOUTER Madame TON de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
CONDAMNER Madame TON à régler à la concluante la somme de 2.000 euros au titre du préjudice subi du fait de la résiliation anticipée de la relation contractuelle ;
CONDAMNER Madame TON à régler à la concluante la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.'
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 28 octobre 2019, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé détaillé des moyens, l'Unedic Délégation AGS CGEA demande à la cour de :
'EN TOUTE HYPOTHESE :
EXCLURE de la garantie de l'AGS les sommes éventuellement allouées au titre de l'astreinte et de l'article 700 du CPC.
A TITRE PRINCIPAL :
CONFIRMER le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de FREJUS le 25/04/2019
en toutes ses dispositions ;
En conséquence, DEBOUTER Madame [R] ' [K] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
CONDAMNER Madame [R]' [K] aux entiers dépens.
SUBSIDIAIREMENT :
DECLARER irrecevables les demandes de congés payés sur rappel de salaire et d'indemnité de licenciement ;
REDUIRE la somme allouée à titre d'indemnité de requalification ;
DEBOUTER Madame [R] ' [K] de sa demande au titre des heures supplémentaires, outre congés payés y afférents, d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, d'indemnité pour irrégularité de procédure, d'indemnité compensatrice de préavis outre congés payés y afférents, de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse, de dommages et intérêts ;
CONDAMNER qui il appartiendra aux entiers dépens.
INFINIMENT SUBSIDIAIREMENT :
REDUIRE la somme allouée à titre d'indemnité de requalification ;
DEBOUTER Madame [R] ' [K] de sa demande au titre des heures supplémentaires, outre congés payés y afférents, d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, d'indemnité compensatrice de congés payés, d'indemnité pour irrégularité de procédure, d'indemnité de licenciement, de dommages et intérêts ;
REDUIRE les sommes allouées à Madame [R] ' [K] à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre congés payés y afférents, de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse
CONDAMNER qui il appartiendra aux entiers dépens.
EN TOUT ETAT DE CAUSE
En tout état de cause, fixer toutes créances en quittance ou deniers.
Dire et juger que l'AGS ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L.
3253-6 à 8 (anciens articles L. 143.11.1 et suivants) du Code du travail que dans les termes et les conditions résultant des dispositions des articles L. 3253-15 (ancien article L. 143.11.7)
et L. 3253-17 (ancien article L. 143.11.8) du Code du travail.
Dire et juger que la garantie de l'AGS est plafonnée, toutes créances avancées pour le
compte du salarié, à un des trois plafonds définis à l'article D3253-5 du code du travail.
Dire et juger que l'obligation du CGEA de faire l'avance de la somme à laquelle serait évalué
le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra
s'exécuter que sur présentation d'un relevé par mandataire judiciaire et justification par celui-
ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement.'
MOTIFS DE LA DECISION
I. Sur l'exécution du contrat de travail
1) Sur la requalification du contrat de travail en contrat à durée indéterminée
Mme [R] sollicite la requalification de sa relation de travail en contrat à durée indéterminée au motif qu'elle n'a pas signé de contrat de travail à durée déterminée.
Faisant valoir la mauvaise foi de l'appelante, le liquidateur expose qu'un contrat de travail à durée déterminée a été signé par l'employeur qui le tenait à la disposition de la salariée laquelle a délibérément refusé de le signer.
Dans le même sens, l'AGS CGEA fait valoir l'existence d'un contrat de travail signé par la société en possession de la salariée.
L'article L. 1242-12 du code du travail, dans sa version applicable au litige, exige que le contrat de travail à durée déterminée soit établi par écrit. À défaut, il est réputé conclu pour une durée indéterminée.
Il résulte de ce texte que la signature d'un contrat de travail à durée déterminée a le caractère d'une prescription d'ordre public dont l'omission entraîne, à la demande du salarié, la requalification en contrat à durée indéterminée ; il n'en va autrement que lorsque le salarié a délibérément refusé de signer le contrat de travail de mauvaise foi ou dans une intention frauduleuse.
En l'espèce, Mme [R] produit un courrier recommandé qu'elle a adressé à l'employeur le 10 août 2018, après qu'elle ait quitté son emploi le 31 juillet 2018, aux termes duquel elle lui reproche de ne jamais avoir signé de contrat de travail.
Le fait qu'il existe un contrat de travail à durée déterminée portant la signature de l'employeur et que ce document soit présent au dossier de l'appelante ne suffit pas à démontrer l'intention frauduleuse de Mme [R], ni sa mauvaise foi, consistant en un refus délibéré de le signer. Aucun élément, aucune pièce n'est en ce sens.
En l'absence de signature de la salariée, il en résulte qu'aucun contrat de travail écrit n'est justifié et qu'il y a lieu en conséquence de dire que la relation de travail était nécessairement à durée indéterminée.
En application de l'article L.1245-2 du code du travail, Mme [R] a droit à une indemnité de requalification au moins égale à un mois de salaire.
Selon l'unique bulletin de salaire du mois de juillet 2018, son salaire brut mensuel s'élève à 1 535,62 euros, somme qui doit être fixée au passif de la liquidation de la société, l'indemnité revendiquée par l'appelante à hauteur de 2 101 euros n'étant pas justifiée.
En l'état de cette requalification, la demande reconventionnelle du liquidateur au titre de la rupture anticipée du contrat à durée déterminée doit être rejetée.
2) Sur le rappel de salaire au titre des heures supplémentaires
Mme [R] fait valoir une créance au titre des heures supplémentaires d'un montant de 561,82 euros pour 53,32 heures impayées.
Le liquidateur conteste que des heures de travail restent dues en présence d'un bulletin de salaire mentionnant des heures supplémentaires et en l'absence de demande avant l'instance. Il observe par ailleurs que la salariée ne produit qu'un décompte manuscrit élaboré pour les besoins de la cause non étayé par des témoignages.
L'AGS CGEA s'oppose à la demande au motif que des heures supplémentaires ont été payées et que Mme [R] ne produit aucune explication sur sa demande.
L'article L.3171-4 du code du travail dispose qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.
Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
A l'appui de sa demande en paiement, la salariée produit sa pièce 13 consistant en un tableau manuscrit récapitulatif de ses horaires de travail du 8 au 31 juillet 2018 inclus précisant que la journée du 8 juillet a été payée 80 euros en espèces. Il en ressort qu'elle aurait travaillé tous les jours de la semaine entre 12h et 14 heures par jour, sauf les jours suivants :10, 12, 17, 19, 22, 24, 29 et 31 juillet, où elle était en repos.
Ce faisant, Mme [R] présente des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'elle prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur d'y répondre utilement.
Les intimés s'appuient sur le bulletin de salaire du mois de juillet 2018 qui mentionne l'accomplissement d'heures supplémentaires à hauteur de 12,71 heures durant la période de travail.
Au vu de l'ensemble de ces éléments, la cour n'a pas la conviction que la salariée a effectué des heures supplémentaires demeurées impayées. En effet, d'une part, le calcul produit ne tient pas compte des heures rémunérées au titre des heures supplémentaires qui figurent sur le bulletin de salaire; d'autre part, Mme [R] ne conteste pas que des paiements étaient aussi faits en espèce. Egalement, l'attestation produite par Mme [R] de Mme [M], une collègue de travail, évoquant les mauvaises conditions de travail dans la société (poste non éclairé, canalisations bouchées, manque d'hygiène dans l'établissement) et qui pointe les discriminations dont a pu être victime l'appelante ne mentionne en revanche absolument pas l'existence d'heures de travail impayées.
Le jugement entrepris est confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de la salariée à ce titre.
3) Sur le travail dissimulé
Sans s'en expliquer dans la partie discussion de ses conclusions, Mme [R] demande le paiement de l'indemnité forfaitaire au titre du travail dissimulé à hauteur de 9 240 euros.
Le liquidateur, à l'instar de l'AGS-CGEA, concluent au rejet d'une telle demande faute d'élément intentionnel.
Au sein de l'article L. 8221-5 du code du travail alors applicable, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :
1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;
2° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;
3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.
En l'espèce, en l'absence d'heures supplémentaires impayées, la demande doit être rejetée.
4) Sur les congés payés
La salariée sollicite le paiement de congés payés sur salaire sans former de demande chiffrée.
Au dispositif de ses écritures, la demande -non chiffrée- porte sur les 'congés payés sur salaire du 9 juillet 2018 au 31 juillet 2018" alors que dans la partie discussion, elle demande des 'congés payés sur salaire du 17 septembre 2017 au 19 septembre 2017.
Le liquidateur et l'AGS CGEA concluent au rejet de la prétention s'agissant d'une demande non chiffrée.
Selon l'article 4 du code de procédure civile, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.
En l'espèce, faute pour la salariée d'indiquer la somme réclamée au titre des congés payés, ou à tout le moins de produire les éléments permettant de la déterminer, la cour constate que la demande est indéterminée et qu'elle ne peut y répondre.
La demande est par conséquent rejetée.
II. Sur la rupture du contrat de travail
Mme [R] sollicite des indemnités de rupture ainsi que des dommages et intérêts afférents au licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Contestant à titre principal l'existence d'un contrat de travail à durée indéterminée, le liquidateur s'oppose aux demandes.
L'AGS-CGEA oppose que la salariée a démissionné le 31 juillet 2018 et qu'elle ne peut en conséquence réclamer les conséquences financières attachées au licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Le contrat de travail ayant été requalifié en contrat à durée indéterminée, l'employeur comme la salariée pouvaient prendre l'initiative de la rupture conformément à l'article L.1231-1 du code du travail. Lorsque la rupture du contrat résulte de la volonté claire et non équivoque du salarié, il s'agit d'une démission. En revanche, la rupture du contrat résultant de l'initiative de l'employeur constitue un licenciement.
La démission ne se présume pas ; il s'agit d'un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail. Lorsque le salarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l'annulation de sa démission, remet en cause celle-ci en raison de faits ou manquements suffisamment graves imputables à son employeur, et lorsqu'il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu'à la date à laquelle elle a été donnée, celle-ci était équivoque, le juge doit l'analyser en une prise d'acte qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués étaient suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail ou, dans le cas contraire, d'une démission.
En l'espèce, Mme [R] expose avoir quitté son emploi le 31 juillet 2018 au motif qu'elle travaillait dans des conditions déplorables, notamment des conditions d'hygiène qu'elle qualifie de catastrophiques.
Au soutien de ses affirmations, elle produit l'attestation susvisée de Mme [M] dont le témoignage rédigé en termes généraux, non circonstanciés, et non étayés, est insuffisant pour démontrer la réalité des conditions de travail de l'intéressée.
Le manquement allégué n'étant pas justifié, la rupture du contrat de travail à l'initiative de Mme [R] ne peut produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Il y a lieu de dire que la rupture s'analyse en une démission et de rejeter l'ensemble des demandes subséquentes.
III. Sur les autres demandes
Il n'est pas équitable de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; les demandes doivent être rejetées.
Les dépens doivent être supportés par la société Isagnes-Globe Trotter's Café représentée par Maître [J] [T], en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL MJ. [T].
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement entrepris SAUF s'agissant du rejet de la requalification du contrat de travail en contrat à durée indéterminée,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et Y ajoutant
Requalifie le contrat de travail de Mme [R] en contrat de travail à durée indéterminée
Fixe la créance de Mme [R] au passif de la liquidation judiciaire de la société Isagnes-Globe Trotter's Café, à la somme suivante:
- 1 535,62 euros, à titre d'indemnité de requalification
Dit que le jugement d'ouverture de la procédure collective a entraîné l'arrêt des intérêts légaux et conventionnels,
Dit que l'UNEDIC délégation AGS CGEA de [Localité 4] doit sa garantie dans les termes des articles L.3253-8 et suivants du code du travail,
Rejette les autres demandes,
Condamne la société Isagnes-Globe Trotter's Café représentée par Maître [J] [T], en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL MJ. [T], aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT