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09/03/2023 | FRANCE | N°20/02137

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-5, 09 mars 2023, 20/02137


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5



ARRÊT AU FOND

DU 09 MARS 2023

ph

N° 2023/ 97













Rôle N° RG 20/02137 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BFSZA







[K] [X]

[G] [X]





C/



[Y] [P]

Association SYNDICAT GROUPEMENT D'HABITATION DES RESIDENCES DE [Localité 3]















Copie exécutoire délivrée

le :

à :



SELARL CABINET GILLES ORDRONNEAU
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SELAS CABINET POTHET





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 31 Décembre 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 17/04173.





APPELANTS



Monsieur [K] [X]

demeurant [Adresse 5]



représenté par Me ...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5

ARRÊT AU FOND

DU 09 MARS 2023

ph

N° 2023/ 97

Rôle N° RG 20/02137 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BFSZA

[K] [X]

[G] [X]

C/

[Y] [P]

Association SYNDICAT GROUPEMENT D'HABITATION DES RESIDENCES DE [Localité 3]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

SELARL CABINET GILLES ORDRONNEAU

SELAS CABINET POTHET

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 31 Décembre 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 17/04173.

APPELANTS

Monsieur [K] [X]

demeurant [Adresse 5]

représenté par Me Gilles ORDRONNEAU de la SELARL CABINET GILLES ORDRONNEAU, avocat au barreau de DRAGUIGNAN, assisté de Me Olivier WAGNON de la SELEURL OLIVIER WAGNON AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, plaidant

Madame [G] [X]

demeurant [Adresse 5]

représentée par Me Gilles ORDRONNEAU de la SELARL CABINET GILLES ORDRONNEAU, avocat au barreau de DRAGUIGNAN, assistée de Me Olivier WAGNON de la SELEURL OLIVIER WAGNON AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, plaidant

INTIMES

Monsieur [Y] [P]

demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Alain-David POTHET de la SELAS CABINET POTHET, avocat au barreau de DRAGUIGNAN, plaidant

Association 'SYNDICAT GROUPEMENT D'HABITATION DES RESIDENCES DE [Localité 3]' prise en la personne de son syndic dont le siège social est FRATELIMMO [Adresse 1], agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

représentée par Me Alain-David POTHET de la SELAS CABINET POTHET, avocat au barreau de DRAGUIGNAN, plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 10 Janvier 2023 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Patricia HOARAU, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Laetitia VIGNON, Conseiller, faisant fonction de président de chambre

Madame Patricia HOARAU, Conseiller

Monsieur Olivier ABRAM, Vice Président placé

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 09 Mars 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 09 Mars 2023,

Signé par Madame Laetitia VIGNON, Conseiller faisant fonction de président de chambre et Madame Danielle PANDOLFI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS et PROCEDURE - MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES

M. [K] [X] et Mme [G] [C] épouse [X] ont acquis en 2007 un terrain au sein du lotissement [Adresse 4] sur lequel ils ont fait édifier une villa, au moyen d'un prêt souscrit auprès du Crédit agricole.

Le lotissement est géré par le syndicat groupement d'habitation des résidences de [Localité 3] dit ASL [Adresse 4] dont le président est M. [Y] [P].

Le talus situé à l'arrière de cette villa s'est partiellement effondré et une expertise a été ordonnée par le juge des référés le 29 avril 2015 à la demande de l'ASL [Adresse 4] aux fins suivantes :

« - rechercher les causes de l'affaissement du terrain objet du litige (eaux de ruissellement, excavation, construction, ...),

- apporter au tribunal tout élément technique de nature à lui permettre de statuer sur les responsabilités encourues,

- rechercher si des travaux urgents sont nécessaires pour sécuriser le site et préciser lesquels, le cas échéant autoriser leur réalisation,

- décrire les travaux nécessaires au confortement définitif du talus et en chiffrer le coût ».

Par ordonnance du 10 décembre 2015, le juge chargé du contrôle de l'expertise a sur requête en récusation présentée par M. et Mme [X] a désigné en remplacement de M. [Z] [J], M. [F] [W], avec la même mission que précédemment.

Confrontés à des difficultés financières, M. et Mme [X] ont souhaité vendre leur bien immobilier, ont trouvé un acquéreur mais la signature de l'acte de vente prévue pour le 30 décembre 2015, reculée à janvier 2016, puis au 4 février 2016 n'a finalement pas abouti.

Soutenant que l'ASL [Adresse 4] et M. [P] ont par leur comportement fautif empêché la vente de leur villa, M. et Mme [X] ont, selon exploit d'huissier délivré le 23 mai 2017, fait assigner le syndicat groupement d'habitation des résidences de [Localité 3] dit ASL [Adresse 4] et M. [Y] [P] aux fins de les voir condamner solidairement à leur payer diverses sommes au titre des frais de prises de garantie supplémentaires, des engagements complémentaires qu'ils ont été contraints de souscrire et de l'évolution des créances hypothécaires du Crédit agricole, de la perte sur la location saisonnière, de la perte de la valeur du bien, du préjudice moral.

Par jugement du 31 décembre 2019, le tribunal de grande instance de Draguignan a notamment :

- débouté M. et Mme [X] de l'ensemble de leurs demandes,

- débouté l'ASL [Adresse 4] et M. [P] de leurs demandes reconventionnelles,

- condamné M. et Mme [X] in solidum, à verser la somme de 2 000 euros à l'ASL [Adresse 4] et celle de 2 000 euros à M. [P] au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. et Mme [X] in solidum, aux dépens avec distraction de ceux-ci.

Pour statuer ainsi, le tribunal a retenu :

- que les difficultés sont nées entre les parties du fait d'une part que les époux [X] voulaient vendre leur bien immobilier au plus vite eu égard à leurs importantes difficultés financières et d'autre part qu'ils avaient refusé d'effectuer les travaux qui leur avaient été demandés dans la mesure où ils contestaient leur responsabilité et qu'une expertise a été ordonnée, ce qui impliquait un délai incompatible avec leur souhait de vendre au plus vite,

- que les vendeurs ont été confrontés au désir légitime de l'ASL et de son président de voir les travaux nécessaires au confortement du talus, faits dans les règles de l'art,

- que l'intention malveillante de l'ASL et de son président n'est de ce fait pas démontrée,

- qu'il n'est pas établi que l'action exercée par les époux [X] a été engagée avec une intention de nuire, ni l'existence d'un préjudice en rapport.

Le 11 février 2020, M. et Mme [X] ont relevé appel de ce jugement.

Dans leurs dernières conclusions déposées et notifiées sur le RPVA le 22 décembre 2022, M. et Mme [X] demandent à la cour :

Vu l'article 1240 du code civil,

Sur l'appel principal,

- d'infirmer le jugement dont appel dans toutes ses dispositions et statuant à nouveau :

- de condamner solidairement l'ASL et M. [P] au paiement d'une somme de :

- 4 300 euros au titre des surcoûts de frais de prise garantie supplémentaire,

- 336 599,20 euros, au titre des engagements complémentaires qu'ils ont été contraints de souscrire, et de l'évolution des créances hypothécaires,

- 19 376 euros au titre de la perte sur la location saisonnière estimée,

- 555 000 euros au titre de la perte de la valeur du bien, préjudice à parfaire,

- 500 000 euros au titre de leur préjudice moral,

Sur l'appel incident formé par M. [P] :

- de confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté M. [P] de sa demande reconventionnelle pour procédure abusive formée à leur encontre et le débouter à nouveau,

En tout état de cause,

- de condamner chaque défendeur au paiement d'une somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, dont distraction au profit de Me Ordronneau.

M. et Mme [X] soutiennent en substance :

- qu'ils ont signé un protocole de vente de leur villa avec M. [U], au prix de 1 180 000 euros incluant des frais d'agence de 65 000 euros, sous la seule condition suspensive de la réalisation des travaux de consolidation du talus à l'arrière de leur maison, malgré l'évidente responsabilité de l'ASL et autres colotis dans les désordres subis sur leur talus, que ces travaux devaient permettre de purger la procédure d'expertise en cours, sur la base du devis de 90 000 euros de la société Sol provençal, mais que l'ASL et M. [P] ont par des actes malveillants mis des obstacles à cette vente qui a fini par échouer,

- que M. [P] et l'ASL [Adresse 4] ont accompli des actes de malveillance à leur égard en vue de faire échec à la réalisation de la vente de leur villa, engageant ainsi leur responsabilité délictuelle :

- lettres anonymes pour informer les agences immobilières de l'expertise en cours par M. [P],

- absence de réponse de l'ASL lors de la mise en 'uvre des travaux de confortement du talus nécessitant l'accord de l'ASL, ce qui les a contraints à faire réaliser les travaux sans autorisation par la société Sol provençal,

- absence de réponse de l'ASL sur le montant des sommes dues par eux,

- courrier de l'ASL au notaire pour faire part de difficultés procédurales ou de l'absence éventuelle de conformité des travaux engagés par la société Sol provençal, alors qu'au final l'expert a conclu que les travaux de la société Sol provençal étaient satisfaisants,

- que toutes ces difficultés ont fait capoter la vente et ils ont fait l'objet d'une saisie immobilière avec vente à un prix de 725 000 euros, soit inférieur de 455 000 euros par rapport au protocole de vente signé avec M. [U],

- que le tribunal a interprété les faits exclusivement en faveur de l'ASL et donné une justification artificielle à ceux-ci, en se contredisant, que le tribunal ne pouvait pas leur reprocher de ne pas avoir réalisé les travaux alors que leur responsabilité n'était pas encore établie à ce titre, qu'il est permis de se demander en quoi l'ASL a sauvegardé ses intérêts en adressant une lettre au notaire d'un acheteur d'un lot de l'existence d'un potentiel risque d'empiètement des clous implantés lors de travaux de confortement alors que ce problème n'est pas avéré tel que reconnu par le tribunal, et n'avait d'autre but que d'affoler le candidat acquéreur,

- que M. [P] a commis des fautes personnelles, actes malveillants détachés de son mandat de président de l'ASL, que ces faits malveillants ont été reconnus en première instance par M. [P] et l'ASL,

- que leurs préjudices sont les suivants :

- surcoûts générés,

- perte de valeur de l'immobilier de 100 000 euros du fait des mails anonymes sur le prix pouvant être attendu de 1 430 000 euros, ainsi que 455 000 euros au titre du manque à gagner par rapport au prix de vente du compromis signé avec M. [U],

- perte de chiffre d'affaires : mise en location tardive à compter de juillet 2016 au lieu de janvier 2016 compte tenu de l'échec du compromis signé avec M. [U],

- préjudice moral important avec problèmes de santé : grâce à la plus-value sur la vente du bien immobilier, ils espéraient investir dans le démarrage de la nouvelle activité de M. [X] dans le fonds d'investissement Melody dont le rendement attendu était très important de l'ordre de six millions d'euros, alors qu'ils ont été contraints d'ouvrir une procédure de surendettement,

- qu'ils sont les seuls à avoir subi un préjudice physique et psychologique en l'espèce à l'exclusion de M. [P], qui s'est immiscé dans leur projet de vente par l'envoi de mails anonymes.

Dans leurs conclusions d'intimés déposées et notifiées par le RPVA le 15 septembre 2020, l'ASL [Adresse 4] et M. [P] demandent à la cour :

- de confirmer le jugement appelé en toutes ses dispositions, sauf à augmenter le montant des frais irrépétibles en les portant en cause d'appel à la somme de 5 000 euros,

- de condamner ainsi M. et Mme [X] à leur payer à chacun la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner M. et Mme [X] à payer à l'ASL [Adresse 4] la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts,

- de condamner M. et Mme [X] à payer à M. [P] la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts,

- de condamner M. et Mme [X] aux entiers dépens tant de première instance que d'appel qui comprendront la contribution à hauteur de 225 euros et dire que la SELAS Cabinet Pothet, avocat, pourra recouvrer directement ceux dont elle aura fait l'avance sans avoir reçu provision conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

L'ASL et M. [P] font valoir pour l'essentiel :

- qu'une expertise judiciaire a été ordonnée car dans le cadre de la construction de leur villa, les époux [X] ont entaillé le talus se trouvant au droit de leur immeuble sur une profondeur d'environ huit mètres, que pendant les opérations d'expertise les époux [X] ont obtenu la récusation de l'expert [J], que lors de la première venue du nouvel expert désigné, M. [W], il est apparu que sans le dire les époux [X] avaient entrepris des travaux confortatifs sur le talus, travaux qui avaient été envisagés par le premier expert, que la société Sol provençal qui a réalisé ces travaux n'a pas été payée par les époux [X],

- qu'un protocole d'accord a été signé le 8 mars 2006 entre l'ASL et les époux [X], qui consistait pour l'ASL à prendre acte des travaux réalisés par les époux [X] sous réserve que ceux-ci soient conformes aux préconisations à venir de l'expert [W] et à se désister de toute action contre eux liée à l'éboulement du talus, en contrepartie les époux [X] devaient assurer la responsabilité de l'éboulement, rembourser les frais d'expertise dont l'ASL a fait l'avance pour 24 416 euros et les cotisations en retard de 13 466 et d'autres frais, que ce protocole précise la nécessité de faire valider par l'ASL une annexion du tréfonds géré par elle dès lors que les travaux confortatifs ont consisté à l'implantation de pieux de plusieurs mètres de longueur, le tout sous condition résolutoire de la vente au profit de M. [U] avant le 1er juin 2016 or, celui-ci s'est désisté de la vente,

- que M. [W] a déposé son rapport judiciaire le 9 novembre 2016 en concluant à la conformité des travaux réalisés par la société Sol Provençal, en lecture du rapport du bureau d'études Socotec de juin 2016,

- que le protocole signé démontre le bien-fondé de l'action de l'ASL (dans le cadre du référé expertise), qu'il y avait en outre des retards de paiement des cotisations,

- que la cour doit confirmer l'analyse du premier juge sur l'absence d'intention malveillante,

- que c'est dans un souci de transparence que M. [P] a informé les agences immobilières de la situation, quand il est apparu que les époux [X] avaient le projet de vendre leur bien, que le compromis a été signé avec M. [U], bien après la communication aux agences immobilières, ce qui démontre que cela n'a pas gêné cet acquéreur,

- que rien de vient démontrer que ce serait leur comportement qui serait à l'origine du désistement de M. [U],

- que la preuve d'un lien de causalité avec leur prétendue faute, fait défaut,

- que le préjudice moral n'est pas documenté,

- que le préjudice locatif est difficilement explicable alors que les époux [X] ont toujours joui de leur bien,

- qu'au contraire, il y a un préjudice de procédure abusive (sic) pour l'ASL et pour M. [P] qui a vécu difficilement au plan psychique et psychologique cette action tendant à sa condamnation au règlement de la somme de 1 200 000 euros.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 27 décembre 2022.

L'arrêt sera contradictoire puisque toutes les parties sont représentées.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l'étendue de la saisine de la cour

Aux termes de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

Il est constaté que le dispositif des conclusions des appelants, comporte des demandes de « dire et juger » et « constater » qui ne constituent pas des prétentions, mais des moyens, ce qui explique qu'elles n'aient pas été reprises dans l'exposé des prétentions des parties.

Sur la demande principale de M. et Mme [X]

M. et Mme [X] soutiennent que l'ASL [Adresse 4] et M. [P] ont par leur comportement fautif, fait obstacle à leur projet de vente de leur maison, engendrant des surcoûts, une perte de valeur de leur bien immobilier, une perte de chiffre d'affaire sur la location attendue, un préjudice moral.

Selon les dispositions de l'article 1382 devenu article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme qui cause préjudice à autrui, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer, ce qui impose la triple démonstration d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre les deux.

M. et Mme [X] reprochent à l'ASL [Adresse 4] et à M. [P], plusieurs actes malveillants, à savoir des lettres anonymes de M. [P], l'absence de réponse de l'ASL lors de la mise en 'uvre des travaux de confortement du talus, l'absence de réponse de l'ASL sur le montant des sommes dues par eux à porter à la connaissance du notaire, le courrier de l'ASL au notaire pour signaler des difficultés procédurales.

Il est établi qu'un litige préexistait entre M. et Mme [X] d'une part et l'ASL [Adresse 4] dont le président est M. [Y] [P], relativement à un éboulement dangereux sur le terrain de M. et Mme [X], constaté en janvier 2015, objet de l'assignation en référé délivrée par l'ASL [Adresse 4] contre M. et Mme [X], ayant donné lieu à l'ordonnance de référé du 29 avril 2015, afin de rechercher les causes de l'affaissement du terrain, fournir les éléments techniques pour statuer sur les responsabilités encourues, rechercher et chiffrer les travaux nécessités.

Au final, après changement de l'expert récusé par M. et Mme [X], qui ont émis des doutes sur son impartialité et qui ont été entendus par le juge chargé du contrôle de l'expertise le 10 décembre 2015, et ordonnance de changement de la mission de l'expert intervenue le 21 avril 2016, le nouvel expert M. [W] a déposé son rapport le 29 novembre 2016.

L'expert judiciaire conclut, après avoir répondu aux dires des parties sur son pré-rapport du 21 juin 2016 :

« L'ordonnance du 21 avril 2016 a limité ma mission au seul examen de la paroi clouée réalisée en décembre 2015.

Une étude géologique avait été réalisée préalablement (2009) et le dimensionnement de la paroi a été étudié par la société EOGEO (novembre 2015).

En juin 2016 le bureau d'étude SOCOTEC a établi un diagnostic de cette paroi, qui conclut à son bon dimensionnement et à la conformité de son exécution.

Nous pouvons donc conclure que les travaux de confortement du talus réalisés sont satisfactoires. »

Ainsi il n'est fourni aucune réponse technique sur l'origine de l'affaissement du terrain, même si parmi les pièces produites, figure un courrier du 24 juin 2016 du conseil de M. et Mme [X] adressé au juge chargé du contrôle de l'expertise, dans lequel il indiquait qu'il importait de connaître l'origine des désordres, puisque l'accord issu du protocole d'accord signé entre les parties le 8 mars 2016, était devenu caduc. Le conseil de M. et Mme [X] n'a manifestement pas persisté dans cette demande, qui n'est au final pas l'objet du litige, seules étant en cause les fautes imputées par l'ASL et M. [P] dans le cadre du projet de vente de leur villa par M. et Mme [X].

Il n'est pas discuté que M. [P] a de manière anonyme adressé des mails à différentes agences immobilières, en août 2015, pour les informer de l'existence d'une procédure judiciaire devant le tribunal de grande instance de Draguignan relativement à la villa de M. et Mme [X] alors en vente. Or, il est tiers à cette vente, de même que l'ASL et cette intervention ne se justifiait pas pour préserver les intérêts de l'ASL, si bien que son caractère malveillant se trouve démontré.

Par courrier du 14 octobre 2015, le conseil de M. et Mme [X] s'est adressé au conseil de l'ASL pour solliciter l'autorisation de faire les travaux selon devis du 6 octobre 2015, s'agissant du devis de la société Sol provençal fourni dans le cadre de la mesure d'expertise alors en cours, à l'époque même où un incident a été soulevé par le conseil de M. et Mme [X], au cours de la mesure d'expertise, sur la partialité de l'expert. Dès lors, il n'est pas démontré de faute de l'ASL ou de M. [P] dans l'absence de réponse à cette demande.

S'agissant de l'absence de réponse de l'ASL aux demandes du notaire sur le montant des sommes dues par M. et Mme [X], est produit le courrier du 28 décembre 2015 adressé par le conseil de l'ASL dont le président est M. [P] et le gestionnaire administratif la société Fratellimmo BR, au notaire, en réponse à un courrier du 15 décembre 2015, ainsi rédigé : « ' j'ai demandé à la société Fratellimmo BR de ne pas vous adresser la demande de renseignements en l'état des éléments que je vous transmets. En revanche, elle vous fera tenir la copie des trois dernières assemblées '. » Y est évoquée une assignation non encore délivrée en paiement de charges de copropriété et l'ordonnance de référé du 29 avril 2015 ayant désigné un expert, dont la récusation est demandée. En l'état, cette pièce est insuffisante à démontrer l'existence d'une faute de l'ASL ou de M. [P].

S'agissant enfin du courrier de l'ASL au notaire, pour signaler des difficultés procédurales, il est vérifié qu'il s'agit d'un courrier adressé par le conseil de l'ASL le 4 février 2016, à Me [V], notaire, concourant à la rédaction de l'acte de vente, pour lui faire part des points suivants :

- la réalisation de travaux confortatifs réalisés par M. et Mme [X], pendant la procédure, sans autorisation de l'ASL ni du juge, sans validation de l'expert, dont il importe de s'assurer de la conformité et du caractère satisfactoire,

- la dépose des mesures de sécurité qui avaient été établies, sans avis judiciaire,

- les travaux consisteraient en un cloutage du talus, les clous empiétant de manière évidente sur le tréfonds de l'ASL sans qu'une assemblée générale ne l'ait autorisé et sans que le président M. [P] n'ait validé les travaux,

- le risque réel de démolition pour mettre en 'uvre des techniques constructives qui n'utiliseraient que le fonds des époux [X].

Dans la mesure où l'ASL est tiers à l'acte de vente et qu'aucune obligation légale ne pèse sur elle, ce courrier particulièrement alarmant constitue une immixtion fautive dans les affaires de M. et Mme [X], imputable à l'ASL.

Ainsi, deux fautes sont caractérisées : des actes malveillants de M. [P] en août 2015 et une immixtion fautive de l'ASL dans la vente notariée en cours en février 2016, de la villa de M. et Mme [X].

M. et Mme [X] qui invoquent plusieurs préjudices d'un montant total de 1 415 275,20 euros, justifient avoir donné mandat non exclusif de vente de leur maison depuis octobre 2014 au prix de 1 430 000 euros honoraires d'agence inclus, qu'ils ont signé un compromis de vente au prix de 1 180 000 euros le 30 novembre 2015 avec M. [L] [U], lequel a finalement fait savoir par courriel du 11 avril 2016 : « On est désolé mais on a trouvé une autre maison ».

Par la suite des mandats de vente ont été signés en juin 2016 pour un prix de 1 230 000 euros, diminué à 990 000 euros en février 2019.

Entre temps, M. et Mme [X] ont déposé un dossier de surendettement en novembre 2016, déclaré recevable par jugement du juge du tribunal d'instance de Fréjus du 30 novembre 2017. Ils ont bénéficié de mesures imposées par la commission de surendettement des particuliers du Var, le 19 septembre 2018, avec effet à compter du 31 octobre 2018, s'agissant d'un moratoire de vingt-quatre mois pour vendre leur bien immobilier, leur passif étant évalué à 1 763 406,39 euros.

Dans le même temps, ils ont fait l'objet d'une procédure de saisie immobilière initiée par la société Crédit agricole en mars 2017, ce qui a abouti, après un jugement de suspension de la procédure de saisie immobilière du 6 avril 2018 compte tenu de la recevabilité à la procédure de surendettement, à un jugement du 18 décembre 2020 du juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Draguignan, constatant la vente amiable le 15 septembre 2020 au prix de 725 000 euros.

Il ressort des propres déclarations de M. et Mme [X], même si le compromis de vente versé aux débats n'est pas complet (manquent toutes les pages paires) que M. [L] [U] était parfaitement avisé du contentieux avec l'ASL au sujet de l'effondrement du talus et des travaux que M. et Mme [X] s'engageaient à prendre en charge pour conforter le talus, s'agissant d'ailleurs d'une condition suspensive de réalisation de la vente. Enfin, le projet d'acte de vente produit prévoit une convention de séquestre de la somme de 75 000 euros sur le prix de vente pour garantir l'extinction de la procédure intentée contre M. et Mme [X] par l'ASL.

En considération de ces éléments et en l'état du courriel émanant de M. [L] [U] pour renoncer à l'achat le 11 avril 2016, il n'est pas démontré qu'il n'a pas contracté, en raison des mails anonymes de M. [P] en août 2015 et de l'immixtion fautive de l'ASL en février 2016.

Il n'est pas non plus prouvé que les mails anonymes de M. [P] ont été la cause de la diminution de la valeur du bien sur le marché immobilier, en l'état de la seule production des mandats de vente antérieurs au compromis de vente signé, à un prix supérieur.

M. et Mme [X] qui échouent à démontrer le lien de causalité entre les fautes établies et l'échec de la vente de leur villa au prix espéré initialement de 1 430 000 euros, seront donc déboutés de leur demande au titre :

- des frais de prise et de mainlevée de 4 300 euros au titre des hypothèques consenties à la société Sol provençal qui a réalisé les travaux en décembre 2015 et à M. et Mme [C] qui leur ont prêté des fonds en octobre 2016,

- des engagements complémentaires souscrits par eux et de l'évolution des créances hypothécaires, pour 336 599,20 euros,

- de la perte sur les locations saisonnières de 19 376 euros,

- de la perte de la valeur du bien de 555 000 euros.

En revanche, ces fautes ont causé un préjudice moral, dont M. et Mme [X] sollicitent l'indemnisation à hauteur de 500 000 euros, en arguant de problèmes de santé et de l'impossibilité dans laquelle ils se sont trouvés d'investir la plus-value attendue de la vente de leur bien immobilier dans le démarrage de la nouvelle activité de M. [X] dans le fonds d'investissement Melody dont le rendement attendu était très important de l'ordre de six millions d'euros.

Or, il ressort des développements ci-dessus que n'est pas démontré le lien de causalité entre les fautes retenues et l'échec de la vente avec M. [L] [U].

En considération de l'ensemble de ces éléments, le préjudice moral représenté par les soucis causés par l'immixtion malveillante de l'ASL et de M. [P], ce dernier ayant pris l'initiative d'émettre des mails anonymes, sera indemnisé à hauteur de la somme de 5 000 euros.

Selon les dispositions de l'article 1310 du code civil, la solidarité est légale ou conventionnelle; elle ne se présume pas.

La jurisprudence admet la solidarité entre les coresponsables d'un même dommage, en qualifiant la condamnation d'in solidum.

L'ASL et M. [P] ayant contribué à l'entier dommage de M. et Mme [X], seront donc condamnés in solidum à verser à M. et Mme [X], la somme de 5 000 euros en réparation de leur préjudice moral.

Le jugement appelé sera donc infirmé sur ce point.

Sur la demande reconventionnelle de dommages et intérêts

Il est constant que l'exercice d'une action en justice constitue un droit, qui ne peut dégénérer un abus que s'il est démontré une volonté de nuire de la partie adverse ou sa mauvaise foi ou une erreur ou négligence blâmable équipollente au dol, ce qui suppose de rapporter la preuve de ce type de faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre les deux, dans les conditions prévues par l'article 1382 devenu 1240 du code civil.

Compte tenu de la solution du litige, l'ASL et M. [P] seront déboutés de leur demande reconventionnelle respective, de dommages et intérêts et le jugement appelé confirmé sur ce point.

Sur les demandes accessoires

En application des articles 696 à 700 du code de procédure civile et au regard de la solution du litige, il convient d'infirmer le jugement sur les dépens et les frais irrépétibles.

L'ASL et M. [P] seront condamnés ensemble aux dépens de première instance et d'appel, avec distraction au profit du conseil des appelants, qui le réclame.

Ils seront également condamnés ensemble aux frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement appelé en ce qu'il a :

- débouté M. [K] [X] et Mme [G] [C] épouse [X] de l'ensemble de leurs demandes,

- condamné M. [K] [X] et Mme [G] [C] épouse [X] in solidum à payer la somme de 2 000 euros à l'ASL [Adresse 4] et celle de 2 000 à M. [Y] [P] au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [K] [X] et Mme [G] [C] épouse [X] in solidum aux dépens avec distraction au profit de la SELAS cabinet Pothet ;

Le confirme sur le surplus ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Condamne in solidum l'ASL [Adresse 4] et M. [Y] [P] à verser à M. [K] [X] et Mme [G] [C] épouse [X] la somme de 5 000 euros (cinq mille euros), en réparation de leur préjudice moral ;

Condamne l'ASL [Adresse 4] et M. [Y] [P] aux dépens de première instance et d'appel, avec distraction au profit de Me Ordronneau ;

Condamne l'ASL [Adresse 4] et M. [Y] [P] à payer à M. [K] [X] et Mme [G] [C] épouse [X] la somme de 6 000 euros (six mille euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier Le conseiller pour le président empêché


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-5
Numéro d'arrêt : 20/02137
Date de la décision : 09/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-09;20.02137 ?
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