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09/03/2023 | FRANCE | N°19/16260

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-5, 09 mars 2023, 19/16260


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5



ARRÊT AU FOND

DU 09 MARS 2023

oa

N° 2023/ 95













Rôle N° RG 19/16260 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BFBQH







[Y] [P]

[N] [X] épouse [P]

[L] [X]





C/



[T] [V] épouse [W]





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :



SCP BUVAT-TEBIEL



SELARL VALENTINI & PAOLETTI











Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 03 Septembre 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 17/01954.





APPELANTS



Monsieur [Y] [P]

demeurant [Adresse 1]



représenté par la SCP BUVAT-TEBIEL, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVE...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5

ARRÊT AU FOND

DU 09 MARS 2023

oa

N° 2023/ 95

Rôle N° RG 19/16260 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BFBQH

[Y] [P]

[N] [X] épouse [P]

[L] [X]

C/

[T] [V] épouse [W]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

SCP BUVAT-TEBIEL

SELARL VALENTINI & PAOLETTI

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 03 Septembre 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 17/01954.

APPELANTS

Monsieur [Y] [P]

demeurant [Adresse 1]

représenté par la SCP BUVAT-TEBIEL, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assisté de Me Alain BERDAH, avocat au barreau de NICE, plaidant

Madame [N] [X] épouse [P]

demeurant [Adresse 1]

représentée par la SCP BUVAT-TEBIEL, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assisté de Me Alain BERDAH, avocat au barreau de NICE, plaidant

Madame [L] [X]

demeurant [Adresse 1]

représentée par la SCP BUVAT-TEBIEL, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assisté de Me Alain BERDAH, avocat au barreau de NICE, plaidant

INTIMEE

Madame [T] [V] épouse [W]

demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Walter VALENTINI de la SELARL VALENTINI & PAOLETTI, avocat au barreau de GRASSE, plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 10 Janvier 2023 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Monsieur Olivier ABRAM, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Laetitia VIGNON, Conseiller, faisant fonction de président de chambre

Madame Patricia HOARAU, Conseiller

Monsieur Olivier ABRAM, Vice Président placé

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 09 Mars 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 09 Mars 2023,

Signé par Madame Laetitia VIGNON, Conseiller faisant fonction de président de chambre et Madame Danielle PANDOLFI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE:

[Y] [P], [N] [X] épouse [P] et [L] [X] sont copropriétaires d'une maison d'habitation dénommée [Adresse 1] édifiée sur un fonds sis [Adresse 1] à [Localité 3], contigu au fonds sur lequel la maison d'habitation dont [T] [V] épouse [W] est édifiée, et qui est situé dans l'ensemble immobilier dénommé [Adresse 2];

Par exploit d'huissier en date du 11 avril 2017, [Y] [P], [N] [X] épouse [P] et [L] [X] ont fait assigner [T] [V] épouse [W] devant le Tribunal de Grande Instance de GRASSE afin d'obtenir de :

ENTENDRE dire et juger que certaines constructions édifiées par Madame [V] ont été réalisées en violation du permis de construire du plan d'occupation des sols de la Commune de [Localité 3] et du règlement du lotissement de l'ensemble immobilier [Adresse 2];

ENTENDRE en conséquence ordonner la démolition de ces constructions sous astreinte de 200€ par jour de retard à compter de la signification du Jugement à intervenir;

SUBSIDIAIREMENT

DIRE ET JUGER que ces constructions irrégulières sont constitutives d'un trouble anormal de voisinage et en ordonner en conséquence la démolition sous astreinte de 200 € par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir;

ENTENDRE en tous les cas Madame [V] condamner à réparer le préjudice subi par les requérants, lequel préjudice ne saurait être évalué à moins de 260 000 €;

ENTENDRE Madame [V] condamner à payer aux requérants les sommes de 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et de 10 000 € sur le fondement de l'article 700 du CPC;

ENTENDRE Madame [V] condamner aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître BAGARRI Avocat aux offres de droit;

Par jugement en date du 3 septembre 2019, le Tribunal de Grande Instance de GRASSE, notamment, déclarait irrecevables et prescrites les demandes de [N] [X] épouse [P], [Y] [P] et [L] [X], et les condamnait in solidum à enlever l'ensemble des plantations et objets débordant sur la propriété de [T] [V] épouse [W] sous astreinte, et à lui payer la somme de 2 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive;

Par déclaration en date du 21 octobre 2019, [N] [X] épouse [P], [Y] [P] et [L] [X] ont relevé appel de cette décision;

Par conclusions notifiées par voie électronique le 19 décembre 2022, [Y] [P], [N] [X] épouse [P] et [L] [X] sollicitent de :

JUGER recevable l'appel interjeté par les Consorts [P],

Au fond, le dire justifié,

INFIRMER en conséquence la décision entreprise en ce qu'elle a :

- déclaré prescrites et irrecevables toutes les demandes des Consorts [P],

- condamné les consorts [P] à enlever sous astreinte l'ensemble des plantations et objets débordant sur la propriété de Mme [V] et endommageant la clôture mitoyenne,

- condamné les consorts [P] à payer 2 000 € à Mme [V] à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et 3 500 € sur le fondement de l'article 700 du CPC,

- condamné les Consorts [P] aux dépens de l'instance,

Et statuant à nouveau et faisant ce que les premiers juges auraient dû faire,

JUGER que les constructions édifiées par Madame [V] ont été réalisées en violation du permis de construire, du plan d'occupation des sols de la commune de [Localité 3] et du règlement du lotissement de l'ensemble immobilier [Adresse 2],

ORDONNER la démolition de ces constructions sous astreinte de 200 € par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,

Subsidiairement,

JUGER que ces constructions irrégulières sont constitutives d'un trouble anormal de voisinage et en ordonner en conséquence la démolition sous astreinte de 200 € par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,

CONDAMNER en tous les cas Madame [V] à réparer le préjudice subi par les consorts [P], lequel préjudice ne saurait être évalué à moins de 300 000 €,

CONDAMNER Madame [V] à payer aux consorts [P] la somme de 10 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

CONDAMNER Madame [V] aux entiers dépens tant de première instance que d'appel;

Ils exposent que la maison construite par [T] [V] épouse [W] contrevient au permis de construire accordé le 17 juin 1987, au POS de [Localité 3] et au règlement du lotissement [Adresse 2], ce dont il résulte une perte d'ensoleillement et de vue, et des créations de vues illégales sur leur fonds, alors en outre que la démolition des caniveaux a engendré une humidité et des inondations chroniques et que la création de plusieurs logements au lieu d'un seul autorisé a entrainé de nouvelles nuisances;

Ils précisent que leur action n'est pas prescrite puisqu'elle succède à une première cause introduite le 20 février 2001, qui a pris fin le 26 juin 2008, et a le même but que celle aujourd'hui en cours, alors par ailleurs que le Tribunal Administratif de NICE a annulé le certificat de conformité en date du 18 octobre 1991, ce qui a eu pour effet de faire repartir un nouveau délai de prescription;

Ils soulignent que leur action n'est pas irrecevable comme atteinte par l'autorité de la chose jugée, car ils n'ont jamais formulé la demande tranchée par la Cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE en date du 26 juin 2008, alors en toute hypothèse que la raison de l'irrecevabilité en cause a entre temps disparu compte tenu de l'annulation du certificat de conformité;

Ils ajoutent que les demandes à leur encontre sont fondées sur des textes non applicables aux faits de l'espèce, et sont injustifiées;

Par conclusions notifiées par voie électronique le 9 décembre 2022, [T] [V] sollicite de :

Vu l'article L 480-13 du Code de 1'Urbanisme,

Vu les jugements et arrêts cités dans les présentes conclusions et les pièces communiquées de part et d'autre,

Vu les articles 480, 500 du Code de Procédure Civile,

Vu les articles 2219 et suivants du Code Civil,

Vu les articles 671-672 du Code Civil,

Vu la théorie du trouble anormal de voisinage,

Vu les articles 548 et suivants, 909 et suivants du Code de Procédure Civile,

Vu les articles 1382 ancien et suivants du code civil, 1240 nouveaux et suivants du code civil, 32.1 du Code de Procédure Civile,

DEBOUTER les consorts [Y] et [N] [P], et [L] [X] de l'ensemble des causes de leur appel et en outre de leurs demandes fins et conclusions ;

CONFIRMER le Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 3 septembre 2019 en ce qu'il a :

DECLARE prescrites et irrecevables toutes les demandes de Monsieur [Y] [P], Madame [N] [X] épouse [P], Madame [L] [X],

Vu les articles 671 et suivants du Code Civil;

CONDAMNE in solidum Monsieur [Y] [P], Madame [N] [X] épouse [P], Madame [L] [X] à enlever, sous astreinte, l'ensemble des plantations et objets débordant sur la propriété de la concluante et endommageant la clôture mitoyenne, tels que visés en pages 3 et 4 du constat de la SCP NICOLAI PROST du 1er août 2017 et ce sous astreinte de 100 € par jour de retard à l'issue d'un délai de un mois à compter de la signification du présent jugement,

Vu l'article 1240 du code Civil,

CONDAMNE in solidum Monsieur [Y] [P], Madame [N] [X] épouse [P], Madame [L] [X] à verser à, [T] [V] épouse [W] une somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

CONDAMNE in solidum Monsieur [Y] [P], Madame [N] [X] épouse [P], Madame [L] [X] à verser à [T] [V] épouse [W] une somme de 3 500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

CONDAMNE in solidum Monsieur [Y] [P], Madame [N] [X] épouse [P], Madame [L] [X] aux entiers dépens de la présente procédure;

En tout état de cause, et si par impossible votre Cour devait réformer les dispositions du jugement dont appel en considérant que l'action des consorts [P]/[X] n'était affectée d'aucune prescription:

DEBOUTER en tout état de cause les consorts [Y] et [N] [P], [L] [X] de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions à l'endroit de Madame [T] [C] [V],

Et, statuant sur appel incident en tout état de cause ,

REFORMER les dispositions du Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE du 3 septembre 2019 en ce qu'il a :

DEBOUTE [T] [V] du surplus de ses demandes,

DEBOUTE Madame [T] [V] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive au-delà de la somme de 2 000 € lui ayant été allouée de ce chef et devant être considéré et confirmée comme un minimum,

Puis, statuant de nouveau :

CONDAMNER solidairement les consorts [Y] et [N] [P], et [L] [X] à payer à Madame [T] [C] [V] la somme de 5 000 € de dommages et intérêts résultant du préjudice subi du fait du non-respect des dispositions des articles 671 et 672 du Code Civile et du trouble de voisinage occasionné,

CONDAMNER solidairement les consorts [Y] et [N] [P], et [L] [X] à payer à Madame [T] [C] [V] la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et abus du droit d'agir en justice en application des dispositions des articles 32-1 du Code de Procédure Civile, 1382 du code civil ancien,

En tout état de cause,

CONDAMNER solidairement les consorts [Y] et [N] [P], et [L] [X] à payer à Madame [T] [C] [V] la somme de 10 000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile, outre les entiers dépens de l'instance distraits au profit de la SELARL VALENTINI & PAOLETTI, représentée par Maître Walter VALENTINI, Avocat sur ses offres de Droit;

Elle indique que les demandes à son encontre tendant à obtenir la remise en cause de constructions édifiées il y a plus de 31 ans sont prescrites, que ce soit au titre de la violation des règles d'urbanisme ou du trouble anormal de voisinage, ou irrecevables comme s'opposant à l'autorité de la chose jugée;

Au fond, elle s'oppose aux demandes à son encontre, l'installation des appelants étant postérieure à la réalisation des travaux querellés, et indique que les rapports et documents apportés au soutien des prétentions adverses sont incomplets et non contradictoires;

Elle développe ses propres préjudices, consécutifs à la présence de plantations et objets débordant sur sa propriété, et à la présente procédure, introduite abusivement;

L'ordonnance de clôture est intervenue le 27 décembre 2022;

SUR CE:

Sur les demandes des consorts [P] [X] relatives à l'irrégularité des constructions de [T] [V] épouse [W]:

Les appelants fondent leurs demandes sur l'article 1143 ancien du Code civil, devenu 1222 du même Code ;

Le premier disposait dans sa version antérieure au 1er octobre 2016 que le créancier a le droit de demander que ce qui aurait été fait par contravention à l'engagement soit détruit ; il peut se faire autoriser à le détruire aux dépens du débiteur, sans préjudice des dommages et intérêts s'il y a lieu ;

Le second dispose qu'après mise en demeure, le créancier peut, dans un délai et à un coût raisonnables, faire exécuter lui-même l'obligation ou, sur autorisation préalable du juge, détruire ce qui a été fait en violation de celle-ci; il peut demander au débiteur le remboursement des sommes engagées à cette fin; il peut aussi demander en justice que le débiteur avance les sommes nécessaires à cette exécution ou à cette destruction;

Comme l'a pertinemment retenu le premier juge, l'action tendant à obtenir la démolition d'ouvrages au visa de cet article est une action personnelle et mobilière;

Il en est de même de la demande tendant à obtenir l'allocation de dommages et intérêts compte tenu de la présence de tels ouvrages;

Ainsi, ces actions se prescrivaient par 10 ans à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation avant la loi du 17 juin 2008 par l'application de l'ancien article 2270-1 du Code civil, et se prescrivent aujourd'hui par 5 ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer par application de l'article 2224 du même Code;

Les consorts [P] [X] invoquent afin de justifier des violations dont ils se prévalent un rapport de visite de la DDE en date du 1er février 2002, un constat d'huissier du 26 juin 2004, le rapport d'expertise judiciaire de [K] [Z] déposé en l'état le 20 septembre 2004, et un courrier de [R] [A], géomètre-expert, en date du 31 janvier 2005;

Ils précisent que le point de départ de leur action et du délai de prescription doit être fixé au 10 juin 1991, date de la déclaration d'achèvement des travaux des constructions querellées (page 10 de leurs conclusions), et/ou au 18 octobre 1991, date du certificat de conformité (page 14 de leurs conclusions);

Dans ces conditions, et afin de rester dans les termes du débat qu'ils ont eux-mêmes fixés, il y a lieu de retenir que le point de départ de la prescription doit être arrêté au 10 juin 1991, date de l'achèvement des constructions, puisque c'est bien celles-ci qui sont à l'origine des violations dont ils se plaignent, non le 18 octobre 1991, date à laquelle le certificat de conformité a été délivré, celui-ci n'étant pas à l'origine des dommages dont ils se prévalent ici, pour ne constituer que la date à laquelle les constructions querellées ont été dites conformes au permis délivré;

Quoiqu'il en soit, il est constant que si en principe l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à une autre, il en est autrement lorsque les deux actions tendent à un même but, de sorte que la seconde est virtuellement comprise dans la première;

Les appelants se prévalent à ce titre de ce que l'assignation qu'ils ont fait délivrer le 20 février 2001 a interrompu la prescription en cause;

Cette assignation n'est produite par aucune des parties, et la seule mention qui y est relative figure dans l'arrêt consécutif en date du 26 juin 2008, selon lequel elle avait pour objet de mettre en conformité la villa avec le permis de construire;

De ce fait, il ne peut qu'être retenu que la prescription en cours a bien été interrompue par cet acte, la demande de mise en conformité de la construction querellée ayant le même but que les demandes dont nous sommes saisie, et qui ont justement pour objet la mise en conformité de la construction en cause par la démolition de ce qu'elle contient de non conforme;

Pour autant, par application de l'article 2243 du Code civil, l'interruption est non avenue si le demandeur se désiste de sa demande ou laisse périmer l'instance, ou si sa demande est définitivement rejetée;

Or, l'action introduite par l'assignation délivrée le 20 février 2001 a effectivement été définitivement rejetée par l'arrêt de la Cour de cassation en date du 6 octobre 2009, celle-ci n'ayant annulé l'arrêt en date du 26 juin 2008 qu'en ce qu'il avait confirmé la condamnation des consorts [P] [X] à payer une somme à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive pour un manque de motivation, disposition sans lien avec le rejet définitif des demandes initiales des appelants compte tenu de la prescription de leurs demandes au visa de l'article L 480-13 du Code l'urbanisme dans sa version alors applicable;

Par voie de conséquence, dès cet arrêt de la Cour de cassation, le rejet des demandes des appelants tendant à obtenir la mise en conformité de la construction en cause était définitif;

De cette sorte, l'interruption de la prescription résultant de l'assignation en date du 20 février 2001 est non avenue, et les présentes demandes se trouvent effectivement prescrites pour avoir été introduites plus de dix ans après le 10 juin 1991;

Compte tenu de ceci, les développements relatifs au fait que la Cour d'appel aurait statué au-delà de sa saisine sont indifférents, cela ne remettant pas en cause le caractère définitif du rejet en cause, alors en outre que la Cour de cassation a retenu au contraire sur ce point et pour valider l'arrêt querellé que l'application de ce texte avait été discutée par les parties, et que la Cour d'appel n'avait en conséquence pas statué au delà de sa saisine;

Il ne peut pas plus être soutenu que le jugement du Tribunal Administratif de MARSEILLE en date du 28 mai 2015 ait « ouvert » un nouveau délai de prescription;

En effet, celui-ci n'a fait qu'annuler le certificat de conformité de la construction en cause au permis, ce qui, comme il a été dit, n'est pas à l'origine des violations dont se plaignent les appelants, ce document ne constituant qu'une validation pour l'administration de l'état d'une construction vis-à-vis des dispositions d'urbanisme;

Par ailleurs, la prescription était échue au 28 mai 2015 depuis plus de 10 ans, et cette décision d'une juridiction d'un ordre différent intervenue entre d'autres parties à l'exception de [Y] [P] ne peut la faire revivre au delà de son terme;

Enfin, et au surplus, il y a lieu de rappeler les termes de l'alinéa premier de l'article 2232 du Code civil invoqués à juste titre par l'intimée, suivant lesquels le report du point de départ, la suspension ou l'interruption de la prescription ne peut avoir pour effet de porter le délai de la prescription extinctive au-delà de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit, que les appelants ont eux-mêmes fixé soit au 10 juin 1991 soit au 18 octobre 1991, c'est à dire bien plus de 20 ans avant ce jugement;

Cet ensemble justifie la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a retenu que la demande principale des consorts [P] [X] tendant à obtenir la démolition des constructions édifiées par [T] [V] épouse [W] comme leur demande subsidiaire tendant à obtenir l'allocation de dommages et intérêts du fait de ces constructions étaient irrecevables comme prescrites;

A titre surabondant, il sera simplement ajouté qu'à supposer retenue la date du certificat de conformité, ou encore celle de l'acte le plus tardif manifestant selon les appelants le dommage prétendument subi par eux (courrier du géomètre-expert en date du 31 janvier 2005), la solution serait la même;

Sur les demandes reconventionnelles de [T] [V] épouse [W]:

L'article 671 du Code civil dispose qu'il n'est permis d'avoir des arbres, arbrisseaux et arbustes près de la limite de la propriété voisine qu'à la distance prescrite par les règlements particuliers actuellement existants, ou par des usages constants et reconnus et, à défaut de règlements et usages, qu'à la distance de deux mètres de la ligne séparative des deux héritages pour les plantations dont la hauteur dépasse deux mètres, et à la distance d'un demi-mètre pour les autres plantations; les arbres, arbustes et arbrisseaux de toute espèce peuvent être plantés en espaliers, de chaque côté du mur séparatif, sans que l'on soit tenu d'observer aucune distance, mais ils ne pourront dépasser la crête du mur; si le mur n'est pas mitoyen, le propriétaire seul a le droit d'y appuyer les espaliers;

L'article suivant ajoute que le voisin peut exiger que les arbres, arbrisseaux et arbustes, plantés à une distance moindre que la distance légale, soient arrachés ou réduits à la hauteur déterminée dans l'article précédent, à moins qu'il n'y ait titre, destination du père de famille ou prescription trentenaire; si les arbres meurent ou s'ils sont coupés ou arrachés, le voisin ne peut les remplacer qu'en observant les distances légales;

Il est en outre constant que nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage;

[T] [V] épouse [W] invoque ces dispositions pour solliciter la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a condamné les consorts [P] [X] à enlever l'ensemble des plantations et objets débordant sur son fonds et endommageant la clôture mitoyenne sous astreinte, et son infirmation en ce qu'il a rejeté sa demande élevée à ce titre afin d'obtenir l'allocation de dommages et intérêts;

L'examen du constat d'huissier en date du 1er août 2017 permet d'établir que des déblais, des tuyaux, et des tuiles étaient stockés directement contre un grillage, et que des végétaux plantés sur le fonds [P] [X] débordaient sur le fonds voisin;

Quant aux déblais, tuyaux, et tuiles, ces éléments ne constituent pas des arbres ou arbrisseaux, de sorte que les articles invoqués ne peuvent venir au soutien des demandes à ce titre;

Par ailleurs, l'intimée ne conteste pas que ce grillage ne lui appartient pas et est implanté à l'intérieur du fonds [P] [X], ni n'établit que ces objets débordent sur son fonds, dont rien ne permet de connaître avec exactitude la distance par rapport à ce grillage;

Il n'est donc pas établi la preuve d'un débordement;

En outre, les photographies du constat, dont il n'est produit que des reproductions en noir et blanc, ne permettent pas d'établir que la simple présence de ces remblais, tuiles et tuyaux constitue un trouble anormal de voisinage, en l'absence de mesure de leur importance, et de certitude sur la distance entre, d'une part, l'habitation de l'intimée, et, surtout, ses vues, et, d'autre part, ces éléments contre ce grillage en ce qu'ils ont de disgracieux;

Quant aux plantations et au figuier, il n'est pas établi qu'ils soient plantés à moins de 50 cm de la limite séparative que rien ne permet de connaître avec certitude, ni, si tel est le cas, qu'ils dépassent deux mètres;

D'autre part, rien ne vient étayer l'allégation selon laquelle ils constitueraient un trouble anormal de voisinage en l'absence de tous développements sur ce point;

Par voie de conséquence, les demandes à ce titre seront rejetées, et le jugement entrepris réformé en conséquence;

Sur les autres demandes:

Il ne résulte pas des faits de la cause que les consorts [P] [X] aient abusé de leur droit d'agir en justice en utilisant les voies de droit que la loi leur offre pour défendre les positions qui leur semblent justes, la seule circonstance que leurs prétentions sont irrecevables étant insuffisante, alors que le fait que les parties s'opposent en justice régulièrement ne permet pas d'en déduire un acharnement constitutif d'un abus, les procédures apparaissant avoir été menées pour certaines à l'initiative de l'intimée, les appelants se trouvant ainsi fondés à se défendre;

La demande à ce titre sera donc rejetée et le jugement entrepris réformé en conséquence;

Les consorts [P] [X], qui succombent, supporteront les dépens d'appel;

L'équité et la situation économique des parties justifient qu'ils soient condamnés à payer à [T] [V] épouse [W] la somme de 5 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile;

PAR CES MOTIFS:

La Cour, statuant contradictoirement, par arrêt mis à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu'il a condamné in solidum [Y] [P], [N] [X] épouse [P] et [L] [X] à enlever l'ensemble des plantations et objets débordant sur la propriété de [T] [V] épouse [W] sous astreinte de 100 € par jour de retard à l'issue du délai d'un mois à compter de sa signification, et en ce qu'il a condamné in solidum [Y] [P], [N] [X] épouse [P] et [L] [X] à payer à [T] [V] épouse [W] la somme de 2 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive;

STATUANT A NOUVEAU sur ces points:

REJETTE les demandes de [T] [V] épouse [W] au titre des plantations et objets débordant;

REJETTE la demande de [T] [V] épouse [W] au titre de l'abus du droit d'agir en justice;

Y AJOUTANT:

CONDAMNE in solidum [Y] [P], [N] [X] épouse [P] et [L] [X] à payer à [T] [V] épouse [W] la somme de 5 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile;

CONDAMNE in solidum [Y] [P], [N] [X] épouse [P] et [L] [X] aux dépens d'appel, distraits au profit de la SELARL VALENTINI & PAOLETTI;

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-5
Numéro d'arrêt : 19/16260
Date de la décision : 09/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-09;19.16260 ?
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