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28/02/2023 | FRANCE | N°22/09930

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-5, 28 février 2023, 22/09930


COUR D'APPEL

D'AIX-EN-PROVENCE

[Adresse 2]

[Localité 1]









Chambre 1-5

N° RG 22/09930 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJXDH

Ordonnance n° 2023/MEE/71





M. [R] [Z]

Représenté par Me Denis DEL RIO, avocat au barreau de NICE



Appelant





M. [D], [N] [B]

Représenté par Me Gilles BROCA, avocat au barreau de NICE



Intimé







ORDONNANCE D'INCIDENT







Nous, Patricia HOARAU, magistrat de la mis

e en état de la Chambre 1-5 de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, assistée de Priscilla BOSIO, Greffier,



Après débats à l'audience du 24 Janvier 2023, ayant indiqué à cette occasion aux parties que l'incident était mis en délibéré et...

COUR D'APPEL

D'AIX-EN-PROVENCE

[Adresse 2]

[Localité 1]

Chambre 1-5

N° RG 22/09930 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJXDH

Ordonnance n° 2023/MEE/71

M. [R] [Z]

Représenté par Me Denis DEL RIO, avocat au barreau de NICE

Appelant

M. [D], [N] [B]

Représenté par Me Gilles BROCA, avocat au barreau de NICE

Intimé

ORDONNANCE D'INCIDENT

Nous, Patricia HOARAU, magistrat de la mise en état de la Chambre 1-5 de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, assistée de Priscilla BOSIO, Greffier,

Après débats à l'audience du 24 Janvier 2023, ayant indiqué à cette occasion aux parties que l'incident était mis en délibéré et que la décision serait rendue le 28 Février 2023, à cette date avons rendu l'ordonnance suivante :

EXPOSE DE L'INCIDENT

M. [R] [Z] a par déclaration d'appel du 26 janvier 2022, interjeté appel du jugement rendu par le tribunal judiciaire de Grasse le 7 juin 2022, qui a statué ainsi :

« - CONDAMNE Monsieur [R] [Z] à procéder dans le délai de QUATRE MOIS à compter de la signification de la présente décision aux travaux suivants :

- procéder à l'enlèvement des ouvrages exécutés par Monsieur [R] [Z] sur la propriété de Monsieur [D] [N] [B], à savoir:

- la partie de la plage de la piscine construite sur la propriété de Monsieur [D] [N] [B];

- les faux rochers en résine implantés notamment contre le talus, sous la plage piscine est sur le parking de Monsieur [D] [N] [B];

- la partie du mur végétalisé en falaise construite sur la propriété de Monsieur [D] [N] [B];

- Tels que les ouvrages sont décrits et limités par Monsieur [K] aux termes de son rapport d'expertise en date du 26 février 2020 et notamment en pages 19 à 21 de ce dernier et ce en mettant en 'uvre les préconisations de l'expert spécifiées en page 21 de son rapport, à savoir:

- Installation de chantier;

- Étude de stabilité;

- Mise en place des protections de chantier ; -1-

- Démolition et évacuation par grattage de la plage piscine (partie en dehors de la propriété [Z];

- Réalisation de petits ouvrages de stabilisation des pentes ;

- Fourniture et pose d'enrochement (approvisionnement par grattage);

- Fourniture et mise en place de terre végétale y compris dispositifs anti-érosion (approvisionnement par grattage);

- Plantations diverses ;

- Le tout sous le contrôle d'un maître d''uvre aux frais de Monsieur [Z].

- DIT que faute Monsieur [R] [Z] pour d'avoir déféré à cette obligation, il sera, passé ce délai de QUATRE MOIS à compter de la signification de la présente décision, CONDAMNE à une astreinte provisoire de 30 euros par jour de retard et ce pendant un délai de QUATRE mois;

- DIT qu'à l'expiration de ce délai de QUATRE MOIS, à défaut d'exécution, il appartiendra à Monsieur [D] [N] [B] de solliciter du Juge de l'exécution la liquidation de cette astreinte provisoire ;

- DÉBOUTE Monsieur [R] [Z] de l'intégralité de ses demandes reconventionnelles ;

- DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes ;

- CONDAMNE Monsieur [R] [Z] à payer à Monsieur [D] [N] [B] la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- CONDAMNE Monsieur [R] [Z] aux entiers dépens de l'instance, en ce compris les frais de l'expertise [K];

- ORDONNE l'exécution provisoire. »

Par conclusions d'incident déposées et notifiées par le RPVA le 10 octobre 2022, M. [B] demande au conseiller de mise en état au visa des articles 907 et 789 alinéa 6 du code de procédure civile, et 2224 du code civil :

- de dire que M. [Z] est prescrit dans son action visant à voir :

- condamner M. [B] au paiement de la somme de 30 000 euros correspondant à une juste contribution pour les frais entièrement engagés par M. [Z] venant sécuriser et embellir l'ensemble de la paroi rocheuse,

- condamner M. [B] au paiement d'une somme journalière de 1 000 euros par jour de retard passé le délai d'un mois suivant la signification de la décision à venir, afin d'enlever le rocher provenant du fonds de M. [B] et immobilisé sur la propriété de M. [Z],

- de le déclarer irrecevable dans ses dites demandes,

- de condamner M. [Z] à lui verser une somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l'incident (article 699 du code de procédure civile).

Dans ses dernières conclusions d'incident déposées et notifiées par le RPVA le 20 janvier 2023, M. [B] qui maintient ses demandes, fait valoir en substance :

- que cette fin de non-recevoir relève de la compétence du conseiller de la mise en état, dès lors que le premier juge n'a pas statué sur cette fin de non-recevoir et a débouté M. [Z] de ses demandes au motifs que celui-ci ne rapportait pas la preuve de ses allégations ni ne précisait le fondement de ses prétentions, que si l'exception de prescription devait être accueillie, elle ne remettrait pas en cause ce qui a été jugé en première instance,

- que ces demandes ont été formées pour la première fois par conclusions signifiées le 17 mai 2021, alors que les travaux de sécurisation ont été exécutés et payés entre avril 2011 et mars 2012, et le détachement du rocher le 27 juillet 2015,

- que les moyens tirés de l'absence de nouveauté de la demande en cause d'appel, de l'absence d'invocation de cette fin de non-recevoir en première instance, sont inopérants,

- que les opérations d'expertise n'ont pas pu suspendre le délai de prescription, dès lors que cette expertise ne porte nullement sur l'action en répétition de l'indu que M.[Z] a cru pouvoir engager contre lui,

- qu'il importe peu que le rocher soit toujours présent sur le fonds de M. [Z].

Par conclusions d'incident déposées et notifiées par le RPVA le 19 janvier 2023, M. [Z] demande au conseiller de la mise en état : -2-

- de débouter M. [B] de ses demandes,

- de condamner M. [B] à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

M. [Z] soutient :

- que sa demande présentée en première instance, n'est pas nouvelle,

- que la prescription de cette demande n'a pas été évoquée en première instance et ne peut découler que de l'issue du rapport d'expertise, permettant de définir le volume des travaux de confortement et de sécurisation du site financés par lui au profit du fonds de M. [B],

- que le rocher est toujours présent sur sa propriété, si bien que la prescription ne peut être opposée, même si le détachement de celui-ci daterait du 27 juillet 2015.

MOTIFS

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription de demandes de M. [Z]

Selon les dispositions de l'article 789 6° et son dernier alinéa, applicable aux instances introduites à compter du 1er janvier 2020, sur renvoi de l'article 907 du code de procédure civile, « Lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le conseiller de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation de la cour, pour statuer sur les fins de non-recevoir. Les parties ne sont plus recevables à soulever ces fins de non-recevoir au cours de la même instance à moins qu'elles ne surviennent ou soient révélées postérieurement au dessaisissement du juge de la mise en état. »

Aux termes des articles 122 à 124 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée. Les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause, à moins qu'il en soit disposé autrement et sauf la possibilité pour le juge de condamner à des dommages-intérêts ceux qui se seraient abstenus, dans une intention dilatoire, de les soulever plus tôt. Les fins de non-recevoir doivent être accueillies sans que celui qui les invoque ait à justifier d'un grief et alors même que l'irrecevabilité ne résulterait d'aucune disposition expresse.

L'article 2224 du code civil énonce que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

L'article 2239 du code civil précise que la prescription est suspendue lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d'instruction présentée avant tout procès, le délai recommençant à courir pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois à compter du jour où la mesure a été exécutée.

La suspension de la prescription en arrête temporairement le cours sans effacer le délai déjà couru en application de l'article 2230 du code civil.

En l'espèce, M. [B] soulève la prescription de deux chefs de demande reconventionnelle de M. [Z], la prescription étant expressément visée parmi les fins de non-recevoir pouvant être soulevées en tout état de cause.

Il est constant que le conseiller de la mise en état ne peut connaître ni des fins de non-recevoir qui ont été tranchées par le juge de la mise en état ou par le tribunal, ni de celles qui bien que n'ayant pas été tranchées en première instance, auraient pour conséquence, si elles étaient accueillies, de remettre en cause ce qui a été jugé au fond par le premier juge, touchant en cela à l'effet dévolutif de l'appel.

-3-

En l'espèce, le premier juge a débouté M. [Z] de ces mêmes demandes au motif que M. [Z] n'exposait aucun fondement juridique à la demande de paiement de la somme de 30 000 euros,

ni ne démontrait l'existence, la situation du rocher, ni son origine du fonds de M. [B], sans se prononcer sur la prescription de ces demandes, bien que celle-ci ait été soulevée par M. [B].

Ainsi le fait de statuer sur la prescription n'est pas susceptible de remettre en cause le débouté de ces demandes en première instance.

Sur la demande concernant les travaux

Il ressort des pièces de la procédure que par jugement mixte du 18 novembre 2016 le tribunal de grande instance de Grasse a notamment dit que l'empiètement sur la paroi rocheuse appartenant à M. [B] surplombant la propriété de M. [Z] est établi, constaté que les travaux réalisés par M. [Z] sur les parois rocheuses l'ont été dans un impératif de sécurité, dit que la remise en état et la suppression des ouvrages construits sur le sol de M. [B] par M. [Z] sera ordonnée, préalablement ordonné une mesure d'expertise judiciaire aux fins de :

« - décrire l'état préexistant avant les travaux litigieux par M. [Z],

- déterminer les ouvrages réalisés par M. [Z] sur le terrain de M. [B],

- déterminer les travaux nécessaires à la remise en état antérieure '

- faire toutes observations utiles sur les travaux litigieux et les travaux nécessaires à la remise en état antérieure. »

Ainsi, l'expertise judiciaire n'avait pas pour objet de fournir les éléments d'appréciation pour dire si les travaux réalisés par M. [Z] sur la propriété de M. [B] étaient nécessaires pour la sécurisation de la falaise et ne peut avoir aucun effet suspensif de la prescription.

L'expert judiciaire conclut son rapport daté du 26 février 2020, en ces termes, après avoir pris connaissance des devis et marchés pour les études et les travaux, mis en 'uvre par M. [Z] de janvier 2011 à juillet 2011, puis novembre 2012 pour les aménagements paysagers : « M. [Z] a fait réaliser des travaux de confortement de la falaise et des talus selon les préconisations techniques effectuées par le bureau d'étude Sol-Essais. Ces travaux ont été réalisés par l'entreprise Fulop. Ils ont été complétés par des travaux de réalisation de fascines, murs végétalisés et de faux rochers sous la direction d'une maîtrise d''uvre paysagère. '. Ces réalisations ont été réalisés en partie sur la partie limitrophe appartenant à M. [B] empiétant donc sur cette dernière. Ces travaux ont consisté en des travaux de sécurisation des masses rocheuses instables, permettant la mise en sécurité de la falaise, '. ».

L'expertise permet de dater les travaux litigieux terminés en juillet 2011 sur la falaise, confirme leur nécessité pour sécuriser la falaise déjà constatée dans le jugement mixte du 18 novembre 2016, qui a également retenu l'empiètement qui ressortait :

- d'un courrier du conseil de M. [Z] du 8 janvier 2013,

- du jugement du tribunal d'instance de Cagnes-sur-Mer du 4 décembre 2012 (et non 2002), qui a donné force exécutoire au protocole d'accord signé entre les parties le 19 septembre 2012, renvoyant au plan de bornage proposé par M. [C].

Il s'agit des travaux au titre desquels M. [Z] réclame une indemnisation dans ses conclusions déposées devant le tribunal judiciaire de Grasse le 17 mai 2021.

Au regard de la finalisation de ces travaux de sécurisation de la falaise en juillet 2011 et de la connaissance de leur réalisation sur la partie de falaise propriété de M. [B] au plus tard au 4 décembre 2012, M. [Z] est prescrit à solliciter une indemnisation au titre de ces travaux à M. [B] au 17 mai 2021, plus de huit ans après.

-4-

Sur la demande au titre du rocher

Il s'agit de la demande d'enlèvement sous astreinte, du rocher dont M. [Z] déclare qu'il est toujours présent sur sa propriété, si bien que la prescription ne peut être opposée, même si le détachement de celui-ci daterait du 27 juillet 2015.

Aucune pièce n'est produite à ce sujet.

Au regard de la date à laquelle M. [Z] a connu le détachement du rocher lui permettant d'exercer son action, il est prescrit à solliciter l'enlèvement du rocher à M. [B], plus de cinq ans après.

Sur les demandes accessoires

Au regard de la solution donnée à cet incident, il convient de condamner M. [Z] aux dépens de celui-ci avec distraction au profit de son conseil qui le réclame, ainsi qu'aux frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

Déclarons M. [R] [Z] irrecevable car prescrit en ses demandes visant à voir :

- condamner M. [D] [B] au paiement de la somme de 30 000 euros correspondant à une juste contribution pour les frais entièrement engagés par lui venant sécuriser et embellir l'ensemble de la paroi rocheuse,

- condamner M. [D] [B] au paiement d'une somme journalière de 1 000 euros par jour de retard passé le délai d'un mois suivant la signification de la décision à venir, afin d'enlever le rocher provenant du fonds de M. [D] [B] et immobilisé sur sa propriété ;

Condamnons M. [R] [Z] aux dépens de l'incident, distraits au profit de Me Gilles Broca ;

Condamnons M. [R] [Z] à payer à M. [D] [B] la somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Fait à Aix-en-Provence, le 28 Février 2023

Le greffier Le magistrat de la mise en état

Copie délivrée aux avocats des parties ce jour.

Le greffier

-5-


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-5
Numéro d'arrêt : 22/09930
Date de la décision : 28/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-28;22.09930 ?
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