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28/02/2023 | FRANCE | N°20/07338

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 2-2, 28 février 2023, 20/07338


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 2-2



ARRÊT AU FOND

DU 28 FEVRIER 2023



N°2023/101











Rôle N° RG 20/07338 N° Portalis DBVB-V-B7E-

BGDUJ





[M] [B]



C/



PROCUREUR GENERAL

























Copie exécutoire délivrée

le :

à :



MINISTERE PUBLIC



Me Christine DIOP





Décision déférée à la Cour

:



Jugement du Tribunal de Grande Instance de Nice en date du 09 janvier 2020



APPELANT



Monsieur [M] [B]

né le 15 juin 1974 à [Localité 2] Comores

de nationalité française,

demeurant [Adresse 1]



représenté par Me Christine DIOP, avocat au barreau de NICE





INTIME



PROCUREUR GENERAL

comparant...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 2-2

ARRÊT AU FOND

DU 28 FEVRIER 2023

N°2023/101

Rôle N° RG 20/07338 N° Portalis DBVB-V-B7E-

BGDUJ

[M] [B]

C/

PROCUREUR GENERAL

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

MINISTERE PUBLIC

Me Christine DIOP

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de Nice en date du 09 janvier 2020

APPELANT

Monsieur [M] [B]

né le 15 juin 1974 à [Localité 2] Comores

de nationalité française,

demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Christine DIOP, avocat au barreau de NICE

INTIME

PROCUREUR GENERAL

comparant en la personne de Monsieur Thierry VILLARDO, Avocat général

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 janvier 2023, en chambre du conseil, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Marc BAÏSSUS, Président Rapporteur, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Jean-Marc BAÏSSUS, Président

Madame Michèle CUTAJAR, Conseiller

Madame Hélène PERRET, Conseiller

Greffier présent lors des débats : Madame Jessica FREITAS.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 28 février 2023.

MINISTERE PUBLIC :

Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 28 février 2023,

Signé par Monsieur Jean-Marc BAÏSSUS, Président et Madame Jessica FREITAS greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Vu lejugement du tribunal judiciaire de Marseille en date du 9 janvier 2000 qui a notamment:

- dit que la déclaration de nationalité française souscrite par M. [M] [B] le 3 décembre 2014 auprès du directeur de greffe du tribunal d'instance de Nice doit être considéré comme enregistrée de plein droit,

- déclaré recevable la demande reconventionnelle du ministère public,

- annulé la déclaration de nationalité française souscrite par M. [M] [B] le 3 décembre 2014 auprès du directeur de greffe du tribunal d'instance de Nice,

- dit que M. [M] [B] se disant né le 15 juin 1974 à [Localité 2] (Comores) n'est pas français,

- débouté M. [M] [B] de l'ensemble de ses demandes

- ordonné la mention prévue par l'article 28 du code civil, et

- condamné M. [M] [B] aux dépens.

Vu la déclaration d'appel du 3 août 2020 et les conclusions, notifiées en dernier lieu le 15 octobre 2000 par M. [M] [B], qui demande à la cour de:

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré recevable la demande reconventionnelle du Ministère Public, annulé la déclaration de nationalité française souscrite par [M] [B] le 3 décembre 2014 auprès du Directeur de Greffe du Tribunal d'Instance de Nice, dit que [M] [B] n'est pas français, et l'a débouté de ses demandes,

- constater que Monsieur [B] a accompli les formalités prévues à l'article 1043 du code de procédure civile,

- déclarer recevable l'appel de Monsieur [B],

- juger que le ministère public, demandeur reconventionnel en première instance, n'a pas déposé ses conclusions au Ministère de la Justice comme l'y oblige l'article 1043 du code de procédure civile et qu'ainsi il n'a pas été délivré de récépissé relatif auxdites conclusions,

- juger que la contestation de l'enregistrement de plein droit de la déclaration de nationalité par le Ministère Public, au motif que les conditions légales ne sont pas satisfaites, est intervenue par voie de conclusions déposées devant le Tribunal Judiciaire de Marseille le 25 avril 2019 soit bien après l'expiration du délai de deux ans à compter de l'enregistrement de plein droit de la déclaration de nationalité prévu à l'article 26-4 al. 2 du code civil,

- juger irrecevable la contestation de l'enregistrement de plein droit de la déclaration de nationalité de Monsieur [B] par le Ministère Public,

- ordonner la remise de la déclaration de nationalité revêtue de la mention de l'enregistrement à Monsieur [B] [M],

- ordonner que mention de sa nationalité française soit portée en marge de l'acte de naissance du requérant conformément à l'article 28 du code civil,

- condamner le Trésor Public à payer à M. [B] [M] la somme de 2.500 Euros par application des dispositions de l'article 700 du CPC, ainsi qu'aux entiers dépens.

Vu les conclusions du ministère public, notifiées le 28 décembre 2020, qui demande à la cour de:

- constater que le récépissé prévu par l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré,

- à titre principal, infirmer le jugement de première instance en ce qu'il a dit que M. [M] [B] était recevable en ses demandes et que la déclaration de nationalité française souscrite par ce dernier devait être considérée comme enregistrer de plein droit,

- subsidiairement, confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a dit que la demande reconventionnelle du ministère public était recevable et que M. [M] [B] n'est pas français,

- ordonner la mention prévue par 1'article 28 du code civil

La clôture des débats a été prononcée par ordonnance du 27 décembre 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la régularité de la procédure

Aux termes de l'article 1043, dans sa version applicable à l'instance du code de procédure civile, dans toutes les instances ou s'elève à titre principal ou incident une contestation sur la nationalité, une copie de l'assignation est déposée au ministère de la justice qui en délivre recépissé. En l'espèce, le respect de la condition de l'article 1043 du code de procédure civile a été constaté par ordonnance du 29 juin 2021, le récépissé ayant été délivré le 6 octobre 2020, ce dont le ministère public convient. La procédure est donc régulière.

M. [M] [B] se prévaut des dispositions de l'article 1043 précité, pour soutenir que le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Marseille se serait affranchi de son obligation de déposer ministère de la justice ses conclusions en date du 25 avril 2019, et que par conséquent il ne lui a pas été délivré récépissé du dépôt de ses conclusions.

Mais c'est à juste titre que les premiers juges ont considéré remplie l'obligation posée par l'article 1043 du code de procédure civile dès lors qu'a été déposée une copie de l'assignation introductive d'instance, informant le ministère de la justice de l'existence de la procédure. Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur la demande de délivrance d'un certificat de nationalité française

Aux termes de ses conclusions, M. [M] [B] sollicite notamment de la cour d'ordonner la délivrance d'un certificat de nationalité française.

La saisine de la cour aux fins d'action déclaratoire de nationalité française n'est pas subordonnée à une demande préalable de délivrance d'un certificat de nationalité francaise. La juridiction n'a par ailleurs pas le pouvoir d'en ordonner la délivrance.

La demande de M. [M] [B] tendant à voir ordonner la délivrance d'un certificat de nationalité française est donc irrecevable.

Dès lors, la cour statuera uniquement sur la demande, par ailleurs formée par M. [M] [B], de voir juger qu'il est de nationalité française, étant précisé qu'à supposer cette demande accueillie, la délivrance d'un certificat de nationalité française serait alors de droit.

Sur l'action déclaratoire de nationalité française

Sur le fond

1. Le ministère public soulève en premier lieu l'irrecevabilité des demandes de M. [M] [B].

Il rappelle que l'article 21-13 du Code civil prévoit que "peuvent réclamer la nationalité française par déclaration souscrite conformément aux articles 26 et suivants, les personnes qui ont joui, d'une façon constante, de la possession d'état de français, pendant les 10 années précédant la déclaration". Il fait valoir que M. [M] [B] a déposé le 10 novembre 2014 une requête intitulée "requête aux fins de constatation de la possession d'état d'enfant naturel devant le tribunal d'instance de Nice" aux fins de demander qu'ils soient constaté qu'il a joui de la possession d'état de français sur le fondement de l'article 21-13 du Code civil et, en cas de déchéance de la nationalité, de faire application de l'article 330 du Code civil.

Faisant valoir que la possession d'état constitue un mode autonome d'acquisition de la nationalité française, conformément à l'article 21-13 précité, le ministère public soutient que cette acquisition est subordonnée à la souscription préalable d'une déclaration, alors qu'il a été opposé par le directeur de greffe du tribunal d'instance de Nice un refus de délivrance de certificat de nationalité française le 16 décembre 2015.

Cependant, c'est par une argumentation dont la cour adopte les motifs que le tribunal a pu juger que le document litigieux, reçu le 3 décembre 2014, ne permet d'entretenir aucun doute sur la teneur de la démarche ce qu'il vise la reconnaissance de la nationalité française pour possession d'état et mentionné même précisément les dispositions de l'article 21-13 du code civil. Son intitulé, même maladroit "requête aux fins de constatation de la possession d'état d'enfant naturel devant le tribunal d'instance de Nice", fait ressortir l'argument central avancé de la possession d'état justificant l'acquisition de la nationalité française. C'est donc à juste titre que le premier juge a considéré que c'est bien une déclaration d'acquisition de la nationalité française qui a été souscrite par M. [M] [B], même si le greffier en chef du tribunal d'instance de Nice semble s'être mépris sur ce qui lui était demandé.

2. Le 16 décembre 2015, le greffier en chef du tribunal d'instance de Nice a informé M. [M] [B] qu'au vu des documents produits, sa demande de certificat de nationalité française devait lui être refusée.

Le ministère public soutient que, par application de l'article 26-3 du code civil, M. [M] [B] disposait d'un délai de six mois à compter de cette notification, soit jusqu'au 16 juin 2016, pour la contester devant le tribunal de grande instance. Mais ici encore, la cour suit les premiers juges pour considérer que la notification d'un refus de certificat de nationalité française effectué le 16 décembre 2015 ne s'analyse pas en un refus d'enregistrement d'une déclaration d'acquisition de cette nationalité, et que, par voie de conséquence, le délai de contestation n'a pu courir, tandis que, par ailleurs, la déclaration doit être considérée comme enregistrée par le seul effet du temps, faute de réponse adéquate à la déclaration.

La décision frappée d'appel sera donc confirmée en ce qu'elle a dit que la déclaration de nationalité française souscrite par M. [M] [B] le 3 décembre 2014 auprès du directeur de greffe du tribunal d'instance de Nice doit être considérée comme enregistrée de plein droit à l'expiration du délai de six mois prévu par l'article 26-3, 3ème alinéa, du code civil.

3. Le ministère public indique exercer au subsidiaire son action sur le fondement des dispositions de l'article 26-4 du Code civil qui lui imposent de contester l'enregistrement de la déclaration de nationalité française dans le délai de deux ans suivant la date à laquelle il a été effectué.

L'article 26-5 du code civil prévoit que les déclarations de nationalité, dès lors qu'elles ont été enregistrées, prennent effet à la date à laquelle elles ont été souscrites.

Le délai de six mois pour opposer un refus à la déclaration de nationalité souscrite par M. [M] [B] n'a pu courir qu'à compter de la date où ce dernier a soumis toutes les pièces qui lui étaient demandées, soit la date de réception de son dernier courrier portant communication de pièces, le 28 juillet 2015. Ce délai expirait donc le 28 janvier 2016, et le ministère public pouvait encore contester l'enregistrement jusqu'au 28 janvier 2018.

Or, l'instance n'a été initiée que le 27 août 2018 par M. [M] [B], tandis que le ministère public n'a conclu reconventionnellement que le 25 avril 2019. L'action du ministère public est forclose en ce qu'elle serait fondée sur les dispositions de l'article 26-4, second alinéa du code civil.

4. Le ministère public allègue enfin l'existence d'une fraude, en ce que la possession d'état revendiquée par M. [M] [B] est basée sur l'obtention frauduleuse d'un certificat de nationalité le 5 mars 2002, dont un jugement du 30 mars 2007 du tribunal de grande instance de Nanterre a dit que c'est par erreur que ce certificat avait été délivré, sur la foi d'un acte de naissance faux.

L'enregistrement pouvait encore être contesté pendant deux ans à compter de la découverte d'une fraude ou d'un mensonge, au sens de l'article 26-4 dernier alinéa du code civil. Cependant, le ministère public avait connaissance de l'existence du jugement du 30 mars 2007, explicitement visé dans la décision de refus de certificat de nationalité française du 16 décembre 2015, ce qui a été d'ailleurs confirmé par le rejet du recours gracieux en date du 15 mai 2018. Il aurait donc pu agir sur la base de la fraude jusqu'au 16 décembre 2017. Mais, son action était également prescrite sur ce fondement lorsque M. [M] [B] a diligenté sa procédure le 27 août 2018.

5. Par voie de conséquence, il sera fait droit à la demande de M. [M] [B], et le jugement frappé d'appel sera infirmé en ce qu'il a dit que ce dernier n'est pas français.

Sur la mention prévue à l'article 28 du code civil

Aux termes de l'article 28 du code civil, mention sera portée, en marge de l'acte de naissance, des actes administratifs et des déclarations ayant pour effet l'acquisition, la perte de la nationalité française ou la réintegration dans cette nationalité. Il sera fait de même mention de toute première délivrance de certificat de nationalité française et des décisions juridictionnelles ayant trait à cette nationalité.

En conséquence, cette mention sera en l'espèce ordonnée.

Sur les demandes accessoires

Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

Compte tenu du contexte où M. [M] [B] n'obtient la décision favorable qu'il sollicite qu'à la faveur d'une erreur d'interprétation de sa demande d'enregistrement, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort et par mise à disposition au greffe :

DIT la procédure régulière au regard des dispositions de l'article 1043 du code de procédure civile,

JUGE irrecevable la demande tendant à voir ordonner la délivrance d'un certificat de nationalité française

CONFIRME le jugement rendu le 9 janvier 2020 par le tribunal judiciaire de Marseille en ce qu'il a dit que la déclaration de nationalité française souscrite par M. [M] [B] le 3 décembre 2014 auprès du directeur de greffe du tribunal d'instance de Nice doit être considérée comme enregistrée de plein droit,

L'INFIRME pour le surplus, et statuant de nouveau,

DIT que M. [M] [B], né le 15 juin 1974 à [Localité 2] (Comores) a acquis la nationalité française par déclaration souscrite le 3 décembre 2014 auprès du directeur de greffe du tribunal d'instance de Nice,

ORDONNE la mention prévue par l'article 28 du code civil,

MET les dépens à la charge Trésor public,

DEBOUTE M. [M] [B] du surplus de ses demandes.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 2-2
Numéro d'arrêt : 20/07338
Date de la décision : 28/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-28;20.07338 ?
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