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24/02/2023 | FRANCE | N°21/03421

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-7, 24 février 2023, 21/03421


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-7



ARRÊT AU FOND

DU 24 FEVRIER 2023



N° 2023/ 21













Rôle N° RG 21/03421 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHCDV







S.A.S. WÜRTH FRANCE





C/



[B] [J]

























Copie exécutoire délivrée

le : 24 février 2023

à :

SELARL SC AVOCATS ASSOCIES

Me Christine CASABIANCA

























Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AIX EN PROVENCE en date du 16 Février 2021 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 17/00364.





APPELANTE



S.A.S. WÜRTH FRANCE Société par actions simplifiée [Adresse 3]

668 502 ...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-7

ARRÊT AU FOND

DU 24 FEVRIER 2023

N° 2023/ 21

Rôle N° RG 21/03421 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHCDV

S.A.S. WÜRTH FRANCE

C/

[B] [J]

Copie exécutoire délivrée

le : 24 février 2023

à :

SELARL SC AVOCATS ASSOCIES

Me Christine CASABIANCA

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AIX EN PROVENCE en date du 16 Février 2021 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 17/00364.

APPELANTE

S.A.S. WÜRTH FRANCE Société par actions simplifiée [Adresse 3]

668 502 966 R.C.S. STRASBOURG-

4674A : Commerce de gros (commerce interentreprises) de quincaillerie, demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Silvia SAPPA de la SELARL SC AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, Me Thierry EDER, avocat au barreau de STRASBOURG

INTIME

Monsieur [B] [J], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Christine CASABIANCA, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Françoise BEL, Président de chambre, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Françoise BEL, Président de chambre

Madame Stéphanie BOUZIGE, Conseiller,

Madame Raphaëlle BOVE, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Agnès BAYLE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 Février 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 24 Février 2023

Signé par Madame Françoise BEL, Président de chambre et , auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Faits, procédure, prétentions et moyens des parties:

M. [B] [J] , engagé en contrat à durée indéterminée par la société Wurth France ( ci-après la société) en date du 1er décembre 2010, en qualité de Vrp exclusif, contrat modifié par avenant du 15 février 2011, a été licencié par lettre recommandée avec avis de réception du 28 juillet 2016 pour faute grave.

Invoquant la prescription des faits reprochés, le caractère irrégulier du licenciement, l'absence de cause réelle et sérieuse de la mesure prononcée, le salarié a saisi le 29 mai 2017 le conseil des prud'hommes d'Aix-en-Provence de diverses demandes indemnitaires à l'encontre de la société.

Par jugement en date du 16 février 2021 le conseil a partiellement fait droit aux demandes, jugeant irrégulière la procédure de licenciement et le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

La société a relevé appel par déclaration en date du 8 mars 2021, critiquant les chefs de jugement lui faisant grief.

Par conclusions déposées et notifiées le 2 novembre 2021, la société demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande relative à la rupture abusive de son contrat de travail et de sa demande relative à l'atteinte de la santé et au préjudice moral , de l'infirmer pour le surplus en toutes ses autres dispositions critiquées , en conséquence de débouter le salarié de l'ensemble de ses demandes rejetant la prétention à la prescription et à l'irrégularité de la procédure de licenciement, et de condamner le salarié à lui payer une somme au titre de la contre-valeur des marchandises conservées de manière illégitime et qu'il lui appartenait de restituer à l'employeur.

Par conclusions déposées et notifiées le 4 août 2021, le salarié demande à la cour de confirmer le jugement sur l'appel principal de l'employeur et de faire droit à l'appel incident.

La cour renvoie, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, à leurs écritures précitées .

Motifs

1. Sur la régularité de la procédure de licenciement:

Lors de son audition, le salarié peut se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise.

La lettre de convocation à l'entretien préalable en date du 11 juillet 2016 est ainsi rédigée:

'Nous devons vous informer que nous sommes amenés a envisager une éventuelle mesure de licenciement votre égard.

Conformément aux dispositions de l'Article L 1232-2 du Code du Travail, nous vous prions de bien vouloir vous présenter le jeudi 21 juillet 2016 à9 heures 45 en notre siège social à [Localité 2] pour un entretien préalable à cette éventuelle mesure.

Nous vous précisons que vous avez la possibilité de vous taire assister lors de cet entretien par une personne de votre choix appartenant obligatoirement au personnel de notre Entreprise.

Par ailleurs, si votre état de santé ne vous permet pas de vous déplacer, nous vous laissons la faculté de vous faire représenter lors de cet entretien par une personne de votre choix appartenant obligatoirement au personnel de notre entreprise.(...)'

La lettre de convocation à l'entretien préalable au licenciement comportant les mentions d'assistance du salarié requise par la loi doit être déclarée régulière, la mention d'une faculté de représentation étant dépourvue d'effet de droit, de sorte que le jugement est infirmé en ce qu'il a jugé la procédure de licenciement irrégulière.

2. Sur la fin de non- recevoir tirée de la prescription des faits invoqués:

Selon l'article L. 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.

Le délai court du jour où l'employeur a eu connaissance exacte et complète des faits reprochés.

La lettre de licenciement, qui fixe les termes du litige en ce qui concerne les motifs de licenciement, est ainsi rédigée:

'(...) Cet entretien intervient dans le contexte de la découverte de nombreux litiges en clientèle

auprès du client Plakybat. Ce dernier nous a en effet initialement fait état début mars 2016, sans plus de précisions, d'erreurs de facturations pour plus de 15 000 euros au titre de l'exercice 2015.

Après enquête, il est apparu que deux types de causes étaient à l'origine de ces

- Un non-respect des tarifs que vous aviez reconnu avoir mis en place unilatéralement auprès du client (en totale violation de la procédure de l'entreprise en la matière) pour les 2/3 de ces montants;

- Des facturations de matériels non commandés et non livrés pour le solde restant (matériel livré en adresse exceptionnelle à votre nom). Ces commandes vont ont permis d'obtenir des commissions et diverses primes (challenges et quotas).

Le cogérant du client nous a fait une attestation en ce sens en date du 28 juin dernier.

Les différentes réponses que vous nous avez faites (ou que vous aviez transmises à votre représentante pour l'entretien) sont toutes contredites par les faits.

Nous ne pouvons admettre un tel comportement.

En conséquence, nous vous notifions par la présente, une mesure de licenciement pour faute grave fondée sur les motifs suivants :

° d'avoir procédé à une surfacturation de votre client Plakybat

° d'avoir bénéficié de rémunérations indues du fait de ces commandes.

° d'avoir détourné du matériel à votre profit personnel et celui d'un salarié de votre client,

De tels agissements interviennent en parfaite violation de vos obligations professionnelles et des règles d'éthique et de loyauté qui gouvernent nos relations contractuelles.

La gravité de vos agissements rend littéralement impossible la poursuite de nos relations contractuelles et votre maintien au sein de l'entreprise. En conséquence, la rupture de votre contrat de travail intervient avec effet immédiat et sans indemnité, à première présentation de cette notification.

Par courrier ultérieur, le service GAFV vous confirmera les modalités définitives liées à votre départ de l'entreprise.

Par ailleurs, et conformément aux dispositions de l'article L. 911-8 du Code de la Sécurité Sociale, vous trouverez ci- joint une note d'information s'agissant du maintien post-contractuel des dispositions en matière de contrat de prévoyance et frais de santé à votre égard. (...).'

La lettre de licenciement mentionne la relation par le responsable de la société Plakybat ' début mars 2016, sans plus de précisions, d'erreurs de facturations pour plus de 15 000 euros au titre de l'exercice 2015.'

Il résulte cependant des productions que l'attestation du gérant de la société Plakybat n'a été rédigée qu'à la date du 28 juin 2016, ce document contenant la relation des faits constatés par le client de l'appelante de surfacturation et de commandes factices de biens, un tel comportement permettant ensuite la perception de rémunération indue . La lettre de licenciement mentionne en outre le détournement de matériel à son profit et au profit d'un salarié de la société Plakybat, donnant lieu ultérieurement à l'établissement d'un avoir du montant des commandes non livrées au profit de la cliente le 21 juillet 2016.

L'employeur justifie ainsi avoir reçu de son client l'information écrite des faits que celui-ci a personnellement constatés, à la date du 28 juin 2016, avoir effectué ensuite de la révélation de ces faits des vérifications nécessaires à la confirmation de leur existence et à leur étendue ( recherches des factures, établissement d'avoirs, pour l'année 2015), et n'avoir pu recueillir dans le délai de deux mois les observations du salarié placé en arrêt maladie depuis le 27 février 2016, dont il n'est résulté qu'à l'issue des recherches effectuées la connaissance exacte et complète des faits reprochés, en sorte que la prescription des faits n'était pas acquise au début du mois de mai 2016. Il s'ensuit la régularité l'engagement de poursuites par la convocation à l'entretien préalable en date du 11 juillet 2016.

La fin de non- recevoir est rejetée.

3. Sur le caractère fondé du licenciement pour faute grave:

Les motifs énoncés doivent être précis, objectivement vérifiables et sérieux.

Les faits reprochés sont ceux d'une surfacturation appliquée au client Plakybat, de la perception de rémunérations indues du fait de ces commandes, et du détournement du matériel au profit personnel du salarié et celui d'un salarié du client.

La faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de l'intéressé dans

l'entreprise et peut justifier une mise à pied conservatoire.

La dénonciation des faits litigieux provenant d'un client de la société, qui les a constatés dans les conditions précitées, présente un caractère objectif.

S'agissant du grief relatif à la facturation des 'embouts' ( 165 références) et autres matériels au client Plakybat, selon facture du 30 novembre 2015, le salarié n'a pas justifié de la commande passée par ce client, ce qu'il reconnaît dans son courrier à l'employeur à la suite de la réception de la lettre de licenciement, s'est fait livrer à son domicile le matériel dont il ne justifie pas qu'il a été effectivement livré au client, en l'absence d'un bon de livraison ou de remise signé par lui, ce qu'il reconnaît également, le moyen de l'existence de relations de confiance depuis 5 ans pour s'exonérer d'une telle obligation étant inopérant.

La société s'est vue obligée de délivrer au client des avoirs ( avoir 607706 sur facture 583 du 21 juillet 2016 pour un montant de 3 699,84 euros pour des bandes à joint et colle néoprène, avoir 6077867 sur facture 074 du 21 juillet 2016 de 7 030,02 euros pour des matériels divers), en contrepartie de facturations indues pour des matériels non livrés, facturés alors que gratuits, ou à des prix ne correspondant pas au prix annoncé au client.

Les facturations indues ont donné lieu à des rémunérations perçues par le salarié pour partie assises sur le chiffre d'affaires réalisé, conformément au contrat de travail.

Les facturations litigieuses du mois de novembre 2015 correspondent à la période de 'challenge' organisé par la direction au sein de l'entreprise, aux termes duquel les vendeurs concouraient pour obtenir des points utilisables ultérieurement dans une boutique cadeaux dédiée, en fonction des commandes passées, ainsi que reconnu par le salarié, lui procurant ainsi des avantages auxquels il n'aurait pu prétendre au cas de moindres commandes de matériels.

Les détournements dont il est fait grief au salarié, sont ceux des marchandises commandées pour le client, livrées en dépôt restant et dont il n'est pas établi par le salarié qu'elles ont été livrées au client Plakybat, en l'absence de bons de livraison.

Les faits reprochés au salarié sont ainsi établis et constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible la poursuite du contrat de travail.

Le licenciement ayant été prononcé avec effet immédiat pourfaute grave,exclusive de l'indemnité de licenciement par application de l'article L.1234-1 du code du travail, et le salarié en arrêt de travail ne pouvant prétendre à l'indemnité de préavis, à l'indemnité compensatrice de congés payés, ainsi qu'à l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, le jugement est infirmé à l'exception du débouté de la demande formée au titre d'un licenciement abusif et de la demande relative à l'atteinte de la santé et au préjudice moral , et le salarié est débouté de l'ensemble de ses demandes comprenant l'appel incident qu'il a formé.

L'infirmation du jugement entraîne la restitution des montants versés par la société au salarié en exécution de l'exécution provisoire.

4. Sur le droit à créance de la société:

La société demande la condamnation du salarié à lui payer une somme au titre de la contre-valeur des marchandises conservées, représentant l'outillage non commandé et non reçu par la société Plakybat, livrées en dépôt restant, et qui a été indument facturé au client, s'élevant après un retour partiel de marchandises, à la somme de 2.039,24 euros.

La demande de la société constitue l'expression non d'une sanction disciplinaire prohibée, mais d'une action civile exercée en contrepartie du détournement de marchandises. Elle est à ce titre recevable et bien fondée, le grief de détournement étant établi. Le jugement est infirmé de ce chef et il est fait droit à la demande de condamnation au payement de la somme de 2 039,24 euros.

Par ces motifs

La cour,

Infirme le jugement entrepris sauf du chef du rejet de la demande formée au titre d'un licenciement abusif et de sa demande relative à l'atteinte de la santé et au préjudice moral;

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Juge que la procédure de licenciement est régulière et que les faits reprochés n'étaient pas atteints par la prescription à la date de l'engagement des poursuites;

Déboute M. [J] de l'ensemble de ses demandes comprenant l'appel incident qu'il a formé;

Condamne M. [J] à payer à la société Wurth France la somme de 2 039,24 euros;

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [J] aux entiers dépens et à payer à la société Wurth France la somme de 800 euros

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-7
Numéro d'arrêt : 21/03421
Date de la décision : 24/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-24;21.03421 ?
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