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23/02/2023 | FRANCE | N°19/10117

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-4, 23 février 2023, 19/10117


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-4



ARRÊT MIXTE

DU 23 FEVRIER 2023



N° 2023/

CM/FP-D











Rôle N° RG 19/10117 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BEPI4







[V] [O]





C/



[M] [N]

Association CGEA

























Copie exécutoire délivrée

le :

23 FEVRIER 2023

à :

Me Stéphane CHARPENTIER, avocat au barreau de NICE <

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Me Cécile SCHWAL, avocat au barreau de NICE





























Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRASSE en date du 20 Mai 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 17/00753.





APPELANT



Monsieur [V] [O], demeur...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-4

ARRÊT MIXTE

DU 23 FEVRIER 2023

N° 2023/

CM/FP-D

Rôle N° RG 19/10117 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BEPI4

[V] [O]

C/

[M] [N]

Association CGEA

Copie exécutoire délivrée

le :

23 FEVRIER 2023

à :

Me Stéphane CHARPENTIER, avocat au barreau de NICE

Me Cécile SCHWAL, avocat au barreau de NICE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRASSE en date du 20 Mai 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 17/00753.

APPELANT

Monsieur [V] [O], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Stéphane CHARPENTIER, avocat au barreau de NICE substitué par Me Salomé CASSUTO, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMES

Monsieur [M] [N] ès qualité de Liquidateur Judiciaire de la SARL SOFT AND NETWORK SOLUTIONS, demeurant [Adresse 1]

non représenté

Association L'UNEDIC Délégation AGS CGEA de [Localité 4], , demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Cécile SCHWAL, avocat au barreau de NICE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 Janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Catherine MAILHES, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Natacha LAVILLE, Présidente de chambre

Madame Frédérique BEAUSSART, Conseiller

Madame Catherine MAILHES, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Françoise PARADIS-DEISS.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 23 Février 2023.

ARRÊT

Par défaut

Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 Février 2023

Signé par Madame Natacha LAVILLE, Présidente de chambre et Madame Françoise PARADIS-DEISS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

M. [O] (le salarié) a été embauché le 14 avril 2016 par le GIE Bâtir (représenté par son président M. [U]) en qualité d'aide maçon selon contrat à durée déterminée de trois mois (jusqu'au 13 juillet 2016) moyennant un salaire brut mensuel de 1 950 euros par mois outre 8,90 euros au titre des paniers journaliers par jour travaillé.

Par courrier du 1er juillet 2016, le GIE Bâtir a informé le salarié du transfert de son contrat de travail auprès de la société Soft and network services à compter du 1er juillet 2016, aux mêmes conditions pour la suite.

Le 14 juillet 2016, un contrat à durée déterminée de trois mois jusqu'au 13 octobre 2016 a été signé entre M. [O] et M. [U] représentant le GIE Bâtir, par lequel le salarié a été embauché aux fonctions d'aide maçon pour une durée de 39 heures par semaine moyennant une rémunération mensuelle de 1950 euros bruts pour 169 heures, heures majorées comprises, outre les paniers journaliers de 8,90 euros par jour travaillé.

Le 14 octobre 2016, un contrat à durée indéterminée aux mêmes fonctions et au même salaire a été signé entre M. [O] et la société Soft and network services représentée par son gérant M. [U].

Suivant courrier du 16 janvier 2017, le salarié a pris acte de la rupture de son contrat de travail au tort de l'employeur en ces termes : ' Je travaille dans votre société depuis le 14 avril 2016 en qualité d'aide maçon. En ne respectant pas vos obligations, vous rendez impossible la poursuite du contrat de travail. Je vous informe donc que je prends acte de la rupture de mon contrat à vos torts exclusifs. Le terme du contrat est en effet immédiat à réception du courrier(...)'. Le contrat a pris fin le 19 janvier 2017.

Le 2 février 2017, le salarié a saisi la formation de référé du conseil de prud'hommes de Grasse en paiement des salaires des mois de décembre 2016, janvier 2017, outre l'indemnité compensatrice de congés payés.

Par ordonnance de référé du 21 avril 2017, le conseil de prud'hommes de Grasse a condamné la société Soft and network services à verser à M. [O] les sommes de :

1.963,05 euros bruts au titre du salaire du mois de décembre 2016,

696,96 euros bruts au titre du salaire du mois de janvier 2017,

1.040,18 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés,

800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le 3 octobre 2017, M. [O] a saisi le conseil de prud'hommes de Grasse au fond, aux fins de voir la société Soft and network services condamnée à lui verser un rappel de salaire de 5000 euros à parfaire au titre des salaires des mois de décembre 2016 et janvier 2017, outre 500 euros au titre des congés payés afférents, une indemnité, une indemnité compensatrice de préavis (4000 euros) et l'indemnité de congés payés afférente (400 euros), une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (10.000 euros), une indemnité pour travail dissimulé (15.000 euros) outre une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile (1.500 euros), au paiement des intérêts au taux légal.

La société Soft and network services a été convoquée devant le bureau de conciliation et d'orientation pour l'audience du 6 novembre 2017.

Suivant jugement du tribunal de commerce d'Antibes du 6 avril 2018, la société Soft and network services a été placée en liquidation judiciaire. Me [N] a été désigné en qualité de liquidateur judiciaire.

M. [N] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Soft and network services et l'Ags-cgea du sud-est ont été appelé en la cause.

En définitive M. [O] a demandé :

716,31 euros nets à titre de rappel de salaire outre la somme de 71,63 euros net au titre des congés payés y afférents,

dire et juger que la rupture est imputable à la société Soft and network services s'analyse en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

1000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

1950 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 195 euros de congés payés y afférents,

682 euros à titre d'indemnité de licenciement,

11'700 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

1500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

des bulletins de salaire rectifié pour tenir compte de la décision à intervenir,

l'attestation destinée à pôle emploi rectifié pour tenir compte de la décision à intervenir,

intérêt légal avec capitalisation des intérêts,

fixer les créances susvisées au passif de la société Soft and network services entre les mains de M. [N] en qualité de liquidateur judiciaire de la société Soft and network services,

dire que la décision à intervenir sera opposable au CGEA AGS délégation régionale

ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

L'Ags est intervenue à la cause.

M. [N] en qualité de liquidateur judiciaire de la société Soft and network services n'était ni comparant ni représenté.

Par jugement réputé contradictoire du 20 mai 2019, le conseil de prud'hommes de Grasse a:

constaté que la prise d'acte de la rupture par le salarié s'analyse en une démission,

fixé la créance de M. [O] au passif de la liquidation judiciaire de la société Soft and network services à la somme de 716,31 euros au titre du reliquat du salaire du mois de novembre 2016,

débouté M. [O] de l'ensemble de ses autres demandes ;

déclaré le jugement opposable au Cgea-Ags du Sud-est dans la limite de la garantie légale;

rejeté les autres demandes ;

dit que les dépens seront supportés par la liquidation judiciaire de la société Soft and network services et pris au titre des frais privilégiés.

Selon déclaration électronique de son avocat remise au greffe de la cour le 24 juin 2019, M. [O] a interjeté appel dans les formes et délais prescrits de ce jugement qui lui a été notifié le 25 mai 2019, aux fins d'infirmation en ce qu'il a constaté que la prise d'acte de la rupture s'analyse en une démission ; en ce qu'il l'a débouté de l'ensemble de ses demandes, à savoir : 1963,05 euros brut à titre de salaire du mois de décembre 2016 ' 696,96 euros bruts à titre de salaire du mois de janvier 2017 ' 1040,18 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de congés payés '10'000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ' 1950 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 195 euros de congés payés y afférents ' 682,50 euros à titre d'indemnité de licenciement ' 11'700 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé ' ordonner à M. [N] de lui remettre sous astreinte de 50 euros par jour de retard les bulletins de salaire rectifiés pour tenir compte de la décision à intervenir, l'attestation destinée à pôle emploi rectifiée pour tenir compte de la décision à intervenir ' condamner la société Soft and network services aux entiers dépens, en ce compris les frais de contribution l'aide juridictionnelle ' dire qu'à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par la présente décision et qu'en cas d'exécution par voie extrajudiciaire, les sommes retenues par huissier instrumentaire en application des dispositions de l'article 10 du décret du 8 mars 2001 portant modification du décret du 12 décembre 1996 à devront être supportées par la partie défenderesse ' condamner également la société Soft and network services à lui verser la somme de 1500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ' fixer les créances susvisées de M. [O] au passif de la société Soft and network services entre les mains de M. [N] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Soft and network services ' dire la décision à intervenir opposable au CGEA et à l'AGS délégation régionale sud-est.

Aux termes des dernières conclusions de son avocat remises au greffe de la cour le 23 décembre 2021, M. [O] demande à la cour de :

confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fixé au passif de la liquidation judiciaire de la société Soft and network services la somme de 716,31 euros au titre du reliquat de salaire du mois de novembre 2016 à titre de créances de M. [O], en ce qu'il a déclaré le jugement opposable au CGEA AGS du sud-est dans la limite de la garantie légale en ce qu'il a dit dépens seront supportés par la liquidation de la société Soft and network services et pris au titre des frais privilégiés ;

le réformer pour le surplus,

statuant à nouveau,

sur la rupture du contrat de travail,

constater que la société Soft and network services a manqué à ses obligations nées du contrat de travail,

dire et juger que la rupture est imputable à la société Soft and network services s'analyse en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

condamner la société Soft and network services à lui verser les sommes suivantes :

10'000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

1950 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 195 euros de congés payés y afférents,

sur l'indemnité compensatrice de congés payés au visa de l'article L. 3141 ' 26 du code du travail,

condamner la société Soft and network services à lui verser la somme de 1040,18 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,

sur le travail dissimulé, au visa des articles L. 8221 ' 5 et suivants du code du travail,

dire et juger que la société Soft and network services a eu recours à M. [O] de manière dissimulée,

condamner la société Soft and network services à lui verser la somme de 11'700 euros,

sur la remise des documents sociaux rectifiés, au visa des articles L. 3243 ' 2 et R. 1234 ' 9 du code du travail,

ordonner à M. [N], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Soft and network services de lui remettre sous astreinte de 50 euros par jour de retard les bulletins de salaire rectifié pour tenir compte de la décision à intervenir et l'attestation destinée à pôle emploi rectifié pour tenir compte de la décision à intervenir,

en tout état de cause,

condamner la société Soft and network services aux entiers dépens,

fixer les créances susvisées de M. [O] au passif de la société Soft and network services entre les mains de M. [N] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Soft and network services ;

dire la décision à intervenir opposable au CGEA et à l'AGS délégation régionale du sud-est.

Selon les dernières conclusions de son avocat remises au greffe de la cour le 23 décembre 2019, l'UNEDIC délégation AGS CGEA de [Localité 4] (AGS) demande à la cour de :

confirmer le jugement en toutes ses dispositions et en conséquence de

dire et juger que la prise d'acte du salarié s'analyse en une démission

dire et juger non fonder dans leur principe et injustifié dans leur montant les demandes du salarié,

débouter le salarié de l'ensemble de ses demandes ;

à titre subsidiaire,

limiter la demande indemnitaire du salarié à l'euro symbolique en l'absence de démonstration d'un préjudice,

le débouter pour le surplus,

en tout état de cause,

dire et juger que la remise des documents sociaux sous astreinte journalière de 50 euros de la garantie de l'AGS,

dire et juger qu'aucune condamnation ne peut être prononcée à l'encontre de l'AGS et que la décision à intervenir ne peut tendre qu'à la fixation d'une éventuelle créance en deniers ou quittances,

dire et juger que l'obligation de l'AGS de faire l'avance de la somme à laquelle serait évaluée le temps total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder au paiement,

dire et juger que la décision à intervenir ne pourrait en tout état de cause être opposable à l'AGS que dans les limites de la garantie légale et réglementaire et que l'AGS ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L. 3253 ' 6 et L. 3253 ' 8 du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions légales et réglementaires.

L'appelant a fait signifier à M. [N] en qualité de liquidateur judiciaire de la société Soft and network services, qui n'a pas constitué avocat, la déclaration d'appel par acte du 26 septembre 2019 délivré à domicile, qui mentionne que l'intimé est tenu de constituer avocat.

L'arrêt sera rendu par défaut.

La clôture des débats a été ordonnée le 13 juin 2022 et l'affaire a été évoquée à l'audience du 9 janvier 2023 après renvoi de l'audience du 27 janvier 2022.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties il est fait expressément référence au jugement entrepris et aux conclusions des parties sus-visées.

MOTIFS DE LA DECISION

En application des dispositions de l'article 472 du code de procédure civile, il ne peut être fait droit aux demandes en l'absence de constitution de M. [N] en qualité de liquidateur judiciaire de la société Soft and network solutions, que dans la mesure où celle-ci est régulière, recevable et bien fondée.

Sur la rupture du contrat de travail

Le salarié conteste le jugement entrepris en ce qu'il a dit que la prise d'acte de la rupture du 16 janvier 2017 s'analyse en une démission aux motifs que les termes de la correspondance ne mentionnent pas les prétendus manquements de l'employeur, alors que l'écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture ne fixe pas les limites du litige et que les juges du fond doivent examiner l'ensemble des manquements invoqués devant eux par le salarié et non se limiter aux seuls griefs évoqués dans la lettre, que par ordonnance de référé la société Soft and network services avait été condamnée au paiement des salaires qui lui étaient dus.

Il fait valoir au titre des manquements de l'employeur que ce dernier versait son salaire systématiquement avec retard, que le salaire du mois de novembre 2016 ne lui a pas été réglé avant un versement partiel par chèque du 4 janvier 2017, que le salaire de décembre 2016 ne lui a pas du tout été versé, que ces manquements sont avérés dès lors qu'il a obtenu la condamnation de la société Soft and network services selon ordonnance de référé du 21 avril 2017 au paiement du salaire de décembre, du salaire du mois de janvier et de l'indemnité compensatrice de congés payés qui n'a pas fait l'objet d'un recours. Il allègue en outre le fait pour l'employeur d'avoir émis des avis d'opération bancaires non effectuées et de ne pas avoir cotisé à la caisse de retraite obligatoire.

Il précise au détour de ses conclusions que le 30 juin 2020, M. [N] ès qualités lui a versé les salaires dus pour le mois de décembre 2016 et celui pour la période du 1er au 16 janvier 2017 outre l'indemnité compensatrice de congés payés, ce qui a été constaté par jugement du conseil de prud'hommes de Grasse le 15 février 2021.

L'Ags qui conclut à la confirmation du jugement sur ce chef, soutient que :

- le salarié ne justifie pas de l'impossibilité dans laquelle il se trouvait de poursuivre l'exécution de la relation de travail dès lors qu'il ne s'agissait que de retards de paiement à compter du mois de novembre 2016, sans qu'il ait envoyé le moindre courrier de mise en demeure,

- la lettre de prise d'acte est une lettre type sans référence à un quelconque manquement et sans signature du salarié,

- la société a tout mis en oeuvre pour remplir ses obligations en justifiant des preuves de virement bancaire à la suite du rejet du chèque de salaire.

Lorsqu'un salarié pend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit dans le cas contraire d'une démission.

La lettre de rupture ne fixe pas les limites du litige, permettant au salarié d'invoquer des griefs non précisés dans le courrier de rupture.

Il appartient au salarié de rapporter la preuve des faits qu'il reproche à son employeur, la juridiction étant alors amenée à apprécier si les griefs sont établis et s'ils sont d'une gravité suffisante de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail.

En l'occurrence, la fixation de la créance de salaire du mois de novembre 2016 par les premiers juges qui n'a pas fait l'objet d'un appel incident, a autorité de la chose jugée, en sorte que la cour ne peut que constater que l'employeur n'avait pas réglé l'intégralité du salaire du mois de novembre 2016.

Il n'est pas justifié d'un paiement du salaire du mois de décembre 2016 avant la rupture du contrat de travail. En outre, au regard du bulletin de salaire émis pour le mois de décembre 2016, de l'ordonnance de référé du 21 avril 2017 bénéficiant d'un certificat de non pourvoi par laquelle la société a été condamnée au paiement de l'intégralité du salaire du mois de décembre 2016, et le paiement reconnu par le salarié a été effectué par les soins du mandataire liquidateur, le manquement de l'employeur à son obligation de paiement de salaire pour le mois de décembre 2016 est établi.

Il résulte de l'examen comparé des bulletins de salaire et des relevés bancaires du salarié que les chèques de salaire n'étaient encaissés au plus tôt que vers le 12 et 15 du mois suivant l'exigibilité au 30 ou 31 du mois travaillé et que les salaires des mois d'août et septembre 2016 étaient payés de manière fractionnée (21 septembre et 3 octobre 2016 pour le salaire du mois d'août- 12 octobre et 18 octobre 2016 pour le salaire du mois de septembre). Compte tenu de la liquidation judiciaire intervenue un an et demi plus tard et du défaut de paiement partiel des salaires à compter du mois de novembre 2016, le retard de paiement par l'employeur au mépris même de ses engagements contractuels, dès lors que le contrat prévoyait un paiement entre le 1er et le 10 de chaque mois, est établi.

Le salarié ne justifie pas que son contrat de travail relevait de la convention collective nationale du bâtiment et des travaux publics alors même qu'il ressort du courrier de la caisse de congés payés BTP de la Côte d'Azur Corse du 10 mars 2017 que la société Soft and network solutions ne relevait pas de celle-ci mais de la convention collective nationale du commerce de détail de biens d'occasions en magasin. Il ressort néanmoins de la synthèse de ses droits dans les régimes légalement obligatoires émises par le site 'info retraite' qu'il n'a été inscrit qu'en qualité de salarié agricole dépendant de la MSA et non comme salarié du régime général, en 2017 et aucune affiliation à un quelconque régime de retraite n'apparaît pour l'année 2016. Ces éléments permettent en conséquence d'établir que l'employeur n'a pas cotisé à la moindre caisse de régime obligatoire de retraite, au mépris de ses obligations légales.

Le manquement de l'employeur à l'obligation essentielle de payer le salarié pour les heures de travail accomplies, malgré les difficultés financières de l'employeur qui n'a pas été en capacité de régulariser les salaires, même limité à un mois et demi, caractérise à lui-seul un manquement d'une gravité telle qu'elle empêche la poursuite du contrat de travail, justifiant la prise d'acte de la rupture aux torts exclusifs de l'employeur et produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a dit que la prise d'acte de la rupture par le salarié s'analysait en une démission.

Sur les conséquences de la rupture

1- Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Le salarié conteste le jugement entrepris en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse alors qu'il a subi un préjudice constitué par la perte de revenus, l'ancienneté dans l'emploi et la perte d'un emploi stable, précisant qu'il n'a retrouvé un emploi en intérim qu'en juillet 2018.

L'Ags soutient que le salarié ne justifie pas de son préjudice et allègue que ce dernier, qui a justifié en appel de sa période d'indemnisation par le Pôle Emploi, n'apporte aucun élément relatif à ses recherches d'emploi pendant cette période dans un secteur en tension où les offres d'emploi ne manquent pas.

Au regard des bulletins de salaire et du certificat de travail, l'employeur avait repris l'ancienneté de M. [O] au 14 avril 2016.

Le salarié qui avait une ancienneté de neuf mois dans l'entreprise et dont le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse a droit, en application des dispositions de l'article L.1235-5 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, à la réparation du préjudice subi.

Il a subi un préjudice à raison de la perte injustifiée de son emploi.

En considération du montant de la rémunération versée au salarié (un salaire mensuel brut de 1950 euros), de son âge au jour de son licenciement (26 ans), de son ancienneté à cette même date (9 mois), de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels que ces éléments résultent des pièces et des explications fournies (attestation d'inscription Pôle emploi du 30 janvier 2017 au 31 mars 2018), de ce qu'il a retrouvé un contrat en intérim en juillet 2018, sans qu'il justifie de ses recherches d'emploi pour la période ou de son absence de tout emploi rémunérateur postérieurement au 31 mars 2018, il convient d'indemniser le salarié en lui allouant la somme de 1 900 euros au titre de la perte injustifiée de son emploi.

La créance du salarié à ce titre au passif de la liquidation judiciaire de la société Soft and network solutions sera fixée à la somme de 1 900 euros.

Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a débouté le salarié de toute demande à ce titre.

2- Sur l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents

Le salarié conteste le jugement entrepris en ce qu'il l'a débouté de sa demande d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents en faisant valoir que compte tenu de la prise d'acte de la rupture aux torts exclusifs de l'employeur, il a droit en application de la convention collective nationale applicable à un délai congé d'un mois compte tenu de son ancienneté remontant au 14 avril 2016.

L'Ags concluant à la confirmation du jugement, soutient que cette demande est infondée en son principe puisque la prise d'acte de la rupture ne peut s'analyser qu'en une démission.

La prise d'acte de la rupture étant aux torts exclusifs de l'employeur, produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, en sorte que le salarié, qui n'a pas exécuté le préavis à raison des manquements de l'employeur, est en droit de bénéficier, compte tenu de son ancienneté de neuf mois d'une indemnité compensatrice de préavis correspondant à un mois de salaire outre l'indemnité compensatrice de congés payés afférente.

Compte tenu du salaire de 1 950 euros bruts mensuel qu'il aurait perçu s'il avait travaillé sur une période d'un mois, la créance de M. [O] au passif de la société sera fixée aux sommes de 1 950 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés et de 195 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférente.

Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a débouté le salarié de ces chefs de demande.

3- Sur l'indemnité compensatrice de congés payés

Le salarié sollicite une somme de 1 040,18 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés au motif que ce montant précisé dans l'attestation destinée à Pôle Emploi établie par l'employeur ne lui a pas été réglée et que l'ordonnance de référé ayant condamné la société au paiement de cette même indemnité compensatrice de congés payés, n'a fait l'objet d'aucun recours.

Au détour de ses conclusions, le salarié précise que par jugement du 15 février 2021, dans le cadre d'une saisine au fond du 30 septembre 2019, le conseil de prud'hommes de Grasse a constaté que M. [N], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Soft and network services a versé par chèques du 30 juin 2020 les salaires de M. [O] sur les périodes du 1er décembre au 31 décembre 2016 et du 1er au 16 janvier 2017 ainsi que l'indemnité compensatrice de congés payés.

L'Ags soutient que le salarié échoue à rapporter la preuve de l'absence de paiement de son indemnité de congés payés au titre du solde de tout compte et que le jugement du conseil de prud'hommes qui a débouté le salarié de cette demande sera confirmé.

La cour constate que le salarié n'a pas sollicité devant le conseil de prud'hommes le paiement de l'indemnité compensatrice de congés payés de 1040,18 euros et que celle-ci a été sollicitée pour la première fois en appel.

Il résulte des article 564, 565 et 566 du code de procédure civile que les demandes nouvelles en appel sont irrecevables en appel à moins qu'il s'agisse de prétentions qui sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire des demandes soumises au premier juge.

Il semble que l'indemnité compensatrice de congés payés ne soit ni l'accessoire, ni la conséquence ou le complément nécessaire d'une demande présentée devant le conseil de prud'hommes.

La cour ordonne donc la réouverture des débats sur ce chef afin que les parties présentent leurs observations sur la fin de non recevoir soulevée d'office et réserve à statuer sur cette demande.

4-Sur l'indemnité de travail dissimulé

Le salarié fait grief au jugement de le débouter de sa demande d'indemnité de travail dissimulé, alors qu'aucune déclaration préalable à l'embauche n'a été régularisée par la société le concernant et que son relevé de carrière démontre que ses salaires n'ont pas été déclarés par la société Soft and network solutions, outre qu'il n'a pas été déclaré à la caisse de congés payés du bâtiment.

L'Ags qui conclut à la confirmation du jugement sur ce chef, soutient que le salarié ne démontre pas l'intention de dissimulation dès lors que le défaut d'affiliation à la caisse de congés payés des BTP s'explique par le fait que la société Soft and network solutions ne relève pas de la convention collective nationale du bâtiment et des travaux publics mais de celle du commerce de détail de biens d'occasion en magasin, comme il ressort du courrier de la caisse de congés intempéries BTP de la Côte d'Azur et que le relevé de retraite communiqué concerne la retraite de base des agriculteurs, ce qui ne correspond pas à l'activité exercée en 2016 et 2017, relevant du régime général.

Il résulte de l'article L. 8221-5 du code du travail que la dissimulation d'emploi salarié n'est caractérisée que si l'employeur, de manière intentionnelle, soit s'est soustrait à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10 relatif à la déclaration préalable à l'embauche, soit s'est soustrait à la formalité prévue à l'article L. 3243-2 relatif à la délivrance d'un bulletin de paie ou a mentionné sur le bulletin de paye un nombre d'heure de travail inférieur à celui réellement effectué.

Le salarié ne justifie pas que la relation de travail a relevé de la convention collective nationale du bâtiment et des travaux publics alors même qu'il ressort du courrier de la caisse de congés payés BTP de la Côte d'Azur Corse du 10 mars 2017 que la société Soft and network solutions ne relevait pas de celle-ci mais de la convention collective nationale du commerce de détail de biens d'occasions en magasin.

Il ressort de la synthèse de ses droits dans les régimes légalement obligatoires émises par le site 'info retraite' qu'il n'a été inscrit qu'en qualité de salarié agricole dépendant de la MSA et non comme salarié du régime général, en 2017 et aucune affiliation à un quelconque régime de retraite n'apparaît pour l'année 2016. Aussi,en l'absence de déclaration préalable à l'embauche, le défaut de déclaration corrélative des salaires pour la période de travail au sein de la société Soft and network solutions caractérise l'intention de dissimulation.

En application des dispositions de l'article L.8223-1 du code du travail, le salarié est en droit de bénéficier d'une indemnité pour travail dissimulé correspondant à six mois de salaire, soit à la somme de 11700 euros compte tenu du salaire mensuel brut de 1950 euros.

La créance de M. [O] au passif de la liquidation judiciaire de la société Soft and network services sera donc fixée à la somme de 11.700 euros au titre de l'indemnité de travail dissimulé et le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a débouté le salarié de cette demande.

Sur la remise des documents sociaux rectifiés

Compte tenu de la décision qui a accordé les sommes réclamées au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, il y a lieu d'ordonner à M.[N] en qualité de mandataire liquidateur de la société Soft and network solutions de remettre à M. [O] un bulletin de salaire rectifié outre une attestation pôle emploi rectifiée pour tenir compte de celle-ci, sans qu'il y ait lieu à astreinte.

Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande à ce titre.

Sur les dépens

Il sera réservé à statuer sur ce chef.

Sur la garantie de l'Ags

Il convient de rappeler que l'AGS n'est redevable de sa garantie que dans les limites précises des dispositions légales des articles L. 3253-8 et suivants du code du travail, que compte tenu du plafond applicable et au regard du principe de subsidiarité, elle ne doit sa garantie qu'autant qu'il n'existe pas de fonds disponibles dans la procédure collective ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par mandataire judiciaire et sur justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder au paiement.

L'arrêt sera déclaré opposable à l'Ags.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Statuant par défaut et publiquement par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile;

Par arrêt mixte dans la limite de la dévolution,

Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a constaté que la prise d'acte de la rupture par le salarié s'analyse en une démission, en ce qu'il a débouté M. [O] de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnités compensatrices de préavis et de congés payés afférente, d'indemnité pour travail dissimulé, de remise des documents sociaux sous astreinte ;

Statuant à nouveau dans cette limite,

Déclare que la prise d'acte de la rupture par M. [O] est aux torts exclusifs de la société Soft and network services et produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Déclare que la société Soft and network services a commis du travail dissimulé ;

Fixe la créance de M. [O] au passif de la société Soft and network services aux sommes suivantes :

1 900 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

1 950 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés outre 195 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférente,

11.700 euros au titre de l'indemnité de travail dissimulé ;

Rappelle que les sommes allouées par la cour sont exprimées en brut ;

Rappelle qu'en application de l'article L. 622-28 du code de commerce, les intérêts cessent de courir à compter du jour de l'ouverture de la procédure collective,

Y ajoutant,

Ordonne à M.[N] en qualité de mandataire liquidateur de la société Soft and network solutions de remettre à société Soft and network services un bulletin de salaire rectifié outre une attestation pôle emploi rectifiée conformément à l'arrêt ;

Rejette la demande d'astreinte ;

Déclare le présent arrêt opposable à l'Ags-CGEA de [Localité 4] ;

Rappelle que l'AGS n'est redevable de sa garantie que dans les limites précises des dispositions légales des articles L. 3253-8 et suivants du code du travail, que compte tenu du plafond applicable et au regard du principe de subsidiarité, elle ne doit sa garantie qu'autant qu'il n'existe pas de fonds disponibles dans la procédure collective ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par mandataire judiciaire et sur justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder au paiement;

Réserve à statuer sur la demande d'indemnité compensatrice de congés payés de 1040,18 euros ainsi que sur les dépens ;

Invite les parties à présenter leurs observations sur le moyen soulevé d'office tiré de l'irrecevabilité de la demande d'indemnité compensatrice de congés payés, pour M. [O] avant le 31 mars 2023 et pour l'Ags avant le 30 avril 2023 ;

Renvoie l'affaire à l'audience rapporteur du 22 mai 2023 à 9 heures, le présent arrêt valant convocation.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-4
Numéro d'arrêt : 19/10117
Date de la décision : 23/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-23;19.10117 ?
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