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09/02/2023 | FRANCE | N°19/13083

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-5, 09 février 2023, 19/13083


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5



ARRÊT AU FOND

DU 09 FEVRIER 2023

ph

N° 2023/ 78













N° RG 19/13083 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BEX5Y







[R] [Y]

[F] [C] [M] [Y]





C/



[Z] [U]

[I] [N]



























Copie exécutoire délivrée

le :

à :



SELARL VALENTINI & PAOLETTI



Me Louis-JÃ

©rôme PALOUX

























Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 11 Juillet 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 18/04778.



APPELANTS



Monsieur [R] [O] [Y], demeurant [Adresse 17] - [Localité 25]



représenté par Me Walter VALENTINI de l...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5

ARRÊT AU FOND

DU 09 FEVRIER 2023

ph

N° 2023/ 78

N° RG 19/13083 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BEX5Y

[R] [Y]

[F] [C] [M] [Y]

C/

[Z] [U]

[I] [N]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

SELARL VALENTINI & PAOLETTI

Me Louis-Jérôme PALOUX

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 11 Juillet 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 18/04778.

APPELANTS

Monsieur [R] [O] [Y], demeurant [Adresse 17] - [Localité 25]

représenté par Me Walter VALENTINI de la SELARL VALENTINI & PAOLETTI, avocat au barreau de GRASSE

Madame [F] [C] [M] [Y], demeurant [Adresse 17] - [Localité 25]

représentée par Me Walter VALENTINI de la SELARL VALENTINI & PAOLETTI, avocat au barreau de GRASSE

INTIMES

Madame [Z] [U]

demeurant [Adresse 17] - [Localité 25]

représentée par Me Louis-Jérôme PALOUX, avocat au barreau de NICE

Monsieur [I] [N]

demeurant [Adresse 17] - [Localité 25]

représenté par Me Louis-Jérôme PALOUX, avocat au barreau de NICE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804, 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Décembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Patricia HOARAU, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Laetitia VIGNON, Conseiller, faisant fonction de président de chambre

Madame Patricia HOARAU, Conseiller

Monsieur Olivier ABRAM,Vice Président placé

Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 09 Février 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 09 Février 2023

Signé par Madame Laetitia VIGNON, Conseiller, faisant fonction de président de chambre et Madame Danielle PANDOLFI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS et PROCEDURE - MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES

Par acte du 30 novembre 1992 M. [R] [Y] et Mme [F] [E] épouse [Y] ont acquis le lot n° 1 d'un ensemble immobilier situé sur la commune de [Localité 25], composé de trois logements répartis en deux bâtiments, cadastré section C n° [Cadastre 23], [Cadastre 10], [Cadastre 11] et [Cadastre 12], ayant fait l'objet d'un état descriptif de division établi le 6 mars 1987, s'agissant d'une maison d'habitation de plain-pied et des 333/1 000emes indivis du terrain.

Par acte du 11 mars 2015, M. [I] [N] et Mme [Z] [U] ont acquis sur la commune de [Localité 25], [Adresse 17], une propriété bâtie élevée de plain-pied, cadastrée section BV n° [Cadastre 16], provenant de la division de la parcelle BV n° [Cadastre 1] anciennement cadastrée section C n° [Cadastre 18], [Cadastre 19] et [Cadastre 20].

Un litige est apparu relativement à l'existence d'une servitude conventionnelle de passage de canalisations.

Par ordonnance de référé du 2 décembre 2015, le président du tribunal de grande instance de Grasse a déclaré M. [N] et Mme [U] recevables et bien fondés en leur action et condamné M. [Y] à laisser pénétrer M. [N] et tous professionnels qualifiés de son choix, pour entreprendre les travaux de réparation de la canalisation fuyarde se trouvant sur sa propriété et réaliser le rétablissement de l'alimentation en eau courante de la parcelle BV n° [Cadastre 16], sous astreinte.

La cour d'appel d'Aix-en-Provence a par arrêt du 8 décembre 2016, confirmé cette ordonnance en toutes ses dispositions, constaté que M. [Y] a exécuté l'ordonnance et dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de M. [Y] de déplacement de la canalisation.

M. et Mme [Y] ont fait assigner M. [N] et Mme [U] devant le tribunal de grande instance de Grasse le 5 avril 2017 aux fins principalement, d'obtenir leur condamnation sous astreinte à effectuer les travaux nécessaires au déplacement des canalisations litigieuses afin qu'elles soient en conformité avec la servitude conventionnelle prévue par l'acte notarié du 6 mars 1987, subsidiairement une mesure d'expertise.

Par jugement du 11 juillet 2019, le tribunal de grande instance de Grasse a :

- rejeté la demande de déplacement de la canalisation enterrée d'adduction d'eau,

- débouté M. et Mme [Y] de leur demande de désignation d'un expert judiciaire,

- condamné M. et Mme [Y] à payer la somme de 1 500 euros à M. [N] et Mme [U], sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. et Mme [Y] aux dépens, distraits au profit de Me Delphine Girard-Gidel,

- rejeté la demande d'exécution provisoire.

Le tribunal a considéré que M. et Mme [Y] ne rapportent pas la démonstration des faits nécessaires au soutien de leurs prétentions et qu'une mesure d'instruction ne peut suppléer la carence des parties dans l'administration de la preuve.

M. et Mme [Y] ont relevé appel de ce jugement, le 8 août 2019.

Dans leurs dernières conclusions déposées et notifiées par le RPVA le 17 septembre 2021, M. et Mme [Y] demandent à la cour :

Vu les articles 544 et 545 du code civil,

Vu les articles 686 et suivants du code civil,

Vu les articles 1240 et suivants (1382 ancien) et suivants du code civil,

- de les dire et juger recevables et bien fondés en leur appel,

- de débouter M. [N] et Mme [U] de l'ensemble de leurs demandes fins et conclusions,

- de réformer les dispositions du jugement rendu le 11 juillet 2019 par le tribunal de grande instance de Grasse en ses dispositions appelées,

Et statuant de nouveau :

- de condamner M. [N] et Mme [U] à effectuer les travaux nécessaires au déplacement, à leurs frais exclusifs, des canalisations litigieuses afin d'être en conformité avec les termes mêmes de l'acte duquel elles tirent leur existence, savoir l'acte notarié dressé 6 mars 1987 par Me [J], Notaire à [Localité 24] aux fins d'état descriptif de division du terrain de la société Elodi, reprenant lui-même les termes de l'acte dressé par Me [A] [P], notaire à [Localité 28], les 11 et 24 octobre 1979, soit hors du terrain d'emprise des constructions et aménagements plantés sur le fonds [Y] et à la réinsérer sur l'assiette de la servitude de passage de canalisation conventionnellement prévue à cet effet, soit sous le chemin d'accès sis sur une bande de quatre mètres de large, en limite Sud et Ouest des parcelle BV [Cadastre 6], sur laquelle se situe l'assiette des constructions de M. et Mme [Y], et ce sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir,

A titre subsidiaire, et si par impossible la juridiction ne devait pas faire droit en l'état aux demandes :

- de désigner avant dire droit tel expert judicaire qu'il plaira avec pour mission celle habituellement dévolue en la matière et notamment de :

- se rendre sur les lieux litigieux en présence des parties ou à défaut de celles-ci régulièrement convoquées par lettre recommandée avec avis de réception, recueillir les explications des parties et se faire communiquer par elles tout document nécessaire à l'accomplissement de sa mission

- vérifier l'origine et la réalité de l'emplacement et de l'état d'empiètement des canalisations en provenance du fonds des défendeurs (parcelles BV [Cadastre 15] et [Cadastre 16]) sur la propriété des demandeurs (parcelle BV [Cadastre 7] notamment) et des désordres invoqués par ces derniers

- énumérer et décrire les désordres constatés, en indiquer l'origine, la nature et l'étendue

- dire quelles sont les causes de ces désordres en précisant leur imputabilité

- définir l'assiette initiale et l'assiette définitive de la servitude de passage de canalisations dont bénéficient les parcelles BV [Cadastre 15] et [Cadastre 16] sur les parcelles BV [Cadastre 6] et [Cadastre 7] en vertu des titres de propriété des parties mais également de l'acte notarié dressé 6 mars 1987 par Me [J], notaire à [Localité 24] aux fins d'état descriptif de division du terrain de la société Elodi, reprenant lui-même les termes de l'acte dressé par Me [A] [P], notaire à [Localité 28], les 11 et 24 octobre 1979

- dire quels travaux sont nécessaires pour remettre l'immeuble en conformité à sa destination ou à tout le moins pour qu'il soit remédié définitivement aux désordres

- en évaluer le coût et la durée de leur exécution

- donner tous éléments pour proposer l'évaluation du préjudice subi par la requérante du fait des désordres constatés et de l'exécution des réparations

- donner son avis sur les responsabilités encourues

- répondre à tous dires des parties

- de dire et juger qu'en pareille hypothèse, les frais d'expertise seront solidairement à la charge de M. [N] et Mme [U],

Dans tous les cas :

- de débouter M. [N] et Mme [U] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions à leur endroit,

- de condamner solidairement M. [N] et Mme [U] à leur payer la somme de 6 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens, en ce compris ceux de la procédure de référés.

M. et Mme [Y] font essentiellement valoir :

Sur l'irrecevabilité des conclusions soulevée :

- que leurs conclusions respectent les dispositions de l'article 954 du code de procédure civile,

- qu'il ne ressort pas de l'article 954 du code de procédure civile qu'une prétendue absence de critique sur un motif du jugement, entraînerait l'irrecevabilité des écritures,

- qu'il conviendrait que les consorts [N]-[U] s'expliquent sur le fondement exact sur lequel ils basent leur argumentaire concernant la demande de « déplacement des canalisations litigieuses alors que seule la canalisation d'alimentation en eau potable serait concernée par le litige ».

Sur le fond :

- que les intimés invoquent leur acte d'achat du 18 décembre 2014 en en faisant une lecture orientée,

- qu'il résulte selon les intimés, des actes notariés et des plans de situation, que la propriété dont dépend le bien immobilier [Y] est situé sur les anciennes parcelles numérotées C [Cadastre 23], [Cadastre 10], [Cadastre 11] et [Cadastre 12] (anciennement propriété [X] puis SARL Elodi devenues BV [Cadastre 6] et [Cadastre 7]) et serait le fonds servant des parcelles C [Cadastre 18], [Cadastre 19] et [Cadastre 20] (anciennement propriété [D] devenues BV [Cadastre 15] et [Cadastre 16]) fonds dominant, alors qu'à la lecture complète de l'acte de vente, à l'origine la servitude de passage grevait les parcelles cadastrées C [Cadastre 21] et [Cadastre 22] (aujourd'hui BV [Cadastre 3] et [Cadastre 4]),

- qu'en lisant jusqu'à la fin l'acte de vente passé au bénéfice des consorts [N]-[U] qui reprend in extenso les termes de l'acte notarié dressé le 6 mars 1987 par Me [J], reprenant lui-même les termes de l'acte dressé par Me [P] les 11 et 24 octobre 1979, le tribunal (sic) constatera que la véritable situation des servitudes profitant aux parcelles C [Cadastre 18], [Cadastre 19] et [Cadastre 20] désormais BV [Cadastre 15] et [Cadastre 16] a manifestement changé en 1987, ce qui n'est d'ailleurs pas contesté par les consorts [N]-[U], aux termes d'un acte reçu les 11 et 13 février 1987,

- que cet acte est versé aux débats, ainsi qu'un procès-verbal de constat du 25 septembre 2019 démontrant l'existence d'une canalisation appartenant aux intimés, enfuie sous leur propriété, ce qui résulte de l'instance en référé qui a conduit à l'ordonnance du 2 décembre 2015, qu'il est ainsi évident que l'ensemble des servitudes était déplacé de la parcelle [Cadastre 22] appartenant aux consorts [X] vers la parcelle C [Cadastre 12] aujourd'hui BV [Cadastre 6] leur appartenant,

- que ce n'est pas l'existence, mais l'assiette de la servitude qui est contestée,

- que l'assiette réelle de la servitude n'est pas conforme à ce qui a été conventionnellement décidé, à savoir que cette servitude devait s'exercer sur une largeur de quatre mètres à prendre le long des limites Sud et Ouest de la parcelle cadastrée C [Cadastre 12] (Aujourd'hui BV [Cadastre 6]), propriété [Y], les canalisations devant obligatoirement être placées le long de la limite Sud dudit fonds, à une distance raisonnable et à une profondeur convenable, soit en l'espèce sous le chemin d'accès constituant la limite Sud et Ouest de la parcelle BV [Cadastre 6] sur laquelle est implantée la maison de M. et Mme [Y], à distance gardée de la clôture de ce dernier, sur la longueur Ouest des parcelles BV [Cadastre 5], [Cadastre 4] et Nord des parcelles BV [Cadastre 8] et [Cadastre 9],

- que contrairement à ce qu'ont considéré les premiers juges, le simple fait que la canalisation se situe sur leur parcelle, suffit à établir le non-respect de la servitude conventionnelle,

- que cette canalisation improprement disposée leur cause un préjudice d'importance, soit une évidente dévalorisation de leur propriété, l'impossibilité d'excaver leur sol comme ils le souhaitent, que cette mauvaise implantation constitue un trouble manifestement illicite,

- qu'ils ne comprennent pas l'impossibilité technique alléguée dès lors que la reconstruction de l'ouvrage public, peut prendre en considération le déplacement de la canalisation litigieuse,

- que le déplacement de la canalisation litigieuse ne saurait supposer l'accord de la commune de [Localité 27].

Dans leurs dernières conclusions déposées et notifiées par le RPVA le 26 novembre 2022, M. [N] et Mme [U] demandent à la cour :

Vu l'article 954, alinéa 2 du code de procédure civile,

Vu l'article 9 du code de procédure civile,

Vu les articles 1353, 701 et 702 du code civil,

Vu l'article 145 du code de procédure civile,

- de déclarer irrecevables les conclusions des époux [Y] en ce qu'ils sollicitent la réformation du jugement du 11 juillet 2019 du tribunal de grande instance de Grasse pour avoir rejeté leur demande d'expertise en l'absence de critique des motifs du jugement,

- de déclarer irrecevables les conclusions des époux [Y] en ce qu'ils sollicitent dans leur dispositif une mesure d'instruction avant-dire droit aux fins de localiser toutes les canalisations desservant le fonds [N]/[U], alors que seule la canalisation d'alimentation en eau potable est en litige au regard des motifs des conclusions,

- de rejeter en toute hypothèse l'ensemble des demandes des époux [Y], comme étant infondées, avec toutes conséquences de droit,

- de rejeter l'appel et confirmer le jugement du 11 juillet 2019 du tribunal de grande instance de Grasse, en toutes ses dispositions,

- de condamner les époux [Y] à la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

M. [N] et Mme [U] soutiennent en substance :

Sur la procédure :

- qu'aucune critique n'est portée sur le motif du jugement ayant rejeté la demande d'expertise, de sorte que la prétention tendant à la réformation du jugement en ce qu'il les a déboutés de leur demande d'expertise, sera déclarée irrecevable,

- que le dispositif vise « toutes les canalisations » alors que les motifs sont circonscrits à une seule canalisation, à savoir la canalisation d'alimentation en eau potable,

Sur le fond :

- qu'il ne résulte pas des actes instituant la servitude conventionnelle que la canalisation d'eau potable doit être implantée dans un périmètre de quatre mètres à compter de la limite Sud-Ouest de la parcelle EV n°[Cadastre 6], propriété des époux [Y], que les actes instituant la servitude évoquent une distance minimale et pas maximale, que le motif du premier juge est entaché d'une erreur d'appréciation pour avoir considéré implicitement, mais nécessairement que la distance d'emprise maximale serait de quatre mètres,

- à supposer que l'acte institue une assiette d'exercice de la servitude dont la largeur maximale serait de quatre mètres, ce qui n'est pas le cas, que le simple fait qu'une partie de la canalisation serait légèrement implantée au-delà de cette largeur, ce qui n'est pas du tout établi sur toute la longueur de la canalisation, n'aggraverait pas la situation du fonds servant, que le compteur d'eau se situe à l'extérieur du jardin des époux [Y] sur le bord du chemin de desserte, qu'après détection de la canalisation fuyarde la société Energia l'a réparée et que les époux [Y] n'ont pas eu à se plaindre de travaux mal réalisés, dont ils subiraient un préjudice,

- que l'expert judiciaire désigné par l'ordonnance de référé du 27 juillet 2016 a mentionné que le sous-sol du chemin est constitué par l'emplacement d'un ouvrage hydraulique et il existe un très fort risque d'affaissement du terrain, qu'à supposer qu'une partie de la canalisation d'alimentation en eau potable soit implantée dans le jardin des époux [Y], son déplacement sous le chemin de desserte serait impossible techniquement, car cela équivaudrait à déplacer la canalisation dans l'ouvrage hydraulique, qui se trouve fortement endommagé, à la limite du risque d'affaissement, qu'il est inexact de soutenir que le rapport est ancien, alors qu'en 2018 le maire de [Localité 25] a dû interdire l'accès des poids lourds de plus de trois tonnes sur ce chemin, que de plus il s'agit d'un ouvrage public,

- qu'il ne résulte pas des pièces du dossier que toute la canalisation d'alimentation en eau potable du fonds [N]-[U] se situe dans le jardin [Y],

- que les conditions pour solliciter une mesure d'expertise ne sont pas réunies.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 29 novembre 2022.

L'arrêt sera contradictoire puisque toutes les parties sont représentées.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l'étendue de la saisine de la cour

Aux termes de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

Il est constaté que le dispositif des conclusions des appelants comporte des demandes de « constater puis dire et juger » qui ne constituent pas des prétentions, mais des moyens, ce qui explique qu'elles n'aient pas été toutes reprises dans l'exposé des prétentions des parties.

Sur les exceptions d'irrecevabilité de demandes

Il ne s'agit pas en effet d'une demande tendant à l'irrecevabilité des conclusions relevant de la compétence du conseiller de la mise en état à peine d'irrecevabilité, mais tendant à l'irrecevabilité de deux demandes qui en réalité se recoupent, soit :

- la demande d'expertise,

- la demande d'expertise concernant toutes les canalisations.

La nécessité de se conformer aux prescriptions de l'article 954 du code de procédure civile, qui détermine le champ de saisine de la cour, n'est pas sanctionnée par l'irrecevabilité des demandes.

M. [N] et Mme [U] seront donc déboutés de leurs exceptions d'irrecevabilité sur ce fondement.

Sur la demande de déplacement des canalisations litigieuses

Aux termes de l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

A la lecture des actes produits, à savoir l'acte du 30 novembre 1992 concernant M. et Mme [Y] et l'acte du 11 mars 2015 concernant M. [N] et Mme [U] :

- M. et Mme [Y] ont acquis de M. [H] le lot n° 1 et les 333/1 000emes indivis du terrain de l'ensemble immobilier composé de trois logements répartis en deux bâtiments, cadastré section C n° [Cadastre 23], [Cadastre 10], [Cadastre 11] et [Cadastre 12], ayant fait l'objet d'un état descriptif de division établi le 6 mars 1987 par la société Elodi propriétaire de ces parcelles, aboutissant à la création de trois lots,

- l'état descriptif de division du 6 mars 1987 mentionne que la société Elodi tient ses droits de Mme [M] [V] (section C [Cadastre 23]) et de M. et Mme [X] (parcelle section « C n° [Cadastre 13] ' [Cadastre 14] et [Cadastre 12] ») et comporte des rappels de servitudes et notamment celle figurant dans l'acte notarié reçu par Me [A] [P] les 11 et 24 octobre 1979 conféré par M. et Mme [X] à M. et Mme [D] dans les termes suivants :

« Monsieur et Madame [X], comparants, déclarent grever d'une servitude de passage la plus étendue en ce compris le passage de toutes canalisations d'eau, d'électricité, téléphone, la parcelle de terre sise à [Localité 25], cadastrée section C lieudit [Localité 26] n° [Cadastre 21] pour six ares soixante centiares et n° [Cadastre 22] pour dix ares quatre-vingt-cinq centiares (fonds servant) au profit de la parcelle de terre sise à [Localité 25] cadastrée section C lieudit [Localité 26] n° [Cadastre 18] pour dix ares dix centiares, n° [Cadastre 19] pour deux ares soixante-dix centiares et n° [Cadastre 20] pour deux ares et quatre-vingts centiares dépendant de la communauté des époux [D]-[S] (fonds dominant), sous réserve de déplacer ladite servitude « laquelle servitude de passage grève :

1°) une bande de terre d'une largeur minimum de quatre mètres à prendre le long des limites Ouest et Sud de ladite parcelle cadastrée section C n° [Cadastre 22]'

2°) une bande de terre d'une largeur de cinq mètres environ et d'une longueur de huit mètres environ depuis l'angle Sud-Ouest de la parcelle cadastrée section C n° [Cadastre 21], le long de la ligne divisoire des parcelles cadastrées section C n° [Cadastre 21] et [Cadastre 18]'

Telles que les bandes de terres grevées de servitude figurent sur un plan dressé par Monsieur [W] [G], géomètre-expert à [Localité 24]'

Sur ces bandes de terre ainsi grevées de servitude sera établi un chemin empierré avec un revêtement dont la création et l'entretien auront lieu aux frais exclusifs des époux [D]-[S] » ' »

- l'état descriptif de division évoque aussi un acte reçu par Me [J] les 11 et 13 février 1987 ente la société Elodi, M. et Mme [D] et M. [T] comprenant notamment une convention entre la société Elodi propriétaire des parcelles cadastrées section C n° [Cadastre 23], [Cadastre 10], [Cadastre 11] et [Cadastre 12] fonds servant, et M. et Mme [D] propriétaires des parcelles cadastrées section C n° [Cadastre 18], [Cadastre 19] et [Cadastre 20] fonds dominant bénéficiant d'une servitude de passage « telle que cette servitude figure sous liseré jaune sur la plan établi par M. [W] [G], géomètre-expert à [Localité 24] », par laquelle ils conviennent de déplacer l'assiette de cette servitude, « telle qu'elle figure sous liseré rouge sur la plan établi par M. [G] sus-visé » ainsi précisé :

« cette servitude s'exercera sur une largeur minimum de quatre mètres à prendre le long des limites Sud et Ouest de la parcelle cadastrée section C n° [Cadastre 12] (fonds servant) au profit de la parcelle cadastrée section C n° [Cadastre 18] ' [Cadastre 19] et [Cadastre 20] (fonds dominant)'

Le chemin objet des présentes ne devra jamais être encombré d'aucune construction fixe ou mobile, temporaire ou non, ni d'aucun véhicule (même en stationnement) ou objet quelconque de nature à empêcher l'usage de toute son étendue.

Il pourra être établi sur ou sous l'assiette de ladite servitude, toutes canalisations, souterraines ou aériennes, pour l'eau, le gaz, l'électricité, le tout à l'égout, etc' ainsi qu'à l'édification de cabines pour la pose de tous compteurs d'eau et d'électricité et de gaz ainsi que tous regards, de façon à laisser libre le passage de la manière la moins dommageable pour le terrain sur lequel elles seront construites.

La construction du chemin sera à la charge de la société Elodi.

Les frais d'entretien et de réparation dudit chemin seront supportés ensuite par ses utilisateurs dans la proportion de trois cinquièmes en ce qui concerne la société Elodi (fonds servant) et dans la proportion de deux cinquième en ce qui concerne la propriété de M. et Mme [D] (fonds dominant). »

- M. [N] et Mme [U] ont acquis de M. et Mme [B], une propriété bâtie élevée de plain-pied, cadastrée section BV n° [Cadastre 16], provenant de la division de la parcelle BV n° [Cadastre 1] anciennement cadastrée section C n° [Cadastre 18], [Cadastre 19] et [Cadastre 20], cet acte évoquant un acte reçu par Me [J] le 17 mars 1987 rappelant la servitude figurant dans l'acte reçu par Me [P], ainsi que la servitude figurant dans l'acte reçu par Me [J] les 11 et 13 février 1987.

Il existe une discussion sur le respect par M. [N] et Mme [U], de l'assiette de la servitude, M. et Mme [Y] soutenant que la canalisation d'eau alimentant la maison [N]-[U] passe sous le jardin [Y], en produisant :

- des photographies lors de l'intervention sur la canalisation fuyarde objet de l'ordonnance de référé du 2 décembre 2015,

- le plan annexé et en couleur établi par M. [G] géomètre-expert, tel que visé dans l'acte notarié des 11 et 13 février 1987,

- un plan d'état des lieux topographiques des abords de la servitude au profit de BV [Cadastre 15] et [Cadastre 16] intitulé « copropriété des parcelles BV [Cadastre 2] [Cadastre 5] [Cadastre 6] [Cadastre 7] », le 30 août 2019, par la société Azur foncier conseil, géomètre-expert, sur lequel est figuré le « jardin privatif [Y] », le chemin en graviers, la « portion visible le 29/08/19 d'une canalisation EU enterrée », la « portion visible le 29/08/19 d'une canalisation AEP enterrée », à l'angle Sud-Ouest,

- un procès-verbal de constat établi à leur demande le 25 septembre 2019.

Il ressort de l'ensemble de ces pièces, que M. et Mme [Y] sont propriétaires en indivision du lot n° 1 et des 333/1 000emes indivis du terrain de l'ensemble immobilier composé de trois logements répartis en deux bâtiments, cadastré section C n° [Cadastre 23], [Cadastre 10], [Cadastre 11] et [Cadastre 12], que la parcelle C [Cadastre 12] qui est devenue BV [Cadastre 6], est le fonds servant au profit des parcelles cadastrées C n° [Cadastre 18], [Cadastre 19] et [Cadastre 20] aujourd'hui BV [Cadastre 15] et [Cadastre 16], « sur une largeur minimum de quatre mètres à prendre le long des limites Sud et Ouest », matérialisée sous liseré rouge du plan établi par M. [G], géomètre-expert, que deux canalisations passent en dehors de l'assiette matérialisée par le chemin en graviers, que la canalisation d'eau usée concerne l'évacuation de la villa de M. et Mme [Y] ainsi que M. [Y] l'a déclaré auprès de l'huissier qu'il a mandaté pour l'établissement du procès-verbal de constat.

Il est certain que la canalisation d'eau dessert la propriété de M. [N] et Mme [U], qui se sont seuls plaints de la canalisation fuyarde, objet de l'ordonnance de référé du 2 décembre 2015. Partie de cette canalisation est située hors de l'assiette de la servitude conventionnelle.

M. [N] et Mme [U] opposent que le déplacement de la canalisation d'eau, sous le chemin de desserte serait impossible techniquement, car cela équivaudrait à déplacer la canalisation dans l'ouvrage hydraulique existant, qui se trouve fortement endommagé, à la limite du risque d'affaissement.

Ils se réfèrent à un rapport d'expertise du 3 août 2017 déposé dans le cadre d'une ordonnance de référé du 27 juillet 2016 opposant M. et Mme [L], à d'autres dont M. [N] et Mme [U], M. et Mme [Y], la Métropole [Localité 27] Côte d'Azur, le maire de [Localité 25], M. et Mme [L] s'étant plaints de l'affaissement de la servitude de passage lors des intempéries du 3 octobre 2015.

Les extraits produits de ce rapport d'expertise évoquent un ouvrage hydraulique d'une largeur de quatre mètres environ et un mètre vingt de hauteur, situé sous la voie de desserte de l'ensemble des habitations, construit il y a trente ans, aujourd'hui en inadéquation avec les forts débits d'eau de ruissellement du Vallon des Prés. Les travaux de réparation consistent à reconstruire un ouvrage hydraulique de dimensions (largeur quatre mètres, hauteur un mètre cinquante) sur toute la longueur de la voie d'accès actuelle, en tenant compte de la réalisation d'une voie d'accès aux habitations et de la présence de la canalisation publique d'assainissement de la commune. L'expert a estimé le coût des travaux à 200 000 euros hors taxe prenant en compte la dépose et repose de l'ensemble des réseaux, eau potable, électrique et téléphone.

Il est justifié qu'un arrêté municipal portant interdiction de circuler et de stationner en raison d'une limitation de tonnage, a été pris le 12 mars 2018, au visa du rapport d'expertise du 3 août 2017, l'arrêté précisant qu'il s'agit d'une voie d'accès privée ouverte à la circulation publique.

Est également versé aux débats un procès-verbal de constat daté du 19 février 2019, à la demande de M. [N], concernant une crevasse dans le sol de sa propriété apparue en octobre 2015, toujours présente, et une seconde excavation apparue en février 2019 en liaison directe avec la première crevasse, sur une bande de terrain non fermée qui confronte la voierie cimentée, utilisée comme aire de stationnement.

Cependant, en l'état des seuls extraits de rapport produits et du constat sur les plans de situation Google map annotés, que M. et Mme [L] sont les voisins de M. [N] et Mme [U] (parcelle BV [Cadastre 15]), il n'est pas établi que l'ouvrage hydraulique passe sous le chemin de desserte à proximité de l'endroit où se trouve la canalisation d'eau litigieuse.

En conséquence, M. et Mme [Y] titulaires de droits sur la parcelle BV [Cadastre 6], sont fondés à solliciter de M. [N] et Mme [U], l'exécution des travaux nécessaires au déplacement, à leurs frais exclusifs, de la canalisation d'eau potable afin qu'elle respecte l'assiette de la servitude conventionnelle et le jugement appelé sera donc infirmé sur ce point.

En application de l'article L. 131-1 du code des procédures civiles d'exécution, tout juge peut, même d'office, ordonner une astreinte pour assurer l'exécution de sa décision.

Afin d'y contraindre M. [N] et Mme [U], il y a lieu de fixer une astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard, à l'expiration d'un délai de six mois à compter de la signification de la présente décision et pour une durée de six mois.

Sur les demandes accessoires

En application des articles 696 à 700 du code de procédure civile et au regard de la solution du litige, il convient condamner M. [N] et Mme [U] aux dépens de première instance et d'appel et aux frais irrépétibles.

Selon les dispositions de l'article 1310 du code civil, la solidarité est légale ou conventionnelle; elle ne se présume pas.

Aucune disposition ne prévoit la solidarité entre les personnes condamnées aux dépens et aux frais irrépétibles et celle-ci n'est pas prévue conventionnellement. M. et Mme [Y] seront donc déboutés de leur demande tendant à la solidarité des condamnations prononcées à leur profit.

Enfin, rien ne vient justifier la demande de M. et Mme [Y] concernant les dépens de l'instance en référé, qui ont été mis à leur charge par l'ordonnance de référé du 2 décembre 2015.

PAR CES MOTIFS

Rejette les exceptions d'irrecevabilité sur le fondement de l'article 954 du code de procédure civile ;

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau ;

Condamne M. [I] [N] et Mme [Z] [U] à effectuer les travaux nécessaires au déplacement, à leurs frais exclusifs, de la canalisation d'eau potable afin qu'elle respecte l'assiette de la servitude conventionnelle matérialisée sous liseré rouge du plan établi par M. [G], géomètre-expert, visé dans l'acte notarié reçu par Me [J] les 11 et 13 février 1987 ;

Assortit cette condamnation d'une astreinte provisoire de 100 euros (cent euros) par jour de retard, à l'expiration d'un délai de six mois à compter de la signification de la présente décision et pour une durée de six mois ;

Condamne M. [I] [N] et Mme [Z] [U] aux dépens de première instance et d'appel.

Condamne M. [I] [N] et Mme [Z] [U] à verser à M. [R] [Y] et Mme [F] [Y], la somme de 4 000 euros (quatre mille euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-5
Numéro d'arrêt : 19/13083
Date de la décision : 09/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-09;19.13083 ?
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