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09/02/2023 | FRANCE | N°19/12866

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 3-1, 09 février 2023, 19/12866


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-1



ARRÊT AU FOND

DU 09 FEVRIER 2023



N°2023/ 21













Rôle N° RG 19/12866 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BEXL7







S.A.S. 3 BRASSEURS INTERNATIONAL





C/



SAS PBC





































Copie exécutoire délivrée le :

à :



Me Maud DAVAL-GUEDJ

Me Ro

main CHERFILS





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 27 Juin 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 17/07411.





APPELANTE



S.A.S. 3 BRASSEURS INTERNATIONAL, dont le siège social est sis [Adresse 2]



représentée par Me Maud DAVAL-GUEDJ de la SCP CO...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-1

ARRÊT AU FOND

DU 09 FEVRIER 2023

N°2023/ 21

Rôle N° RG 19/12866 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BEXL7

S.A.S. 3 BRASSEURS INTERNATIONAL

C/

SAS PBC

Copie exécutoire délivrée le :

à :

Me Maud DAVAL-GUEDJ

Me Romain CHERFILS

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 27 Juin 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 17/07411.

APPELANTE

S.A.S. 3 BRASSEURS INTERNATIONAL, dont le siège social est sis [Adresse 2]

représentée par Me Maud DAVAL-GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assisté de Me Hubert BENSOUSSAN, avocat au barreau de PARIS, plaidant

INTIMEE

SAS PBC, dont le siège social est sis [Localité 1]

représentée par Me Romain CHERFILS de la SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assisté de Me Jérôme LANGLAIS, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND, plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Décembre 2022 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Pierre CALLOCH, Président, et , Madame Stéphanie COMBRIE, Conseillère.

Madame Stéphanie COMBRIE, Conseillère, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Pierre CALLOCH, Président

Madame Stéphanie COMBRIE, Conseillère (rédacteur)

Madame Marie-Christine BERQUET, Conseillère

Greffière lors des débats : Madame Marie PARANQUE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 09 Février 2023..

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 09 Février 2023.

Signé par Madame Stéphanie COMBRIE, Conseillère, pour Monsieur Pierre CALLOCH, Président empêché et Madame Marie PARANQUE, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

La société 3 Brasseurs International gère un réseau de restaurants sous forme de succursales et de franchises, à l'enseigne « Les 3 Brasseurs ».

Elle est titulaire de plusieurs marques ainsi que de dessins et modèles portant notamment sur la façade extérieure et les plans d'aménagement intérieur des établissements.

En mars 2016, la société PBC, créée par M. [I] [T], a ouvert à [Localité 3] un restaurant à l'enseigne « Chez Le Brasseur », étant précisé que M. [T] s'était préalablement porté candidat pour exploiter une franchise à l'enseigne « Les 3 Brasseurs » dans cette même ville, mais a rompu le contrat de franchise avant l'ouverture du restaurant.

Un procès a d'ailleurs opposé la société 3 Brasseurs International à M. [I] [T] devant le tribunal de commerce de Lille pour rupture abusive du contrat de franchise et a donné lieu à un jugement définitif rendu le 16 janvier 2018 qui a condamné M. [I] [T] au paiement de la somme de 174.150 euros à titre de dommages et intérêts.

Le 27 mai 2016 des mesures d'instruction « in futurum » et une saisie-contrefaçon ont été opérées au siège de la société PBC à la demande de la société 3 Brasseurs International, sur autorisation du président du tribunal de grande instance de Marseille.

Le 24 juin 2016 la société 3 Brasseurs International a assigné la société PBC devant le tribunal de grande instance de Marseille en contrefaçon, concurrence déloyale et parasitisme afin d'obtenir à titre principal le paiement de dommages et intérêts.

Par jugement en date du 27 juin 2019 le tribunal a :

-écarté la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée attachée au jugement rendu par le tribunal de commerce de Lille le 16 janvier 2018 et déclaré les demandes recevables,

-déclaré la société 3 Brasseurs International irrecevable à agir en contrefaçon des droits d'auteurs revendiqués sur les « plans d'aménagement intérieur du restaurant de PBC » réalisés par [D] [R] le 29 septembre 2015,

-débouté la société 3 Brasseurs International de l'ensemble de ses demandes principales et accessoires au titre de la contrefaçon de dessins et modèles,

-condamné la société PBC à payer à la société 3 Brasseurs International une somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral résultant d'actes de concurrence déloyale et parasitisme,

-débouté la société 3 Brasseurs International du surplus de ses demandes,

-condamné la société PBC aux dépens,

-condamné la société PBC à payer à la société 3 Brasseurs International une somme de 8.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

-dit n'y avoir lieu d'assortir le jugement de l'exécution provisoire

------------

Par acte du 5 août 2019 la société 3 Brasseurs International, contestant le montant des dommages et intérêts alloués en première instance, a interjeté appel de certains chefs du jugement.

------------

Par conclusions enregistrées le 14 novembre 2022, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société 3 Brasseurs International (SAS) fait valoir que :

-elle n'a pas interjeté appel de la décision du tribunal de grande instance la déclarant irrecevable au titre de la contrefaçon de droits d'auteur, laissant le soin à M. [R] d'agir en contrefaçon,

-la société PBC entretient la confusion entre l'instance devant le tribunal de commerce de Lille et la procédure devant le tribunal de grande instance alors qu'elle n'a pas interjeté appel de cette disposition,

-sa demande au titre des dommages et intérêts en réparation du préjudice économique causé par les actes de concurrence déloyale et de parasitisme n'est pas nouvelle en cause d'appel mais diffère seulement par son quantum puisqu'elle l'a réduit (1.549.450 euros en première instance),

-la société PBC est à l'origine d'actes de parasitisme, comme l'a justement retenu le tribunal de grande instance par des motifs pertinents ; ainsi, le parasitisme tient, en premier lieu, à la reprise à l'identique du plan d'agencement conçu spécifiquement pour l'aménagement d'un restaurant « 3 Brasseurs » détourné pour servir de plan au restaurant concurrent « Chez Le Brasseur » ; le parasitisme est caractérisé, en second lieu, par un approvisionnement frauduleux du restaurant « Chez Le Brasseur » par détournement de produits et matériels issus du réseau et rétrocédés de manière occulte et frauduleuse par un autre franchisé du réseau, et résulte, en troisième lieu, de l'emploi de collaborateurs ayant préalablement travaillé pour les 3 Brasseurs au mépris de l'obligation de non-débauchage de la société PBC, et enfin, le parasitisme est caractérisé par l'usurpation par la société PBC de la (fausse) qualité de franchisé auprès d'un fournisseur référencé pour être livré, en 2016, en produits exclusifs de l'enseigne Les 3 Brasseurs et bénéficier des tarifs réservés aux franchisés,

-la cour d'appel de Paris, par arrêt du 8 septembre 2021, a condamné la société Brasserie [T] pour infidélité et déloyauté envers son franchiseur,

-le préjudice moral doit être confirmé ; en revanche, le préjudice économique subi doit être apprécié, conformément à la jurisprudence de la cour de cassation, au regard de l'avantage concurrentiel indu que s'est procuré le concurrent parasitaire ; l'avantage concurrentiel indu s'apprécie au regard des dépenses évitées par la société PBC, du gain illicite, de l'impossibilité pour la société 3 Brasseurs International d'exploiter à [Localité 5] un restaurant Les 3 Brasseurs, et du fait que la société PBC est à la tête d'un réseau concurrent parasitaire,

Ainsi, la société appelante demande à la cour de :

-déclarer recevable sa demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice économique causé par les actes de concurrence déloyale et de parasitisme,

Sur le fond,

-confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société PBC au paiement de la somme de 20.000 euros au titre du préjudice moral et une indemnité de 8.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

-infirmer le jugement et statuer à nouveau sur la réparation du préjudice économique causé par les actes de concurrence déloyale et parasitaires,

-tirer toutes conséquences de droit du refus fautif de la société PBC de communiquer ses bilans ou comptes de résultat depuis 2016, malgré sommation d'avoir à y procéder faite par courrier officiel du conseil de la société 3 Brasseurs International le 4 août 2022,

-condamner la société PBC à lui payer une indemnité de 385.000 euros en réparation du préjudice économique

En toutes hypothèses,

-condamner la société PBC, outre les dépens, à lui payer la somme de 25.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

-débouter la société PBC de toutes ses demandes, fins et conclusions

-----------

Par conclusions enregistrées le 8 novembre 2022, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société PBC (SAS) réplique que :

-l'arrêt rendu par la cour d'appel concerne la Brasserie [T] et non la société PBC et a largement modéré les demandes indemnitaires de la société 3 Brasseurs International,

-la décision rendue par le tribunal de commerce de Lille a des incidences sur l'évaluation du préjudice sollicité par la société 3 Brasseurs International dès lors que l'indemnisation sollicitée est identique ; la somme de 1.549.450 euros était évaluée sur la base des redevances qui auraient dû être perçues par le franchiseur si le contrat s'était poursuivi ; par ailleurs, la demande formulée par la société 3 Brasseurs International en cause d'appel est nouvelle dès lors qu'elle est basée sur un autre préjudice,

-elle conteste la situation de concurrence déloyale retenue par le tribunal de grande instance en l'absence de reprise des aménagements intérieurs proposés par M.[R], et en l'absence de ressemblance visuelle ou de reprise de la décoration intérieure ; par ailleurs, il n'y a pas eu débauchage de salariés ; la société 3 Brasseurs International n'a pas l'exclusivité du concept de brasserie et ne peut se l'approprier,

-le préjudice sollicité par la société 3 Brasseurs International à hauteur de 1.549.450 euros a d'ores et déjà été indemnisé par le tribunal de commerce de Lille ; la demande nouvelle présentée en cause d'appel n'est pas justifiée

Ainsi, la société intimée demande à la cour de :

-juger irrecevable comme étant nouvelle la demande de la société 3 Brasseurs International présentée à titre indemnitaire en réparation des investissements réalisés pour la notoriété de la franchise,

-réformer le jugement rendu en ce qu'il l'a condamnée à payer la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral pour concurrence déloyale et parasitisme et en ce qu'il l'a condamnée au paiement de la somme de 8.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

-débouter la société 3 Brasseurs International de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

-condamner la société 3 Brasseurs International au paiement de la somme de 8.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre aux entiers dépens d'instance et d'appel dont distraction

------------

Le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de l'instruction par ordonnance du 14 novembre 2022 et a fixé l'examen de l'affaire à l'audience du 15 décembre 2022.

A cette date, l'affaire a été retenue et mise en délibéré au 9 février 2023.

MOTIFS

A titre liminaire, il convient de rappeler que les mentions insérées au dispositif des conclusions tendant à voir « constater » ou « prendre acte », « donner acte » ne constituent pas des prétentions mais des moyens et seront dès lors examinées comme tels.

Par ailleurs, il convient de relever que par déclaration en date du 5 août 2019 la société 3 Brasseurs International n'a interjeté appel du jugement qu'en ce qui concerne le chef de condamnation relatif à l'indemnisation de son préjudice économique au titre des actes de concurrence déloyale et parasitisme.

La société PBC a elle-même formé un appel incident concernant les faits de concurrence déloyale et parasitisme, contestés en leur principe, et les dommages et intérêts alloués.

En conséquence, les moyens développés par l'intimée tenant aux actes de contrefaçon sont sans objet en cause d'appel, aucune des parties n'ayant interjeté appel de ce chef du jugement.

Sur la demande de révocation de l'ordonnance de clôture :

Au visa des articles 907, 802 et 803 du code de procédure civile, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats postérieurement à l'ordonnance de clôture, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office, à l'exception des demandes en intervention volontaire, des conclusions relatives aux loyers, arrérages, intérêts et autres accessoires échus et aux débours faits jusqu'à l'ouverture des débats, et à l'exception également des demandes de révocation de l'ordonnance de clôture et des conclusions qui tendent à la reprise de l'instance en l'état où celle-ci se trouvait au moment de son interruption.

Par ailleurs, l'ordonnance de clôture peut être révoquée s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue.

En l'espèce, il apparaît qu'en concluant le 8 novembre 2022, soit quelques jours avant l'ordonnance de clôture prononcée le 14 novembre, l'intimée n'a pas mis l'appelante en situation de conclure en réponse avant la clôture de l'instruction.

En conséquence, au visa de l'article 16 du code de procédure civile et du nécessaire respect du principe du contradictoire, il convient d'ordonner la révocation de l'ordonnance de clôture rendue le 14 novembre 2022 et de reporter la clôture au 15 décembre 2022 , date des débats.

Sur la recevabilité de la demande de dommages et intérêts formulée par l'appelante :

En application des articles 563 et suivants du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions, si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

En outre les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent. Pour justifier en appel les prétentions qu'elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves.

En l'espèce, la seule circonstance que la société 3 Brasseurs International ait limité en cause d'appel sa demande indemnitaire au titre de la réparation de son préjudice économique à la somme de 385.000 euros, au lieu de 1.549.450 euros, ne rend pas pour autant cette demande irrecevable dès lors qu'elle est en tout état de cause admissible à hauteur du quantum réduit, aucun ajout n'ayant été effectué aux demandes initiales.

Par ailleurs, s'il est incontestable que la société 3 Brasseurs International a modifié en cause d'appel les bases de calcul de son préjudice économique, il n'en reste pas moins que la nature indemnitaire de sa demande demeure inchangée.

En conséquence, il y a lieu de rejeter l'exception d'irrecevabilité soulevée par la société PBC.

Sur les actes de concurrence déloyale et parasitisme :

Aux termes de l'article 1240 du code civil tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

A cet égard, la concurrence existant entre deux sociétés, spécialisées dans un secteur de marché similaire, ne constitue pas en soi un acte fautif en vertu du principe de la liberté du commerce et de l'industrie.

Pour autant, la concurrence est déloyale dès lors qu'elle s'accompagne d'agissements contraires aux règles générales de loyauté et de probité professionnelle applicables dans les activités économiques et régissant la vie des affaires.

S'agissant du parasitisme, il consiste, pour un opérateur économique, à se placer dans le sillage d'un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire, de la notoriété acquise ou des investissements consentis.

En l'espèce, comme l'ont justement relevé les premiers juges, la concurrence déloyale résulte de la confusion entretenue par la société PBC dans l'agencement, l'aménagement et la décoration du restaurant ouvert à [Localité 3] sous l'enseigne « Chez le Brasseur » en lieu et place de la franchise « Les 3 Brasseurs » initialement prévue sous l'égide de la société 3 Brasseurs International, cette confusion ayant pour conséquence de capter une clientèle similaire en profitant des investissements intellectuels et financiers effectués par le franchiseur.

Si le concept de brasserie ne relève pas du monopole de la société 3 Brasseurs International et implique nécessairement des standards communs à ce type de commerce, il existe néanmoins différents moyens d'en décliner les codes.

Au cas particulier, le tribunal, par une motivation circonstanciée et précise à laquelle il convient de se référer, a parfaitement caractérisé les similitudes propres à créer une confusion, tant par la reprise des plans initialement envisagés pour le restaurant franchisé et élaborés par M. [R], architecte, que par la reprise des menus et divers éléments symboliques de l'enseigne « Les 3 Brasseurs ».

Cette concurrence déloyale n'a été permise que par l'imitation du concept mis en 'uvre par la société 3 Brasseurs International, accentuée par l'utilisation de l'emplacement et du local initialement prévus pour l'installation de la franchise et par la nature identique du restaurant envisagé, permettant ainsi à la société PBC, par le biais de M. [I] [T], de se placer dans le sillage des investissements intellectuels et financiers effectués par la société 3 Brasseurs International dans la perspective du projet initial.

Cette concurrence déloyale a en outre été favorisée par l'embauche d'au moins deux salariés de la société 3 Brasseurs International, ainsi que par la complicité de M. [X] [T], cousin de M. [I] [T], lui-même franchisé de la société 3 Brasseurs International, qui a permis la fourniture de produits et matériels issus du réseau de franchise.

La société PBC communique en cause d'appel un rapport établi par M. [S] [M], expert, en date du 21 mai 2020, aux termes duquel celui-ci conclut que « à la lumière de la démonstration établie ci-dessus abondamment illustrée, on voit mal sur quels éléments formels d'identification se fonde la société 3 Brasseurs International pour invoquer une confusion possible pour la clientèle.

Dans les faits, ces deux établissements n'apparaissent pas identifiables l'un à l'autre ».

Au regard de l'inopposabilité du rapport invoquée par la société 3 Brasseurs International, il convient de rappeler, à titre liminaire, qu'au visa de l'article 16 du code de procédure civile il a été jugé que tout rapport amiable peut valoir à titre de preuve dès lors qu'il a été soumis à la libre discussion des parties et est corroboré par d'autres éléments.

En conséquence, le caractère non-contradictoire du rapport communiqué aux débats ne saurait, sous ce seul motif, entraîner son inopposabilité dès lors que ce document a été discuté, sauf à relever que sa valeur probante est appréciée à la lumière des autres pièces produites au dossier.

A cet égard, les parties diffèrent sur la question de savoir si les locaux présentaient des contraintes techniques (évacuations notamment) imposant un schéma contraint à la configuration des lieux et communiquent des éléments contradictoires sur ce point.

Pour autant, si indéniablement, certaines contraintes techniques et la configuration allongée des lieux ont pu présider au choix d'implantation des différentes salles et du mobilier, et si les lieux aménagés par la société PBC ne constituent pas une reproduction servile des restaurants 3 Brasseurs International, il ressort néanmoins de la comparaison des pièces produites que l'impression d'ensemble est de nature à créer une confusion dans l'esprit des consommateurs par la reprise de codes esthétiques et conceptuels (cartes des menus, matériel de brassage, salle de concassage, cuves de fermentation exposées, style industriel, boiseries), et que cette confusion est accentuée par le contexte ci-dessus rappelé.

Ainsi, le jugement, à la motivation duquel il convient de se référer pour le surplus, doit être confirmé en ce qu'il a retenu l'existence de faits de concurrence déloyale et de parasitisme commis par la société PBC au préjudice de la société 3 Brasseurs International.

Sur l'indemnisation du préjudice :

En première instance, la société 3 Brasseurs International a sollicité le paiement de la somme de 1.549.450 euros, somme correspondant à la redevance qu'aurait pu percevoir le franchisé à titre prévisionnel, sur une durée de neuf ans, soit la durée initialement prévue pour le contrat de franchise envisagé avec M. [I] [T].

Les premiers juges ont, à bon droit, estimé que le préjudice résultant de la perte de redevances, la perte de marge sur assistance technique et la perte de marge sur les achats avait d'ores et déjà été indemnisé par le tribunal de commerce de Lille ayant statué sur la rupture du contrat de franchise.

Pour autant, en matière de concurrence déloyale et de parasitisme la réparation du préjudice peut être également évaluée en prenant en considération l'avantage indu que s'est octroyé l'auteur des faits au détriment de ses concurrents, modulé à proportion des volumes d'affaires respectifs des parties affectés par ces actes.

Ainsi, constitue un avantage indu le bénéfice réalisé par l'auteur des actes de concurrence déloyale et de parasitisme au titre des économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels.

Cet avantage lui permet en outre de profiter immédiatement des revenus tirés de son activité sans avoir à supporter les coûts d'investissement nécessaires au démarrage de son activité, étant relevé qu'au cas d'espèce, la société PBC, malgré sommation, n'a pas communiqué ses comptes.

En conséquence, au vu des nouveaux éléments produits, la société 3 Brasseurs International est bien-fondée à solliciter le paiement d'une somme de 100.000 euros à ce titre, incluant en premier lieu le budget publicitaire pour la première année (4.451 euros), à l'exclusion des frais relatifs aux autres établissements de la société PBC et aux années postérieures.

Le préjudice inclut également les économies réalisées au titre des honoraires d'architecte, évalués à 50.000 euros, (le montant sollicité à hauteur de 149.500 euros se rapportant au projet antérieur de l'établissement de [Localité 4]), à la confection des menus, et à la formation des salariés.

En revanche, la société 3 Brasseurs International est mal-fondée à solliciter l'indemnisation du préjudice tenant à l'impossibilité d'implanter un restaurant « 3 brasseurs » à [Localité 5] considérant que par le paiement des redevances prévisionnelles qu'elle aurait perçues sur neuf ans la société a été valablement indemnisée de l'impossibilité d'implanter la franchise initialement prévue, et qu'il n'est pas acquis que les deux enseignes ne puissent coexister sur deux communes différentes.

En conséquence, le jugement sera infirmé en ce qu'il a débouté la société 3 Brasseurs International de sa demande de dommages et intérêts au titre du préjudice économique.

Statuant à nouveau, au vu des éléments nouveaux communiqués en cause d'appel, il y a lieu de condamner la société PBC à payer à la société 3 Brasseurs International la somme de 100.000 euros à ce titre, et de confirmer le jugement en ce qu'il a alloué une indemnité à hauteur de 20.000 euros au titre du préjudice moral.

Sur les frais et dépens :

La société PBC, partie succombante, conservera la charge des entiers dépens de la procédure d'appel, recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Elle sera également tenue de payer à la société 3 Brasseurs International la somme de 4.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Ordonne la révocation de l'ordonnance de clôture rendue le 14 novembre 2022 et reporte la clôture au 15 décembre 2022 , date des débats,

Vu l'appel partiel,

Rejette l'exception d'irrecevabilité soulevée par la société PCB,

Confirme le jugement rendu le 27 juin 2019 par le tribunal de grande instance de Marseille en ce qu'il a condamné la société PBC à payer à la société 3 Brasseurs International la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral résultant d'actes de concurrence déloyale et parasitisme,

Infirme le jugement en ce qu'il a débouté la société 3 Brasseurs International de sa demande au titre du préjudice économique,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la société PBC à payer à la société 3 Brasseurs International la somme de 100.000 euros en réparation du préjudice économique subi à la suite des actes de concurrence déloyale et de parasitisme,

Condamne la société PBC aux entiers dépens de la procédure d'appel, recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile,

Condamne la société PBC à payer à la société 3 Brasseurs International la somme de 4.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de l'appel.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 3-1
Numéro d'arrêt : 19/12866
Date de la décision : 09/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-09;19.12866 ?
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