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06/02/2023 | FRANCE | N°23/00018

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-11 ho, 06 février 2023, 23/00018


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Hospitalisation sans consentement

1-11 HO





ORDONNANCE

DU 06 FEVRIER 2023



N° 2023/18







Rôle N° RG 23/00018 - N° Portalis DBVB-V-B7H-BKXEV







[C] [B]





C/



LE DIRECTEUR DE L'HOPITAL [3]

[H] [G] [T] [B]

LA PROCUREURE GENERALE

























Copie adressée :

par télécopie le :

06 février 2023
r>à :

- Le patient

- Le directeur

- L'avocat

- Le TJ JLD HO Marseille



- Le tiers par LRAR









Décision déférée à la Cour :



Ordonnance rendue par le Juge des libertés et de la détention de MARSEILLE en date du 24 janvier 2023 enregistrée au répertoire général sous le n°23/00...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Hospitalisation sans consentement

1-11 HO

ORDONNANCE

DU 06 FEVRIER 2023

N° 2023/18

Rôle N° RG 23/00018 - N° Portalis DBVB-V-B7H-BKXEV

[C] [B]

C/

LE DIRECTEUR DE L'HOPITAL [3]

[H] [G] [T] [B]

LA PROCUREURE GENERALE

Copie adressée :

par télécopie le :

06 février 2023

à :

- Le patient

- Le directeur

- L'avocat

- Le TJ JLD HO Marseille

- Le tiers par LRAR

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance rendue par le Juge des libertés et de la détention de MARSEILLE en date du 24 janvier 2023 enregistrée au répertoire général sous le n°23/00810.

APPELANTE

Madame [C] [B]

née le 13 Mars 1967 à [Localité 4], demeurant [Adresse 1]

comparante en personne, assistée par Me Grégoire BROECKAERT, avocat choisi inscrit au barreau de Marseille

INTIMES :

Monsieur LE DIRECTEUR DE L'HOPITAL [3], [Adresse 2]

non comparant

Monsieur [H] [G] [T] [B],

demeurant [Adresse 7]

non comparant

PARTIE JOINTE:

Madame LA PROCUREURE GENERALE

non comparante, ayant déposée des réquisitions écrites dont il a été donné connaissance aux parties à l'audience

*-*-*-*-*

DÉBATS

L'affaire a été débattue le 06 février 2023, en audience publique, devant Madame Catherine LEROI, Conseillère déléguée par ordonnance du premier président, en application des dispositions de l'article L.3211-12-4 du code de la santé publique,

Greffier lors des débats : Mme Pauline BILLO-BONIFAY, greffier placé

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Février 2023.

ORDONNANCE

Réputée contradictoire,

Prononcée par mise à disposition au greffe le 06 Février 2023

Signée par Madame Catherine LEROI, Conseiller et Mme BILLO-BONIFAY Pauline, greffier placé auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire,

************

RAPPEL DE LA PROCEDURE

Selon la procédure figurant au dossier, Mme [C] [B] a fait l'objet le 15 janvier 2023 d'une admission en urgence en soins psychiatriques et en hospitalisation complète au sein du Centre Hospitalier [3] à [Localité 4] dans le cadre des articles L3212-1 II 1° et L 3212-3 du code de la santé publique, au vu d'un certificat médical daté du même jour du docteur [W] mentionnant l'urgence et l'existence d'un risque grave d'atteinte à l'intégrité de la patiente.

Par ordonnance rendue le 24 janvier 2023, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Marseille, saisi dans le cadre du contrôle obligatoire prévu aux articles L3211-12-1 et suivants du même code, a dit que les soins psychiatriques dont Mme [C] [B] faisait l'objet pourraient se poursuivre sous la forme de l'hospitalisation complète.

Par courrier en date du 27 janvier 2023 adressé le même jour par messagerie électronique au greffe de la chambre de l'urgence, Mme [C] [B] a interjeté appel de la décision précitée.

Le ministère public a conclu par écrit en date du 30 janvier 2023 à la confirmation de la décision querellée et son avis a été communiqué aux autres parties.

A l'audience du 6 février 2023, l'appelante a été entendue et déclare : 'j'accepte que l'affaire soit débattue en audience publique. A l'hôpital, ça se passe très bien, je suis satisfaite des soins. Je demande toujours la mainlevée de l'hospitalisation. J'ai un père de 88 ans qui se tape une dépression majeure, il est en EHPAD, mon père hospitalisé, je ne peux pas le voir, je suis la seule des trois filles à habiter à côté, je ne peux pas le voir. Je le connais bien, si je reste hospitalisée et que je ne peux pas le voir... on l'a mis dans une maison senior, il ne veut plus de son chien, il a changé. Mon père a pris du Xanax et de l'Atarax, il fait encore de la radiologie, il se fait abuser par des gens peu scrupuleux. C'est le frère de mon père qui a demandé mon hospitalisation. On ne s'est jamais beaucoup vus. Je suis infirmière libérale, là non, je ne travaille pas. J'ai un revenu foncier, un deuxième locataire est partie. Je croule sous les taxes, l'URSSAF. J'ai travaillé jusqu'au 31 décembre. Je travaillais à [Localité 8]. Je faisais des remplacements, j'ai eu une rupture du ligament intérieur croisé, j'ai trouvé des remplacements ponctuels. J'ai 700 euros de revenu locatif. J'ai une assurance perte de revenu mais j'ai pas encore fait les papiers. . Mon traitement c'est du Zyprexa, du Valium. Quand il y a trop d'ordinateur, écran, téléphone, le Valium ne m'endort pas mais ça m'arrête le mal de tête que me créent les ordinateurs. Oui, j'ai arrêté l'ancien traitement : ils me donnaient des anti- psychotiques mais je ne le suis pas. J'ai eu un traitement, il y a quatre ans, j'ai fait le suivi après et je suis fille de médecin, c'est un tort, je pars du principe que lorsqu'on a une angine, on prend le traitement et quand ça va mieux, on l'arrête, j'ai fait pareil pour mon traitement, sauf pour le Valium. Je me suis fait une descente en dépression, je me suis fais hospitaliser de moi-même, en trois jours, j'étais sur pieds'.

Son avocat, se référant à ses écritures préalablement notifiées aux autres parties et au ministère public par messagerie électronique le 30 janvier 2023 à 21h18, sollicite la mainlevée de la mesure d'hospitalisation en soulevant les moyens suivants :

- Mme [C] [B], ayant selon la décision du directeur de l'hôpital, été admise le 15 janvier 2023 à la première minute du jour, aucun élément ne démontre que la procédure prévue a été respectée et notamment que la demande du tiers et l'établissement d'un certificat médical sont antérieurs à la décision d'admission ; par ailleurs, le certificat médical de 24 heures a été émis plus de 30 heures plus tard ;

- En contravention avec les dispositions de l'article L 3212-5 du code de la santé publique, la décision d'admission n'a pas été notifiée au représentant de l'Etat non plus qu'à la commission départementale des soins psychiatriques, laquelle doit également être destinataire du bulletin d'entrée et des certificats médicaux et ce nouveau moyen est recevable pour la première fois en appel conformément à la jurisprudence de la Cour de Cassation (Cass Civ 1ère 5 décembre 2019 n°19-21.127) ; la Cour de Cassation a, en outre, dans un arrêt très récent (Cass Civ 1ère 18 janvier 2023 n°21-21.730) jugé que le défaut d'information de la commission des décisions d'admission peut porter atteinte aux droits de la personne concernée et justifier une mainlevée de la mesure d'hospitalisation complète, notamment en ce que cette commission n'a pu exercer son contrôle ni même proposer au juge des libertés et de la détention la levée de la mesure que Mme [B] conteste ;

- Aux termes de l'article L. 3211-3 du code de la santé publique , toute personne faisant l'objet de soins psychiatriques en application des chapitres II et III du présent titre ou de l'article 706-135 du code de

procédure pénale est informée :

a) Le plus rapidement possible et d'une manière appropriée à son état, de la décision d'admission et de chacune des décisions mentionnées au deuxième alinéa du présent article, ainsi que des raisons qui les motivent ;

b) Dès l'admission ou aussitôt que son état le permet et, par la suite, à sa demande et après chacune des décisions mentionnées au même deuxième alinéa, de sa situation juridique, de ses droits, des voies de recours qui lui sont ouvertes et des garanties qui lui sont offertes en application de l'article L. 3211-12-1.

En l'occurrence, Mme [C] [B] hospitalisée le 15 janvier 2023 à 00 heure, ne s'est vu notifier son admission que le 18 janvier 2023, soit trois jours plus tard, sans qu'il soit démontré que cela était justifié par son état de santé, au vu du contenu des certificats médicaux de 24 heures et 72 heures et que cela lui cause grief ;

- ni le certificat médical initial ni les suivants ne caractérisent un risque grave d'atteinte à l'intégrité de Mme [B] de nature à justifier son hospitalisation selon les modalités prévues par l'article L 3212-3 du code de la santé publique.

Il sollicite donc, outre l'attribution de l'aide juridictionnelle provisoire, l'annulation de l'ordonnance n°23/00810 du 24 février 2023 et la mainlevée de la mesure de soins sans qu'il y ait lieu d'assortir cette décision d'un délai autre que celui strictement nécessaire à sa réalisation.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'attribution de l'aide juridictionnelle provisoire :

Il convient, au regard des revenus déclarés par Mme [B], de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.

Sur la forme

L'appel, interjeté dans le délai de 10 jours prévu par les articles R 3211-18 et R 3211-19 du code de la santé publique, apparaît recevable.

Sur le fond

Il ressort des pièces versées aux débats que Mme [C] [B] a été admise au centre hospitalier [3] à [Localité 4] par décision du directeur de l'hôpital datée du 15 janvier 2023 à 00.00, au vu d'un certificat du Dr [W] médecin psychiatre exerçant au centre hospitalier du [6] en date du 15 janvier 2023 lui-même daté de 00.00. Toutefois, il est incontestable que cette dernière mention concernant l'heure dudit certificat est erronée comme ne correspondant pas à l'heure apposée par le Dr [W] sur son certificat soit 17h33.

La décision d'admission qui vise le certificat du Dr [W] et la demande du tiers en date du 15 janvier 2023, n'a pu être prise le 15 janvier 2023 que postérieurement au certificat médical initial, et la mention 00.00 ne peut correspondre qu'à minuit le 15 janvier 2023.

Il est donc établi que les certificats de 24 heures et 72 heures émis respectivement le 16 janvier 2022 et le18 janvier 2022 ont été établis dans les délais légaux.

La décision d'admission à l'hôpital ainsi que les voies de recours ont été notifiées à Mme [C] [B] le 18 janvier 2023.

Par certificat médical initial établi le 15 janvier 2023 à 17h33 par le Dr [W], ce praticien, après avoir constaté l'existence d'un risque grave à l'intégrité de la personne, une agitation psychomotrice avec comportement inadapté, sensation de persécution, déni des troubles et une rupture du traitement, conclut que l'état de la patiente rend impossible son consentement aux soins et impose des soins immédiats assortis d'une surveillance médicale constante en milieu hospitalier, justifiant une hospitalisation complète.

Par certificat médical de 24 heures rédigé le 16 janvier 2023, le Dr [U] relève que la patiente se montre à l'entretien un peu étrange, mais que son discours n'est pas franchement délirant, qu'elle est dubitative sur le récit des événements de la veille, plaidant exagération et mauvaise interprétation, que son aplomb et sa pertinence déroutent, qu'elle ne s'oppose ni ne consent aux soins et que la poursuite d'une période d'observation se justifie.

Par certificat de 72 heures, établi le 18 janvier 2023, le Dr [V] mentionne un contact altéré, un discours incohérent, avec passage du coq à l'âne, une agitation psychomotrice, une absence d'opposition aux soins et une incompréhension de la prise en charge.

L'avis médical simple émis le 23 janvier 2023 par le Dr [U] l'attention du juge des libertés et de la détention de Marseille explique que la réintégration d'un traitement a permis d'apaiser la situation et que les soins psychiatriques sont à maintenir.

Enfin, l'avis médical à l'attention de cette cour d'appel rédigé le 1er février 2023 par ce dernier praticien indique que la symptomatologie est loin d'être résorbée et que les perspectives thérapeutiques pourraient être limitées à terme et conclut en faveur du maintien de la mesure d'hospitalisation complète.

Aux termes de l'article L. 3212-5 du code de la santé publique, le directeur de l'établissement d'accueil transmet sans délai au représentant de l'Etat dans le département ou, à [Localité 5], au préfet de police, et à la commission départementale des soins psychiatriques mentionnée à l'article L. 3222-5 toute décision d'admission d'une personne en soins psychiatriques en application du présent chapitre. Il transmet également sans délai à cette commission une copie du certificat médical d'admission, du bulletin d'entrée et de chacun des certificats médicaux mentionnés aux deuxième et troisième alinéas de l'article L. 3211-2-2.

En l'occurrence, il n'est pas justifié par le directeur de l'hôpital de la transmission de la décision d'hospitalisation et des pièces susvisées et la procédure apparaît irrégulière sur ce point.

La Commission départementale des soins psychiatriques ayant notamment pour mission d'être informée de la mise en oeuvre de toutes les mesures d'hospitalisations sous contrainte, de recevoir les réclamations des personnes faisant l'objet de soins sans consentement et d'examiner, en tant que besoin, la situation des personnes hospitalisées à la demande d'un tiers en urgence, le défaut de transmission des pièces susvisées est de nature à faire grief au patient en ne permettant pas un contrôle de la mesure d'hospitalisation, voire même la saisine du juge des libertés et de la détention au fins de mainlevée de la mesure.

Tel est le sens d'un arrêt récent de la Cour de Cassation (Cass. Civ 1ère, 18 janvier 2023, n°21-21.730).

En l'occurrence, la privation de Mme [B], d'une possibilité de contrôle par la Commission de la mesure d'hospitalisation, à laquelle la patiente est opposée, lui fait indéniablement grief.

Par ailleurs , il ressort des termes de l'article L. 3211-3 du code de la santé publique que toute personne faisant l'objet de soins psychiatriques en application des chapitres II et III du présent titre ou de l'article 706-135 du code de procédure pénale est informée :

a) Le plus rapidement possible et d'une manière appropriée à son état, de la décision d'admission et de chacune des décisions mentionnées au deuxième alinéa du présent article, ainsi que des raisons qui les motivent ;

b) Dès l'admission ou aussitôt que son état le permet et, par la suite, à sa demande et après chacune des décisions mentionnées au même deuxième alinéa, de sa situation juridique, de ses droits, des voies de recours qui lui sont ouvertes et des garanties qui lui sont offertes en application de l'article L. 3211-12-1.

Madame [B] ayant été admise en hospitalisation sans consentement à compter du 15 janvier 2023 à minuit, ne s'est vu notifier la décision d'admission, que le 18 janvier 2023 soit trois jours après son admission sans qu'il soit justifié d'une cause de force majeure ou d'une incapacité médicale de l'intéressée à recevoir cette notification dès le 16 janvier 2023, le certificat médical de 24 heures établi ce même jour relevant au contraire, une absence de délire et une pertinence des propos de la patiente.

L'irrégularité de cette notification, du fait de son caractère tardif, porte atteinte aux droits de Mme [B] comme retardant d'autant son recours et l'éventuelle mainlevée de la mesure qu'elle conteste.

Dès lors , il y a lieu d'ordonner la mainlevée de la mesure d'hospitalisation sous contrainte, conformément aux dispositions de l'article L 3216-1 du code de la santé publique sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés.

Cette décision sera toutefois assortie, au vu des pièces médicales portées à notre connaissance en faveur de la persistance de troubles psychiatriques, d'un effet différé afin de permettre le cas échéant, l'établissement d'un programme de soins en application de l'article L.3122-2-1 du code de la santé publique.

Les dépens seront laissés à la charge du Trésor Public en application de l'article R.93-2° du code de procédure pénale.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement par décision réputée contradictoire,

Admettons Mme [C] [B] au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

Déclarons recevable l'appel formé par Mme [C] [B] ;

Infirmons la décision déférée rendue le 24 janvier 2023 par le Juge des libertés et de la détention de MARSEILLE et statuant à nouveau,

Ordonnons la mainlevée de la mesure d'hospitalisation sous contrainte de Mme [C] [B] ;

Différons la prise d'effet de la mainlevée de 24 heures après notification de la présente décision afin qu'un programme de soins puisse, le cas échéant, être établi en application du II de l'article L. 3211-2-1 du code de la santé publique ;

Laissons les dépens à la charge du Trésor public.

Le greffier La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-11 ho
Numéro d'arrêt : 23/00018
Date de la décision : 06/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-06;23.00018 ?
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