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02/02/2023 | FRANCE | N°19/14716

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-5, 02 février 2023, 19/14716


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5



ARRÊT AU FOND

DU 02 FEVRIER 2023

sa

N° 2023/ 44













Rôle N° RG 19/14716 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BE44P







SCI GRIMAUD [Localité 9]

SCI SCI [Localité 9]





C/



[H] [E]

[V] [E]





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :



SCP DUHAMEL ASSOCIES



Me Julien PI

ASECKI









Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 12 Septembre 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 18/02936.





APPELANTES



La SCI GRIMAUD l'ESTAGNE, dont le siège social est [Adresse 5], prise en la personne de ses représen...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5

ARRÊT AU FOND

DU 02 FEVRIER 2023

sa

N° 2023/ 44

Rôle N° RG 19/14716 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BE44P

SCI GRIMAUD [Localité 9]

SCI SCI [Localité 9]

C/

[H] [E]

[V] [E]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

SCP DUHAMEL ASSOCIES

Me Julien PIASECKI

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 12 Septembre 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 18/02936.

APPELANTES

La SCI GRIMAUD l'ESTAGNE, dont le siège social est [Adresse 5], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

représentée par Me Florence ADAGAS-CAOU de la SCP DUHAMEL ASSOCIES, avocat au barreau de DRAGUIGNAN, assistée de Me Michel MENANT de la SELEURL CABINET MENANT ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, plaidant

La SCI [Localité 9], dont le siège social est [Adresse 5], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

représentée par Me Florence ADAGAS-CAOU de la SCP DUHAMEL ASSOCIES, avocat au barreau de DRAGUIGNAN, assistée de Me Michel MENANT de la SELEURL CABINET MENANT ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, plaidant

INTIMES

Monsieur [H] [E]

né le 14 Octobre 1949 à LAUSANNE (Suisse), demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Julien PIASECKI, avocat au barreau de TOULON, assisté de Me Daniel FRANCOIS, avocat au barreau de PARIS, plaidant

Madame [V] [E]

née le 08 Octobre 1950 à NEW-YORK (USA), demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Julien PIASECKI, avocat au barreau de TOULON, assistée de Me Daniel FRANCOIS, avocat au barreau de PARIS, plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 04 Octobre 2022 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Sylvaine ARFINENGO, Président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Sylvaine ARFINENGO, Président

Madame Laetitia VIGNON, Conseiller

Madame Patricia HOARAU, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 Novembre 2022. A cette date, le délibéré a été prorogé au 02 Février 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 02 Février 2023,

Signé par Madame Laetitia VIGNON, Conseiller, pour Madame Sylvaine ARFINENGO, Président, empêché et Madame Danielle PANDOLFI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé en date du 30 août 1968, M. [G] [R] a loué à M. [A] [E] une parcelle de 4225 m2 d'une propriété agricole de 18500 m2, située quartier du [Localité 6] sur la commune de [Localité 10] et constituée d'une pinède et d'un cabanon.

Ce bail, conclu sous la condition suspensive de l'obtention par M. [E] d'un permis de construire a'n de réaliser une nouvelle construction, comprenait également un pacte de préférence en faveur de ce dernier dans l'hypothèse où M. [R] souhaitait vendre sa propriété.

Par acte du 6 octobre 1981, enregistré 1e 7 octobre 1981, et d'une durée de validité d'un an, M. [R] a promis de vendre à M. [E] un terrain de 2500 m2 sur cette propriété, cadastré BD [Cadastre 2] et BD [Cadastre 4], au prix de 87.500 francs, et sous la condition suspensive d'obtention d'un certificat d'urbanisme autorisant la division.

M. [E] a réglé une somme de 10.000 francs à titre d'acompte et a levé l'option le 4 octobre 1982, versant la somme supplémentaire de 20.000 francs.

Ayant levé la condition suspensive, M. [E] a souhaité régulariser la vente, et, devant le refus de M. [R], l'a sommé de se présenter en l'étude de Me [Y] le 25 mai 1983, ce que celui-ci n'a pas fait, ainsi que cela résulte du procès- verbal de difficultés établi par 1e notaire.

Par jugement du 7 mars 1986, le tribunal de grande instance de Draguignan a débouté M. [R] de sa demande en annulation de la promesse de vente, et par conséquent de la vente, pour vice du consentement, et, s'agissant de sa demande subsidiaire en rescision pour lésion, a ordonné une expertise sur la valeur du bien.

Par arrêt du 24 mars 1994, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a confirmé ce jugement s'agissant du vice du consentement, et ordonné le sursis à statuer sur la demande de rescision pour lésion dans l'attente du dépôt du rapport de trois experts.

M. [R] est décédé le 18 juillet 1998, laissant pour lui succéder M. [I] [T], Mme [F] [R] épouse [T] et M. [D] [O].

Par arrêt du 18 avril 2002, la cour d'appel d'Aix en Provence a rejeté la demande de rescision pour lésion de la vente, les héritiers de M. [R] n'ayant pas consigné la provision des experts.

Les deux parcelles BD [Cadastre 2] et BD [Cadastre 4] ont fait 1'objet, par les héritiers de M. [R], d'une cession par voie d'apport au capital de la SCI [Localité 9], puis à la SCI Grimaud [Localité 9]

M. [E] a assigné les consorts [R] et leurs ayant droits successifs devant 1e tribunal de grande instance de Paris, a'n de lui voir déclarer inopposables les diverses cessions intervenues, sur le fondement de l'article 1167 du code civil, et de constater son droit de propriété sur lesdites parcelles.

Par jugement du 15 décembre 2010, le tribunal de grande instance de Paris a rejeté les demandes présentées par M.[E] sur le fondement de l'action paulienne et tendant à voir dire que le jugement vaudra transfert de propriété à son pro't, au motif que cette demande additionnelle ne se rattachait pas suffisamment à la demande initiale et que le tribunal était territorialement incompétent pour statuer sur une action réelle portant sur un bien situé à Saint-Tropez.

Par arrêt du 9 avril 2015, la cour d'appel de Paris a confirmé ce jugement.

Mme [F] [T] est décédée 1e 8 aout 2011, laissant pour lui succéder ses deux enfants, M. [I] [T] et Mme [M] [T].

M. [E] a assigné les héritiers de M. [R] et les acquéreurs successifs des parcelles DB [Cadastre 4] et DB [Cadastre 2] : la SCI [Localité 9], la SCI Grimaud [Localité 9] et la SNC Immolab devant le tribunal de grande instance de Draguignan a'n de voir dire et juger que le jugement à intervenir constituera le titre de propriété.

Par jugement du 16 septembre 2014, le tribunal a rejeté la demande de M. [E] au motif qu'il s'était implicitement désisté de celle-ci lors de la procédure ayant abouti à 1'arrêt de la cour d'appel d'Aix en Provence du 24 novembre 2015.

M. [E] est décédé le 1er septembre 2015, laissant pour héritiers ses deux enfants, M. [H] [E] et Mme [V] [E].

Le jugement du 16 septembre 2014 a été infirmé par la cour de ce siège qui, dans un arrêt du 24 novembre 2015, a dit et jugé que la promesse de vente consentie par M. [R] à M. [E] le 6 octobre 1981 valait vente depuis la levée d'option intervenue le 4 octobre 1982 et que les cessions postérieures n'étaient pas opposables à M. [E] et à ses héritiers.

Par arrêt du 23 mars 2017, la SCI [Localité 9], la SCI Grimaud [Localité 9] et les époux [T] ont été déboutés de leur pourvoi en cassation.

La SCI [Localité 9] a assigné M. [H] [E] et Mme [V] [E], par exploit des 27 janvier et 5 février 2016, devant le tribunal de grande instance de Draguignan afin de dire et juger qu'elle bénéficie de l'antériorité de la publication de son droit de propriété à la conservation des hypothèques de Draguignan et en conséquence, dire et juger inopposable, en sa qualité d'actuelle propriétaire des parcelles BD [Cadastre 4] et BD [Cadastre 2], le droit de propriété résultant de l'arrêt de la cour d'appel d'Aix en Provence du 24 novembre 2015.

Par jugement du 1er mars 2018, le tribunal a déclaré la SCI L' Estagnet irrecevable en ses demandes.

Suivant acte d'huissier signifié le 9 avril 2018, la SCI Grimaud L' Estagnet a fait assigner M. [H] [E] et Mme [V] [E] devant le tribunal de grande instance de Draguignan aux fins de voir déclarer inopposable à son encontre la vente des parcelles BD [Cadastre 4] et BD [Cadastre 2] aux héritiers de M. [E]

Par jugement du 12 septembre 2019, le tribunal de grande instance de Draguignan a statué ainsi qu'il suit:

-Reçoit la SCI [Localité 9] en son intervention volontaire,

-Déboute la SCI Grimaud [Localité 9] et la SCI [Localité 9] de l'ensemble de leurs demandes,

-Déboute M. [E] et Mme [E] de leur demande reconventionnelle de dommages-intérêts,

-rejette la demande d'exécution provisoire,

-condamne la SCI Grimaud [Localité 9] et la SCI [Localité 9] aux dépens.

Le 19 septembre 2019, la SCI Grimaud [Localité 9] et la SCI [Localité 9] ont relevé appel de cette décision.

Selon leurs dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 23 novembre 2021, la SCI Grimaud [Localité 9] et la SCI [Localité 9] demandent à la cour de :

-les recevoir en leur appel et les y déclarer bien fondées,

-confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a jugé recevable la SCI [Localité 9] en son intervention volontaire;

pour le surplus,

-réformer le jugement entrepris,

Vu les dispositions de l'article 37 dernier alinéa du décret du 4 janvier 1955

-dire et juger , la SCI [Localité 9] bien fondée à opposer aux consorts [E], les droits qu'elle tient de la publication qui a été faite le 11 mai 2007 concernant les parcelles BD [Cadastre 2] et BD [Cadastre 4].

Et par voie de conséquence,

-dire et juger que la SCI Grimaud [Localité 9] qui vient aux droits de la SCI [Localité 9] bénéficie de l'antériorité de la publication du droit de propriété de cette dernière à la conservation des hypothèques de Draguignan, soit à compter du 11 mai 2007.

En conséquence,

-dire et juger non opposable tant à la SCI [Localité 9] qu'à la SCI Grimaud [Localité 9], à compter du 26 mai 1986, la vente intervenue entre [R] et [E] le jour de la levée d'option, soit le 4 octobre 1982,

En conséquence,

-dire et juger non opposable tant à la SCI [Localité 9] qu'à la SCI Grimaud [Localité 9] actuelle propriétaire des parcelles BD [Cadastre 4] et BD [Cadastre 2], le droit de propriété résultant de l'arrêt de la cour d'appe1 d'Aix-en- Provence en date du 24 novembre 2015,

En conséquence,

-dire et juger qu'elle pourra prendre possession des lieux dès la signification du « jugement » (Sic) à intervenir,

Et, en tant que de besoin, pour le cas où les lieux seraient occupés par les consorts [E],

-ordonner l'expulsion des consorts [E] et de tous occupants de leur chef, avec l'assistance, si besoin est, de la force publique, et séquestration de leurs biens et objets mobiliers dans tout garde-meubles du choix de la requérante, aux frais, risques et périls des consorts [E],

Vu l'article 564 du code de procédure civile,

-rejeter les demandes nouvelles en appel des consorts [E],

-débouter les consorts [E] de l'ensemble de leurs demandes fins et conclusions,

-condamner les intimés à payer à la SCI Grimaud L' Estagnet la somme de 15.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamner les « défendeurs » en tous les dépens.

Les sociétés appelantes soutiennent, essentiellement :

-qu'elles ont la qualité de tiers au sens de l'article 30 du décret du 4 janvier 1955,

-qu'en les assimilant aux héritiers [R], le tribunal a commis une erreur de droit car dès son immatriculation, la société existe en tant que personne juridique individualisée,

-dès lors, elles sont bien un tiers au sens des dispositions de l'article 37 dernier alinéa du décret du 4 janvier 1955,

-sur le règlement de conflit de droits réels :

* [A] [E] et ses héritiers, faute d'avoir publié leur droit de propriété, ont perdu, depuis le 25 mai 1985, le droit de l'opposer aux cessionnaires postérieurs,

* la promesse de vente du 6 octobre 1981 n'a pas été publiée

* [A] [E] n'a pas publié son droit suite au procès-verbal de carence dressé par Me [Y], laissant pas moins de 27 ans entre le 4 octobre 1982 et le 30 décembre 2009, date où les consorts

[E] déposent aux hypothèques la promesse de vente concernant les parcelles litigieuses,

* depuis le 25 mai 1986, la vente du terrain par la levée de l'option par [A] [E] n'est plus opposable aux tiers,

-la SCI [Localité 9] justifie de la publication de son titre,

-sur les conséquences attachées à la cession des parcelles litigieuses de la SCI [Localité 9] à la SCI Grimaud [Localité 9] : l'apport n'a pas été publié, ce qui ne change rien dès lors que la SCI Grimaud [Localité 9] vient aux droits de la SCI [Localité 9], dont les droits ont été publiés le 11 mai 2007 et que cette publication s'impose comme précédant celle effectuée par les consorts [E] le 28 mai 2009,

-la SCI [Localité 9] paye la taxe foncière sur les deux parcelles depuis 2007,

-dès lors, les parcelles sont aujourd'hui la propriété de la SCI Grimaud [Localité 9], mais vis-a-vis de la publicité foncière, terrain juridique sur lequel est fondé 1'action judiciaire, c'est la SCI [Localité 9] qui est en droit d'opposer son droit aux consorts [E].

En réponse aux conclusions adverses :

-la règle de publicité foncière veut que le signataire d'un second contrat translatif ayant fait 1'objet de la première publication devienne, de ce fait acquéreur originaire du même bien.

-par un revirement de jurisprudence, la Cour de cassation a abandonné 1a condition d'ignorance par le second contractant ayant procédé le premier aux formalités de publicité foncière, de l'existence d'un premier contrat translatif.;

-i1 est constant que la promesse de vente du 6 octobre 1981 qualifiée comme telle par l'arrêt de la Cour d'Aix en Provence en date du 24 novembre 2015 n'a pas été publiée, malgré les recommandations du notaire figurant dans le procès~verbal de carence.

- il est également constant que la SCI [Localité 9] a publié son droit de propriété et qu'ensuite, i1 y a eu un apport des terrains à la SCI Grimaud L'Etsagnet, apport qui, en effet, n'a pas été publié. Mais, les droits de la SCI Grimaud [Localité 9] sont ceux que la SCI [Localité 9] lui a cédés, et donc, la publication qui a été faite par celle-ci profite a sa cessionnaire.

-à l'instant ou l'acte de la SCI [Localité 9] a été publié, celui-ci a rendu inopposable la promesse de vente.

-la SCI Grimaud [Localité 9] est de bonne foi,

-M. [E] aurait dû faire publier la promesse de vente,

-les demandes en dommages-intérêts des consorts [E] devront être rejetées car nouvelles en cause d'appel;

-sur le fond, leur demande n'est pas justifiée; ce sont les consorts [E] qui occupent les lieux alors que la SCI [Localité 9] paie la taxe foncière,

-de ce fait , au-delà de démontrer la mauvaise foi des consorts [E], la cour pourra en déduire que ces derniers ont acquiescé a cette situation bien avant d'engager leur procédure le 22 janvier 2009 qui a abouti au jugement du 15 décembre 2010 et à l'arrêt de la Cour de céans le 24 novembre 2015

Selon leurs dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 21 décembre 2021, M. [E] et Mme [E] demandent à la cour, sur le fondement des articles 28, 30 et 37 du décret du 4 janvier 1955 et 9 du code de procédure civile, de :

-Débouter les deux SCI de l'ensemble de leurs conclusions

-Confirmer le jugement prononcé le 12 septembre 2019 par le TGI de Draguignan

-dire et juger que la SCI Grimaud [Localité 9] n'a pas plus que la SCI [Localité 9] un quelconque droit de propriété sur les parcelles BD [Cadastre 4] et BD [Cadastre 2].

-Dire et juger que la SCI Grimaud [Localité 9] et la SCI [Localité 9] n'ont aucun droit réel à leur opposer;

-les débouter de toutes leurs demandes, fins et conclusions.

Dans le cas où par le plus grand des hasards, ou la SCI Grimaud [Localité 9] ou la SCI [Localité 9] aurait eu des droits de propriété

-dire qu'elle n'a pas la qualité de tiers au sens de la publicité foncière,

-constater qu'elle n'apporte aucune preuve de la publication d'un droit réel sur les parcelles BD [Cadastre 4] et BD [Cadastre 2].

-dire et juger que, compte tenu de la mauvaise foi des SCI [Localité 9] et Grimaud [Localité 9], la publication de leurs prétendus droits réels, si elle existe, est inopposable aux consorts [E],

-les débouter de toutes leurs demandes, fins et conclusions.

M. et Mme [E] font valoir en substance,

-la SCI [Localité 9] avait publié des droits réels immobiliers, mais elle n'est plus propriétaire puisqu'elle les a apportés à la SCI Grimaud [Localité 9],

-la SCI Grimaud [Localité 9] qui est propriétaire des deux parcelles n'a pas publié ses droits.

-le contrat d'apport du 24/5/2007 mentionne expressément que les parcelles BD [Cadastre 4] et BD [Cadastre 2] constituent des droits litigieux, et que de ce fait, ils ont été évaluées à 10 800 €,

-la SCI [Localité 9] ne pouvait apporter plus de droits à la SCI Grimaud [Localité 9] que ce qu'elle n'en avait,

-le sort de ces droits litigieux a été définitivement et irrévocablement réglé en faveur des consorts [E], par l'arrêt de la cour d'Aix en Provence du 24/11/2015,

-le litige entre M. [R] et M.[E] ayant été réglé en faveur des consorts [E] par une décision ayant acquis force de chose jugée, les prétendus droits réels de la SCI [Localité 9] ont été anéantis,

-à supposer que les droits de la SCI [Localité 9] n'aient pas été anéantis, celle-ci n'est pas considérée comme un tiers au regard de la publicité foncière au sens de l'article 30 du décret du 4 janvier 1955,

-les parties n'ont pas acquis du même auteur : la SCI Grimaud [Localité 9] tient ses prétendus droits de propriété de la SCI [Localité 9] qui les tient des époux [T] en fraude des droits de M.[E] et au mépris des décisions de justice rendues. En tant qu'héritiers de M. [R], les époux [T] devaient honorer les engagements dont celui-ci a été reconnu débiteur par le jugement du 7 mars 1986, confirmé par l'arrêt du 24 mai 1994,

-la SCI Grimaud [Localité 9] n'a pas de droits publiés: elle prétend avoir publié ses droits sur les parcelles BD [Cadastre 2] et BD [Cadastre 4], le 5 juillet 2007, Volume : 2007 P1-1 8474, n° 2007 D N 0 15088, alors que cette référence est celle du dépôt de pièces contenant statuts de la SCI [Localité 9] et apport des deux parcelles fait par les époux [T], donataires, à la SCI [Localité 9] bénéficiaire,

-cet apport n'a pas été publié,

-les parties ne sont pas soumises à la même obligation de publicité (article 37 du décret) : les consorts [E] ne sont soumis à aucune obligation de publicité. La promesse de vente est en effet, un droit personnel et non réel, elle n'a pas à être publiée obligatoirement, et il ne peut pas y avoir un conflit de droits réels entre un droit réel et un droit personnel.

-pour publier un droit de propriété, il faut obligatoirement un acte authentique -article 710-1 du code civil-

-les publications facultatives prévues par l'article 37 paragraphe 2 du décret du 4 janvier 1955 n'emportant pas mutation de propriété ne peuvent être assimilées à la publication d'un acte authentique de vente rendant obligatoire, selon l'article 28 du même décret, la publication;

-Bien que n'ayant pas eu l'obligation de publier la promesse de vente et le procès-verbal de difficultés établi par le notaire, M. [E] les a fait publier; la promesse a été enregistrée à [Localité 10] le 7/10/1981, et a été publiée en même temps que le procès-verbal de difficultés et les annexes, soit au total 34 pages, il porte le cachet du Conservateur avec la mention « formalité définitivement exécutée le 5 juin 1983, dépôt 9588.78 »

-sur l'inobservation du formalisme de l'article 37 du décret du 4 janvier 1955,

-Il est de jurisprudence constante que le principe de l'inopposabilité aux tiers d'un acte non encore publié ne saurait jouer si le second acquéreur est de mauvaise foi, et connaît l'existence de la première mutation.-article 1198 du code civil-

L'ordonnance de clôture est intervenue le 20 septembre 2022.

Motifs de la décision :

Il est constant, en l'espèce, que :

- la cour d'appe1 d'Aix-en- Provence dans son arrêt du 24 mai 1994, a jugé parfaite la vente intervenue entre M. [G] [R] et M. [A] [E], sauf l'incidence de l'instance en cours relative à son caractère lésionnaire, laquelle s'est soldée, avec l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 18 avril 2002, par un rejet de la demande de rescision pour lésion de la vente.

- par arrêt du 24 novembre 2015, la cour d'appe1 d'Aix-en-Provence a dit et jugé que : 

' la promesse de vente consentie par M. [R] à M. [E] le 6 octobre 1981 vaut vente depuis la levée d'option intervenue le 4 octobre 1982, à compter de cette date du 4 octobre 1982, M. [A] [E], et depuis son décès ses héritiers, M. [H] et Mme [V] [E], est devenu propriétaire d'un terrain de 2500 m², situé à [Localité 10], chemin du [Localité 6], comprenant les constructions édifiées sur une parcelle de terre à l'origine en nature de vigne cadastrée BD [Cadastre 4], lieu dit [Localité 6], pour une surface de 18 ares et 22, et d'une parcelle à usage de chemin, cadastrée BD [Cadastre 2], lieu dit [Localité 6], pour une surface de 9 ares et 56 centiares, bien non limité, pris pour une contenance de un are et 58 centiares, le présent vaut titre de propriété et sera publié à la conservation des hypothèques de [Localité 8].

Les cessions postérieures au 4 octobre 82 intervenues relativement aux parcelles précitées se heurtent aux droits de M. [A] [E], et lui sont inopposables ainsi qu'à ses héritiers, le présent arrêt étant commun aux sociétés civiles immobilières [Localité 9], Grimaud [Localité 9] et Immolab'.

Dans un arrêt du 23 mars 20l7, la Cour de cassation a rejeté les pourvois des sociétés [Localité 9], Grimaud [Localité 9], Immolab et des consorts [T] l'encontre de la décision susvisée.

Le 11mai 2007, M. [I] [T] et son épouse Mme [F] [R] ont crée la SCI [Localité 9], avec apport d'un certain nombre de parcelles, dont les parcelles BD [Cadastre 2] et BD [Cadastre 4]. Les statuts de cette société comporte la mention suivante ( page 6) ' Concernant la propriété cadastrée BD [Cadastre 4]: ladite propriété a fait l'objet du vivant de M. [G] [R] d'une promesse de vente au profit de M. [E] suivant acte sous signatures privées en date du 6 octobre 1981, suivi d'un procès-verbal de non comparution dressé par Me [C] [Y], notaire à [Localité 7] le 25 mai 1983. A ce jour, le litige n'est pas solutionné; il a été prévu, lors de la constitution de la société [Localité 9], que cette dernière pourrait seule engager toute procédure de quelque nature que ce soit relative à ladite propriété. Concernant la parcelle cadastrée BD [Cadastre 2]: Outre que les droits indivis de ladite parcelle sont compris dans la promesse de vente susvisée, ladite parcelle de terre est à usage de chemin et, par conséquent, sans valeur réelle.'

Par contrat du 23 mai 2007, la SCI [Localité 9] a apporté à la SCI Grimaud [Localité 9] ' les parcelles suivantes, constituant des droits litigieux, figurant au cadastre, à savoir section BD n° [Cadastre 2] et section BD n° [Cadastre 4]".

Il ressort, par ailleurs, des pièces produites que:

- la SCI [Localité 9], soutenant être titulaire de droits réels immobiliers, publiés en 2007 et opposables aux droits de propriété de M. [E] tels que résultant de l'arrêt de cette cour du 24 novembre 2015, a fait assigner les consorts [E] à l'effet de dire qu'elle bénéficie de l'antériorité de la publication de son droit de propriété à conservation des hypothèques et qu'en conséquence, le droit de propriété résultant de l'arrêt susvisé, lui est inopposable,

- le tribunal de grande instance de Draguignan, par jugement du 1er mars 2018, a déclaré la SCI [Localité 9] irrecevable en ses demandes en ce qu'elle n'avait plus de droits de propriété pour avoir apporté à la SCI Grimaud [Localité 9] la totalité de ceux-ci.

La présente procédure a donc été introduite à l'initiative de la SCI Grimaud [Localité 9], pour les mêmes motifs, la SCI [Localité 9] étant intervenue volontairement à la procédure, en ce qu'elle justifie payer encore aujourd'hui la taxe foncière et est en conséquence, au regard de la publicité foncière, encore propriétaire des parcelles litigieuses. Les appelantes exposent, en effet, que la SCI [Localité 9] a fait certes apport à la SCI Grimaud [Localité 9] des parcelles litigieuses, mais sans que cet apport ne soit publié.

Les sociétés appelantes font grief au premier juge d'avoir retenu que la vente intervenue entre M. [G] [R] et M. [A] [E] le 4 octobre 1982 est opposable à ses héritiers et, dès lors à la SCI [Localité 9] et à la SCI Grimaud [Localité 9] alors qu'elles ont la qualité de tiers au sens de la publicité foncière.

Conformément à l'article 30 1° du décret du 4 janvier 1955, les actes et décisions judiciaires soumis à publicité par application de l'article 1° de l'article 28 sont, s'ils n'ont pas été publiés, inopposables aux tiers qui, sur le même immeuble, ont acquis du même auteur, des droits concurrents en vertu d'actes ou de décisions soumis à la même obligation de publicité et publiés.

Il résulte de ces dispositions que le confit entre un premier acquéreur, dont les droits sont nés d'une promesse de vente sous seing privé et qui ne peut justifier d'une publication, et un second acquéreur, pouvant se prévaloir d'un acte authentique publié, doit être résolu au profit de ce dernier.

Il n'en demeure pas moins que pour se prévaloir de l'existence d'un éventuel défaut de publication, la partie doit avoir la qualité de tiers au sens de l'article 30 1° susvisé.

En l'occurrence, M. [G] [R] est décédé le 18 juillet 1998 et à la suite du partage de ses biens, les parcelles BD [Cadastre 4] et BD [Cadastre 2] ont été attribuées à Mme [F] [R] épouse [T] et M. [I] [T], mariés sous le régime de la communauté universelle.

Les époux [T] ont apporté leurs droits litigieux sur ces deux parcelles en créant la SCI [Localité 9]. Cette société tient donc ses droits des héritiers de M. [R], à savoir M. et Mme [T], lesquels ne peuvent être considérés comme un tiers au sens de l'article 30 1° du décret du 4 janvier 1955.

En effet, en leurs qualités d'héritiers de M. [R] dont ils ont accepté la succession, ils étaient tenus de toutes les obligations qui incombaient à celui-ci à l'égard du premier acquéreur. Plus particulièrement, les époux [T] se devaient d'honorer les engagements dont M. [G] [R] a été reconnu débiteur par le jugement du tribunal de grande instance de Draguignan, confirmé par un arrêt de la cour de céans, ayant déclaré valable la promesse de vente consentie le 4 octobre 1981 portant sur les deux parcelles querellées par M. [G] [R] au profit de M. [A] [E].

La SCI [Localité 9], créée par les époux [T], qui ont ainsi apporté les deux parcelles litigieuses, n'a pas la qualité de tiers en ce qu'elle tient ses droits de propriété des héritiers de M. [R], qui ont fait fi des décisions de justice et par là des obligations qui incombaient à au défunt.

Elle n'est donc pas fondée à se prévaloir du défaut d'antériorité de publication par M. [E] et ses héritiers de la promesse de vente consentie le 4 octobre 1981.

Par voie de conséquence, la SCI Grimaud [Localité 9] qui tient ses prétendus droits de propriété de la SCI [Localité 9] n'est pas davantage fondée à se prévaloir de ce défaut d'antériorité d d'autant qu'elle n'a pas publié ses droits, ainsi qu'elle le reconnaît expressément elle-même.

Au demeurant, la cour observe que les sociétés appelantes concluent à l'inopposabilité à leur égard de la vente intervenue entre M. [R] et M. [E] à leur égard au motif que la SCI [Localité 9] bénéficie de l'antériorité de la publication de son droit de propriété, alors que:

- d'une part, la SCI [Localité 9] n'a plus de droits de propriété sur les parcelles litigieuses pour les avoir cédées à la SCI Grimaud [Localité 9],

- d'autre part, la SCI Grimaud [Localité 9], bénéficiaire de la totalité des parcelles BD [Cadastre 2] et BD [Cadastre 4] suite au contrat d'apport du 23 mai 2007, n'a pas publié ses droits et ne peut donc revendiquer le bénéfice de l'antériorité de la publication de son droit, qui n'existe pas.

Quant à la circonstance que la SCI [Localité 9] ait continué à payer les taxes foncières alors que suite que M. [H] [E] justifie avoir réglé les impôts fonciers afférents aux deux parcelles querellées pour les années 2019 à 2021, de même que la taxe d'habitation pour ces mêmes années. Au contraire, à compter de l'année 2018, la référence au terrain du [Localité 6] est exclue des documents fiscaux de la SCI [Localité 9] qui règle les taxes foncières pour les biens immobiliers excluant les parcelles BD [Cadastre 2] et BD [Cadastre 4].

Les sociétés appelantes n'ont donc aucun droit réel à opposer aux consorts [E], les cessions intervenues postérieurement au 4 octobre 1982 et relativement aux parcelles BD [Cadastre 2] et BD [Cadastre 4] se heurtant aux droits de M. [A] [E] et lui sonc inopposables, ainsi qu'à ses héritiers.

Les intimés ne justifiant pas de la part des appelantes d'une erreur grossière équipollente au dol, ni de l'existence d'une volonté de nuire, ils seront déboutés de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive

Le jugement entrepris sera donc confirmé en toutes ses dispositions.

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

Vu l'article 696 du code de procédure civile,

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement du tribunal de grande instance de instance de Draguignan déféré,

Y ajoutant,

Déboute M. [H] [E] et Mme [V] [E] de leur appel incident,

Condamne la SCI [Localité 9] et la SCI Grimaud [Localité 9] à payer à M. [H] [E] et Mme [V] [E] la somme de 6.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SCI [Localité 9] et la SCI Grimaud [Localité 9] aux dépens de la procédure d'appel qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Le greffier Pour le président empêché


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-5
Numéro d'arrêt : 19/14716
Date de la décision : 02/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-02;19.14716 ?
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