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26/01/2023 | FRANCE | N°19/14242

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-5, 26 janvier 2023, 19/14242


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5



ARRÊT AU FOND

DU 26 JANVIER 2023

lv

N° 2023/ 37













N° RG 19/14242 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BE3MQ







[L] [E]

[A] [V] épouse [E]





C/



[S] [F] épouse [C]

[K] [R] épouse [F]



























Copie exécutoire délivrée

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à :



Me Elisabeth VINCENT
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Me Laure LAYDEVANT





















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 11 Juillet 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 18/01275.



APPELANTS



Monsieur [L] [E]

demeurant [Adresse 1]



représenté par Me Elisabeth VINCENT, avocat au b...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5

ARRÊT AU FOND

DU 26 JANVIER 2023

lv

N° 2023/ 37

N° RG 19/14242 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BE3MQ

[L] [E]

[A] [V] épouse [E]

C/

[S] [F] épouse [C]

[K] [R] épouse [F]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Elisabeth VINCENT

Me Laure LAYDEVANT

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 11 Juillet 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 18/01275.

APPELANTS

Monsieur [L] [E]

demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Elisabeth VINCENT, avocat au barreau de NICE substitué par Me Monique CASTELNAU, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Madame [A] [V] épouse [E]

demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Elisabeth VINCENT, avocat au barreau de NICE substitué par Me Monique CASTELNAU, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMEES

Madame [S] [F] épouse [C]

demeurant [Adresse 5] / FRANCE

représentée par Me Laure LAYDEVANT, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Madame [K] [R] épouse [F]

demeurant [Adresse 4] / FRANCE

représentée par Me Laure LAYDEVANT, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804, 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Laetitia VIGNON, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Hélène GIAMI, Conseiller, faisant fonction de Président de chambre,

Madame Laetitia VIGNON, Conseiller

Madame Patricia HOARAU, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 26 Janvier 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 26 Janvier 2023

Signé par Madame Laetitia VIGNON, Conseiller pour Madame Hélène GIAMI, Conseiller, faisant fontion de Président de chambre, empéchée et Madame Danielle PANDOLFI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS et PROCEDURE - MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES

Mme [S] [F] épouse [C] et Mme [K] [R] épouse [F] d'une part et les époux [E]/[V] d'autre part sont respectivement propriétaires des lots n° 1 et n° 2 de l'immeuble cadastré AV n° [Cadastre 2] situé [Adresse 1] à [Localité 7] (Alpes-Maritimes) ; Mme [S] [C] est propriétaire de l'immeuble contigu cadastré AV n° [Cadastre 3] ; elle a consenti un bail à usage commercial à Mme [G] pour y exploiter un hôtel.

Selon un accord aujourd'hui contesté, M. [E] a réalisé en 1989 un local couvrant partiellement une cour intérieure et un local de la propriété [F]/[C] et dont la toiture constitue une terrasse attenante à son appartement. Des infiltrations d'eau étant intervenues en 2013 dans ce local, les consorts [F]/[C] ont obtenu en référé la désignation de l'expert [X] qui a déposé un rapport en l'état le 21 octobre 2015 faute de provision complémentaire.

Le 9 mars 2018, Mmes [F] et [C] ont saisi le tribunal de grande instance de Grasse en paiement de dommages-intérêts, en enlèvement par les époux [E]/[V] du mobilier entreposé sur la terrasse et en interdiction sous astreinte d'en faire usage. Ces derniers se sont opposés à la demande en invoquant l'absence de syndicat de copropriété et l'absence de préjudice.

Selon jugement contradictoire rendu le 11 juillet 2019, le tribunal a :

'débouté les époux [E]/[V] de leur fin de non-recevoir ;

'déclaré irrecevable la revendication de propriété des consorts [F]/[C] ;

'débouté les mêmes de leur demande en paiement de dommages-intérêts ;

'fait interdiction aux époux [E]/[V] sous astreinte de 100 € par infraction constatée d'utiliser la terrasse située en surplomb de la buanderie ;

'condamné in solidum les mêmes à :

*enlever l'intégralité du mobilier entreposé sur cette terrasse et ce compris le cumulus électrique sous astreinte de 50 € par jour de retard passé un délai de deux mois suivant la signification du jugement,

*mettre en place devant la porte fenêtre donnant sur la terrasse un garde corps identique à celui équipant les autres fenêtres de l'immeuble sous les mêmes astreinte et délai ;

'débouté Mmes [F] et [C] de leur demande en paiement de dommages-intérêts pour résistance abusive ;

'condamné in solidum les époux [E]/[V] à leur payer la somme de 1000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

'condamné in solidum les mêmes aux dépens intégrant les frais d'expertise avec faculté de recouvrement direct ;

'ordonné l'exécution provisoire du jugement.

Les époux [E]/[V] ont régulièrement relevé appel de cette décision le 7 septembre 2019 et demandent à la cour selon dernières conclusions signifiées par voie électronique le 6 décembre 2019 de:

vu les articles 31 et 32 du code de procédure civile,

vu l'article 15 de la loi du 10 juillet 1965,

vu le règlement de copropriété,

vu le rapport d'expertise de M. [X],

'réformer partiellement le jugement déféré et statuant à nouveau ;

'déclarer irrecevable l'action des consorts [F]/[C] ;

'les débouter de l'ensemble de leurs demandes ;

'« déclarer » que Mmes [F] et [C] ont érigé sans l'accord des copropriétaires une buanderie aux lieu et place d'une cour intérieure modifiant ainsi la destination de l'immeuble;

'« déclarer » que la buanderie de Mmes [F] et [C] empiète sur la copropriété située [Adresse 1] au sein de laquelle elles n'ont pas la qualité de copropriétaires ;

' les condamner solidairement au paiement d'une indemnité de 3500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

' les condamner solidairement aux dépens ;

'confirmer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action en revendication de propriété de la terrasse, constate l'absence de préjudice des consorts [F]/[C] et les déboute de leurs demandes en paiement de dommages-intérêts.

Au soutien de leur appel, les époux [E]/[V] font valoir principalement que c'est à la demande des intimées que M. [E] a réalisé en 1989 un local sur leur propriété lui permettant de disposer d'une terrasse attenante à son appartement, que seul le syndicat a qualité pour agir, qu'en lecture du rapport d'expertise [X] la terrasse dont s'agit est en surplomb d'une buanderie appartenant aux intimées et non d'une cour, que le bail commercial consenti par Mme [C] mentionne cette pièce à usage de buanderie, que les intimées n'ont pas poursuivi l'expertise dès que l'expert a réclamé un complément portant notamment sur cet aménagement, qu'elles ne justifient pas d'un préjudice et qu'il ne peut être interdit aux époux [E]/[V] d'user de la terrasse litigieuse.

Selon dernières conclusions en réplique signifiées par voie électronique le 28 septembre 2022, Mmes [F] et [C] demandent à la cour de :

vu les articles 544, 1240 à 1242 du code civil,

vu les articles 9, 699 et 700 du code de procédure civile,

vu la loi du 10 juillet 1965 et le décret du 17 mars 1967,

'réformer partiellement le jugement déféré ;

'débouter les époux [E]/[V] de leurs demandes ;

'les condamner in solidum au paiement de la somme de 10'000 € à titre de dommages-intérêts tous préjudices confondus ;

'attribuer la propriété de la terrasse aux consorts [F]/[C] ;

'subsidiairement, l'attribuer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble cadastré AV n° [Cadastre 2];

'faire interdiction aux époux [E]/[V] d'user de la terrasse dans les termes du jugement;

'les condamner in solidum, dans les termes du jugement, à installer un garde corps de fenêtre;

'les condamner in solidum à payer aux consorts [F]/[C] les sommes de :

*4000 € à titre de dommages-intérêts pour résistance et appel abusifs,

*10'000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

*« le montant retenu par l'huissier » ;

'prononcer ces condamnations avec intérêts au taux légal et capitalisé à compter du courrier recommandé AR du 27 septembre 2013 ;

'ordonner la publication de l'arrêt à intervenir à la conservation des hypothèques d'[Localité 6].

Mmes [F] et [C] plaident principalement que le courrier recommandé précité demandant la réalisation de travaux pour mettre fin aux infiltrations étant demeuré sans réponse, elles ont été contraintes de solliciter la désignation d'un expert judiciaire, qu'aucun syndic n'ayant été désigné elles sont recevables à agir, que la terrasse ayant été édifiée sur leur cour privative elles peuvent en revendiquer la propriété, que l'expert judiciaire [X] a constaté les désordres ayant leur origine dans des travaux non conformes aux règles de l'art, que le cumulus électrique et la tête de cloison en agglos bruts constituent une surcharge de la terrasse, que la preuve d'un accord quant à son édification n'est pas rapportée, que le complément d'expertise devait porter sur la solidité de sa structure, que la cour a toujours été utilisée à usage de buanderie munie anciennement d'une toiture légère destinée à protéger les machines à laver et les fils d'étendage du linge, que les appelants ont agrandi leur appartement notamment par la terrasse litigieuse sans autorisation, qu'il en résulte un trouble de voisinage persistant suite aux infiltrations d'eau successives et que le lien de causalité est établi.

Il est renvoyé, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue en cet état de la procédure le 8 novembre 2022.

MOTIFS de la DECISION

Sur la procédure :

Le premier juge a rappelé à bon droit que les demandes de « constater » ou « dire et juger » ne constituent pas des prétentions mais des rappels de moyens qui ne saisissent pas la juridictionn. La cour ajoute qu'il en va de même des demandes de « déclarer » telles que figurant au dispositif des conclusions des appelants.

Le tribunal a fait également une application exacte de l'article 15 de la loi du 10 juillet 1965 qui autorise tout copropriétaire à agir pour la sauvegarde des droits de propriété et ou de jouissance de son lot quand bien même la copropriété n'est pas organisée.

Au fond :

Le règlement de copropriété modifiant la composition des lots et la division de l'immeuble établi le 17 novembre 1964 par le notaire [H] [N] décrit le lot n°1 de l'immeuble cadastré AV [Cadastre 2] en ces termes : « au rez-de-chaussée, un local à usage commercial de 6,58 m de long sur 5,17 m de large et un petit appartement à l'arrière du dit local composé d'une cuisine, WC et une chambre avec petite cour attenante » ; cette description figure à l'acte de donation postérieur du 29 avril 2014 consentie par Mme [F] au profit de Mme [C] ; en revanche, la cour n'apparaît pas dans les titres de propriété relatifs à la parcelle AV n° [Cadastre 3]. En conséquence elle constitue une partie privative des intimées.

Toutefois, ce modificatif n'altére en rien le surplus des dispositions originaires du règlement qui désigne en son article premier définissant les parties communes générales « le sol sur lequel repose la maison » ; en vertu de ces dispositions qui constituent la loi des parties, le tribunal a rejeté à bon droit la revendication de propriété de la terrasse des consorts [F]/[C].

Ils poursuivent leur demande au visa de l'article 544 du Code civil qui confère le droit de jouir « de la manière la plus absolue » des choses dont on est propriétaire ; cependant leur usage ne peut s'exercer en contrariété des lois et règlements, ni être source pour la propriété d'autrui, bénéficiant des mêmes prérogatives, d'un dommage excédant les inconvénients normaux du voisinage ; l'anormalité s'apprécie en fonction des circonstances locales, de la destination normale et habituelle du fonds troublé, de la perception ou de la tolérance des personnes qui s'en plaignent, doit revêtir une gravité certaine et être établie par celui qui s'en prévaut. Le dommage s'entend pour les personnes de toutes dégradations des conditions de vie et pour les biens de tous désordres affectant le fonds voisin. S'agissant d'un régime de responsabilité autonome, fondé sur un fait objectif à l'exclusion de toute faute ou négligence, les dispositions des articles 1382 à1384 anciens du code civil, aujourd'hui 1240 à 1242 lui sont inapplicables.

En l'espèce, il n'est pas douteux que la terrasse a été construite avec l'accord des intimées en ce qu'elle surplombe un lot privatif et plus particulièrement la buanderie de l'hôtel adjacent ainsi que le rapporte l'expert [X] en page 12 de son rapport au moyen d'un croquis parfaitement explicite ; toutefois, les certitudes s'arrêtent ici puisque Mmes [F] et [C] n'ont pas entendu poursuivre l'expertise privant la cour de tous éléments pertinents d'appréciation.

Elles expliquent pourtant avoir été contraintes d'y recourir dès lors que leur courrier recommandé de 2013 serait resté sans réponse ; les époux [E]/[V] justifient pour leur part en pièce n° 3 de leur dossier d'une déclaration de dégât des eaux contemporaine à leur assureur qui en a dûment accusé réception (cf pièce n°4).

Quoiqu'il en soit, l'expert a relevé des traces d'infiltrations anciennes sur les parois de la buanderie mais aucune en plafond ; l'absence de mise en eau de la terrasse comme il le préconisait n'a permis aucune vérification de son étanchéité notamment après les travaux entrepris à cette fin par M. [E] (pose d'une résine époxy en surface et de plintes de carrelage en pourtour) ; l'encastrement du dallage béton tel qu'indiqué par M. [E], l'état du plancher bois ou sa solidité n'ont pu être contrôlés. En conclusion, l'expert n'a pu répondre à aucun des chefs de mission qui lui ont été confiés et l'abondante jurisprudence produite par les consorts [F]/[C] ne comble en rien ce déficit d'éléments techniques et probatoires.

Si l'expert indique en page 19 de son rapport que « les travaux exécutés par M. [E] ne sont pas stricto sensu conformes aux règles de l'art », il ne préconise aucuns travaux , ne retient aucune situation de danger ou de surcharge apparente résultant notamment de la présence d'un cumulus électrique, contrairement aux dires des intimées et observation faite qu'elles ne sollicitent pas la dépose de la terrasse ; il n'objective aucun préjudice au détriment des consorts [F]/[C].

Enfin le débat sur la pose d'une parabole sur leur mur privatif est clos, l'expert n'ayant pas constaté la présence de cet équipement ce qui atteste de son enlèvement au demeurant aujourd'hui admis.

Il en résulte que la preuve d'un trouble anormal de voisinage n'est pas rapportée ce qui conduit au rejet de l'ensemble des demandes des intimées.

***

Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à chaque partie la charge de ses frais non taxables.

En revanche les consorts [F]/[C] qui succombent supporteront les dépens de première instance, intégrant les frais d'expertise, et d'appel en application de l'article 696 du même code.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

Confirme le jugement déféré en ce qu'il :

-déboute les époux [E]/[V] de leur fin de non-recevoir,

-déclare irrecevable la revendication de propriété de Mmes [F] et [C],

-déboute les mêmes de leurs demandes en paiement de dommages-intérêts ;

L'infirme pour le surplus et statuant à nouveau :

Déboute Mmes [F] et [C] de l'ensemble de leurs demandes ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Mmes [F] et [C] aux dépens de première instance et d'appel.

Le greffier Pour le président empêché


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-5
Numéro d'arrêt : 19/14242
Date de la décision : 26/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-26;19.14242 ?
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