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19/01/2023 | FRANCE | N°19/15425

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-5, 19 janvier 2023, 19/15425


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5



ARRÊT AU FOND

DU 19 JANVIER 2023

lv

N°2023/22













Rôle N° RG 19/15425 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BE7DK







[A] [X]

[T] [N] épouse [X]





C/



[V] [L]

[U] [G] épouse [L]





































Copie exécutoire délivrée le :

à :



SC

P MAGNAN PAUL MAGNAN JOSEPH



SCP LIZEE PETIT TARLET





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance d'AIX EN PROVENCE en date du 27 Juin 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 18/00034.





APPELANTS



Monsieur [A] [X], demeurant [Adresse 3]



représenté par Me Joseph MAGNAN de la SCP MAGN...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5

ARRÊT AU FOND

DU 19 JANVIER 2023

lv

N°2023/22

Rôle N° RG 19/15425 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BE7DK

[A] [X]

[T] [N] épouse [X]

C/

[V] [L]

[U] [G] épouse [L]

Copie exécutoire délivrée le :

à :

SCP MAGNAN PAUL MAGNAN JOSEPH

SCP LIZEE PETIT TARLET

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance d'AIX EN PROVENCE en date du 27 Juin 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 18/00034.

APPELANTS

Monsieur [A] [X], demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Joseph MAGNAN de la SCP MAGNAN PAUL MAGNAN JOSEPH, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assisté de Me Joëlle ESTEVE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Madame [T] [N] épouse [X], demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Joseph MAGNAN de la SCP MAGNAN PAUL MAGNAN JOSEPH, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Joëlle ESTEVE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMES

Monsieur [V] [L], demeurant [Adresse 2]

représenté par la SCP LIZEE PETIT TARLET, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Madame [U] [G] épouse [L], demeurant [Adresse 2]

représentée par la SCP LIZEE PETIT TARLET, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Novembre 2022 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Laetitia VIGNON, Conseiller, et Madame Patricia HOARAU, Conseiller, chargés du rapport.

Madame Laetitia VIGNON, Conseiller, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Hélène GIAMI, Conseiller, faisant fontion de Président de chambre

Madame Laetitia VIGNON, Conseiller

Madame Patricia HOARAU, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 19 Janvier 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 19 Janvier 2023.

Signé par Madame Laetitia VIGNON, Conseiller pour Madame Hélène GIAMI, Conseiller, faisant fontion de Président de chambre empéchée et Madame Danielle PANDOLFI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

La famille [I] était propriétaire d'une grande parcelle de terrain cadastrée section [Cadastre 5] située [Adresse 4]. Cette parcelle a fait l'objet d'une division en 14 nouvelles parcelles.

M. [V] [L] et Mme [U] [G] épouse [L] ont acquis la parcelle [Cadastre 10]. Ils ont régulièrement bâti sur leur parcelle qui bénéficie de différentes servitudes de passage et de tréfonds pour accéder au domaine public.

M. [A] [X] et Mme [T] [N] ont procédé à l'acquisition de la parcelle mitoyenne cadastrée [Cadastre 9], qui provient de la division foncière de la parcelle [Cadastre 7] .

Les parcelles cadastrées [Cadastre 7] et [Cadastre 8] sont grevées d'une servitude réciproque de passage pour piétons et véhicules, avec une placette de retournement.

Reprochant à M. [X] et Mme [N] d'avoir pris la décision de condamner la placette de retournement existant sur leur parcelle [Cadastre 9], M. et Mme [L] les ont fait assigner, par acte du 18 décembre 2017, devant le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence, aux fins notamment d'obtenir leur condamnation, sous astreinte, à enlever les clôtures installées et à remettre en place la placette de retournement, outre à leur verser des dommages et intérêts en réparation de leurs préjudices.

Par jugement contradictoire en date du 27 juin 2019, le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence a:

- condamné M. [A] [X] et Mme [T] [N] à déposer la clôture édifiée sur l'assiette de la servitude et à rétablir les lieux conformément aux termes de l'acte du 31 août 2009 et ce sous astreinte de 150 € par jour de retard passé le délai de deux mois à compter de la signification du jugement et ce durant un délai de six mois,

- condamné M. [A] [X] et Mme [T] [N] à payer à M. [V] [L] et Mme [U] [G] épouse [L], pris ensemble, la somme de 1.000 € à titre de dommages et intérêts,

- condamné M. [V] [L] et Mme [U] [G] épouse [L] à faire cesser tout stationnement de leur chef sur l'assiette de la servitude comprenant la placette de retournement telle que définie dans l'acte du 31 août 2009, sous astreinte de 150 € par infraction constatée, M. [A] [X] et Mme [T] [N] ayant la charge d'en établir la réalité,

- condamné M. [V] [L] et Mme [U] [G] épouse [L] à payer à M. [A] [X] et Mme [T] [N], pris ensemble, la somme de 2.000 € à titre de dommages et intérêts,

- débouté les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties du surplus de ses demandes,

- laissé à chaque partie la charge de ses propres dépens,

- ordonné l'exécution provisoire.

Par déclaration en date du 4 octobre 2019, M. [A] [X] et Mme [T] [N] ont interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de leurs dernières conclusions déposées le 6 janvier 2020 et re-notifiées le 16 octobre 2020, M. [A] [X] et Mme [T] [N] épouse [X] demandent à la cour de:

Vu les articles 700, 647, 702 et 544 du code civil,

- réformer le jugement du 27 juin 2019 en ce qu'il a:

* condamné M. [A] [X] et Mme [T] [N] à déposer la clôture édifiée sur l'assiette de la servitude et à rétablir les lieux conformément aux termes de l'acte du 31 août 2009 et ce sous astreinte de 150 € par jour de retard passé le délai de deux mois à compter de la signification du jugement et ce durant un délai de six mois,

* condamné M. [A] [X] et Mme [T] [N] à payer à M. [V] [L] et Mme [U] [G] épouse [L], pris ensemble, la somme de 1.000 € à titre de dommages et intérêts,

* condamné M. [V] [L] et Mme [U] [G] épouse [L] à payer à M. [A] [X] et Mme [T] [N], pris ensemble, la somme de 2.000 € à titre de dommages et intérêts,

- dire et juger que les époux [L] n'ont pas de droit à demander le déplacement de la placette de retournement,

- dire et juger que les époux [X] ont déplacé l'assiette de la servitude de passage établie par les actes du 2, 10, 28 et 31 août 2009, conformément aux dispositions de l'article 700 du code civil,

- dire et juger que les époux [L] ont fait l'aveu qu'ils n'ont pas respecté la servitude de tréfonds,

En conséquence,

- débouter les époux [L] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

- condamner les époux [L] à déplacer l'ensemble de leurs canalisations pour se conformer aux actes de servitude sous astreinte de 150 € par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,

A titre reconventionnel,

- constater l'existence d'un trouble anormal de voisinage et d'une aggravation de la servitude de passage conventionnelle établie par les actes du 3, 10, 28 et 31 août 2009 au préjudice des époux [X],

- ordonner la cessation de tout stationnement sur la placette de retournement, générateur de trouble anormal, sous astreinte de 1.000 € par jour de retard,

- dire et juger que les époux [X] ont subi un préjudice moral lié aux activités des époux [L],

En conséquence

- condamner les époux [L] à payer aux consorts [X] la somme de 50.000 € de dommages et intérêts pour leur préjudice moral,

En tout état de cause,

- condamner les époux [L] à payer aux consorts [X] la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner les époux [L] aux entiers dépens de l'instance.

Ils contestent toute violation des servitudes, rappelant qu'ils ont simplement déplacé l'aire de retournement, compte tenu du comportement des époux [L] qui n'usent pas normalement de cette servitude ( passage de poids lourds, stationnement intempestif) . Ils considèrent qu'à la lecture de l'acte des 3,10, 28 et 31 août 2009, la parcelle [Cadastre 6] ( parcelle [L]) ne bénéficient que la servitude de passage mais non pas de la placette de retournement puisque non repris dans l'acte, qu'en tout état de cause, le déplacement de la placette de retournement n'en diminue nullement l'usage, ni ne le rend plus incommode, d'autant que la servitude de passage elle-même ,n'a pas été modifiée.

Se prévalant des dispositions de l'article 700 du code civil, ils soutiennent que l'exercice de la servitude de passage par les intimés, leur est très préjudiciable tant d'un point de vue visuel que phonique, que ces derniers ont fait le choix de faire stationner plusieurs de leurs véhicules professionnels sur l'assiette de la servitude, entraînant également une pollution importante aux particules fines ainsi qu'une perte de valeur de leur bien. Ils estiment que l'aire de retournement, de par sa situation antérieure, étant devenue plus onéreuse pour le fonds servant, ils étaient parfaitement fondés à clore cette aire située à gauche pour en ouvrir une à droite.

Ils soulignent qu'il n'existe pas de servitude de tréfonds sous la placette de retournement et que si les époux [L] ont fait poser une canalisation sous cette placette ils devront être condamnés à l'enlever afin de la mettre conformément à l'acte de 1989.

Ils en tirent pour conséquence que les époux [L] ne subissent aucun préjudice, qu'à ce jour, ils peuvent jouir normalement de la servitude de passage et de l'aire de retournement, qu'ils ne peuvent se plaindre du fait que les canalisations sont situés sous l'assiette de la placette de retournement, en ce que s'ils bénéficient effectivement d'une servitude de tréfonds, celle-ci ne passe pas sous cette placette.

A titre reconventionnel et sur le fondement du trouble anormal de voisinage, ils exposent que la servitude de passage a été créée pour permettre l'accès au fonds [L] dans le cadre d'une utilisation de personne raisonnable et qu'il n'avait jamais été envisagé, par les rédacteurs de l'acte constitutif de servitude, que celle-ci soit utilisée par les propriétaires du fonds servant à des fins professionnelles, impliquant le passage et le stationnement de véhicules poids lourds, à l'origine de nuisances visuelles, sonores, de pollution et d'un climat d'insécurité, perturbant de façon durable leur quotidien et justifiant l'allocation d'une somme de 50.000 € en réparation de leur préjudice moral.

M. [V] [L] et Mme [U] [G] épouse [L], suivant leurs dernières conclusions notifiées le 10 novembre 2020, demandent à la cour de:

Vu les actes établis par les notaires en date des 7 juillet 2009, 3, 10, 28 et 31 août 2009,

Vu l'article 701 du code civil,

- confirmer le jugement rendu le 27 juin 2019 en toutes ses dispositions sauf une,

- le réformer en effet concernant la condamnation prononcée à l'encontre de M. et Mme [L] à payer aux consorts [X]-[N] une somme de 2.000 € à titre de dommages et intérêts de prétendu stationnement de leur chef,

Et concernant l'astreinte,

- constater qu'il n'a jamais été établi la réalité d'un quelconque stationnement qui puisse être imputé à M. [V] [L] et qu'en tout état de cause les dits stationnement ont disparu bien avant toute procédure, ce qui n'a pas été le cas de la clôture irrégulière,

- dire et juger n'y avoir lieu à condamnation de M. et Mme [L] à payer aux consorts [X]-[N] une somme de 2.000 € à titre de dommages et intérêts de prétendu stationnement de leur chef, ni ainsi à astreinte,

Y ajoutant pour le surplus,

- condamner les requis à payer aux époux [L] la somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

Ils conclut au caractère irrégulier du déplacement par les appelants de l'aire de retournement, que ces derniers, au visa de l'article 701 du code civil, ne peuvent ni changer l'état des lieux, ni transporter l'exercice de la servitude dans un endroit différent de celui où elle a été primitivement assignée, d'autant qu'en l'espèce, l'emplacement de la placette tel que visé dans les actes devait permettre l'accès aux compteurs, le fonds [X] étant grevé au profit de leur fonds, d'une servitude de tréfonds, avec pour conséquence que les différents réseaux sont situés dans le sol de l'assiette de la placette de retournement.

Ils observent en outre que:

- la rédaction de l'acte de 2009 ne laisse place à aucune contestation possible quant à l'existence de la servitude de passage avec une placette de retournement grevant le fonds [X] au profit de leur parcelle, laquelle doit être respectée par les appelants,

- la demande de condamnation à déplacer leur canalisation formée par les époux [X] est irrecevable comme étant nouvelle en cause d'appel,

- une telle demande est parfaitement injustifiée au regard de l'article concernant la constitution de la servitude de tréfonds en page 10 de l'acte de 2009, étant précisé qu'ils ont toujours accédé à leur compteur en limite de propriété en circulant sur la placette de retournement et que cette servitude de tréfonds passe en limite de la placette.

Ils font grief au premier juge d'avoir retenu qu'ils avaient causé certains troubles anormaux aux époux [X], alors qu'ils n'ont jamais entendu faire stationner des véhicules de leur chef sur la placette de retournement, que les appelants produisent des pièces concernant le stationnement de véhicules en 2016, sans démontrer qu'une telle situation leur soit imputable, d'autant qu'il existe d'autres fonds qui bénéficient de la même servitude, de sorte que d'autres voisins ont pu stationner de manière ponctuelle à cet endroit. Ils relèvent que les consorts [X] ne versent aucun élément postérieur à 2017 démontrant le stationnement de véhicules sur cette placette, à l'exception d'attestations laconiques qui ne démontrent rien.

La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 31 octobre 2022.

MOTIFS

Sur la servitude de passage grevant le fonds [X]

L'acte constitutif de servitudes des 3, 10 et 28 août 2009, dressé par devant notaire, stipule en page 9 que:

' Constitution d'une servitude de passage.

a) Les parties conviennent que les parcelles cadastrées section [Cadastre 11] et [Cadastre 8] seront grevées d'une servitude réciproque de passage pour piétons et véhicules sur une largeur de quatre mètres et cinquante centimètres avec placette de retournement d'une dimension de quinze mètres sur quinze et une zone d'accès d'une dimension de dix mètres sur vingt deux mètres aux emplacements figurant sur le plan ci-après annexé sous les références S1,S2 et S3. Les parcelles cadastrées section [Cadastre 7] et [Cadastre 8] seront donc réciproquement fonds dominants et fonds servants.

b) La parcelle cadastrée section [Cadastre 6] bénéficiera de la servitude de passage, objet du présent article et figurant sur le plan ci-après annexé sous les références S1,S2 et S3".

Il n'est pas contesté que M. et Mme [L] ont acquis la parcelle [Cadastre 6], fonds dominant. Leur titre de propriété fait expressément référence à l'acte constitutif de servitudes susvisé et reproduit en son intégralité la servitude de passage grevant les fonds [Cadastre 7] et [Cadastre 1].

M. et Mme [X] ont acquis, par acte authentique du 11 juin 2010, la parcelle cadastrée [Cadastre 9], provenant de la division de la parcelle [Cadastre 11]. Ce document rappelle en page 11 l'acte constitutif de servitudes des 3, 10 et 28 août 2009 dont une copie est jointe et annexée.

Il s'ensuit que la parcelle acquise par les époux [X] est grevée d'une servitude de passage au profit de la parcelle [Cadastre 6], propriété des époux [L], ladite servitude comprenant incontestablement la placette de retournement de quinze mètres sur quinze, conformément au plan annexé à l'acte d'août 2009 sous la références S1,S2 et S3, sur lequel cette aire est clairement représentée et figure sur la parcelle [Cadastre 7] à la limite avec la parcelle mitoyenne appartenant aux époux [L].

En vertu de l'article 701 du code civil, le propriétaire du fonds débiteur de la servitude ne peut rien faire qui tende à en diminuer l'usage, ou à le rendre plus incommode.

Ainsi, il ne peut changer l'état des lieux, ni transporter l'exercice de la servitude dans un endroit différent de celui où elle a été primitivement assignée.

Mais cependant, si cette assignation primitive était devenue plus onéreuse au propriétaire du fonds assujetti, ou si elle l'empêchait d'y faire des réparations avantageuses, il pourrait offrir au propriétaire de l'autre fonds un endroit aussi commode pour l'exercice de ses droits, et celui-ci ne pourrait pas le refuser.

En l'occurrence, M. et Mme [X] reconnaissent avoir déplacé la placette de retournement comprise dans l'assiette de la servitude de passage en parfaite violation de leurs engagements contractuels.

Si effectivement, l'article 701 alinéa 3 du code civil permet au propriétaire du fonds assujetti de modifier l'assiette de la servitude, cette faculté est subordonnée à la double condition que l'assiette actuelle représente pour ce dernier une gêne sérieuse et que celle proposée soit sans inconvénient réel pour le fonds dominant. En outre, la demande déplacement de la servitude ne peut être invoquée par le fonds servant, a posteriori, une fois l'état des lieux modifié.

Il s'ensuit que les appelants ont modifié, de manière illicite, l'assiette de la servitude de passage et leur demande de déplacement de la dite servitude ne peut, dans ces condition, qu'être rejetée, étant souligné qu'au demeurant ils n'établissement aucunement que les conditions de nature à permettre un tel changement sont réunies.

En conséquence, le jugement querellé en ce qu'il a:

- condamné M. [A] [X] et Mme [T] [N] à déposer la clôture édifiée sur l'assiette de la servitude et à rétablir les lieux conformément aux termes de l'acte du 31 août 2009 et ce sous astreinte de 150 € par jour de retard passé le délai de deux mois à compter de la signification du jugement et ce durant un délai de six mois,

- condamné M. [A] [X] et Mme [T] [N] à payer à M. [V] [L] et Mme [U] [G] épouse [L], pris ensemble, la somme de 1.000 € à titre de dommages et intérêts, ces derniers ayant nécessairement subi un préjudice du fait de cette atteinte qui a portée à l'usage de la servitude conventionnelle résultant unilatéral de la placette de retournement,

sera confirmé.

Sur les demandes reconventionnelles des époux [X]

Ces derniers reprochent en premier lieu aux consorts [L] un usage de la servitude de passage qui leur occasionne des troubles anormaux de voisinage.

Ils leur font grief d'utiliser cette servitude de passage à des fins professionnelles en y entreposant des véhicules, notamment des poids lourds, et des effets personnels. Ils ajoutent que le va et vient permanent de camions est source de nuisances sonores, de pollution et perturbe leur tranquillité. Ils dénoncent également des stationnements intempestifs sur l'assiette de cette servitude.

Conformément à l'article 702 du code civil, celui qui a un droit de servitude peut en user qui suivant son titre, sans pouvoir faire ni dans le fonds qui doit la servitude, ni dans le fonds à qui elle est due, de changement qui aggrave le premier.

Il est constant que la servitude de passage constituée par l'acte notarié des 3, 10 et 28 août 2009 instaure au profit du fonds [L] un droit de passage sur la parcelle [X], incluant l'aire de retournement, mais pas un droit de stationnement ou de déposer des effets personnels.

A l'appui de leurs prétentions, ils produisent, outre les photocopies de courriers émanant d'eux-mêmes, un procès-verbal de constat dressé le 8 juillet 2016, l'huissier ayant constaté la présence de trois véhicules de tourisme ainsi qu'une douzaine palettes sur la placette de retournement.

Rien ne permet de démontrer que lesdits véhicules ou ces palettes appartiennent aux consorts [L], aucun élément ne venant corroborer l'affirmation des appelants sur ce point, étant de surcroît observé que:

- l'huissier de justice n'a pas constaté la présence de poids lourds, mais uniquement de trois véhicules de tourisme,

- les époux [X] produisent également la photocopie de photographies en noir et blanc, partiellement illisibles, de poids lourds mais sans que la cour puisse déterminer à quoi elles se rapportent et notamment à la servitude litigieuse,

- l'attestation de Mme [P], auxiliaire de vie, indiquant avoir constaté à plusieurs reprises sur la servitude le passage de poids lourds, est particulièrement imprécise en ce qu'elle ne comporte aucune information sur la période des faits relatés et encore moins sur le fait qu'un tel passage serait le fait des époux [L],

- la déclaration sur l'honneur de M. [M] [B], dactylographiée et sans copie de sa pièce d'identité, est dépourvue de toute valeur probante, étant relevé, de manière surabondante, qu'elle est toute aussi imprécise que le témoignage précédent.

En d'autres termes, à l'exception du procès-verbal du 8 juillet 2016, aux termes duquel il résulte que l'huissier a effectivement pu constater, ce jour là, que trois véhicules étaient stationnés sur l'aire de retournement et que des palettes, sans que l'on puisse imputer cette situation aux époux [L], les appelants ne produisent aucune pièce justifiant un usage de la servitude de passage par les intimés non conforme aux prescriptions de l'article 702 du code civil et leur occasionnant des troubles anormaux de voisinage, d'autant qu'il est établi que d'autres fonds que la parcelle [L] bénéficient également de ce droit de passage.

Le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu'il a:

- condamné M. [V] [L] et Mme [U] [G] épouse [L] à faire cesser tout stationnement de leur chef sur l'assiette de la servitude comprenant la placette de retournement telle que définie dans l'acte du 31 août 2009, sous astreinte de 150 € par infraction constatée, M. [A] [X] et Mme [T] [N] ayant la charge d'en établir la réalité,

- condamné M. [V] [L] et Mme [U] [G] épouse [L] à payer à M. [A] [X] et Mme [T] [N], pris ensemble, la somme de 2.000 € à titre de dommages et intérêts.

Par voie de conséquence, les époux [X] seront déboutés de leur appel incident tendant à l'allocation de dommages et intérêts à hauteur de 50.000 € en réparation de leur préjudice moral.

En cause d'appel, ces derniers soutiennent que les consorts [L] n'ont pas respecté la servitude de tréfonds et sollicitent leur condamnation, sous astreinte, à déplacer l'ensemble de leurs canalisations pour se conformer aux actes de servitude.

Les intimés leur opposent l'irrecevabilité de cette demande comme étant en nouvelle en cause d'appel.

Toutefois, ils ne reprennent pas cette prétention dans le dispositif de leurs conclusions, qui seul lie la cour, en vertu de l'article 954 du code de procédure civile. Elle n'en est donc pas saisie.

Il ressort de l'acte constitutif de servitudes ( page10 ) que les fonds [X] et [L] sont, tous deux, grevées d'une servitude réciproque de tréfonds d'une largeur d'un mètre cinquante sur l'emplacement situé en bordure de l'allée cavalière figurant sur le plan annexé sous les références S4bis, S4 et S5, pour l'installation des réseaux eaux, gaz, électricité, téléphone, assainissement....

Les parcelles cadastrées [Cadastre 6] ( [L]) et [Cadastre 7] ( [X]) sont donc réciproquement fonds dominant et fonds servant.

Les appelants soutiennent que cette servitude ne passe pas sous la placette et que les intimés ont fait l'aveu judiciaire que leurs différents réseaux sont situés en dessous.

Le plan annexé met en évidence que cette servitude de tréfonds n'est pas sous la placette mais passe en limite de cette aire, ce qu'indique les intimés lorsqu'ils soulignent qu'ils ont subi un préjudice du fait du déplacement de l'aire de retournement dès lors qu'elle leur assurait un accès plus commode à leur compteur en limite de propriété.

Il n'existe donc aucun aveu judiciaire de la part des époux [L] de ne pas avoir respecté la servitude de tréfonds, étant souligné que les appelants ne produisent strictement aucune pièce de nature à établir que les intimés n'ont pas respecté les termes de l'acte constitutif de servitudes.

M. et Mme [X] seront également déboutés de ce chef de demande.

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

Vu l'article 696 du code de procédure civile,

PAR CES MOTIFS

La cour statuant, publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence en ce qu'il a:

- condamné M. [A] [X] et Mme [T] [N] épouse [X] à déposer la clôture édifiée sur l'assiette de la servitude et à rétablir les lieux conformément aux termes de l'acte du 31 août 2009 et ce sous astreinte de 150 € par jour de retard passé le délai de deux mois à compter de la signification du jugement et ce durant un délai de six mois,

- condamné M. [A] [X] et Mme [T] [N] épouse [X] à payer à M. [V] [L] et Mme [U] [G] épouse [L], pris ensemble, la somme de 1.000 € à titre de dommages et intérêts,

Et l'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau,

Déboute M. [A] [X] et Mme [T] [N] épouse [X] de l'intégralité de leurs demandes reconventionnelles,

Condamne M. [A] [X] et Mme [T] [N] épouse [X] à payer à M. [V] [L] et Mme [U] [G] épouse [L] la somme de 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [A] [X] et Mme [T] [N] épouse [X] aux dépens de la première instance et de la procédure d'appel.

Le greffier Pour le président empêché


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-5
Numéro d'arrêt : 19/15425
Date de la décision : 19/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-19;19.15425 ?
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