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19/01/2023 | FRANCE | N°19/13322

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-5, 19 janvier 2023, 19/13322


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5



ARRÊT AU FOND

DU 19 JANVIER 2023

ph

N° 2023/ 21













N° RG 19/13322 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BEYTB







SCI VILLA LILY





C/



Syndicat des copropriétaires ETOILE JEAN MERMOZ



























Copie exécutoire délivrée

le :

à :



SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON


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Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de Marseille en date du 11 Juillet 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 16/14579.



APPELANTE



SCI VILLA LILY Prise en la personne de son représentant légal en ex...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5

ARRÊT AU FOND

DU 19 JANVIER 2023

ph

N° 2023/ 21

N° RG 19/13322 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BEYTB

SCI VILLA LILY

C/

Syndicat des copropriétaires ETOILE JEAN MERMOZ

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON

SELARL GIRAUD-GAY ET ASSOCIES

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de Marseille en date du 11 Juillet 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 16/14579.

APPELANTE

SCI VILLA LILY Prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège, sise [Adresse 1]

représentée par la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Grégoire ROSENFELD de la SCP CABINET ROSENFELD & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Frédéric CAGNOL, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant

INTIME

Syndicat des copropriétaires ETOILE JEAN MERMOZ PRIS EN LA PERSONNE DE SON SYNDIC EN EXERCICE LE CABINET LEANDRI IMMOBILIER, sis [Adresse 9]

représenté par Me Olivier GIRAUD de la SELARL GIRAUD-GAY ET ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Caroline CHAGNY, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804, 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Patricia HOARAU, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Hélène GIAMI, Conseiller, faisant fontion de Président de chambre

Madame Laetitia VIGNON, Conseiller

Madame Patricia HOARAU, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 19 Janvier 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 19 Janvier 2023

Signé par Madame Laetitia VIGNON, Conseiller pour Madame Hélène GIAMI, Conseiller, faisant fontion de Président de chambre, empéchée et Madame Danielle PANDOLFI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire

***

FAITS et PROCEDURE - MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES

Le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier dénommé Etoile Mermoz (ci-après le syndicat des copropriétaires) régi par le règlement de copropriété daté du 22 juin 1973, est propriétaire des parcelles sises à [Adresse 1], cadastrées section B numéros [Cadastre 3] et [Cadastre 4].

Par contrat de location d'emplacement publicitaire signé le 9 décembre 1999 avec la société Decaux publicité extérieure, le syndicat des copropriétaires a donné à bail en exclusivité à la société Decaux publicité extérieure, l'emplacement situé sur la propriété sise [Adresse 6], pour l'installation de mobilier publicitaire éclairé, mobile, animé, selon croquis annexé au contrat, moyennant le règlement d'un loyer annuel payable d'avance et semestriellement.

La SCI Villa Lily est propriétaire en vertu d'un acte notarié signé le 19 mai 2006, du bien immobilier sis à [Adresse 1], cadastré section [Cadastre 10]B numéro [Cadastre 8], qui jouxte les parcelles du syndicat des copropriétaires.

Par exploit du 9 décembre 2016, la SCI Villa Lily a fait assigner le syndicat des copropriétaires représenté par son syndic, devant le tribunal de grande instance de Marseille, lequel a par jugement du 11 juillet 2019 :

- dit que la partie du mur séparant la parcelle de la SCI Villa Lily de la [Adresse 14] en limite de propriété avec le syndicat des copropriétaires sur laquelle est situé le panneau publicitaire, est la propriété de la SCI Villa Lily,

- débouté le syndicat des copropriétaires de sa demande de prescription acquisitive,

- débouté la SCI Villa Lily de sa demande de remboursement de la somme de 65 416,18 euros et de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral,

- débouté le syndicat des copropriétaires de ses demandes reconventionnelles,

- condamné le syndicat des copropriétaires à payer à la SCI Villa Lily la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire de la décision,

- condamné le syndicat des copropriétaires aux dépens, avec distraction.

Le tribunal a considéré :

- qu'il apparaît sans que le syndicat des copropriétaires ne produise aucun élément le contredisant, que la partie du mur sur lequel est situé le panneau publicitaire, ne peut être présumée mitoyenne avec le défendeur, puisqu'elle jouxte la voie Jean Mermoz et donc le domaine public, qu'ainsi elle appartient à la SCI Villa Lily,

- que le syndicat des copropriétaires ne peut se prévaloir de la prescription acquisitive de dix ans car il ne ressort pas du règlement de copropriété que le mur a été acquis par la copropriété, que le fait de louer le mur peut s'analyser comme un acte de possession manifestant la volonté de se comporter en propriétaire, que le contrat n'a été signé qu'en 2006 et antérieurement aucun acte de possession n'est démontré,

- que les dispositions des articles 547 et suivants du code civil dont la demanderesse ne se prévaut pas expressément, ne sont pas applicables,

- que la SCI Villa Lily ne justifie pas du caractère anormal du trouble subi à sa propriété qui pourrait fonder le remboursement des redevances perçues,

- qu'il est incontestable que le syndicat des copropriétaires a commis une faute en faisant apposer un panneau publicitaire sur un mur ne lui appartenant pas, que cependant la SCI Villa Lily ne rapporte pas la preuve d'avoir subi un préjudice du fait de la présence de ce panneau, le contrat ayant été résilié en décembre 2015 et sa mise en demeure étant intervenue postérieurement, qu'il n'est pas démontré que la SCI Villa Lily a été empêchée de louer le mur du fait du comportement du syndicat des copropriétaires, que la SCI Villa Lily a d'ailleurs signé un contrat avec la société Decaux dès le mois de décembre 2015, qu'étant propriétaire de la parcelle depuis dix ans il lui appartenait d'en connaître les limites et qu'elle ne peut reprocher au syndicat des copropriétaires sa propre négligence,

- que l'action fondée sur l'enrichissement sans cause ne peut être exercée lorsque l'enrichissement et l'appauvrissement trouvent leur cause dans un contrat même passé avec un tiers, ce qui est le cas, que le contrat n'a pas été annulé, que l'enrichissement du syndicat des copropriétaires n'est donc pas sans cause.

La SCI Villa Lily a relevé appel de ce jugement, le 13 août 2019, en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de remboursement de la somme de 65 416,18 euros et de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral.

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées par le RPVA le 30 avril 2020, la SCI Villa Lily demande à la cour au visa des articles 546, 547 et 550 du code civil, subsidiairement de l'article 1303 du code civil, de l'article 1240 du code civil :

- de confirmer le jugement en ce qu'il a dit que la partie du mur séparant la parcelle de la SCI Villa Lily de la [Adresse 14] en limite de propriété avec le syndicat des copropriétaires sur laquelle est situé le panneau publicitaire, est la propriété de la SCI Villa Lily,

- de la dire recevable et bien fondée en ses prétentions,

- d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de remboursement de la somme de 65 416,18 euros et de sa demande de dommages et intérêts,

- à titre principal, de condamner le syndicat des copropriétaires à lui rembourser et verser la somme de 65 416,18 euros au titre des loyers indument perçus de la société JC Decaux,

- à titre subsidiaire, de condamner le syndicat des copropriétaires à lui verser la somme de 65 416,18 euros, sur le fondement de l'enrichissement sans cause,

- à titre infiniment subsidiaire, de condamner le syndicat des copropriétaires à lui verser la somme de 65 416,18 euros, sur le fondement de la responsabilité délictuelle,

- en tout état de cause, de condamner le syndicat des copropriétaires à lui payer la somme de 5 000 euros, à titre de dommages et intérêts,

- de condamner le syndicat des copropriétaires à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

La SCI Villa Lily fait essentiellement valoir :

- que le premier juge qui a reconnu qu'elle était propriétaire du mur sur lequel le syndicat des copropriétaires a concédé à la société JC Decaux un droit d'emplacement de panneau publicitaire et en a perçu les fruits, en fraude de ses droits, n'est pas allé jusqu'au bout de son raisonnement en refusant de faire droit à sa demande de restitution des fruits,

- que la réforme de la prescription a instauré un point de départ glissant pour le calcul du délai de prescription, à la date de connaissance des faits lui permettant de l'exercer, que la convention du 9 décembre 1999 entre le syndicat des copropriétaires et la société JC Decaux n'a pas été portée à sa connaissance, qu'elle a acquis le bien le 19 mai 2006 en ignorant que ce mur était sa propriété au regard de l'attitude du syndicat des copropriétaires, qu'elle ne l'a appris qu'à la date du certificat de propriété établi par le géomètre-expert [X] ou éventuellement à compter du 8 février 2016 date de la correspondance de la société JC Decaux,

- que c'est à tort que le premier juge a dit que les articles 547 et suivants du code civil ne sont pas applicables, que les loyers constituent des fruits civils, qui appartiennent au propriétaire par accession au même titre que les sous-loyers perçus par son locataire à l'insu de son bailleur, que le syndicat des copropriétaires ne saurait se prévaloir d'une prétendue bonne foi, en l'absence de titre translatif de propriété prévu par l'article 550 du code civil, qu'il n'y a pas de titre putatif, que le syndicat des copropriétaires ne pouvait ignorer qu'il n'était pas propriétaire du mur en vertu de son propre règlement de copropriété, qui confirme que la limite de propriété est en retrait de 4,20 mètres par rapport à la [Adresse 14],

- qu'il n'y a pas de prescription acquisitive au profit du syndicat des copropriétaires, que celui-ci ne rapporte pas la preuve d'une possession continue et non interrompue, paisible, publique et non équivoque du mur et à titre de propriétaire tel qu'exigé par l'article 2261 du code civil, que le syndicat ne produit pas son acte de propriété, ni aucun élément pour étayer ses allégations d'entretien du mur, qu'il faut des actes matériels de nature à caractériser la possession, que la prescription abrégée de dix ans est fondée sur l'existence d'un juste titre,

- qu'il ressort des éléments remis par la société JC Decaux, que le syndicat a encaissé depuis l'année 2007, une somme globale de 65 416,18 euros,

- subsidiairement, qu'outre qu'il s'agisse d'une atteinte à son droit de propriété, il y a eu enrichissement du syndicat des copropriétaires et un appauvrissement pour elle à hauteur de cette somme, qu'il a été jugé que l'appauvrissement peut résulter d'un manque à gagner, que le contrat de location de l'emplacement de panneau publicitaire a été résilié le 28 avril 2014 ce qui correspond à une annulation du contrat, que la juridiction a constaté l'absence de droit du syndicat des copropriétaires pour consentir un contrat de louage sur le mur, qu'il est constant que le contrat de louage consenti en fraude des droits du véritable propriétaire, est inopposable à ce dernier,

- plus subsidiairement, que le syndicat des copropriétaires a commis une faute en louant un bien qui ne lui appartient pas, que cette faute a été à l'origine d'un préjudice pour elle, qui n'a pas pu encaisser les loyers correspondants, que le syndicat des copropriétaires ne peut sérieusement soutenir qu'il n'y a pas de lien de causalité,

- que pendant des mois, le syndicat des copropriétaires n'a pas répondu à ses demandes, que sa résistance abusive est démontrée et lui a causé un préjudice manifeste, que les allégations d'entente déloyale et de concertation frauduleuse proférées par le syndicat des copropriétaires à son encontre, sont mensongères et n'ont d'autre but que de nuire à son image.

Dans ses conclusions d'intimé déposées et notifiées par le RPVA le 6 février 2020, le syndicat des copropriétaires demande à la cour au visa des articles 546 et suivants, 1303, 1713, 2224, 2258, 2261 et 2272 du code civil, de l'article L. 581-24 du code de l'environnement, de l'article 700 du code de procédure civile :

- à titre principal, de dire prescrite l'action en remboursement des fruits engagée par la SCI Villa Lily,

- à titre subsidiaire, de débouter la SCI Villa Lily de sa demande en remboursement des fruits perçus par lui,

- de débouter la SCI Villa Lily de sa demande en remboursement sur le fondement de l'enrichissement sans cause,

- de débouter la SCI Villa Lily de sa demande en remboursement sur le fondement de la faute,

- reconventionnellement, d'infirmer le jugement appelé en ce qu'il a dit que la partie du mur séparant la parcelle de la SCI Villa Lily de la [Adresse 14] en limite de propriété avec le syndicat des copropriétaires sur laquelle est situé le panneau publicitaire, est la propriété de la SCI Villa Lily,

- de dire que la partie du mur sur laquelle se situe en partie le panneau publicitaire, est sa propriété,

- de condamner la SCI Villa Lily à lui verser la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts,

- de condamner la SCI Villa Lily à lui verser la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, distraits au profit de Me Olivier Giraud, SARL Giraud-Gay associés.

Le syndicat des copropriétaires soutient en substance :

- que la prescription de droit commun est de cinq ans, que la SCI Villa Lily est devenue propriétaire le 19 mai 2006, que son action est donc prescrite cinq ans après l'acquisition, étant précisé que le panneau est visible par tous, que pendant dix ans la SCI Villa Lily ne s'est pas posé la question de la propriété du mur ni d'un encaissement prétendument injustifié de loyer par lui, que ce n'est qu'à la suite d'une démarche de la société JC Decaux après concertation frauduleuse, que la SCI Villa Lily a revendiqué la propriété du mur,

- à titre subsidiaire, qu'il a acquis les fruits de bonne foi, que le titre n'est qu'un élément de la bonne foi, que le titre putatif est recevable, qu'il a été jugé que le possesseur de bonne foi ne doit restituer les fruits au propriétaire, qu'à compter de la demande, que ce n'est que par acte extrajudiciaire du 9 décembre 2016 que la SCI Villa Lily a revendiqué la propriété du mur, qu'il n'a plus perçu aucun loyer après le 31 décembre 2015,

- qu'il existe une cause contractuelle à son enrichissement, si bien que les conditions de l'enrichissement sans cause ne sont pas réunies, que la jurisprudence invoquée par l'appelante en matière de sous-location, n'est pas applicable à la cause, que la SCI Villa Lily ne démontre pas un appauvrissement corrélatif puisqu'elle ne lui a jamais adressé un courrier de réclamation avant le courrier recommandé du 11 janvier 2016, alors que le panneau était connu et visible,

- qu'il n'y a pas de faute caractérisée, car il a souscrit le contrat de bonne foi avec un professionnel reconnu, qui n'a vu aucune difficulté, qu'il n'y a pas de lien de causalité entre la prétendue faute et le soi-disant préjudice,

- que sa résistance abusive n'est pas démontrée,

- que le panneau publicitaire se trouve pour partie sur le mur de propriété du syndicat des copropriétaires, que c'est dans ces conditions qu'en application de l'article L. 581-24 du code de l'environnement, un contrat de location d'emplacement publicitaire a été consenti avec la société JC Decaux, qu'il remplit les conditions pour bénéficier de la prescription acquisitive puisque le syndicat a été constitué selon acte du 22 juin 1973, que depuis il a possédé de manière continue et non interrompue le mur, de manière paisible, publiquement et de manière non équivoque, pendant au moins plus de dix ans, qu'il en a assuré l'entretien,

- qu'il y a mauvaise foi manifeste de la SCI Villa Lily, qui a conclu une entente avec la société JC Decaux et qui ne produit pas son contrat avec celle-ci, ce qui en dit long sur ses arrangements.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 31 octobre 2022.

L'arrêt sera contradictoire puisque toutes les parties sont représentées.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l'étendue de la saisine de la cour

Aux termes de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

Il est constaté que le dispositif des conclusions respectives contient des demandes de « constater » ou « dire » qui ne constituent pas des prétentions, ce qui explique qu'elles n'aient pas été toutes reprises dans l'exposé du litige.

Sur les demandes de la SCI Villa Lily

La SCI Villa Lily réclame en qualité de propriétaire de la partie de mur sur laquelle est apposé le panneau publicitaire, le règlement de la somme de 65 416,18 euros correspondant aux loyers perçus par le syndicat des copropriétaires depuis l'année 2007, ainsi que des dommages et intérêts pour résistance abusive.

Le syndicat des copropriétaires oppose à titre principal, avant de soutenir qu'il est propriétaire de la partie de mur litigieuse, la prescription de l'action en remboursement des fruits.

Or, il importe de déterminer en premier lieu la propriété de la partie de mur litigieuse, avant de statuer sur la recevabilité à agir en remboursement des fruits accessoires à la propriété.

Sur la propriété de la partie de mur litigieuse

Il est constaté qu'en cause d'appel, le syndicat des copropriétaires affirme qu'il remplit les conditions pour bénéficier de la prescription acquisitive, ce qui sous-entend qu'il reconnaît qu'il n'a pas de titre de propriété de cette partie de mur.

A cet égard, il est vérifié que si l'acte de propriété de la SCI Villa Lily ne contient aucune information sur le mur litigieux, le règlement de copropriété et état descriptif de division du 22 juin 1973, énonce que la SCI L'étoile est propriétaire d'un immeuble situé à [Adresse 13] et [Adresse 6], cadastré section B numéros [Cadastre 3] et [Cadastre 4], pour l'avoir acquis par acte notarié du 29 janvier 1971, que la construction de cet ensemble immobilier a été autorisée aux termes d'un arrêté du 3 septembre 1971, que la SCI L'étoile a cédé à la ville de [Localité 12] deux parcelles de terrain détachées d'un immeuble plus important d'après document d'arpentage du 5 février 1973 dans lequel les parcelles numéros [Cadastre 7] et [Cadastre 11] ont été divisées en quatre parcelles numérotées [Cadastre 2] à [Cadastre 5], que ce sont les parcelles [Cadastre 2] et [Cadastre 5] qui ont été cédées à la ville de [Localité 12].

Cela vient confirmer comme statué en première instance, que la partie du mur sur laquelle est situé le panneau publicitaire, ne peut être présumée mitoyenne avec le syndicat des copropriétaires, puisqu'elle jouxte la voie Jean Mermoz et donc le domaine public, qu'ainsi elle appartient à la SCI Villa Lily.

Le jugement appelé sera donc confirmé sur ce point.

Reste à savoir si le syndicat des copropriétaires peut se prévaloir d'avoir acquis la partie de mur par prescription par application de l'article 2272 du code civil, aux termes duquel le délai de prescription requis pour acquérir la propriété immobilière est de trente ans, abrégé à dix ans pour celui qui acquiert de bonne foi et par juste titre un immeuble.

L'article 2261 du code civil énonce que pour prescrire, il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaire.

En l'espèce, il n'est pas justifié d'un titre consacrant la propriété du syndicat des copropriétaires sur la partie de mur litigieuse, si bien qu'il ne peut se prévaloir de la prescription abrégée de dix ans.

Il est établi que par contrat de location d'emplacement publicitaire signé le 9 décembre 1999 avec la société Decaux publicité extérieure, le syndicat des copropriétaires a donné à bail en exclusivité à la société Decaux publicité extérieure, l'emplacement situé sur la propriété sise [Adresse 6], pour l'installation de mobilier publicitaire. Un avenant a été signé le 12 juin 2012.

Il s'agit là d'un acte matériel de possession à titre de propriétaire, qui présente un caractère continu, mais qui ne remplit pas la condition de durée de trente ans, dès lors qu'il n'a commencé que le 9 décembre 1999, le syndicat des copropriétaires ne produisant aucune pièce de nature à démontrer une possession antérieure, présentant les qualités exigées par la loi.

En conséquence, le syndicat des copropriétaires sera débouté de sa demande tendant à prescrire la propriété de la partie du mur litigieuse et le jugement appelé sera confirmé sur ce point.

Sur la recevabilité à agir en remboursement des fruits

Il est constaté que le premier juge a omis de statuer sur la recevabilité à agir en remboursement des fruits, alors qu'il en était saisi.

Aux termes de l'article 122 du code de procédure civile, tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée, constitue une fin de non-recevoir.

L'article 2224 du code civil énonce que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer, tandis que l'article 2227 du même code prévoit que le droit de propriété est imprescriptible et que sous cette réserve, les actions réelles immobilières se prescrivent par trente ans à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

En l'espèce, la SCI Villa Lily fonde son action à titre principal, sur les articles 546 et 547 du code civil, selon lesquels : « La propriété d'une chose soit mobilière, soit immobilière, donne droit sur tout ce qu'elle produit, et sur ce qui s'y unit accessoirement soit naturellement, soit artificiellement. Ce droit s'appelle "droit d'accession".

Les fruits naturels ou industriels de la terre, les fruits civils, le croît des animaux, appartiennent au propriétaire par droit d'accession. »

Il en ressort que l'action de la SCI Villa Lily, fondée sur la propriété immobilière par accession et qui porte donc sur un droit réel immobilier, se prescrit par trente ans, à compter du jour où la SCI Villa Lily a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer, soit un délai qui n'est manifestement pas écoulé.

La SCI Villa Lily est donc recevable à agir.

Sur la demande de remboursement des fruits

La SCI Villa Lily réclame la restitution des loyers perçus par le syndicat des copropriétaires en vertu d'un décompte établi par la société Decaux, depuis l'année 2007, tandis que le syndicat des copropriétaires oppose qu'il a acquis les fruits de bonne foi, si bien qu'il ne doit les restituer qu'à compter de la demande.

Aux termes des articles 549 et 550 du code civil, « Le simple possesseur ne fait les fruits siens que dans le cas où il possède de bonne foi. Dans le cas contraire, il est tenu de restituer les produits avec la chose au propriétaire qui la revendique ; si lesdits produits ne se retrouvent pas en nature, leur valeur est estimée à la date du remboursement.

Le possesseur est de bonne foi quand il possède comme propriétaire, en vertu d'un titre translatif de propriété dont il ignore les vices. Il cesse d'être de bonne foi du moment où ces vices lui sont connus. »

Il est admis qu'à la différence du titre exigé pour l'usucapion décennale immobilière (« de bonne foi et par juste titre ») qui constitue une condition distincte de la bonne foi, le titre n'est ici qu'un élément constitutif de la bonne foi qu'il conforte (« possède comme propriétaire, en vertu d'un titre translatif de propriété dont il ignore les vices »).

En l'espèce, il ressort des développements précédents que le syndicat des copropriétaires est apparu et s'est comporté comme propriétaire en louant la partie de mur à la société Decaux, depuis le 9 décembre 1999, sans qu'il soit démontré que cela lui ait été contesté à quel que moment que ce soit, par l'auteur de la SCI Villa Lily par exemple.

Cette possession paisible et continue persistait lorsque la société Decaux, informée par le syndic de la copropriété, par courrier du 31 janvier 2014, que la demande de diminution de la redevance pour le panneau publicitaire n'était pas acceptée, lui a notifié la résiliation du contrat par courrier du 28 avril 2014 avec effet au 8 décembre 2015.

Ce n'est que le 11 janvier 2016 que le syndicat des copropriétaires a été destinataire d'un courrier adressé par le conseil de la SCI Villa Lily, lui reprochant une atteinte à son droit de propriété et réclamant la somme de 65 416,18 euros au titre des loyers encaissés depuis 2007. Il s'est alors engagé une discussion sur la propriété de la partie de mur sur laquelle était apposé le panneau publicitaire.

En considération de ces éléments, il y a lieu de conclure que le syndicat des copropriétaires a pu, de bonne foi, se croire propriétaire de cette partie de mur qui prolonge le sien, par erreur, ce qui permet de caractériser un titre putatif, suffisant en application de l'article 550 ci-dessus rappelé. A cet égard, la SCI Villa Lily ne verse aux débats aucune pièce de nature à prouver la mauvaise foi du syndicat des copropriétaires.

Il est établi que du fait de la résiliation du contrat de location d'emplacement publicitaire au 8 décembre 2015, le syndicat des copropriétaires a cessé de percevoir les loyers y afférents, avant la date à laquelle il a été informé que la SCI Villa Lily revendiquait la propriété du mur, s'agissant du courrier précité du 11 janvier 2016.

En conséquence, la SCI Villa Lily qui ne démontre pas de perception de loyers en violation de ses droits de propriétaire, de mauvaise foi, sera déboutée de sa demande de remboursement des fruits.

Sur la demande de condamnation formée à titre subsidiaire

La SCI Villa Lily réclame le versement de la même somme de 65 416,18 euros, cette fois sur le fondement de l'enrichissement sans cause et de la responsabilité délictuelle, étant observé que le fait générateur de sa demande est le fait pour le syndicat des copropriétaires d'avoir donné en location jusqu'au 8 décembre 2015, la partie de mur, lui appartenant depuis le 19 mai 2006.

Selon les dispositions de l'article 1382 du code civil dans sa rédaction alors en vigueur devenu 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer, ce qui impose la triple démonstration d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre les deux.

Il est incontestable en l'espèce que le syndicat des copropriétaires a commis une faute, en donnant en location une partie de mur qui ne lui appartenait pas, la bonne foi retenue ci-dessus n'excluant pas la faute.

De son côté, la SCI Villa Lily devenue propriétaire depuis le 19 mai 2006, a pu se rendre compte de sa présence, au regard du caractère particulièrement apparent du panneau publicitaire et de sa position sur le bâtiment dont elle a fait l'acquisition, et ne s'est pas interrogée pendant presque dix ans, sur cette situation, qui n'était génératrice d'aucun trouble pour elle, jusqu'à ce qu'elle soit démarchée par la société Decaux au sujet de cette partie de mur et découvre qu'elle aurait pu percevoir des revenus locatifs depuis l'origine.

Le lien de causalité entre la perte de revenus locatifs, seul préjudice allégué, et la faute du syndicat des copropriétaires est manifestement établi, dès lors qu'il ressort des pièces qu'un contrat a été conclu pour la location de cette partie de mur, entre la société Decaux et la SCI Villa Lily après la résiliation du contrat avec le syndicat des copropriétaires.

Cependant, il est évident en l'espèce, que la SCI Villa Lily, par sa négligence, a contribué à la réalisation de ce préjudice, étant précisé que le décompte des loyers encaissés n'est pas discuté.

En considération de ces éléments, il doit être conclu que le préjudice de la SCI Villa Lily s'établit à hauteur de 5 % des loyers encaissés.

Le syndicat des copropriétaires sera donc condamné à verser à la SCI Villa Lily la somme de 3 270 euros en réparation du préjudice subi et le jugement appelé sera infirmé sur ce point.

La SCI Villa Lily étant accueillie partiellement dans sa demande fondée sur la responsabilité délictuelle, ne peut pas prospérer pour la réparation du même préjudice sur le fondement de l'enrichissement sans cause, étant rappelé en outre, que l'enrichissement sans cause, création jurisprudentielle sous le nom de « action de in rem verso », qui a été codifiée au moment de la réforme du droit des obligations, présente un caractère subsidiaire, lorsque l'appauvri ne dispose pas d'autre action, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

Sur la demande de dommages et intérêts

L'exercice d'une action en justice ou la défense à une action en justice constitue un droit, qui ne peut dégénérer un abus que s'il est démontré une volonté de nuire de la partie adverse ou sa mauvaise foi ou une erreur ou négligence blâmable équipollente au dol, ce qui suppose de rapporter la preuve de ce type de faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre les deux, dans les conditions prévues par l'article 1240 du code civil.

En l'espèce, au regard de la solution du litige, il n'est pas démontré une résistance abusive du syndicat des copropriétaires, ni une quelconque faute dans la façon dont il a choisi d'argumenter sa défense en soutenant qu'il y a eu une concertation frauduleuse avec la société Decaux.

La SCI Villa Lily sera donc déboutée de sa demande de dommages et intérêts et le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur les demandes reconventionnelles du syndicat des copropriétaires

Le syndicat des copropriétaires a déjà été débouté de sa demande tendant à ce qu'il soit dit que la partie du mur sur laquelle se situe en partie le panneau publicitaire, est sa propriété.

S'agissant de la demande de dommages et intérêts, l'article 1240 du code civil déjà cité, énonce que tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer, ce qui impose la triple démonstration d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre les deux.

La « mauvaise foi manifeste de la SCI Villa Lily ' qui a conclu une entente avec la société Decaux » alléguée par le syndicat des copropriétaires n'est étayée par aucune pièce, la seule concomitance des courriers étant insuffisante à le démontrer.

En outre, le syndicat des copropriétaires ne caractérise pas le préjudice dont il demande réparation.

En conséquence, le syndicat des copropriétaires ne peut qu'être débouté de ses demandes reconventionnelles et le jugement appelé sera confirmé sur ce point.

Sur les demandes accessoires

En application des articles 696 à 700 du code de procédure civile et au regard de la solution du litige, il convient de confirmer le jugement appelé sur les dépens et les frais irrépétibles.

Le syndicat des copropriétaires qui succombe, sera condamné aux dépens d'appel ainsi qu'aux frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement appelé sauf en ce qu'il a débouté la SCI Villa Lily de sa demande fondée sur la responsabilité délictuelle ;

Statuant à nouveau,

Condamne le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier dénommé Etoile Mermoz sis à [Localité 12] représenté par son syndic, à payer à la SCI Villa Lily la somme de 3 270 euros (trois mille deux cent soixante-dix euros) à titre de dommages et intérêts ;

Y ajoutant,

Condamne le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier dénommé Etoile Mermoz sis à [Localité 12] représenté par son syndic, aux dépens d'appel ;

Condamne le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier dénommé Etoile Mermoz sis à [Localité 12] représenté par son syndic, à payer à la SCI Villa Lily, la somme de 3 000 euros (trois mille euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier Pour le président empêché


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-5
Numéro d'arrêt : 19/13322
Date de la décision : 19/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-19;19.13322 ?
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