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13/01/2023 | FRANCE | N°21/03347

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-7, 13 janvier 2023, 21/03347


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-7



ARRÊT AU FOND

DU 13 JANVIER 2023



N°2023/06













Rôle N° RG 21/03347 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHB4J







S.A.R.L. MASTER CONSEIL





C/



[T] [C] ÉPOUSE [F] épouse [F]





































Copie exécutoire délivrée

le : 13 janvier 2023

à :

Me

Lionel FEBBRARO

Me Charlotte PEREZ





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AIX EN PROVENCE en date du 04 Février 2021 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 17/00038.







APPELANTE



S.A.R.L. MASTER CONSEIL, prise en la personne de son représentant lég...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-7

ARRÊT AU FOND

DU 13 JANVIER 2023

N°2023/06

Rôle N° RG 21/03347 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHB4J

S.A.R.L. MASTER CONSEIL

C/

[T] [C] ÉPOUSE [F] épouse [F]

Copie exécutoire délivrée

le : 13 janvier 2023

à :

Me Lionel FEBBRARO

Me Charlotte PEREZ

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AIX EN PROVENCE en date du 04 Février 2021 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 17/00038.

APPELANTE

S.A.R.L. MASTER CONSEIL, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 1]

représentée par Me Lionel FEBBRARO, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant par Me Didier BESSADI, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Johan DADOUN, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

Madame [T] [C] épouse [F] épouse [F], demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Charlotte PEREZ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 Novembre 2022 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Françoise BEL, Président de chambre, et Mme Marina ALBERTI, Conseiller, chargés du rapport.

Madame Françoise BEL, Président de chambre, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Françoise BEL, Président de chambre

Mme Marina ALBERTI, Conseiller

Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Agnès BAYLE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 Janvier 2023..

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 13 Janvier 2023.

Signé par Madame Françoise BEL, Président de chambre et Mme Agnès BAYLE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Faits, procédure, prétentions et moyens des parties:

Mme [T] [C] épouse [F], arguant de l'existence d'un contrat de travail avec la société Master Conseil et lui imputant la rupture des relations contractuelles à la date du 24 juin 2016, a saisi le conseil de prud'hommes d'Aix-en-Provence le 20 janvier 2017 d'une demande en requalification de la relation contractuelle en contrat de travail, et payement d'indemnités et rappels de salaire.

Par jugement du 4 février 2021, le conseil a fait droit à la demande au motif de ce que la demanderesse était placée sous un lien de subordination à l'égard des co-gérants, et a condamné la société au payement de sommes, assortissant la décision de l'exécution provisoire sur l'intégralité des condamnations.

Relevant appel le 5 mars 2021, la société, précisant être bénéficiaire d'une ordonnance de référé en date du 26 juillet 2021 limitant l'exécution provisoire de la décision à la moitié des sommes en principal, a déposé et notifié ses conclusions en date du 15 septembre 2022 et critiquant les chefs de jugement emportant condamnation, demande à la cour la réformation du jugement entrepris et le débouté de l'ensemble des demandes, la condamnation de l'intimée aux dépens et à lui payer la somme de 3500 euros.

Elle fait valoir que la présomption résultant de l'inscription au Registre du commerce et des sociétés fait peser sur l'intimée la charge de la preuve d'un contrat de travail, et que l'intimée n'établit pas être placée dans un lien de subordination permanent à son égard.

Dans ses dernières conclusions déposes et notifiées le 14 octobre 2022, l'intimée demande à la cour, confirmant le jugement, d'ordonner la remise des bulletins de paie pour toute la période de travail et des documents de fin de contrat sous astreinte, et réformant le jugement de condamner la société à lui payer des dommages et intérêts pour préjudice moral et des dommages et intérêts pour travail dissimulé d'un certain montant.

Elle fait valoir l'existence d'un lien de subordination caractérisé par des ordres et directives données quotidiennement, l'absence totale d'autonomie dans l'exécution des fonctions, les remontrances des co-gérants en cas de difficultés dans la réalisation du travail , un exercice professionnel pour le compte exclusif de la société, des horaires de travail fixes, les tâches étant effectuées dans les locaux de l'entreprise, et l'apposition de la signature électronique de la société.

L'ordonnance de clôture a été révoquée d'accord entre les parties avant l'ouverture des débats afin de permettre l'exercice du contradictoire, et une nouvelle clôture a été fixée par mention au dossier, avis étant donné verbalement aux conseils des parties.

Pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties la cour renvoie à leurs écritures précitées.

Motifs

La société Master Conseil exerce une activité de conseil en patrimoine.

Mme [C] a formalisé une immatriculation au Registre du commerce et des sociétés en qualité d'auto-entrepreneur à la date du 17 février 2014 avec un commencement d'activité au 3 mars 2014. L'activité exercée est celle de secrétariat, assistance administrative et commerciale.

En application de l'article L.8221-6 du code du travail, sont présumés ne pas être liés avec le donneur d'ordre par un contrat de travail dans l'exécution de l'activité donnant lieu à immatriculation ou inscription:

1° Les personnes physiques immatriculées au registre du commerce et des sociétés, au répertoire des métiers, au registre des agents commerciaux ou auprès des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales pour le recouvrement des cotisations d'allocations familiales ;

I. - L'existence d'un contrat de travail peut toutefois être établie lorsque les personnes mentionnées au I fournissent directement ou par une personne interposée des prestations à un donneur d'ordre dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard de celui-ci.

L'existence d'un contrat de travail ne dépendant ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité, la preuve d'un contrat de travail peut être rapportée. Il appartient à l'intimée de renverser la présomption aux termes de laquelle elle n'est pas liée au donneur d'ordre par un contrat de travail dans l'exécution de l'activité donnant lieu à immatriculation ou inscription, en établissant avoir été placée dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard du donneur d'ordre.

Le lien de subordination juridique est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

- le pouvoir de direction:

Les échanges par messages texto entre les parties ont pour objet les différentes prestations que doit fournir l'intimée. Ils ne concernent qu'une période de temps limitée courant 2016 entre les mois de février et de juin, alors que la relation contractuelle a commencé le 3 mars 2014. Leur contenu ne révèle pas l'exercice d'un pouvoir de direction permanent exercé par le donneur d'ordre à l'encontre de l'intimée.

La société appelante justifie avoir reçu de l'intimée une facturation mensuelle de ses heures durant toute la relation contractuelle. Le nombre d'heures facturé était déterminé par l'intimée seule et variait selon les mois. Il s'en déduit que l'intimée exerçait son activité administrative dans une autonomie qui s'oppose à la prétention à l'exercice d'une activité salariée.

Il est également établi que l'intimée a facturé, selon contrats versés ( contrats de collaboration [L] et [P]), des prestations à des clients personnels, le montant relativement modique des prestations ne permettant pas en lui-même d'écarter le bien fondé de l'exercice d'une activité de prestation de services par l'intimée.

L'intimée occupait des locaux mis à sa disposition, ainsi qu'à disposition d'autres agents prestataires, en contrepartie d'un loyer, cet élément établissant suffisamment la nécessité pour l'intimée d'exercer alors son activité dans les locaux partagés et d'y accéder.

La mention du siège de l'entreprise d'auto-entrepreneur dans les locaux de la société, apposée sur le formulaire de déclaration du début d'activité, résulte d'une déclaration de son auteur. Elle ne fait pas pour autant la démonstration d'un lien de subordination de la déclarante envers la société appelante.

Les attestations versées, faisant état de la présence de l'intimée dans les locaux de l'entreprise à certains horaires ne permettent pas de caractériser de ce chef le pouvoir de direction sanctionné par le pouvoir de sanction, partant, un lien de subordination.

La mise à disposition des outils de l'entreprise ne fait pas en elle-même la démonstration d'un pouvoir de direction de l'entreprise pour la réalisation des prestations convenues. Le seul usage démontré de la signature électronique dans un courriel interne de l'entreprise, adressé par l'intimée le 22 juin 2016 aux gérants de la société , ne permet pas de déduire de ce fait l'existence d'un lien de subordination.

Concernant la prétention à des jours de congés payés accordés par la société , l'intimée ne produit pas de demande de congés qu'elle aurait soumise à la société en 2014 et 2015 et que celle-ci aurait validée dans l'exercice de son pouvoir de direction.

L'absence de soumission d'une telle demande pendant les années 2014 à 2016, alors que l'intimée prenait effectivement des périodes de congés, démontre une autonomie dans la prise de décision excluant la prétention à un lien de subordination en résultant.

La pièce 40 versée par l'intimée, intitulée 'Planning congés payés mars 2016", ne porte pas les mêmes mentions que la pièce originale issue du serveur de la société. Or il est établi que le serveur incrémente les documents à chaque modification, de sorte que les mentions de la pièce produite par l'intimée, qui ne sont pas retrouvées sur le serveur à la date alléguée, ne sont pas susceptibles d'être probantes de prétention soutenue, laquelle est d'autant rejetée.

- le pouvoir de contrôle et de remontrances:

Les échanges du 13 juin et du 22 juin 2016 attestent de relations tendues entre les parties à ces dates précises, de propos parfois excessifs tenus par les co-gérants de la société à l'égard de l'intimée. Pour autant ces seules pièces ne sont pas probantes de l'exercice du pouvoir de sanction d'un employeur.

Les attestations produites mentionnent des constatations personnelles sur les tâches effectuées essentiellement , quelques jours au mois d'avril 2016, ou à une période de temps non définie, ou relatent le souhait de l'intimée d'intégrer un contrat à durée indéterminée afin de bénéficier des droits ouverts aux salariés en matière de congés, confirmé par les recherches d'un contrat à durée indéterminée effectuées auprès de différentes entreprises courant 2016, dans lesquelles l'intimée se présente comme une indépendante déterminée à évoluer vers le statut salarié, sans toutefois démontrer que son activité place l'intimée dans un lien de subordination.

En l'absence de démonstration que l'intimée est placée dans un lien juridique de subordination permanent dans ses prestations à l'égard de la société, le jugement entrepris est infirmé et l'intimée est déboutée de l'intégralité de ses demandes et condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

Par ces motifs

La cour,

Infirme le jugement des chefs entrepris,

Statuant à nouveau de ces chefs,

Déboute Mme [C] épouse [F] de l'intégralité de ses demandes;

La condamne aux dépens de première instance et d'appel et rejette les demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-7
Numéro d'arrêt : 21/03347
Date de la décision : 13/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-13;21.03347 ?
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