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13/01/2023 | FRANCE | N°19/05096

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-6, 13 janvier 2023, 19/05096


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-6



ARRÊT AU FOND

DU 13 JANVIER 2023



N°2023/ 012













Rôle N° RG 19/05096 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BEAYZ







SNC LE GOELAND





C/



[M] [D]





































Copie exécutoire délivrée

le :13/01/2023

à :



Me Yannick POURREZ, avocat au b

arreau de DRAGUIGNAN



Me Gordana TEGELTIJA, avocat au barreau de DRAGUIGNAN





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de FREJUS en date du 28 Février 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° F 17/00403.







APPELANTE



SNC LE GOELAND, demeurant [Adresse 1]...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-6

ARRÊT AU FOND

DU 13 JANVIER 2023

N°2023/ 012

Rôle N° RG 19/05096 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BEAYZ

SNC LE GOELAND

C/

[M] [D]

Copie exécutoire délivrée

le :13/01/2023

à :

Me Yannick POURREZ, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

Me Gordana TEGELTIJA, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de FREJUS en date du 28 Février 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° F 17/00403.

APPELANTE

SNC LE GOELAND, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Yannick POURREZ, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

INTIME

Monsieur [M] [D], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Gordana TEGELTIJA, avocat au barreau de DRAGUIGNAN substitué par Me Alain-David POTHET, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 Octobre 2022 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Philippe SILVAN, Président de chambre, et Madame Estelle DE REVEL, Conseiller, chargés du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des éléments du dossier dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Philippe SILVAN, Président de chambre

Madame Dominique PODEVIN, Présidente de chambre

Madame Estelle DE REVEL, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Suzie BRETER.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 Janvier 2023..

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 13 Janvier 2023.

Signé par M. Philippe SILVAN, Président de chambre et Mme Suzie BRETER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

M. [M] [D] a été engagé en qualité d'employé polyvalent par la SNC Le Goéland exploitant un fond de commerce de bar tabac dénommé Le Celtic, en vertu d'un contrat à durée indéterminée du 16 août 2014, pour une durée de travail fixée à 24 heures par semaine, du lundi au samedi de 8h à 12h.

Le 20 janvier 2017, M. [D] a été placé en arrêt de travail pour maladie et son contrat a été suspendu jusqu'au 2 juillet suivant.

Au terme d'une visite médicale de reprise du 5 juillet 2017, le médecin du travail l'a déclaré apte à reprendre son poste.

Le 18 juillet 2017, le salarié a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 16 août suivant, et mis à pied à titre conservatoire le 17 août.

Le 14 septembre 2017, il a été licencié pour faute grave.

Contestant le bien fondé du licenciement, M. [D] a saisi le conseil des prud'hommes de Fréjus aux fins de rappel de salaire au titre des heures complémentaires et de demandes au titre des conséquences financières de la rupture.

Par jugement du 28 février 2019, le conseil des prud'hommes de Fréjus a :

'Dit et juge le licenciement de Monsieur [M] [D] sans cause réelle ni sérieuse.

EN conséquence,

Condamne la SNC LE GOELAND, prise en la personne de son représentant légal en exercice, à payer à Monsieur [M] [D] les sommes suivantes: - -

- 1 381.35 euros bruts à titre de rappel de salaire sur mise à pied

- 138.13 euros bruts au titre de l'indemnité de congés payés y afférents

- 2 032.16 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis

- 203.22 euros bruts au titre de l'indemnité de conges payés y afférents

- 660.39 euros au titre de l'indemnité de licenciement

- 264.16 euros au titre du solde de congés payés

- 3 200.00 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse

Ordonne la remise des documents sociaux rectifiés sous astreinte de 15 euros par jour de retard

à compter du 30e jour à réception de la présente notification, le Conseil se réservant le droit de liquider ladite astreinte.

Condamne la SNC LE GOELAND à payer à Maitre Gordana TEGELTIJA la somme de 1000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10juillet1991

Deboute la SNC LE GOELAND de l'intégralité de ses demandes reconventionnelles.

Condamne la SNC LE GOELAND aux entiers dépens.'

Le 28 mars 2019, la société Le Goéland a relevé appel.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 26 septembre 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé détaillé des moyens, la société Le Goeland demande à la cour de :

'REFORMER-le jugement entrepris en ses dispositions frappées d'appe1, à savoir:

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit et jugé le licenciement de M. [D] sans cause réelle et sérieuse,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SNC LE GOELAND:

* à payer à Monsieur [M] [D] les sommes suivantes :

- 2 032,16 euros bruts au titre-de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 203,22 euros bruts au titre de congés payés afférent,

- 660,39 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

- 1 381,35 euros bruts au titre de rappel de salaire sur la mise à pied qui ne peut excéder 1 172,40 € bruts (soit 703,44 € et 468,96 € tel que mentionné dans les bulletins de salaires.

d'août et septembre 2017 en pièce n°3 et conclusions de première instance de Monsieur [D]

- 138,13 euros bruts au titre de l'indemnité de congés payés afférents,

- 264,16 euros au titre du solde de congés'payés,

- 3 200 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

- 1 000,00 euros au titre de l'article 37 de la Loi du 10 juillet 1991 et aux entiers dépens,

* à remettre des documents, sociaux rectifiés sous astreinte de 15 € par jour de retard à compter du 30e jour à réception de la notification du jugement avec liquidation de l'astreinte par le Conseil de prud'hommes de Fréjus.

Statuant de nouveau,

DECLARER recevable et bien fondée la Societe SNC LE GOELAND, prise en la personne de son représentant légal, en ses conclusions, demandes, fins et prétentions,

Considérant notamment les insultes et menaces particulièrement virulentes et avérées de Monsieur [M] [D], les propos également injurieux, diffamatoires, excessifs, de son comportement brutal, violent sans raison, ses dénigrements envers l'employeur, l'absence de prescription des fautes et manquements professionnels reprochés à Monsieur [D] consistant en des actes d'obstruction, d' indiscipline et d' insubordination portant atteinte au pouvoir de direction en le discréditant, nuisant gravement à l'entreprise, à son image... dont la gravité rend impossible le maintien de son contrat de travail, griefs invoqués dans la lettre de licenciement et corroborés par les éléments et pièces versés aux débats, 1'absence d'exécution loyale du contrat de travail par le salarié, de justificatif de préjudice du salarié,

Déclarer le licenciement pour faute grave de Monsieur [D] parfaitement justifié et, à défaut, le requalifier en cause réelle et sérieuse, et si la Cour devant néanmoins entrer en voie de condamnation à l'encontre de la SNC Le Goéland, réduire à néant, ou tout au moins à de plus justes proportions les indemnités et dommages et intérêts alloués à M. [D] en la matière étant précisé qu'en toute hypothèse, il ne saurait être dû un quelconque reliquat au titre de son solde de congés payés et que le montant du rappel de salaire au titre de la période de mise à pied ne peut excéder la somme de 1 172,40 € bruts,

Condamner Monsieur [M] [D] à payer à la Societe SNC LE GOELAND la somme de 3 428.48 euro au titre du remboursement des sommes qu'il a perçues au titre de 1'exécution provisoire du jugement du 28 fevrier 2019,

Considérant notamment le contrat de travail à temps partiel portant emploi du temps hebdomadaire de Monsieur [M] [D], les relevés de temps hebdomadaires signés;par1ui, 1'absence de justificatif d'un emploi à temps plein par, celui-ci, le montant des salaires payés, l'absence de réclamation durant toute l'execution de son contrat de travail, l'absence d'intention de travail dissimulé de la part de l'employeur,

CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a debouté Monsieur [M] [D] de ses demandes et prétentions tendant à la requalification de son travail à temps partiel à temps plein, les heures complémentaires et supplémentaires, les indemnités sollicitées à ce titre avec la remise de bulletin de salaire rectifiés et le paiement de dommages et intérêts pour travail dissimulé,

DEBOUTER Monsieur [M] [D] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions

CONDAMNER Monsieur [M] [D] à payer à la Societe SNC LE GOELAND, prise en la personne de son représentant légal, la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile au titre de la première instance et 2500 euro en cause d'appel ainsi qu'en tous les dépens.'

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 26 septembre 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé détaillé des moyens, M. [D] demande à la cour de :

' Dit et Jugé le licenciement de Monsieur [D] sans cause réelle et sérieuse

Condamné la SNC GOELAND à payer à Monsieur [D] les sommes suivantes:

-1 381,35 Euros au titre de rappel de salaire sur mise à pied sauf à porter cette condamnation à la somme de 2 125,19 Euros s'il est fait droit à la demande de requalification du temps partiel

en temps plein;

-138,13 Euros au titre de l'indemnité de congés payés y afférents sauf à porter cette condamnation à la somme de 212,51 Euros s'il est fait droit à la demande de requalification du

temps partiel en temps plein;

-2 032,16 Euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis sauf à porter cette condamnation, à la-somme de 4 250,38 Euros s'il est fait droit à la demande de requalifrication

du temps partiel en temps plein;

-203,22 Euros au titre de l'indemnité de congés payés afférents sauf à porter cette condamnation à la somme de 425 Euros, s'il est fait droit à la demande de requalification du temps partiel en temps plein;

-660,39 Euros au titre de l'indemnité de licenciement sauf à porter cette condamnation à la somme de 1 381,35 Euros s'il est fait droit a la demande de requalification du temps partiel en

temps plein,"

-264,16 Euros au titre du solde de conges payés sauf à porter cette condamnation à la somme

de 559,75 Euros s'il est fait droit à la demande de requalification du temps partiel en temps

plein;

-3 200 Euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse

sauf à porter cette condamnation à la somme de 10 000 Euros.

Ordonne la remise des documents sociaux rectifiés sous astreinte de 15 Euros par jour de retard

Condamne la SNC LE GOELAND à payer à Maître TEGELTHA la somme de 1 000 Euros au

titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Debouté la SNC LE GOELAND de ses demandes reconventionnelles ;

Condamne la SNC LE GOELAND aux entiers dépens

De l'infirmer pour le surplus,

Et statuant à nouveau de :

Requalilier le contrat de travail à temps partiel en un contrat de travail à temps plein ;

Dire et Juger que Monsieur [D] travaillait 48 heures par semaine, soit 208 heures par

mois ;

Condamner la SNC LE GOELAND à payer à Monsieur [D] la somme de 12 751 euros de dommages et intérêts pour travail dissimulé;

Ordonner à la SNC LE GOELAND de rectifier les bulletins de salaire de Monsieur [D] sur la base de 208 heures de travail par mois sous astreinte de 100 Euros par jour de retard ;

Ordonner à la SNC LE GOELAND de rectifier les documents sociaux de Monsieur [D] conformément à la décision à intervenir sous astreinte de 100 Euros par jour de retard .

Condamner la SNC LE GOELAND à payer à Monsieur [M] la somme de 2 000 Euros à

titre de l'article 700 du code de procédure civile

Condamner la SNC LE GOELAND au entiers dépens.'

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la requalification en contrat de travail à temps complet

Moyens des parties:

Sur appel incident, M. [M] [D] soutient qu'il travaillait 48 heures par semaine, et non 24 heures comme prévu au contrat, et qu'il effectuait en conséquence 13 heures complémentaires, qu'il qualifie improprement d'heures supplémentaires.

Il explique qu'il travaillait du lundi au samedi de 13h30 à 20h30 ainsi que le dimanche de 8h à 14 h.

Il soutient avoir été payé en espèce pour les 3 heures complémentaires quotidiennes à hauteur de 30 heures hebdomadaire.

Il conteste la valeur probante des calendriers produits par l'employeur pour justifier le nombre d'heures travaillées soutenant les avoir signés alors qu'ils étaient vierges de toute mention. Il affirme que les horaires qui y figurent ne correspondent pas aux heures travaillées.

Il demande que sa rémunération mensuelle soit fixée à 2 125,19 euros.

La SNC Le Goéland soutient que M. [D] n'a pas effectué d'heures complémentaires.

Elle expose que le salarié n'a jamais formulé de réclamation à ce titre durant l'exécution de son contrat de travail et qu'il ne démontre pas par les attestations produites la réalité de ses horaires de travail.

L'employeur soutient que M. [M] a signé des calendriers hebdomadaires de temps de travail dont il ressort qu'il ne travaillait jamais le dimanche et que son emploi du temps n'excédait jamais le temps de travail prévu au contrat.

Sur ce :

Selon l'article L. 3123-17 du code du travail, le nombre d'heures complémentaires accomplies par un salarié à temps partiel au cours d'une même semaine ou d'un même mois ou sur la période prévue par un accord collectif conclu sur le fondement de l'article L. 3122-2 ne peut être supérieur au dixième de la durée hebdomadaire ou mensuelle de travail prévue dans son contrat calculée, le cas échéant, sur la période prévue par un accord collectif conclu sur le fondement de l'article L. 3122-2.

L'article L.3123-9 du code du travail prévoit que les heures complémentaires ne peuvent avoir pour effet de porter la durée de travail accomplie par un salarié à temps partiel au niveau de la durée légale du travail ou, si elle est inférieure, au niveau de la durée de travail fixée conventionnellement. Il est de jurisprudence constante que la violation de ces dispositions, fût-ce pour une période limitée, entraîne la requalification du contrat de travail à temps partiel en un contrat à temps complet, et ce à compter de la première irrégularité.

Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.

L'article L.3171-4 du code du travail dispose qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.

Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

La preuve des heures complémentaires obéit au même régime de preuve que celui des heures supplémentaires.

A l'appui de sa demande en requalification de la relation de travail en contrat de travail à temps complet, M. [D] produit, inséré dans ses conclusions, un récapitulatif des horaires effectués chaque semaine et chaque mois ainsi que des attestations de trois clients affirmant qu'il travaillait de 13h30 à 20h30, du lundi au samedi et accessoirement le dimanche.

Il présente ainsi des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur d'y répondre utilement.

La SNC Le Goéland produit des calendriers hebdomadaires retraçant les horaires quotidiens qu'aurait effectués M. [D] en 2016.

La cour relève que toutes les pages de ces calendriers sont signées par M. [D] qui ne conteste pas qu'il s'agisse bien de sa signature. Le fait qu'il ait apposé celle-ci avant qu'ils ne soient remplis n'est absolument pas démontré par l'intéressé qui n'explique pas pourquoi il aurait accepté d'agir ainsi, ni les motifs d'un tel comportement de la part de son employeur.

La cour relève que les horaires qui y sont mentionnés sont le plus souvent différents de ceux fixés au contrat de travail dès lors qu'il en ressort que M. [D] travaillait régulièrement de 11h à 12h puis de 16h30 à 19h30 (par exemple semaine du 11/01/2016, du 04/01/2016) ou l'après-midi entre 15h30 et 19h30 (par exemple semaine du 05/09/2016) alors que l'article 4 de son contrat stipule une durée de travail du lundi au samedi de 8h à 12h.

Pour autant, d'une part, le nombre d'heures de travail accompli n'est jamais supérieur à la durée hebdomadaire contractuellement prévue, à savoir 24 heures, de sorte que la durée légale maximale de travail hebdomadaire n'est jamais dépassée.

D'autre part, M. [D] ne fonde pas sa demande de requalification en contrat à temps complet sur le fait, qu'en raison des conditions d'exécution de son contrat, il était dans l'impossibilité de connaître son rythme de travail et devait se trouver à la disposition constante de l'employeur, de sorte que l'accomplissement d'heures de travail en dehors des heures fixées n'est pas un motif de requalification.

M. [D] ne justifie pas du paiement en numéraire dont il aurait bénéficié chaque mois de la part de son employeur.

Les attestations des clients sont trop vagues et générales pour établir que chacun d'entre eux a pu vérifier quotidiennement que M. [D] était effectivement présent sur son lieu de travail durant la totalité des plages horaires énoncées.

En ce état, la cour dit que la société Le Goéland démontre avoir contrôlé le temps de travail effectué par le salarié dont il ne ressort pas l'accomplissement d'heure complémentaire.

La demande de requalification en temps complet doit par conséquent être rejetée de même que celle au titre du travail dissimulé faute d'élément matériel et intentionnel pour caractériser l'infraction.

Sur la rupture du contrat de travail

Il résulte de l'article 954 du code de procédure civile que la cour d'appel ne statue que sur les prétentions des parties énoncées au dispositif de leurs dernières écritures.

Or, au dispositif de ses conclusions, M. [D] ne reprend pas la fin de non recevoir tirée de la prescription des faits fautifs antérieurs au 18 mai 2017, dont il fait pourtant état dans sa partie discussion. Le jugement du conseil des prud'hommes, dont il est demandé confirmation, ne tranche pas non plus cette question dans le dispositif.

Il en résulte que la cour, qui ne peut se saisir d'office d'une fin de non recevoir, ne peut statuer sur la prescription et doit en conséquence seulement se prononcer sur le bien fondé du licenciement.

1) Sur le bien fondé du licenciement

Moyens des parties :

La société Le Goéland soutient que le licenciement pour faute grave de M. [D] est fondé au motif que :

- lorsqu'il était en arrêt maladie, notamment les 2, 3 et 31 mars 2017, M. [D] s'est rendu sur son lieu de travail fortement alcoolisé pour insulter et menacer les clients et le salarié qui le remplaçait en lui disant qu' 'il allait être corrigé, voir soigné';

- il a dénigré son employeur auprès des clients et de la concurrence après la fin de son arrêt de travail;

- le 18 août 2017, alors qu'il était mis à pied, il a à nouveau insulté le salarié le remplaçant lors d'une soirée musicale au Port [3] et lui a donné des coups de tête;

- le 19 août 2017, il s'est rendu sur son lieu de travail pour exiger la remise d'un relevé d'identité bancaire qu'il avait oublié puis l'a déchiré devant les clients ;

- ce comportement a perturbé et compromis gravement le fonctionnement de l'entreprise;

--les faits du 18 août ne sauraient être écartés comme ayant été commis hors du lieu de travail pendant la période de mise à pied au vu de leur gravité.

Subsidiairement, l'appelant fait valoir que les faits sont constitutifs d'une cause réelle et sérieuse de licenciement.

La SNC Le Goéland conteste le montant des sommes réclamées par M. [D] à titre de dommages-intérêts qui apparaissent disproportionnées en l'absence de la preuve d'un préjudice.

M. [M] [D] soutient que la SNC Le Goéland ne démontre pas l'existence d'une faute grave qui lui serait imputable et qui relèverait de son comportement.

Le salarié critique les attestations produites en cause d'appel comme n'établissant pas la matérialité des faits et notamment qu'il se serait rendu sur son lieu de travail en étant alcoolisé.

Il fait valoir que les faits des 18 et 19 août 2017, s'ils étaient établis, n'ont pas été commis dans le cadre de l'exécution du contrat de travail mais durant sa mise à pied à titre conservatoire.

Il conteste s'être alcoolisé sur son lieu de travail et avoir dénigré son employeur.

Il réclame des indemnités de rupture et des dommages et intérêts en adéquation avec la requalification de son contrat de travail à temps complet.

Sur ce :

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

Il incombe à l'employeur d'en rapporter la preuve.

La lettre de licenciement du 14 septembre 2017 qui fixe les limites du litige est ainsi libellée:

'En date du jeudi 2 mars, vous avez menacé et reproché au vu de tous à plusieurs clients accoudés au comptoir la raison pour laquelle ils revenaient consommer leurs boissons au CELTIC, certains ont répondu qu'ils étaient libre de leur choix et qu'ils n'étaient pas redevables envers vous, vous vous êtes emporté en proférant des insultes et des menaces de représailles.

En date du samedi 4 mars, vous étiez à nouveau alcoolisé et vous aviez menacé directement le salarié qui occupe actuellement votre poste en proférant qu'il allait être corrigé voir soigné. Ce que vous avez fait au Port [3] lors d'une soirée musicale le vendredi 18 août 2017 coups de tête et insultes. Le samedi 19 août 2017 après-midi, vous êtes venu réclamer un RIB que vous aviez oublié dans une boîte à bonbon en criant que vous en aviez besoin, dès que l'on vous l'a remise vous vous êtes amusé à le déchirer.

Je vous ai reproché à mainte reprises de ne plus consommer de boissons alcoolisées en vain, d'ailleurs, lors de l'entretien préalable vous ne l'avez pas contesté.

Malgré tout, nous ne voulions pas prendre cette mesure de licenciement à la légère, mais vous avez continué à dénigrer notre établissement à qui voulait bien l'entendre.

Votre déloyauté et fausses déclarations à nos concurrents nuit gravement au bon fonctionnement de notre entreprise, laquelle se repose essentiellement sur la courtoisie du type événementielle.

L 'obligation de loyauté et de fidélité résulte de votre obligation à exécuter de bonne foi votre contrat de travail, votre infidélité professionnelle a motivé notre décision.'

La société Le Goéland produit l'attestation de M. [L] qui indique qu'alors qu'il était dans le bar qui se trouve en face du Celtic, il a entendu un individu désigné comme étant M. [D] s'adresser à son patron en criant 'je vais le défoncer lui et sa salope, il n'a pas voulu me servir, il va payer'. La cour observe que ces faits sont datés du 20 janvier 2017 alors qu'aucun grief n'est retenu à l'encontre du salarié ce jour-là dans la lettre de licenciement.

Il en est de même s'agissant d'une bagarre qui aurait eu lieu le 21 juin 2017 dont aurait été victime M. [P], barman. De tels faits à cette date ne sont indiqués ni expressément, ni implicitement par l'employeur parmi ceux énoncés. La cour relève au demeurant que le témoin ne cite pas la présence de M. [D] lors de cette rixe du mois de juin.

L'employeur produit enfin l'attestation de M. [O], client du bar Le Celtic, qui indique avoir 'bien connu' l'intéressé entre 2011 et 2017 , qu'il 'rencontrait dans les établissements voisins (Le Clémenceau, Le Café des Arts)' et 'qui était comme d'habitude alcoolisé, et qui disait à tous les clients de ne pas fréquenter le Celtic avec un manque de respect total et injurieux envers les propriétaires de l'établissement et interdisait aux clients de fréquenter le Celtic et son propriétaire en sous-tendant des menaces à qui les fréquenterait' . Cette attestation, eu égard à la longueur de la période visée (2011-2017) et à son manque de précision quant aux insultes et menaces évoquées, ne permet pas d'établir la réalité d'un ou plusieurs des faits précis et détaillés figurant dans la lettre de rupture ayant motivé le licenciement.

L'alcoolisation de M. [D] que le témoin qualifie d''habituelle' n'est pas suffisamment établie par la production de cette attestation qui demeure trop vague et ne peut non plus être démontrée par la production du courrier adressé à la Médecine du travail par l'employeur lui-même.

Il n'est pas non plus démontré que l'étylisme du salarié ait eu une répercussion sur la qualité du travail de celui-ci ou sur le bon fonctionnement de l'entreprise ou qu'elle ait fait courir au salarié des risques à lui-même ou à d'autres personnes, seules circonstances permettant d'y voir une faute du salarié.

En conséquence, l'employeur ne justifie aucun des faits figurant dans la lettre de licenciement, lesquels sont tous contestés par l'intéressé.

C'est par conséquent à bon droit que les premiers juges ont dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse. La décision est confirmée.

2) Sur les conséquences financières

M. [D] a fait l'objet d'une mise à pied conservatoire du 17 août au 16 septembre 2017.

Son salaire de référence tel que calculé selon ses 12 derniers bulletins de salaire s'élève à 1 016,08 euros.

Il convient en conséquence de condamner la société à verser à M. [D] la somme non autrement contredite de 1172,40 euros, outre 117,2 euros au titre des congés payés afférents.

C'est à bon droit que les premiers juges ont condamné l'employeur au versement de l'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents, ainsi que l'indemnité de rupture.

Compte tenu de l'ancienneté de M. [D] et de sa rémunération, soit 1'016,08'euros, le préjudice qu'il a subi au titre de la rupture de son contrat de travail sera indemnisé en lui allouant la somme de 3'200'euros à titre de dommages et intérêts conformément à la décision des premiers juges.

Sur le solde au titre des congés payés

C'est à juste titre que les premiers juges ont fait droit à la demande du salarié au titre des jours de congés payés restant dûs tels qu'ils ressortent de son bulletin de salaire d'août 2017. Le jugement est confirmé.

Sur les autres demandes

Il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a ordonné la remise des documents sociaux rectifiés, sans qu'il y ait lieu cependant de prévoir une astreinte.

La demande de rectification des bulletins de salaire sur la base de 208 heures de travail par mois doit être rejetée.

En équité, il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de condamner la société Le Goéland à payer à M. [D] la somme de 1 200 euros au titre des honoraires et frais non compris dans les dépens.

La société est également condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme la décision déférée en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Déboute la société Le Goéland e ses demandes,

Condamne la société Le Goéland à verser à M. [M] [D] la somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Condamne la société Le Goéland aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-6
Numéro d'arrêt : 19/05096
Date de la décision : 13/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-13;19.05096 ?
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