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12/01/2023 | FRANCE | N°19/14995

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 3-1, 12 janvier 2023, 19/14995


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-1



ARRÊT AU FOND

DU 12 JANVIER 2023



N°2023/ 6













N° RG 19/14995 -

N° Portalis DBVB-V-B7D-BE5XK







SA CMA CGM





C/



Société NILE DUTCH AFRICA LINE BV





































Copie exécutoire délivrée le :

à : Me Joseph MAGNAN



Me Fran

çoise BOULAN





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Commerce de MARSEILLE en date du 21 Juin 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 2017F01083.





APPELANTE



SA CMA CGM, dont le siège social est sis [Adresse 1]



représentée par Me Joseph MAGNAN de la SCP MAGNAN PAUL MAGNAN JOSEPH, avocat...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-1

ARRÊT AU FOND

DU 12 JANVIER 2023

N°2023/ 6

N° RG 19/14995 -

N° Portalis DBVB-V-B7D-BE5XK

SA CMA CGM

C/

Société NILE DUTCH AFRICA LINE BV

Copie exécutoire délivrée le :

à : Me Joseph MAGNAN

Me Françoise BOULAN

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de MARSEILLE en date du 21 Juin 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 2017F01083.

APPELANTE

SA CMA CGM, dont le siège social est sis [Adresse 1]

représentée par Me Joseph MAGNAN de la SCP MAGNAN PAUL MAGNAN JOSEPH, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assisté de Me Fabien D'HAUSSY, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

Société NILE DUTCH AFRICA LINE BV, dont le siège social est sis [Adresse 4] PAYS-BAS

représentée par Me Françoise BOULAN de la SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN- PROVENCE, assisté de Me Christophe NICOLAS, avocat au barreau de PARIS, plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 Novembre 2022 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Valérie GERARD, Présidente et Madame Stéphanie COMBRIE, Conseillère, chargés du rapport.

Madame Valérie GERARD, Présidente, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Pierre CALLOCH, Président (rédacteur)

Madame Valérie GERARD, Présidente

Madame Stéphanie COMBRIE, Conseillère

Greffier lors des débats : M. Alain VERNOINE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 12 Janvier 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 12 Janvier 2023.

Signé par Madame Stéphanie COMBRIE, Conseillère, pour Monsieur Pierre CALLOCH, Président empêché et Madame Marie PARANQUE, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Suivant connaissement daté du 17 mai 2016, la société PESCANOVA ESPANA, ci après société PESCANOVA, a confié à la société CMA CGM le transport de deux conteneurs de crustacés congelés du port de [Localité 2] (ANGOLA) au port de [Localité 3] (ESPAGNE), le dit connaissement prévoyant une température de conservation de -25°.

Pour effectuer ce transport, la société CMA CGM a affrété un espace à bord du navire M/V CHOPIN appartenant à la société NILE DUTCH AFRICA LINE BV, ci après société NILE DUTCH, suivant un 'Slot charter Agreement' versé aux débats et non daté.

L'un des conteneurs ayant connu une défaillance du système de réfrigération, la société PESCANOVA a constaté une altération de la qualité de la marchandise y étant contenue lors du déchargement au port de [Localité 3].

La société MUTUA DE SEGUROS DE ARMADORES DE PESCA DE ESPANA (MUTUAPESCA), assureur de la société PESCANOVA, a versé à son assurée une indemnité de 142 627 € 58.

Par acte en date du 27 avril 2017, la société PESCANOVA a fait assigner la société CMA CGM devant le tribunal de commerce de MARSEILLE en paiement en principal de la somme de 142 627 € 58. La société CMA CGM a appelé en garantie par acte en date du 13 juillet 2017 la société NILE DUTCH AFRICA LINE BV.

Suivant jugement en date du 21 juin 2019, le tribunal a condamné la société CMA CGM à verser à la société MUTUAPESCA la somme de 107 665 € 77, outre 1 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, et l'a déboutée de sa demande en garantie dirigée contre la société NILE DUTCH, à qui elle a été condamnée à verser une somme de 7 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La société CMA CGM a interjeté appel de cette décision par déclaration enregistrée au greffe le 25 septembre 2019, limitant cet appel au débouté de son appel en garantie dirigée contre la société NILE DUTCH.

Le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de l'instruction par ordonnance en date du 7 novembre 2022, fixant l'examen de l'affaire à l'audience du 17 novembre 2022.

A l'appui de son appel, suivant conclusions déposées par voie électronique le 4 novembre 2022, la société CMA CGM rappelle avoir conclu un contrat d'affrètement d'espace avec la société NILE DUTCH et soutient que le tribunal a fait une mauvaise interprétation de ce contrat Slot Charter Agreement en la déboutant de son appel en garantie.

La société CMA CGM rappelle que le dysfonctionnement dans le système de réfrigération de l'un des conteneurs est intervenu alors que ces conteneurs étaient à bort du navire CHOPIN, et en conséquence sous la responsabilité du fournisseur du bâtiment, la société NILE DUTCH. Selon elle, ce fréteur ne lui aurait pas notifié la modification de

température constatée dans le conteneur et n'a pris aucune mesure pour y remédier, et ce en contradiction avec les termes de la convention. Il se réfère à une expertise amiable pour affirmer que la société NILE DUTCH a commis une faute ainsi à l'origine du dommage. Elle invoque en outre la présomption de responsabilité du fréteur d'espace et soutient que la société NILE DUTCH n'apporte nullement la preuve de l'existence d'un cas exonératoire, notamment un vice caché ou l'existence d'un événement extérieur. La société CMA CGM conclut en conséquence à l'infirmation de la décision en ce qu'elle l'a déboutée de sa demande en garantie et demande à la cour de condamner la société NILE DUTCH à la garantir de toute condamnation, et de lui verser une somme de 10 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La société NILE DUTCH, suivant conclusions déposées par voie électronique le 27 octobre 2022, soutient que le contrat 'Slot Charter Agreement' a mis à sa charge trois obligations, à savoir brancher et débrancher les containers, surveiller leur température et leur ventilation durant le voyage, et s'efforcer de les réparer en cas de défaillance, les dites obligations étant des obligations de moyen et non de résultat. Elle affirme avoir rempli celles ci et excipe des termes même du contrat et des constatations de l'expert de la CMA CGM. Elle précise notamment avoir informé la CMA CGM des anomalies de température et avoir tenté de réparer le container défaillant, notamment lors du transbordement à TANGER. Selon elle, sa responsabilité en tant que fréteur d'espace serait régie au terme de la convention elle-même par la Convention de BRUXELLES du 25 août 1924 et elle invoque trois cas exceptés prévus à l'article IV de cette Convention, en l'espèce la défaillance du container lui-même, container assimilable à un emballage, le vice caché échappant à une diligence raisonnable et enfin une faute lui étant extérieure. Elle conclut en conséquence à la confirmation de la décision déférée ayant débouté la société CMA CGM de son appel en garantie et demande la condamnation de cette dernière au paiement d'une somme de 15 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

En sa qualité d'affréteur d'espace, la société CMA-CGM condamnée en sa qualité de transporteur à indemniser le propriétaire de la marchandise est fondée à agir en garantie contre le fréteur d'espace, en l'espèce la société NILE DUTCH dès lors que les dommages ont été provoqués durant le transport maritime ; il lui appartient pour que cette action aboutisse d'établir que le fréteur a manqué à ses obligations telles que stipulées au contrat d'affrètement d'espace.

Il apparaît du rapport d'expertise rédigé par le cabinet EUROVET le 5 octobre 2016, concordant avec le rapport du cabinet CONTROL SYSTEM SURVEY du 9 septembre 2016, que la détérioration de la marchandise transportée dans l'un des conteneurs réfrigérés a pour origine une perte de réfrigération, consignée par le thermo-enregistreur, accompagnée d'une augmentation progressive de la température, intervenue entre le 21 mai et 2 juin 2016, soit durant le transport maritime ; le cabinet EUROVET indique certes dans son paragraphe 'cause du dommage' que 'l'opération frigorifique déficiente'

'incombe au transporteur' ; cependant, c'est à tort que les premiers juges ont estimé que cette appréciation juridique, dépassant au demeurant la mission d'un expert, signifiait que le transporteur, à savoir en vertu du connaissement la société CMA CGM, excluait l'action en garantie de ce même transporteur affréteur d'espace à l'encontre du fréteur.

L'article 15.8.2 du contrat d'affrètement d'espace (Slot Charter Agreement) conclu entre la société CMA CGM et la société NILE DUTCH stipule en son article 15.8.2, selon une traduction non contestée, que ' le fournisseur de navire devra notifier l'affréteur d'espace de tout écart par rapport aux instructions de température et ventilation et il s'efforcera de réparer et rectifier toute défaillance, faute ou déficience qui pourrait survenir s'agissant de ces unités, en utilisant les ressources à bord du navire' ; les rapports d'expertise, par l'analyse des data loggers, démontrent que le conteneur défaillant a connu une baisse progressive de température entre le 21 mai 2016 et le 2 juin 2016, baisse dont l'origine est inconnue ; il appartient dès lors à la société NILE DUTCH d'établir que durant cette période elle a notifié cette baisse à la société CMA CGM et surtout qu'elle a pris toutes les mesures possibles pour y remédier ; force est de constater que non seulement il n'existe au dossier aucune trace de communications entre NILE DUTCH et CMA CGM durant la période de baisse des températures, mais encore que les seules mesures permettant de réparer le système ont été la rédaction d'un rapport et l'envoi de courriels au service de la société NILE DUTCH le 2 juin 2016, soit alors que le système était en baisse de température depuis plus de huit jours ; il apparaît ainsi que la société NILE DUTCH ne prouve pas avoir rempli son obligation d'information, et surtout son obligation de tout mettre en oeuvre pour réparer le système défaillant ; la défaillance prolongée du système de réfrigération étant à l'origine du dommage, c'est à bon droit que la société CMA CGM, sur le fondement contractuel, demande à être garantie des condamnations prononcées à son encontre, et ce sans qu'il soit besoin d'examiner le litige à la lumière de la Convention de Bruxelles inapplicable dans les rapports entre affréteur et fréteur d'espace ; il y a lieu en conséquence d'infirmer la décision déférée et de faire droit à la demande principale formée par la cie CMA CGM.

La société NILE DUTCH succombant à la procédure, elle devra verser une somme de 4 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

- INFIRME le jugement du tribunal de commerce de MARSEILLE daté du 21 juin 2019 en ce qu'il a débouté la société CMA CGM de sa demande en garantie dirigée contre la société NILE DUTCH AFRICA LINE BV et l'a condamnée à verser à celle ci la somme de 2 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et le CONFIRME pour le surplus,

Statuant sur les chefs infirmés,

- CONDAMNE la société NILE DUTCH AFRICA LINE BV à garantir intégralement la société CMA CGM des condamnations mises à sa charge par le jugement du tribunal de commerce de MARSEILLE en date du 21 juin 2019.

- CONDAMNE la société NILE DUTCH AFRICA LINE BV à verser à la société CMA CGM la somme de 4 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

- MET l'intégralité des dépens à la charge de la société NILE DUTCH AFRICA LINE BV, dont distraction au profit des avocats à la cause en ayant fait la demande.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 3-1
Numéro d'arrêt : 19/14995
Date de la décision : 12/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-12;19.14995 ?
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