La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/12/2022 | FRANCE | N°19/17505

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-5, 15 décembre 2022, 19/17505


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5



ARRÊT AU FOND

DU 15 DECEMBRE 2022

hg

N°2022/513













Rôle N° RG 19/17505 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BFFDK







[R] [I]

[G] [M] épouse [I]





C/



[W] [A]

































Copie exécutoire délivrée le :

à :



SCP MAGNAN PAUL MAGNAN JOSEPH


r>Me Caroline DE FORESTA













Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de grande instance de MARSEILLE en date du 12 Septembre 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 17/03476.





APPELANTS



Monsieur [R] [I]

demeurant [Adresse 3]



représenté par Me Joseph MAGNAN de la SCP MAGNAN PAUL MAGNAN...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5

ARRÊT AU FOND

DU 15 DECEMBRE 2022

hg

N°2022/513

Rôle N° RG 19/17505 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BFFDK

[R] [I]

[G] [M] épouse [I]

C/

[W] [A]

Copie exécutoire délivrée le :

à :

SCP MAGNAN PAUL MAGNAN JOSEPH

Me Caroline DE FORESTA

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de grande instance de MARSEILLE en date du 12 Septembre 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 17/03476.

APPELANTS

Monsieur [R] [I]

demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Joseph MAGNAN de la SCP MAGNAN PAUL MAGNAN JOSEPH, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assisté de Me Michel LAO de la SELARL MICHEL LAO, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant

Madame [G] [M] épouse [I]

demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Joseph MAGNAN de la SCP MAGNAN PAUL MAGNAN JOSEPH, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Michel LAO de la SELARL MICHEL LAO, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant

INTIME

Monsieur [W] [A]

demeurant [Adresse 11]

représenté par Me Caroline DE FORESTA, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 Octobre 2022 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Hélène GIAMI, Conseiller, et Madame Patricia HOARAU, Conseiller, chargés du rapport.

Madame Hélène GIAMI, Conseiller, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Hélène GIAMI, Conseiller, faisant fonction de Président de chambre

Madame Laetitia VIGNON, Conseiller

Madame Patricia HOARAU, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 15 Décembre 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 15 Décembre 2022.

Signé par Madame Laetitia VIGNON, Conseiller pour Madame Hélène GIAMI, Conseiller, faisant fontion de Président de chambre, empéchée et Madame Danielle PANDOLFI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire

***

EXPOSÉ DU LITIGE :

Depuis l'acte de licitation du 8 juin 2016 faisant cesser l'indivision préexistante, [W] [A] est propriétaire de la parcelle cadastrée section [Cadastre 8], pour 16ares 92 ca, correspondant à une partie du [Adresse 3].

Le 17 novembre 2015, [R] [I] et son épouse [G] [M] ( les époux [I] ) ont acquis la parcelle cadastrée pour 2a 22ca, section [Cadastre 6], située [Adresse 3], qui jouxte par le nord-ouest la parcelle de [W] [A].

L'acte précise que:

-l'accès à ladite parcelle s'effectue par le [Adresse 3],

-il résulte d'une correspondance émanant des services de [Localité 10] du 8 septembre 2015 que cette voie figure au référentiel des voies de la Ville de [Localité 10] comme une voie privée,

-aux termes d'un jugement rendu par le tribunal civil de première instance de Marseille en date du 6 juin 1879, « le sieur [X] a le droit de passer sur tout le boulevard décrit au plan qui se trouve annexé à l'acte de partage intervenu le 11 mars 1848 aux minutes de Maître [C], lors notaire à Marseille entre les sieurs [U] et [L] ».

Les époux [I] ont fait une déclaration préalable le 30 janvier 2016 en vue de rénover leur maison par la création d'une piscine, ouverture, rénovation de toiture, création d'un portail d'accès de véhicule, et ont obtenu une attestation de la mairie de [Localité 10] le 21 mars 2016 de non-opposition tacite du 1er mars 2016 à leur déclaration préalable.

[W] [A] a fait établir un constat d'huissier le 7 juillet 2016.

Le 8 juillet 2016, il a fait délivrer aux époux [I] une sommation d'avoir à enlever la benne de chantier, les matériaux de construction et de chantier, et de ne pas agrandir le passage piéton actuel qui permet à un véhicule de passer sur sa parcelle.

Par lettre recommandée du 13 juillet 2016, [W] [A] a demandé au Maire de la commune de [Localité 10] d'annuler la non-opposition à la déclaration préalable aux motifs de l'impossibilité de la création d'un portail d'accès à la place du portillon sur sa parcelle [Cadastre 8] en zone UT du PLU. La commune n'a pas répondu.

Le 15 juillet 2016, il a mis en demeure les époux [I] d'enlever les matériaux et de ne pas créer de portail.

Par acte d'huissier du 21 juillet 2016, il a assigné en référé les époux [I] aux fins de les voir condamnés à enlever sous astreinte toute entrave sur sa parcelle, interdire toute modification du portillon et leur régler une provision sur préjudice.

Par ordonnance de référé du 14 octobre 2016, le président du tribunal de grande instance de Marseille a fait interdiction aux époux [I] sous astreinte de 500 € par infraction constatée d'encombrer la parcelle de [W] [A].

Par acte d'huissier du 1er mars 2017, [W] [A] a fait assigner les époux [I] devant le tribunal d'instance de Marseille aux fins de voir constater l'absence de servitude grevant son fonds, de suppression du portillon situé sur le fonds voisin et d'interdiction de construction d'un portail.

Par jugement contradictoire du 12 septembre 2019, le tribunal de grande instance de Marseille a statué en ces termes:

«constate l'absence de servitude de passage grevant la parcelle [Cadastre 8] de [W] [A] au profit du fonds de Monsieur [R] [I] et Madame [G] [M] épouse [I] ;

dit que les époux [I] n'ont pas de droit de passage sur la parcelle [Cadastre 8]

condamne in solidum Monsieur [R] [I] et Madame [G] [M] épouse [I] à supprimer le portillon litigieux sous astreinte de 100 € par jour de retard qui courra un mois après la notification de la présente décision et ce jusqu'à exécution complète,

dit qu'aucune autre construction ne peut être édifiée aux fins de donner un accès piéton ou motorisé sur la parcelle [Cadastre 8] appartenant à [W] [A],

déboute [W] [A] de sa demande de dommages et intérêts,

condamne in solidum Monsieur [R] [I] et Madame [G] [M] épouse [I] au paiement de la somme de 1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

condamne in solidum Monsieur [R] [I] et Madame [G] [M] épouse [I] aux entiers dépens ;

accorde à Maître Fall Paraiso le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

ordonne l'exécution provisoire.»

Le premier juge a considéré que:

-la preuve n'était pas rapportée de l'existence d'une servitude de passage profitant au fonds [I] et grevant le fonds [A];

-leurs titres ne l'évoquaient pas de manière suffisamment précise quand bien même celui des époux [I] mentionne que:

«aux termes d'un jugement rendu par le Tribunal Civil de première instance de Marseille en date du 6 juin 1879, « le sieur [X] a le droit de passer sur tout le boulevard décrit au plan qui se trouve annexé à l'acte de partage intervenu le 11 mars 1848 aux minutes de Maître [C], lors Notaire à Marseille entre les sieurs [U] et [L] ».

Les époux [I] ont fait appel de ce jugement par déclaration du 15 novembre 2019.

Aux termes de leurs dernières conclusions n°3 remises au greffe et notifiées le 6 octobre 2022, les époux [I] entendent voir, au visa de l'acte de partage du 11 mars 1848 et du jugement de première instance du 17 mars 1879,

à titre principal

-constater qu'ils bénéficient d'une servitude instituant un droit de passage sur l'ensemble du [Adresse 3].

en conséquence,

-réformer purement et simplement le jugement querellé.

statuant à nouveau,

-débouter [W] [A] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

-condamner [W] [A] au paiement de la somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.

subsidiairement

-désigner tel expert qu'il plaira avec pour mission de :

-déterminer l'origine de propriété respective, de chacune des parties ;

-dire s'il résulte des actes produits aux débats et notamment de l'acte du 11 mars 1848 et du jugement du tribunal de première instance en date du 17 mars 1879 et éventuellement de tout autre acte qui pourrait être consulté, que les époux [I] disposent d'un droit de passage sur le [Adresse 3] ;

-se procurer l'ensemble des actes et documents éventuellement nécessaires à sa mission ;

-transcrire le cas échéant, les actes successifs de propriété et notamment ceux produits aux débats, en un format plus lisible ;

en tout état de cause

-condamner [W] [A] à la somme de 4.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Pour eux:

-Suivant acte du 11 mars 1848, [J] [L] et [B] [U] ont partagé le bien qu'ils avaient acquis en indivision de [D] [Y] le 13 août 1846, le premier lot a été attribué à [B] [U], et le second à [J] [L], avec la précision que le boulevard était compris dans le second lot;

-par le jugement du tribunal du 6 juin 1879, un droit de passage a été reconnu à Monsieur [U] sur le fonds [L], ([X], venant aux droits de [J] [L]) (pièce 8);

-les époux [I] viennent aux droits de [E] [X],

-leur propre acte mentionne l'acte de partage du 11 mars 1848, et le jugement du 6 juin 1879,

-la transmission du fonds [L] ( lot 2 du partage) aux consorts [A], et pour partie au syndicat des copropriétaires les roches d'or, rappelle l'historique des transmissions, et le règlement de copropriété retranscrit intégralement le jugement du 6 juin 1879, puis rappelle qu'une servitude de passage grève le fonds [A] (actuelle propriété [A]).

Aux termes de ses dernières conclusions n°3 remises au greffe et notifiées le 9 octobre 2022, [W] [A] demande à la cour, au visa des articles 15 et 16 du code de procédure civile, 544, 637 et suivants, 688 et suivants, 691 et suivants, 695, 637, 686, 647, 684, 697, 698, 2261 et 1240 du code civil, de:

-Recevoir et de faire droit aux conclusions et pièces communiquées le 8 octobre 2022, en application du principe de loyauté des articles 15, 16 du code de procédure civile et pour une bonne administration de la justice.

Subsidiairement sur la recevabilité des conclusions au cas où les époux [I] demanderaient de déclarer irrecevables les dernières conclusions pièces de Monsieur [A], dire et juger que les conclusions et pièces des époux [I] du 6 octobre 2022 sont irrecevables.

Sur le fond

-Débouter les époux [I] de toutes leurs demandes fins et conclusions.

-Confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Marseille du 12 septembre 2019 qui a :

. constaté l'absence de servitude de passage grevant la parcelle [Cadastre 8] de Monsieur [W] [A] au profit du fonds de Monsieur [R] [I] et Madame [G] [M] épouse [I];

.dit que les époux [I] n'ont pas de droit de passage sur la parcelle [Cadastre 8].

.condamné in solidum [R] [I] et [G] [M] épouse [I] à supprimer le portillon litigieux sous astreinte de 100 euros par jour de retard qui courra un mois après la notification de la présente décision et ce jusqu'à exécution complète.

. dit qu'aucune autre construction ne peut être édifiée aux fins de donner un accès piéton ou motorisé sur la parcelle [Cadastre 8] appartenant à Monsieur [A].

. condamné in solidum [R] [I] et [G] [M] épouse [I] au paiement de la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

-Ajouter au jugement entrepris.

-Dire et juger que l'accès à l'immeuble se fait par une porte existante qui devra être restituée.

-Dire et juger que le portillon piéton a été supprimé par les époux [I] et qu'il le demeurera.

-Dire et juger que Monsieur et Madame [I] ne peuvent revendiquer la possession trentenaire de l'emprise du portillon qu'ils ont supprimé.

-Dire et juger que les époux [I], leurs ayant cause ou ayant droit auront interdiction de passer sur la moitié du boulevard et le trottoir des Alisiers coté impair appartenant à Monsieur [A] sous astreinte .

-Dire et juger que Monsieur [A] a le droit de se clore.

-Condamner in solidum des époux [I], leurs ayant cause ou ayants droit à remettre le mur de clôture, à restituer la porte d'accès à la maison en leur état initial.

-Dire et juger que les interdictions condamnations seront assorties d'une astreinte de 500 euros par jour de retard qui courra un mois après la notification de la décision à intervenir, jusqu'à complète exécution.

-Interdire aux époux [I], à leurs ayant cause ou ayants droit, de réaliser une quelconque ouverture ou construction donnant accès piéton ou motorisé à la parcelle [Cadastre 8] de Monsieur [A] ou une construction de quelque nature que ce soit tendant à créer une servitude de passage sur sa parcelle.

-Condamner in solidum Monsieur et Madame [I] et leurs ayant cause ou ayants droit à payer à Monsieur [A] 6.000 euros de dommages et intérêts.

-Condamner in solidum Monsieur et Madame [I] et leurs ayant cause ou ayants droit à payer à Monsieur [A] la somme de 6.000 euros en application des articles 699, 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel, comprenant notamment les frais des constat du 7 juillet 2016, des sommation du 8 juillet 2016 sommation du 16 mai 2019, du constat du 17 mai 2019 de la SELARL Bacino huissier de justice de première instance et d'appel distraits au profit de Maître de Foresta.

Pour lui:

-les époux [I] ne rapportent pas la preuve qu'ils viennent aux droits du bénéficiaire du passage suivant le jugement du 6 juin 1879,

-le [Adresse 3] est une voie privée,

-aucun des deux lots d'origine résultant du partage de 1848 n'était enclavé,

-le titre des époux [I], s'il mentionne le jugement de 1879, ne mentionne pas de servitude de passage,

-un des actes antérieurs de vente du 9 août 2000 ([O]-[P]) ne rappelle pas le jugement de 1879, et ne mentionne aucun droit de passage,

-tout au plus, suivant ce jugement, seul Monsieur [X] a eu un droit de passage personnel,

-le lot n°1 de Monsieur [X] a été vendu, divisé et partagé, notamment par les époux [O] qui ont divisé en 1994 la parcelle cadastrée section [Cadastre 4] en cinq parcelles cadastrées section [Cadastre 5] à [Cadastre 1],

-le 9 août 2000, lorsque [K] [O] a vendu aux époux [P] la parcelle [Cadastre 6], aucune mention de servitude ne figurait à l'acte, pas plus que lors de la vente [P]-[I] le 15 novembre 2015,

-les époux [O] ont reconnu avoir créé des voies d'accès sur le [Adresse 3] sans son autorisation,

-lorsqu'ils ont vendu, en 2018, les parcelles cadastrées section [Cadastre 7] à [Cadastre 1], à la SCI Méditerranée, l'accès aux voies publiques se faisait par l'[Adresse 2] et [Adresse 9].

L'ordonnance de clôture a été rendue le 11 octobre 2022.

MOTIFS DE LA DECISION:

Sur la recevabilité des conclusions de [W] [A]:

Nul ne conteste la recevabilité de ses conclusions du 9 octobre 2022.

Sur l'étendue de la saisine de la cour:

En application de l'article 954 alinéa 2 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions des parties.

Il résulte de l'examen des dispositifs des conclusions des parties qu'ils comportent des demandes exprimées sous la forme de « constater », « dire et juger », qui constituent des rappels de moyens et non des prétentions.

Dès lors, la cour n'est pas saisie de prétentions de ces chefs.

Sur l'existence d'une servitude de passage:

Aux termes de l'article 691 du code civil, « les servitudes discontinues apparentes ou non apparentes, ne peuvent s'établir que par titres.»

Ainsi en est-il pour la servitude de passage.

Il ressort du jugement du 6 juin 1879, qu'un litige a opposé [E] [X], demandeur, à [S] [A], défendeur, à propos de l'acte de partage de la propriété la Mazarade qui était intervenu le 11 mars 1848 entre leurs auteurs respectifs, [U] et [L].

Par ce jugement, [E] [X] s'est vu reconnaître un droit de passage sur le boulevard décrit au plan annexé à l'acte de partage du 11 mars 1848, dans les termes suivants :

« Dit que le sieur [X] a le droit de passer sur tout le boulevard décrit au plan qui se trouve annexé à l'acte de partage intervenu le 11 mars 1848, entre les sieurs [U] et [L], notaire [C] à [Localité 10].

Que conséquemment Maître [A] sera tenu dans le mois de la prononciation du présent jugement d'enlever le barrage au moyen duquel il réduit l'étendue de ce boulevard, de faire également enlever les pierres ou autres matériaux qui y ont été déposés par son ordre ou avec son consentement et d'y rétablir la terre qu'il en a fait extraire, afin que l'état du boulevard ne cesse pas d'être conforme à ce qui était convenu dans l'acte de partage du 11 mars 1848, entre les auteurs des parties au procès, faute de quoi et passé ce délai le sieur [X] est autorisé à faire lui-même procéder à l'enlèvement du barrage, pierres, matériaux et au rapport de la terre, mentionnés ci-dessus aux frais de défendeur.

(...)

Dit qu'il n'y a pas lieu dans les circonstances de lui concéder acte de sa déclaration qu'il n'entend point contester au sieur [X] son droit de passage sur une partie du boulevard. »

Dans les motifs du jugement, il apparaît que le boulevard en question est celui visé dans l'acte de partage comme suit:

« Depuis leur acquisition, les exposants ([U] et [L]) ont pratiqué un grand boulevard de 19 mètres de largeur qui traverse toute la propriété du levant à couchant (la longueur du boulevard est de 180 mètres environ), ils ont fait planter des alisiers sur les deux côtés de ce boulevard »

« Les parties conviennent que le boulevard sera compris dans le second lot et que par conséquent l'entretien de ce boulevard et le soin des arbres concernera désormais le propriétaire « du dit second lot »

Il est rappelé dans le jugement que le partage de la propriété la Mazarade s'était opéré en deux lots figurant dans un plan annexé à l'acte;

-un «premier lot échu à [U] représenté aujourd'hui par le sieur [X] demandeur au procès»,

-un «deuxième lot échu à [L], représenté aujourd'hui par Maître [A] avoué, défendeur».

Il est également rappelé dans le dispositif du jugement que [S] [A] ne contestait pas à Monsieur [X] son droit de passage sur une partie du boulevard.

Il a été considéré par ce jugement qu'une véritable servitude de passage avait été instaurée par l'acte de partage du 11 mars 1848, et pas seulement un droit personnel consenti à Monsieur [U], puisque son ayant-droit, Monsieur [X] en a été reconnu bénéficiaire, trente et un ans plus tard.

Ce jugement qui a été mentionné dans plusieurs titres de transmission des parcelles issues du fonds [U] [X], a bien institué une servitude de passage et pas seulement un droit personnel accordé au sieur [X].

Bien que [W] [A] conteste aux époux [I] qu'ils viennent aux droits de Messieurs [U] puis [X], la concordance de l'implantation de leurs parcelles respectives [Cadastre 8] et [Cadastre 6] avec partie des lots 2 et 1 du partage de 1848 ne fait aucun doute au vu des plans produits, et c'est d'ailleurs depuis cet acte que les auteurs de [W] [A] sont devenus propriétaires du boulevard des aliziers, tandis qu'aux termes du jugement de 1879, ceux qui tiennent leurs droits du lot 1, bénéficient du droit de passage reconnu par le jugement de 1879.

[W] [A] ne produit pas le titre de propriété des coindivisaires qui lui ont cédé leurs droits par l'acte de licitation du 8 juin 2016, qui permettrait d'examiner si le droit de passage était rappelé dans leur titre.

En revanche, le titre des époux [I] qui ont acquis leur bien de [T] [P] et son épouse [V] [F], précise que l'accès à leur parcelle s'effectue par le [Adresse 3], qui est une voie privée, et qu'aux termes d'un jugement rendu par le tribunal civil de première instance de Marseille en date du 6 juin 1879, « le sieur [X] a le droit de passer sur tout le boulevard décrit au plan qui se trouve annexé à l'acte de partage intervenu le 11 mars 1848 aux minutes de Maître [C], lors notaire à Marseille entre les sieurs [U] et [L] ».

Quand bien même l'acte de vente du 9 août 2000 ([O]-[P], auteurs des époux [I]) ne rappelle pas le jugement de 1879, et ne mentionne aucun droit de passage, une servitude de passage ne s'éteint qu'à certaines conditions non invoquées en l'espèce, et profite aux acquéreurs des fonds issus de la division du fonds dominant d'origine par application de l'article 700 du code civil.

Dans ces conditions, les époux [I], propriétaires de la parcelle cadastrée section [Cadastre 6], sont fondés à se prévaloir de la servitude de passage sur la parcelle cadastrée section [Cadastre 8] de [W] [A], correspondant à une partie du [Adresse 3].

Le jugement doit donc être infirmé en ce qu'il a:

-constaté l'absence de servitude de passage grevant la parcelle [Cadastre 8] de [W] [A] au profit du fonds des époux [I] ;

-dit que les époux [I] n'ont pas de droit de passage sur la parcelle [Cadastre 8].

Sur les demandes de [W] [A]:

Hormis ses demandes formulées sous la forme de «dire et juger» qui ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 954 du code de procédure civile, [W] [A] entend voir:

-dire qu'aucune autre construction ne peut être édifiée aux fins de donner un accès piéton ou motorisé sur sa parcelle [Cadastre 8],

-condamner in solidum et sous astreinte les époux [I], leurs ayant cause ou ayants droit à supprimer le portillon litigieux,

-condamner in solidum et sous astreinte les époux [I], leurs ayant cause ou ayants droit à remettre le mur de clôture, à restituer la porte d'accès à la maison en leur état initial,

-interdire aux époux [I], à leurs ayant cause ou ayants droit, de réaliser une quelconque ouverture ou construction donnant accès piéton ou motorisé à sa parcelle [Cadastre 8] ou une construction de quelque nature que ce soit tendant à créer une servitude de passage sur sa parcelle.

Il n'est aucunement soutenu que les constructions édifiées par les époux [I] empiètent sur le fonds [A], seules les possibilités de passage sur son fonds étant contestées par [W] [A].

Les époux [I] ont le droit de se clôturer selon leurs convenances.

[W] [A] n'est pas fondé à solliciter leur condamnation à modifier les constructions qu'ils ont réalisées sur leur terrain, et en l'occurrence à rétablir un mur de clôture ou une porte d'accès à la maison, ou à supprimer «le portillon litigieux».

Il ne peut que faire respecter les limites du droit de passage sur son fonds.

A cet égard, l'article 700 du code civil dispose que « si l'héritage pour lequel la servitude a été établie vient à être divisé, la servitude reste due pour chaque portion, sans néanmoins que la condition du fonds assujetti soit aggravée.

Ainsi, par exemple, s'il s'agit d'un droit de passage, tous les copropriétaires seront obligés de l'exercer par le même endroit. »

Les époux [I] ne peuvent donc procéder à de nouvelles ouvertures donnant sur le [Adresse 3].

Or, il s'avère qu'en dépit de la sommation qui leur a été faite le 8 juillet 2016 de « ne pas agrandir le passage piéton actuel qui permettrait à un véhicule de passer sur leur parcelle », et d'une autre sommation du 16 mai 2019 de stopper leurs travaux, les époux [I] les ont poursuivi et ont remplacé l'ouverture qui permettait uniquement un passage pour piétons par un grand portail à double vantaux. (pièces 5, 7 et 16 de [W] [A] : constats des 7 juillet 2016 et 17 mai 2019 et photographies).

La demande de [W] [A] doit donc être accueillie en ce qu'il sollicite leur condamnation sous astreinte à supprimer le portail à double vantaux, et à rétablir dans son état initial le portillon pour piétons (tel que figurant dans le constat de Maître [Z] [H] [N] du 7 juillet 2016, à droite de la plaque du n°7, sur les photographies n°5 et 6 dudit constat), à moins qu'ils ne préfèrent supprimer toute ouverture.

L'astreinte sera fixée selon les modalités précisées au dispositif de la présente décision.

Sur les dommages et intérêts pour procédure abusive:

Le droit d'agir en justice dégénère en abus si une légèreté blâmable, une intention de nuire, de la mauvaise foi ou une erreur grossière équipollente au dol, est caractérisée.

Les époux [I] succombant partiellement à l'instance ne peuvent prétendre à la condamnation de [W] [A] à leur payer des dommages et intérêts pour procédure abusive.

Cette demande sera rejetée.

Sur la demande de dommages et intérêts de [W] [A] :

[W] [A] prétend à des dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1240 du code civil qui nécessite de rapporter la preuve d'une faute, d'un préjudice et d'un lien causal entre les deux.

Il fait valoir que depuis des années, il tente de faire valoir ses droits tandis qu'en dépit des décisions déjà prononcées, les époux [I] continuent à se comporter comme s'ils bénéficiaient de droits sur son fonds, l'empêchant de la sorte de réaliser ses projets de création de parking sur le boulevard qui lui appartient.

Toutefois, [W] [A] ne justifie pas de la persistance des nuisances qu'il dénonce, ni du constat d'encombrement de sa parcelle par les époux [I] depuis le prononcé de l'ordonnance de référé du 14 octobre 2016, alors qu'il dispose depuis cette date du bénéfice d'une astreinte de 500 € par infraction constatée.

Il ne justifie pas davantage que les époux [I] n'ont pas exécuté le jugement, et n'a d'ailleurs pas sollicité la radiation de l'affaire en appel pour ce motif.

Enfin, il n'établit pas que ses projets soient entravés par le fait des époux [I].

Le jugement ayant rejeté cette demande de dommages et intérêts sera donc confirmé.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile:

Les époux [I] ayant poursuivi leurs travaux en dépit de la contestation de leurs droits par [W] [A], devront supporter les dépens de l'instance et une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile, qui sera fixée à 4 000 € au total pour la procédure de première instance et d'appel.

Les dépens ne peuvent comprendre les frais des constat du 7 juillet 2016 et 17 mai 2019, ou des sommations des 8 juillet 2016 et 16 mai 2019, qui n'en font pas partie au regard des dispositions de l'article 695 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme le jugement uniquement en ce qu'il a :

-débouté [W] [A] de sa demande de dommages et intérêts,

-condamné in solidum Monsieur [R] [I] et Madame [G] [M] épouse [I] au paiement de la somme de 1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamné in solidum Monsieur [R] [I] et Madame [G] [M] épouse [I] aux entiers dépens ;

-accordé à Maître Fall Paraiso le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

-ordonné l'exécution provisoire.

Pour le surplus,

Infirme le jugement entrepris et statuant à nouveau,

Reconnaît aux époux [I], propriétaires de la parcelle cadastrée section [Cadastre 6], située [Adresse 3], une servitude de passage sur la parcelle cadastrée section [Cadastre 8] de Monsieur [W] [A], correspondant à une partie du [Adresse 3],

Condamne in solidum Monsieur [R] [I] et Madame [G] [M] épouse [I] à supprimer le portail à double vantaux, et à rétablir dans son état initial le portillon pour piétons (tel que figurant dans le constat de Maître [Z] [H] [N] du 7 juillet 2016, à droite de la plaque du n°7, sur les photographies n°5 et 6 dudit constat), et ce, dans les trois mois de la signification de cette décision, sous astreinte passé ce délai de 50 € par jour de retard pendant trois mois,

Y ajoutant,

Rejette la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive de Monsieur [R] [I] et Madame [G] [M] épouse [I],

Vu les articles 696 à 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum Monsieur [R] [I] et Madame [G] [M] épouse [I] aux dépens, avec distraction dans les conditions prévues par l'article 699 du code de procédure civile, et à payer 4 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, au total pour la procédure de première instance et d'appel.

LE GREFFIER POUR LE PRÉSIDENT EMPÊCHÉ


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-5
Numéro d'arrêt : 19/17505
Date de la décision : 15/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-15;19.17505 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award