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15/12/2022 | FRANCE | N°19/15462

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-5, 15 décembre 2022, 19/15462


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5



ARRÊT AU FOND

DU 15 DECEMBRE 2022

PH

N°2022/ 510













Rôle N° RG 19/15462 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BE7IZ







SCA COMPAGNIE DES EAUX ET DE L'OZONE





C/



Syndicat des copropriétaires [1]

























Copie exécutoire délivrée le :

à :



SCP DE ANGELIS-SEMIDEI-VUILLQUEZ-HABART-MELKI-

BARDON



l'ASSOCIATION FAURE MARCELLE ET CAPOROSSI DIDIER











Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOULON en date du 12 Septembre 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 16/03483.





APPELANTE



SCA COMPAGNIE DES EAUX ET DE L'O...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5

ARRÊT AU FOND

DU 15 DECEMBRE 2022

PH

N°2022/ 510

Rôle N° RG 19/15462 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BE7IZ

SCA COMPAGNIE DES EAUX ET DE L'OZONE

C/

Syndicat des copropriétaires [1]

Copie exécutoire délivrée le :

à :

SCP DE ANGELIS-SEMIDEI-VUILLQUEZ-HABART-MELKI-BARDON

l'ASSOCIATION FAURE MARCELLE ET CAPOROSSI DIDIER

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOULON en date du 12 Septembre 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 16/03483.

APPELANTE

SCA COMPAGNIE DES EAUX ET DE L'OZONE prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité, [Adresse 4]

représentée par Me Alain DE ANGELIS de la SCP DE ANGELIS-SEMIDEI-VUILLQUEZ-HABART-MELKI-BARDON, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Catherine BOYVINEAU, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIME

Syndicat des copropriétaires [1] [Adresse 6], représenté par son syndic en exercice, la SARL AGENCE CAPITAL IMMOBILIER CAPIMMO inscrite au registre du commerce et des sociétés de TOULON sont le siège social est sis [Adresse 3] prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié de droit audit siège en cette qualité

représenté par Me Didier CAPOROSSI de l'ASSOCIATION FAURE MARCELLE ET CAPOROSSI DIDIER, avocat au barreau de TOULON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 Octobre 2022 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Hélène GIAMI, Conseiller, et Madame Patricia HOARAU, Conseiller, chargés du rapport.

Madame Patricia HOARAU, Conseiller, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Hélène GIAMI, Conseiller,faisant fonction de Président de chambre

Madame Laetitia VIGNON, Conseiller

Madame Patricia HOARAU, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 15 Décembre 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 15 Décembre 2022.

Signé par Madame Laetitia VIGNON, Conseiller pour Madame Hélène GIAMI, Conseiller, faisant fontion de Président de chambre, empéchée et Madame Danielle PANDOLFI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire

***

FAITS et PROCEDURE - MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES

Des fuites ont été constatées le 5 février 2016 sur le réseau d'alimentation en eau potable de la copropriété [1]. La société en commandite par action Compagnie des eaux et de l'ozone (ci-après SCA CEO) à qui la commune de [Localité 5] a confié le service public de l'eau potable, a été condamnée par ordonnance de référé du 23 février 2016, à procéder aux travaux de réparation de ces fuites pour le compte de qui il appartiendra.

Après exécution des travaux, la SCA CEO a par exploit du 9 juin 2016, assigné le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier dénommée [1] (ci-après le syndicat des copropriétaires) devant le tribunal de grande instance de Toulon aux fins notamment de le voir condamné à payer le coût des réparations des fuites, le manque à gagner du fait des fuites, des dommages et intérêts.

Par jugement du 12 septembre 2019, le tribunal de grande instance de Toulon a,

- rejeté l'exception d'irrecevabilité de la demande reconventionnelle,

- débouté la SCA CEO de ses demandes,

- débouté le syndicat des copropriétaires de sa demande reconventionnelle,

- condamné la SCA CEO à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SCA CEO aux dépens distraits au profit de Maître Caporossi.

Pour statuer ainsi, le tribunal a considéré :

- que la SCA CEO ne justifie d'aucune cause d'irrecevabilité de la demande reconventionnelle, mais soulève un moyen de défense au fond,

- qu'il ressort des stipulations du contrat d'affermage que, par des termes clairs et ne nécessitant aucune interprétation, la SCA CEO s'est engagée à assurer pour la commune de [Localité 5] l'entretien et le renouvellement des branchements, c'est-à-dire des installations comprises entre le réseau public et le compteur général desservant les propriétés ou copropriétés, qu'en application de l'article 1121 ancien du code civil le bénéficiaire d'une stipulation pour autrui bénéficie d'un droit direct, propre et immédiat de créance contre le promettant, que le syndicat des copropriétaires est donc fondé à opposer ces stipulations aux prétentions de la SCA CEO sans qu'il y ait lieu de s'interroger sur la nature publique ou privée de cette canalisation,

- que la demande de la SCA CEO, de déplacement du compteur apparaît comme une demande de modification des termes du contrat d'affermage, tendant à le transformer sans l'accord du cocontractant ni du bénéficiaire de la stipulation pour autrui,

- que sur la demande d'individualisation des contrats de fourniture d'eau et de pose de compteurs individuels sur l'ensemble des lots de la copropriété, que le syndicat des copropriétaires ne peut être dispensé du dépôt du dossier technique prescrit par l'article 2 du décret n° 2003-408 du 28 avril 2003 et que le juge ne peut modifier les délais prescrits par ledit décret, à compter de la transmission du dossier technique,

- que tant le syndicat des copropriétaires que la SCA CEO étaient fondés à résister à leurs demandes respectives.

La SCA CEO a relevé appel de ce jugement, le 7 octobre 2019, en vue de son annulation sinon infirmation, en ce qu'il :

- a rejeté l'exception d'irrecevabilité de la demande reconventionnelle,

- l'a déboutée de ses demandes,

- l'a condamnée à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- l'a condamnée aux dépens.

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées par le RPVA le 2 juin 2020, la SCA CEO demande à la cour au visa du règlement du service de l'eau de la ville de [Localité 5], de la délibération du conseil municipal du 25 octobre 2013, de l'avenant n° 2 au cahier des charges pour la gestion déléguée par affermage du service de distribution d'eau potable de la ville de [Localité 5], des articles 3 et 4 de la loi du 10 juillet 1965, du décret du 28 avril 2003 :

- de réformer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes de remboursement des frais entrepris pour réparer la canalisation et les pertes d'eau consécutives,

- de condamner le syndicat des copropriétaires à lui payer la somme de 2 035 euros au titre de la réparation de la fuite d'eau,

- de condamner le syndicat des copropriétaires à lui payer la somme de 6 239,22 euros au titre du manque à gagner du fait de la fuite,

- de réformer le jugement qui l'a déboutée de sa demande tendant à dire que le syndicat des copropriétaires est tenu d'accepter le déplacement du compteur en limite du domaine public,

- de condamner le syndicat des copropriétaires à accepter la mise en 'uvre officielle du compteur général en limite du domaine public avec conclusion du contrat y afférent, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir,

- de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté le syndicat des copropriétaires de sa demande visant à obtenir l'individualisation des compteurs,

- de débouter le syndicat des copropriétaires de son appel incident tendant à sa condamnation à l'individualisation des compteurs,

- de condamner le syndicat des copropriétaires à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de la résistance abusive et 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, distraits au profit de la SCP de Angelis & associés, avocats au barreau de Marseille.

Au soutien de son appel, la SCA Compagnie des eaux et de l'ozone fait essentiellement valoir :

- que le tribunal s'est mépris sur le champ d'application du contrat d'affermage qui ne concerne que les ouvrages publics, qui ne s'applique pas à une canalisation constituant un ouvrage purement privé, situé en domaine privé, que l'intégration des réseaux privés au domaine public n'est pas de droit,

- que la canalisation fuyarde n'a pas été intégrée au domaine public, est située en amont du compteur général mais sur la propriété privée du syndicat des copropriétaires, édifié sous sa maîtrise d'ouvrage constitue un ouvrage privé dont l'entretien relève du syndicat des copropriétaires, que les allégations du syndicat des copropriétaires ne sont pas étayées et même contredites par ses propres pièces,

- qu'en vertu du règlement du service de l'eau qui a valeur réglementaire et s'impose au syndicat des copropriétaires, il appartient au syndicat des copropriétaires de prendre en charge l'entretien de la canalisation située en domaine privé, avant compteur,

- que le préjudice est parfaitement justifié au moyen d'une simulation tarifaire, mais que le dommage n'est pas simulé,

- que le règlement du service de l'eau impose que le compteur général soit situé en limite de propriété et qu'à défaut pour l'abonné de prendre en charge l'entretien de la canalisation située sur le domaine privé en aval du compteur général, l'exploitant est fondé à solliciter la mise en conformité par déplacement du compteur en limite du domaine public, qu'il est inexact que le règlement du service de l'eau n'a pas été produit en première instance, qu'il est en tout état de cause produit en cause d'appel,

- que le dossier technique pour la mise en 'uvre de l'individualisation des compteurs n'a jamais été produit par le syndicat des copropriétaires.

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées par le RPVA le 22 août 2022, le syndicat des copropriétaires demande à la cour au visa des articles 9 et 784 du code de procédure civile, 1315, 1221 et 1222 du code civil, du contrat d'affermage :

- de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté l'exception d'irrecevabilité de la demande reconventionnelle et débouté la SCA CEO de ses demandes,

- de réformer le jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande reconventionnelle,

- de condamner la SCA CEO à procéder à l'individualisation des contrats de fourniture d'eau et la pose de compteurs individuels de l'ensemble des lots de la copropriété dans les entrées A1, A2, A3, A5, A7, B, C2, D1, D2, E1, E2, F dans un délai d'un mois à compter de la transmission du dossier technique,

- de condamner la SCA CEO à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en vertu des dispositions de l'article 32-1,

- en tout état de cause de condamner la SCA CEO à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens distraits au profit de Maître Didier Caporossi, avocat sur son offre de droit.

Le syndicat des copropriétaires soutient en substance :

- que la position de la SCA CEO est contraire à la réalité du contrat d'affermage qui n'indique pas que seuls les ouvrages réalisés par l'exploitant seraient à sa charge, que dans le cadre de la même problématique, les plus hautes juridictions y compris la présente cour dans un arrêt du 3 juillet 2018, ont écarté tant les cahiers des charges et autres contrats, que la loi du 10 juillet 1965 pour mettre à la charge d'ENEDIS l'entretien des colonnes montantes d'électricité,

- que la SCA CEO croit pouvoir tirer parti de la pose par le constructeur de la canalisation litigieuse, mais il n'existe pas d'élément probant permettant de confirmer ce point, que par ailleurs aucune distinction n'est opérée dans le contrat de fermage selon l'auteur de la mise en place de la canalisation, que jusque-là la SCA CEO a toujours opéré l'entretien,

- que depuis cinquante ans que la copropriété existe, la SCA CEO s'est toujours comportée comme seule et unique propriétaire de l'ensemble des canalisations, que la SCA CEO développe un raisonnement qui fait fi ou écarte le contrat en vertu duquel elle exploite le réseau,

- que l'implantation d'une canalisation sous une voie privée ne préjuge pas du caractère privé de l'ouvrage,

- que la jurisprudence administrative confirme sa position,

- que le règlement ne lui est pas opposable, que la SCA CEO interprète et déforme les termes de l'arrêt du Conseil d'Etat du 28 juin 2019, qui n'a pas statué sur l'application du règlement du service de l'eau mais sur sa légalité,

- que pour être indemnisé le préjudice doit être certain, direct et déterminé,

- que s'agissant de la pose de compteurs individuels, il se réfère à un protocole d'accord du 7 mai 2013, dont il demande l'application, que ce protocole ne fait pas état d'un dossier technique, que les bâtiments A4, A6, A8 ont vu leur compteur individualisé en 2003.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 11 octobre 2022.

L'arrêt sera contradictoire, puisque toutes les parties sont représentées.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l'étendue de la saisine de la cour

Aux termes de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

Il est constaté que le dispositif des conclusions respectives des parties comporte des demandes de « dire » et « juger » qui ne constituent pas des prétentions, mais des moyens, ce qui explique qu'elles n'aient pas été toutes reprises dans l'exposé des prétentions des parties.

La SCA CEO ne réclame pas dans le dispositif de ses conclusions, l'irrecevabilité de la demande reconventionnelle du syndicat des copropriétaires.

Le jugement appelé sera donc confirmé sur ce point, comme réclamé par l'intimé.

Sur les demandes de remboursement des frais de réparation de la canalisation et des pertes d'eau

La SCA soutient qu'en vertu du règlement du service de l'eau qui a valeur réglementaire et est opposable au syndicat des copropriétaires, il appartient au syndicat des copropriétaires de prendre en charge l'entretien de la canalisation située en domaine privé, avant compteur.

Le syndicat des copropriétaires oppose le contrat d'affermage, lequel stipule que « Tous les ouvrages, équipements et matériels permettant la marche de l'exploitation, ainsi que ceux nécessaires à sa sécurité y compris les compteurs et les branchements, seront entretenus en bon état de fonctionnement et réparés par les soins du fermier à ses frais » (article 21).

L'article L. 2224-12 du code général des collectivités territoriales dispose en ses deux premiers alinéa « Les communes et les groupements de collectivités territoriales, après avis de la commission consultative des services publics locaux, établissent, pour chaque service d'eau ou d'assainissement dont ils sont responsables, un règlement de service définissant, en fonction des conditions locales, les prestations assurées par le service ainsi que les obligations respectives de l'exploitant, des abonnés, des usagers et des propriétaires.

L'exploitant remet à chaque abonné le règlement de service ou le lui adresse par courrier postal ou électronique. Le paiement de la première facture suivant la diffusion du règlement de service ou de sa mise à jour vaut accusé de réception par l'abonné. Le règlement est tenu à la disposition des usagers. »

En l'espèce, la fuite est intervenue sur une canalisation avant le compteur général, située à l'intérieur de la copropriété.

Il n'est pas justifié ni prétendu que le règlement de service a été adressé par courrier postal ou électronique au syndicat des copropriétaires, abonné, conformément aux prescriptions légales, au jour de la fuite litigieuse intervenue en février 2016.

Ainsi, le syndicat des copropriétaires est bien fondé à soulever l'inopposabilité dudit règlement, à la date de la fuite, et notamment de l'article 5 ainsi rédigé : « Un branchement sera établi pour chaque immeuble. Pour les ensembles collectifs, l'eau est fournie par un compteur général qui doit être posé à la limite du domaine public, accessible à tout moment aux agents du service. '. Le poste de comptage est situé en limite de domaine public. Si pour des convenances personnelles ou par une situation d'antériorité aux présentes dispositions, le compteur est situé en domaine privé, cette situation non conforme peut être exceptionnellement tolérée par le service des eaux sous réserve de :

- l'accessibilité du poste de comptage soit possible en toute circonstance pour permettre à l'exploitant d'effectuer ses missions techniques,

- la responsabilité pleine et entière de l'abonné quant à la prise en charge de la surveillance, de l'entretien et du renouvellement de la canalisation de branchement située en domaine privé avant compteur. Il ne doit en aucun cas laisser perdurer une fuite non comptabilisée sur cette partie de canalisation.

Si les précédentes réserves n'étaient pas respectées, le service des eaux serait fondé, après une mise en demeure restée sans effet, à procéder d'office et aux frais de l'abonné, à la mise en conformité par déplacement du compteur en limite de domaine public ».

A cet égard, le contrat d'affermage prévoit en son article 24 « 'Les compteurs en service au moment de l'entrée en vigueur du présent contrat et appartenant aux abonnés sont maintenus en service aussi longtemps qu'ils assurent un comptage correct. Ils sont entretenus et renouvelés par le fermier' »

Il en ressort que les fuites intervenant avant le compteur général, y compris sur le domaine privé du syndicat des copropriétaires, doivent être réparées et assumées par la SCA CEO.

La SCA CEO sera donc déboutée de sa demande au titre de la réparation de la canalisation et au titre des pertes d'eau, et le jugement appelé confirmé sur ce point.

Sur la demande de déplacement du compteur d'eau en limite de domaine public

A l'appui de cette demande, la SCA CEO se prévaut du règlement du service de l'eau voté par le conseil municipal de [Localité 5] du 25 octobre 2013 qui énonce en son article 5 déjà cité « Un branchement sera établi pour chaque immeuble. Pour les ensembles collectifs, l'eau est fournie par un compteur général qui doit être posé à la limite du domaine public, accessible à tout moment aux agents du service. '. Le poste de comptage est situé en limite de domaine public. Si pour des convenances personnelles ou par une situation d'antériorité aux présentes dispositions, le compteur est situé en domaine privé, cette situation non conforme peut être exceptionnellement tolérée par le service des eaux sous réserve de :

- l'accessibilité du poste de comptage soit possible en toute circonstance pour permettre à l'exploitant d'effectuer ses missions techniques,

- la responsabilité pleine et entière de l'abonné quant à la prise en charge de la surveillance, de l'entretien et du renouvellement de la canalisation de branchement située en domaine privé avant compteur. Il ne doit en aucun cas laisser perdurer une fuite non comptabilisée sur cette partie de canalisation.

Si les précédentes réserves n'étaient pas respectées, le service des eaux serait fondé, après une mise en demeure restée sans effet, à procéder d'office et aux frais de l'abonné, à la mise en conformité par déplacement du compteur en limite de domaine public ».

La SCA CEO produit également à l'appui de sa demande un arrêt du Conseil d'Etat du 28 juin 2019, qui a rejeté un pourvoi contre le jugement du tribunal administratif de Nice qui a dit que le règlement du service de l'eau de la ville d'Antibes ne présentait pas de caractère abusif en ce qu'il impose l'installation d'un compteur général en limite de domaine public à la charge des copropriétaires.

Le syndicat des copropriétaires reproche précisément à la SCA CEO d'imposer l'application du règlement du service de l'eau, qui modifie les termes du contrat d'affermage.

Le règlement du service de l'eau ayant été établi par la commune de [Localité 5] dans le cadre du service de distribution de l'eau potable, mission de service public, aujourd'hui à la connaissance du syndicat des copropriétaires, il convient de faire droit à la demande de la SCA CEO, tendant à la condamnation du syndicat des copropriétaires à accepter la mise en 'uvre officielle du compteur général en limite du domaine public, avec conclusion du contrat y afférent.

Afin d'y contraindre le syndicat des copropriétaires, il y a lieu de fixer une astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de la signification de la présente décision et pour une durée de six mois.

Le jugement appelé sera donc infirmé sur ce point.

Sur la demande d'individualisation des compteurs d'eau

Le syndicat des copropriétaires demande à la cour de condamner la SCA CEO à procéder à l'individualisation des contrats de fourniture d'eau et la pose de compteurs individuels de l'ensemble des lots de la copropriété dans les entrées A1, A2, A3, A5, A7, B, C2, D1, D2, E1, E2, F dans un délai d'un mois à compter de la transmission du dossier technique, en se prévalant d'un protocole signé le 7 mai 2013 avec la SCA CEO.

Selon les dispositions de l'article 2 du décret du 28 avril 2003 pris en application de l'article 93 de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à l'individualisation des contrats de fourniture d'eau, « Le propriétaire de l'immeuble collectif d'habitation ou de l'ensemble immobilier de logements, titulaire du contrat de fourniture d'eau, qui souhaite individualiser ce contrat adresse une demande à cette fin à la personne morale chargée de l'organisation du service public de distribution d'eau. Cette demande est accompagnée d'un dossier technique qui comprend notamment une description des installations existantes de distribution d'eau en aval du ou des compteurs servant à la facturation au regard des prescriptions mentionnées au troisième alinéa de l'article 1er. Il comprend également, le cas échéant, le projet de programme de travaux destinés à rendre ces installations conformes à ces prescriptions. Cette demande est adressée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par tout autre moyen présentant des garanties équivalentes. »

L'article 3 énonce : « La personne morale chargée de l'organisation du service public de distribution d'eau dispose d'un délai de quatre mois à compter de la date de réception de la demande complète mentionnée à l'article 2 pour vérifier si les installations décrites dans le dossier technique respectent les prescriptions mentionnées au troisième alinéa de l'article 1er. Elle précise au propriétaire, le cas échéant, les modifications à apporter au projet présenté pour respecter ces prescriptions. Elle peut à cette fin faire procéder à une visite des lieux, sans que le délai de quatre mois mentionné à l'alinéa précédent puisse être prolongé pour ce motif. Elle peut, en tant que de besoin, demander au propriétaire des éléments d'information complémentaires relatifs à l'installation. La réponse du propriétaire apportant ces éléments d'information déclenche à nouveau le délai de quatre mois mentionné au premier alinéa. Elle adresse au propriétaire les modèles des contrats destinés à remplacer le ou les contrats en cours, ainsi que les conditions d'organisation et d'exécution du service public de distribution d'eau. »

Le protocole signé le 7 mai 2013 entre le syndicat des copropriétaires de l'immeuble « [1] » d'une part, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble « [2] » de deuxième part, la SCA CEO de troisième part, énonce au visa de plusieurs assignations par les deux syndicats des copropriétaires et d'ordonnances de référés rendues, dont celle du 1er octobre 2010, qu'en contrepartie du règlement de la somme de 5 400,64 euros par le syndicat des copropriétaires de l'immeuble « [2] » à la SCA CEO, « la CEO adressera par l'intermédiaire de son conseil ' deux exemplaires du contrat d'individualisation de fourniture d'eau à l'intérieur de l'immeuble « [1] ». La CEO s'engage à procéder à l'individualisation des contrats de fourniture d'eau et à la pose des compteurs individuels des lots de la copropriété « [1] » dans un délai de deux mois à compter de la réception du contrat régularisé par le syndic de ladite copropriété.'.. ».

Par ordonnance de référé du 1er octobre 2010, le juge des référés avait considéré que « le contrat d'individualisation du fourniture d'eau dont s'agit n'a pas été signé par le service de l'eau du fait de la mention manuscrite ajoutée par le syndic selon laquelle il ne pouvait pas être facturé un écart d'eau en cas de dysfonctionnement, défaillance technique ou autres des compteurs installés. Dès lors il est vain de faire état d'un dommage imminent résultant d'une résiliation du contrat d'individualisation, le contrat n'ayant pas été régularisé » et par suite a rejeté les demandes du syndicat des copropriétaires de l'immeuble « [2] », l'a condamné à payer à la SCA CEO la somme de 700 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, a débouté la SCA CEO de sa demande reconventionnelle tendant au paiement de la somme de 5 400,64 euros au titre de la facture du 18 novembre 2008.

Il ressort de l'ensemble de ces pièces que ce n'est pas la transmission du dossier technique qui pose difficulté, celui-ci n'étant pas visé dans le protocole d'accord. Pourtant le syndicat des copropriétaires demande la pose des compteurs individuel dans un délai d'un mois à compter de la transmission du dossier technique, qui est en tout état de cause un délai inférieur à celui prévu par le protocole d'accord « à compter de la réception du contrat régularisé par le syndic de la copropriété ».

Le syndicat des copropriétaires ne peut donc qu'être débouté de sa demande telle que formée, étant observé que le blocage actuel résultant de l'opposition du syndicat des copropriétaires sur le déplacement du compteur général en limite de domaine public, disparaît avec la présente décision.

Le jugement appelé sera donc confirmé sur ce point.

Sur les demandes de dommages et intérêts

Il s'agit de demandes formées d'une part par la SCA CEO pour résistance abusive et d'autre part par le syndicat des copropriétaires sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile.

Selon les dispositions de l'article 32-1 du code de procédure civile, celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.

Au regard du fondement exclusif de sa demande sur ledit article qui concerne l'amende civile, le syndicat des copropriétaires sera débouté de sa demande de dommages et intérêts.

Quant à la SCA CEO qui succombe dans sa demande principale, elle n'est pas fondée à soutenir que le syndicat des copropriétaires a résisté abusivement à son action. Elle sera donc déboutée de sa demande de dommages et intérêts.

Le jugement appelé sera donc confirmé sur ce point.

Sur les demandes accessoires

En application des articles 696 à 700 du code de procédure civile et au regard de la solution du litige, il convient de confirmer le jugement entrepris.

La SCA CEO qui succombe en sa demande principale, sera condamnée aux dépens d'appel distraits au profit du conseil du syndicat des copropriétaires et le syndicat des copropriétaires sera débouté de sa demande au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a débouté la SCA Compagnie des eaux et de l'ozone de sa demande tendant à dire que le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier [1] représenté par son syndic la SARL Agence capital immobilier, est tenu d'accepter le déplacement du compteur en limite du domaine public ;

Statuant à nouveau,

Condamne le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier [1] représenté par son syndic la SARL Agence capital immobilier, à accepter la mise en 'uvre officielle du compteur général en limite du domaine public avec conclusion du contrat y afférent ;

Assortit cette condamnation d'une astreinte provisoire de 100 euros (cent euros) par jour de retard, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de la signification de la présente décision et pour une durée de six mois ;

Condamne la SCA Compagnie des eaux et de l'ozone aux dépens d'appel, distraits au profit de Maître Didier Caporossi ;

Déboute le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier [1] représenté par son syndic la SARL Agence capital immobilier, de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-5
Numéro d'arrêt : 19/15462
Date de la décision : 15/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-15;19.15462 ?
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