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15/12/2022 | FRANCE | N°19/13977

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 3-1, 15 décembre 2022, 19/13977


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-1



ARRÊT AU FOND

DU 15 DECEMBRE 2022



N° 2022/ 364













N° RG 19/13977 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BE2R5







SARL NPO





C/



SARL CAMION ASSISTANCE RALLYES RAIDS - CARR





















Copie exécutoire délivrée

le :

à : Me Joseph MAGNAN



Me Pierre-Yves IMPERATORE













Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Commerce de MARSEILLE en date du 11 Juin 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 2018F02088.





APPELANTE



SARL NPO, dont le siège social est sis [Adresse 1]



représentée par Me Joseph MAGNAN de la SCP MAGNAN PAUL MAGNAN JOSEPH,...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-1

ARRÊT AU FOND

DU 15 DECEMBRE 2022

N° 2022/ 364

N° RG 19/13977 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BE2R5

SARL NPO

C/

SARL CAMION ASSISTANCE RALLYES RAIDS - CARR

Copie exécutoire délivrée

le :

à : Me Joseph MAGNAN

Me Pierre-Yves IMPERATORE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de MARSEILLE en date du 11 Juin 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 2018F02088.

APPELANTE

SARL NPO, dont le siège social est sis [Adresse 1]

représentée par Me Joseph MAGNAN de la SCP MAGNAN PAUL MAGNAN JOSEPH, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assisté de Me Pierre BALLANDIER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

SARL CAMION ASSISTANCE RALLYES RAIDS - CARR, dont le siège social est sis [Adresse 2]

représentée par Me Pierre-Yves IMPERATORE de la SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN- PROVENCE, assisté de Me Nicolas MARGUERIE, avocat au barreau de COUTANCES

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 07 Novembre 2022 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Stéphanie COMBRIE, Conseillère, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Pierre CALLOCH, Président

Madame Marie-Christine BERQUET, Conseillère

Madame Stéphanie COMBRIE, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : M. Alain VERNOINE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 15 Décembre 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 15 Décembre 2022,

Signé par Monsieur Pierre CALLOCH, Président et Madame Marie PARANQUE, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

La société Camion Assistance Rallyes Raids (ci-après la société C.A.R.R) assure le transport des véhicules à l'occasion du Raid Can Am depuis 2013 et a proposé ses services en 2017 à la société NPO, nouvelle organisatrice de la manifestation, ayant elle-même succédé à la société Rey Voyages.

Après divers échanges entre les parties, le 21 février 2018 la société NPO a informé la société C.A.R.R qu'elle ne souhaitait pas poursuivre ses relations avec la société C.A.R.R;

Invoquant une résiliation fautive du contrat, la société C.A.R.R a saisi le tribunal de commerce de Marseille par acte du 20 août 2018 afin d'obtenir la condamnation de la société NPO à lui payer la somme principale de 63.265, 67 euros incluant une somme de 48.265, 67 euros hors taxe au titre de la perte de gain et une somme de 15.000 euros au titre de l'échec de la cession de son activité de transport de véhicules.

Par jugement en date du 11 juin 2019 le tribunal de commerce de Marseille a :

-condamné la société NPO à payer à la société C.A.R.R la somme de 9.142 euros à titre de dommages et intérêts au titre de la résiliation fautive du contrat liant les parties et celle de 1.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamné la société NPO aux dépens,

-ordonné l'exécution provisoire,

-rejeté pour le surplus toutes autres demandes, fins et conclusions contraires aux dispositions du jugement

----------

Par acte du 30 août 2019 la société NPO a interjeté appel du jugement.

----------

Par conclusions enregistrées le 26 novembre 2019, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société NPO (SARL) fait valoir, au visa des articles 1101 et suivants du code civil, que :

-la société C.A.R.R a pris attache avec elle pour lui proposer ses services en vue de l'édition 2018; si des négociations ont eu lieu, elles n'ont pas abouti; aucun relation contractuelle n'a existé entre les parties, et aucun contrat ou document juridiquement opposable n'a été conclu; la société C.A.R.R a reconnu qu'elle n'était pas en mesure d'assurer la prestation,

-aucune faute ne peut dès lors lui être reprochée au titre d'une résiliation fautive; les revendications financières de la société C.A.R.R sont grossières et trompeuses; l'attestation de l'expert-comptable est insuffisante à établir l'existence d'un manque-à-gagner; l'attestation en vue d'établir la perte de la vente de son activité n'a pas de valeur probante

Ainsi, la société appelante demande à la cour de:

-réformer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer à la société C.A.R.R la somme de 9.142 euros à titre de dommages et intérêts au titre de la résiliation fautive du contrat liant les parties et celle de 1.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

-débouter la société C.A.R.R de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions,

-condamner la société C.A.R.R à payer à la société NPO la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile dont distraction

----------

Par conclusions enregistrées le 24 février 2020, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société C.A.R.R (SARL) réplique que:

-son offre émise le 5 décembre 2017 a été acceptée par la société NPO et comportait les éléments essentiels avec la désignation et les modalités de la prestation ainsi que le prix en fonction des véhicules à acheminer au Maroc; l'acceptation de la société NPO en date du 13 décembre 2017 est expresse et explicite; les échanges de courriels démontrent l'existence d'un accord ferme et définitif des parties sur la prestation de transport et le prix; le contrat a reçu un début d'exécution,

-la société NPO ne pouvait dès lors résilier unilatéralement le contrat sans le moindre motif; la société NPO a en réalité choisi une autre société et il n'a jamais été question qu'elle partage ses prestations avec la société Transbaroudeurs,

-son préjudice est établi et le tribunal de commerce aurait dû retenir l'indice référentiel du prix de revient 2018 établi par le comité national routier et non un pourcentage de 20%; elle avait accompli les démarches nécessaires pour acquérir les camions complémentaires; subsidiairement, elle propose un calcul sur la base des quatre camions dont elle disposait

La société intimée demande à la cour de:

-confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société NPO à l'indemniser au titre de la résiliation fautive et en ce qu'il a condamné la société NPO à lui payer la somme de 1.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

-infirmer le jugement en ce qu'il a limité son indemnisation à la somme de 9.142 euros TTC

En conséquence,

-condamner la société NPO à lui payer une indemnité de 48.265 euros hors taxe au titre de la perte de marge brute calculée sur la base de 89 véhicules à transporter (soit 19 quads +70 SSV),

-subsidiairement, condamner la société NPO à lui payer une indemnité de 36.560 euros hors taxe au titre de la perte de marge brute calculée sur la base de 56 véhicules à transporter (soit 8 quads + 48 SSV),

-condamner la société NPO à lui payer la somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts au titre des conséquences annexes de la résiliation abusive du marché de transport des véhicules du Raid Can Am,

-condamner la société NPO au paiement de la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles en appel outre aux dépens, dont distraction

----------

Le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de l'instruction par ordonnance du 10 octobre 2022 et a fixé l'examen de l'affaire à l'audience du 7 novembre 2022.

A cette date, l'affaire a été retenue et mise en délibéré au 15 décembre 2022.

MOTIFS

Sur la résiliation du contrat d'acheminement :

Le contrat est formé par la rencontre d'une offre et d'une acceptation par lesquelles les parties manifestent leur volonté de s'engager. Cette volonté peut résulter d'une déclaration ou d'un comportement non équivoque de son auteur conformément aux dispositions de l'article 1113 code civil.

Ainsi, en application de l'article 1114 du code civil l'offre doit comprendre les éléments essentiels du contrat envisagé.

En outre, aux termes des articles 1103, 1104 et 1193 du code civil les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être modifiées ou révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. En outre, les conventions doivent être négociées, formées et exécutées de bonne foi.

S'agissant d'un contrat relatif à l'acheminement de véhicules, conclu entre deux sociétés commerciales, aucune disposition n'impose aux parties de rédiger un contrat écrit.

En l'espèce, nonobstant l'absence de contrat formalisé entre les parties, le tribunal a valablement déduit des pièces du dossier l'existence d'une convention existant entre les parties.

En effet, il résulte des termes des mails échangés entre la société NPO et la société C.A.R.R. entre le 5 décembre 2017 et le 21 février 2018 que la société NPO a accepté le 13 décembre 2017 la proposition écrite qui lui avait été formulée par la société C.A.R.R. en vue de l'acheminement par cette dernière des véhicule destinés à participer à un rallye automobile organisé au Maroc du 16 au 23 mars 2018, proposition prévoyant les modalités de tarification et les prestations incluses.

La formulation « nous sommes très content de travailler avec vous pour le Raid Can Am Maroc 2018 » employée par la société NPO ne peut s'apparenter à de simples pourparlers, et ce, d'autant qu'ultérieurement, les parties ont échangé plusieurs courriels contenant des informations pratiques en vue de l'organisation de l'acheminement (coordonnées de l'agence Trail Rando, liste des concessionnaires en vue de l'enlèvement des véhicules, nombre de véhicule, liste des pièces à fournir), attestant qu'au-delà de son acceptation formelle, le contrat a reçu en outre un commencement d'exécution.

En conséquence, doit être considérée comme fautive la décision unilatérale manifestée par la société NPO le 21 février 2018, soit quelques jours à peine avant le départ de la course, de mettre fin à ses relations avec la société C.A.R.R., et ce, sans justifier d'aucun motif légitime ou cause grave.

L'argument invoqué tenant au refus de la société C.A.R.R. de consentir une collaboration avec une autre société en vue de l'acheminement des véhicule, outre qu'il ne ressort pas des échanges entre les parties au moment de la résiliation, n'est pas établi.

Il apparaît au contraire que la société NPO a modifié unilatéralement les conditions convenues dès lors que le 13 décembre 2017 la société estimait à 40 véhicules le nombre de véhicule à acheminer pour finalement porter ce chiffre à 80 le 5 février 2018, soit le double des prestations prévues. Elle ne justifie pas davantage avoir convenu d'un partage des modalités de transport avec un autre prestataire.

Le jugement sera dès lors confirmé en ce qu'il a retenu la faute de la société NPO dans la résiliation unilatérale du contrat.

Sur les conséquences de la résiliation :

Aux termes des articles 1228 et 1229 du code civil, le juge peut, selon les circonstances, constater ou prononcer la résolution ou ordonner l'exécution du contrat, en accordant éventuellement un délai au débiteur, ou allouer seulement des dommages-intérêts.

En l'espèce, l'exécution forcée n'a pas été sollicitée et ne trouverait pas à s'appliquer s'agissant d'un événement ponctuel prévu en 2018.

Néanmoins, la société C.A.R.R. est fondée à solliciter des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi au titre du manque-à-gagner relatif au contrat qu'elle avait prévu d'honorer.

Il convient de rappeler à cet égard que le propre de la responsabilité est de rétablir aussi exactement que possible l'équilibre détruit par le préjudice et de replacer la victime, aux dépens du responsable, dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable ne s'était pas produit. Pour autant, cette réparation doit se faire sans perte ni profit pour aucune des parties.

En l'espèce, la société C.A.R.R. produit une attestation de l'expert-comptable M. [H] [B] évaluant à 91.418,50 euros hors taxe le montant du chiffre d'affaires perdu et à 48.265,67 euros le montant de la marge brute après déduction des frais, qui par nature n'ont pas été engagés en l'absence d'exécution de la prestation.

Cette évaluation correspond au demeurant approximativement à l'évaluation faite par la société C.A.R.R. elle-même le 14 février 2018 dans l'hypothèse où elle aurait été dans l'obligation d'acheter quatre camions supplémentaires aux quatre déjà en sa possession afin de procéder à l'acheminement de 80 véhicules au lieu de 40.

Pour autant, l'évaluation de l'expert-comptable repose sur l'utilisation de sept véhicules de transport alors même que M. [D] [V], gérant de la société C.A.R.R., reconnaissait qu'il n'en possédait que quatre, et qu'aucun élément au dossier n'atteste que les camions complémentaires ont été acquis en l'état de la résiliation intervenue le 21 février 2018.

En conséquence, le préjudice de la société C.A.R.R. sera valablement estimé à la somme de 25.000 euros au titre de la perte de marge.

En revanche, la société C.A.R.R. sera déboutée de sa demande concernant la perte de chance de céder la société à M. [Y] [P] considérant que le seul témoignage de ce dernier est insuffisant à attester de la probabilité de cette vente et qu'en tout état de cause, la société C.A.R.R. ne peut solliciter à la fois la perte de marge brute sur un chiffre d'affaires qu'elle n'aurait pas perçue en cas de vente et un préjudice au titre de la perte de chance de cession au profit d'un tiers.

Dès lors, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la société C.A.R.R. de sa demande de dommages et intérêts au titre des conséquences annexes de la résiliation mais sera infirmé en ce qu'il a fixé l'évaluation du préjudice de la société C.A.R.R. à la seule somme de 9.142 euros.

Sur les frais et dépens :

La société NPO, partie succombante, conservera la charge des dépens de la procédure d'appel, recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Elle sera tenue en outre de régler à la société C.A.R.R. la somme de 4.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de l'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement rendu le 11 juin 2019 par le tribunal de commerce de Marseille sauf en ce qu'il a évalué à la somme de 9.142 euros le montant des dommages et intérêts dus à la société C.A.R.R. en l'état de la résiliation fautive du contrat par la société NPO,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la société NPO à payer à la société C.A.R.R. la somme de 25.000 euros à titre de dommages et intérêts,

Condamne la société NPO aux entiers dépens de la procédure d'appel, recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile,

Condamne la société NPO à payer à la société C.A.R.R. la somme de 4.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de l'appel.

LA GREFFIERE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 3-1
Numéro d'arrêt : 19/13977
Date de la décision : 15/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-15;19.13977 ?
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