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08/12/2022 | FRANCE | N°22/00177

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-11 ho, 08 décembre 2022, 22/00177


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Hospitalisation sans consentement

1-11 HO





ORDONNANCE

DU 08 DECEMBRE 2022



N° 2022/177







Rôle N° RG 22/00177 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BKNRO







[O] [R]





C/



LE DIRECTEUR DE L'HOPITAL [7]

[Z] [R]

LA PROCUREURE GENERALE

































Copie adressée :

par courriel le :
>08 Décembre 2022

à :

-Le patient

-Le directeur

-L'avocat

-Le Ministère Public



par LRAR

- Le tiers









Décision déférée à la Cour :



Ordonnance rendue par le Juge des libertés et de la détention de MARSEILLE en date du 25 Novembre 2022 enregistrée au répertoire général sous le n°22/11325...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Hospitalisation sans consentement

1-11 HO

ORDONNANCE

DU 08 DECEMBRE 2022

N° 2022/177

Rôle N° RG 22/00177 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BKNRO

[O] [R]

C/

LE DIRECTEUR DE L'HOPITAL [7]

[Z] [R]

LA PROCUREURE GENERALE

Copie adressée :

par courriel le :

08 Décembre 2022

à :

-Le patient

-Le directeur

-L'avocat

-Le Ministère Public

par LRAR

- Le tiers

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance rendue par le Juge des libertés et de la détention de MARSEILLE en date du 25 Novembre 2022 enregistrée au répertoire général sous le n°22/11325.

APPELANTE

Madame [O] [R]

née le 28 Février 1979 à [Localité 6], demeurant [Adresse 1] et actuellement hospitalisée au Centre Hospitalier [7]

comparante en personne, assistée de Me Pauline CHASTAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, commis d'office

INTIMES :

Monsieur LE DIRECTEUR DE L'HOPITAL [7]

[Adresse 4]

non comparant

PARTIE JOINTE :

Madame LA PROCUREURE GENERALE

née en à , demeurant [Adresse 5]

non comparante, ayant déposé des réquisitions écrites

TIERS :

Monsieur [Z] [R]

demeurant [Adresse 2]

non comparant

*-*-*-*-*

DÉBATS

L'affaire a été débattue le 08 Décembre 2022, en audience publique, devant Madame Catherine LEROI, Conseiller, déléguée par ordonnance du premier président, en application des dispositions de l'article L.3211-12-4 du code de la santé publique,

Greffier lors des débats : Mme Elodie BAYLE,

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 08 Décembre 2022.

ORDONNANCE

Réputée contradictoire,

Prononcée par mise à disposition au greffe le 08 Décembre 2022

Signée par Madame Catherine LEROI, conseiller et Mme Elodie BAYLE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire,

EXPOSE DE LA PROCEDURE

Selon la procédure figurant au dossier, Mme [O] [R] a fait l'objet le 15 novembre 2022 d'une admission en soins psychiatriques et en hospitalisation complète au sein du Centre Hospitalier [7] à [Localité 6] à la demande d'un tiers dans le cadre de l'article L3212-3 du code de la santé publique, au vu de deux certificats médicaux datés du même jour, le premier émanant du Dr [M] et faisant état de symptômes maniaques à type d'exaltation de l'humeur, de familiarité et de déshinibition comportementale, d'idées délirantes à mécanisme imaginatif et interprétatif à thématique mégalomaniaque et mystique, d'une rupture de traitement, d'une fuite des idées et d'une accélération psychique et le second du Dr [I] soulignant la présence de symptômes de lignée maniaque avec une exaltation de l'humeur, un ludisme, une familiarité et une déshinibition comportementale, l'existence d'idées délirantes à thématique mégalomaniaque et mystique, une altération du sens des réalités avec la conviction d'être l'héroïne de plusieurs films ainsi qu'une opposition à la reprise de son traitement, cet état nécessitant des soins immédiats et rendant impossible le consentement de la patiente.

Par ordonnance rendue le 25 novembre 2022 le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Marseille, saisi dans le cadre du contrôle obligatoire prévu aux articles L3211-12-1 et suivants du même code a rejeté les exceptions de nullité soulevées et a dit que les soins dont Mme [O] [R] faisait l'objet pourraient se poursuivre sous la forme de l'hospitalisation complète.

Par courrier reçu au greffe le 30 novembre 2022, Mme [O] [R] a interjeté appel de la décision précitée.

Le ministère public a conclu par écrit en date du 5 décembre 2022 à la confirmation de la décision querellée et son avis a été communiqué aux autres parties.

A l'audience du 8 décembre 2022, l'appelante a été entendue et a déclaré : 'j' accepte que l'affaire soit débattue en audience publique. Le diagnostic de bipolarité a été arrêté en 2006. En fait, j'étais en état de transe; le diagnostic n'a jamais été posé par des médecins mais c'est ma mère qui disait que j'étais bipolaire. Les médicaments ont amélioré les choses dans un certain sens puis j'ai refait un état de transe en 2014 puis en 2022. Je suis maintenant suivie par un nouveau médecin. On essaie d'établir mon état, sans les termes de la bipolarité. J'ai arrêté le traitement trop rapidement. Je le reconnais. Je me croyais dans une pièce de Marcel Pagnol. J'ai été surdosée pendant 2 ans avec une dose 2 fois supérieure à la dose normale.

Je suis en arrêt de travail depuis le 17/12/2021. J'habite seule et quand je parle à quelqu'un, je parle vite car j'ai beaucoup de choses à dire. Je suis quelqu'un de rapide dans la compréhension de choses et des faits. Je suis entièrement d'accord avec une reprise des soins. Je ne ferai pas un arrêt du traitement ou seulement avec l'accompagnement d'un médecin. J'ai proposé à [7] de me mettre en hôpital de jour pour faire des activités ; cela peut être positif pour moi. La contrainte me met en état d'incapacité totale d'être libre. Je ne suis pas dans le cas où j'ai besoin d'être placée. Le mot 'contrainte' me renvoie à la privation de liberté totale. Je vois ça comme un obstacle à mes soins et à mon bien-être. Pendant le permission de sortie, je suis allée voir mon médecin traitant. Il a dit que j'avais un kyste qui pourrait expliquer mon état et la contrainte serait contre-productive. Je suis partie seule, en bus et je suis revenue en bus.

J'habite à 10 min en voiture de l'hôpital mais 3/4 d'heure en bus. J'ai des animaux chez moi. J'ai des visites de mes parents mais ils m'ont fait croire que mon portable était perdu. J'ai coupé les ponts avec mon père et ma mère en 2021. Cela m'a fait du bien. Je pensais que la contrainte allait me rapprocher de mon père. Mais non. Le traitement me fait boire énormément et j'ai pris beaucoup de poids à cause du surdosage'.

Son avocat soutient que les certificats médicaux des Dr [F] et [D] ne sont pas réguliers, l'un émanant d'un assistant spécial et l'autre, d'un praticien hospitalier et qu'il n'est justifié d'aucune délégation de signature au profit de ces derniers , la preuve d'une telle délégation incombant à l'hôpital. Au fond , elle fait valoir que Mme [R] souhaite poursuivre les soins à l'hôpital mais sans contrainte car elle se sent déshumanisée.

Il sollicite en conséquence la mainlevée de la mesure d'hospitalisation complète sans consentement.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la forme

L'appel interjeté dans le délai de 10 jours prévu par les articles R 3211-18 et R 3211-19 du code de la santé publique, apparaît recevable.

Le juge des libertés et de la détention a statué dans le délai prévu à l'article L 3211-12-1 1° du même code.

Sur le fond

Mme [O] [R] a fait l'objet d'une hospitalisation à temps complet sans son consentement dans les circonstances ci-dessus précisées, les conditions de l'hospitalisation complète étant énumérées à l'article L 3212-1 du code de la santé publique, selon lesquelles l'intéressé doit présenter des troubles mentaux rendant impossible son consentement et son état mental doit imposer des soins immédiats assortis d'une surveillance médicale constante.

Le dossier comporte les certificats médicaux suivants :

- les certificats médicaux susvisés, établis par les Drs [M] et [I];

- le certificat médical de 24 heures rédigé le 16 novembre 2022 par le Dr [D] mentionnant un état maniaque avec discours décousu et passages du coq à l'âne sur un versant ludique et interprétatif, des idées délirantes à type mégalomaniaque, une désorganisation comportementale avec agitation psychomotrice importante, un insight de mauvaise qualité avec absence totale de reconnaissance des troubles présentés actuellement ainsi qu'un refus des soins proposés,

- le certificat médical de 72 heures rédigé le 17 novembre 2022 par le Dr [F] relevant une accélération psychomotrice, une exaltation de l'humeur, du ludisme, un rationalisme morbide, une ambivalence par rapport aux soins et une conscience des troubles et de la nécessité des soins très fragile,

- l'avis médical de situation délivré le 21 novembre 2022 établi par le Dr [D] indiquant que Mme [R] suivie pour des troubles bipolaires, se trouve en rupture de traitement depuis plusieurs mois, qu'il existe une reconnaissance des troubles partielle avec ambivalence aux soins l'ayant conduite plusieurs fois à fuguer du service et ayant justifié son placement en chambre d'isolement et la persistance d'une tachypsychie, d'une exaltation, de délires et d'une grande ambivalence aux soins entre moments de relative compliance et franc refus.

- l'avis médical motivé établi par le Dr [D] relevant la persistance d'un vécu délirant, d'une labilité thymique importante, et d'un vécu persécutoire principalement centré sur la famille, une amélioration de l'état clinique ayant permis une récente permission. Il indique que l'état clinique demeure cependant fragile et l'adhésion aux soins fluctuante et que la prise en charge à temps complet est toujours nécessaire pour permettre la poursuite de l'amélioration clinique et éviter une nouvelle rechute et qu'en l'état, les soins sous contrainte à temps complet sont toujours justifiés.

Aux termes de l'article L 3212-1 II du code de la santé publique, une personne atteinte de troubles mentaux ne peut être hospitalisée sans son consentement sur demande d'un tiers que si :

1° Ses troubles rendent impossible son consentement ;

2° Son état impose des soins immédiats assortis d'une surveillance constante en milieu hospitalier.

La demande d'admission est présentée soit par un membre de la famille du malade, soit par une personne susceptible d'agir dans l'intérêt de celui-ci, à l'exclusion des personnels soignants dès lors qu'ils exercent dans l'établissement d'accueil.

Cette demande doit être manuscrite et signée par la personne qui la formule. Si cette dernière ne sait pas écrire, la demande est reçue par le maire, le commissaire de police ou le directeur de l'établissement qui en donne acte. Elle comporte les nom, prénoms, profession, âge et domicile tant de la personne qui demande l'hospitalisation que de celle dont l'hospitalisation est demandée et l'indication de la nature des relations qui existent entre elles ainsi que, s'il y a lieu, de leur degré de parenté.

La demande d'admission est accompagnée de deux certificats médicaux datant de moins de quinze jours et circonstanciés, attestant que les conditions prévues par les deuxième et troisième alinéas sont remplies.

Le premier certificat médical ne peut être établi que par un médecin n'exerçant pas dans l'établissement accueillant le malade ; il constate l'état mental de la personne à soigner, indique les particularités de sa maladie et la nécessité de la faire hospitaliser sans son consentement. Il doit être confirmé par un certificat d'un deuxième médecin qui peut exercer dans l'établissement accueillant le malade. Les deux médecins ne peuvent être parents ou alliés, au quatrième degré inclusivement, ni entre eux, ni des directeurs des établissements mentionnés à l'article L. 3222-1, ni de la personne ayant demandé l'hospitalisation ou de la personne hospitalisée.

En l'occurrence, l'hospitalisation de Mme [R] à la demande d'un tiers se trouve fondée sur deux certificats, le premier émanant du Dr [M] exerçant au centre hospitalier d'[Localité 3] et faisant état de symptômes maniaques à type d'exaltation de l'humeur, de familiarité et de déshinibition comportementale, d'idées délirantes à mécanisme imaginatif et interprétatif à thématique mégalomaniaque et mystique, d'une rupture de traitement, d'une fuite des idées et d'une accélération psychique et le second du Dr [I] praticien hospitalier psychiatre exerçant au centre hospitalier [7], soulignant la présence de symptômes de lignée maniaque avec une exaltation de l'humeur, un ludisme, une familiarité et une déshinibition comportementale, l'existence d'idées délirantes à thématique mégalomaniaque et mystique, une altération du sens des réalités avec la conviction d'être l'héroïne de plusieurs films ainsi qu'une opposition à la reprise de son traitement, cet état nécessitant des soins immédiats et rendant impossible le consentement de la patiente.

Les certificats et avis médicaux ultérieurs ont été établis par les Drs [F] ou [D]. Le fait que les Dr [I] et [D] soient qualifiés de praticiens hospitaliers ne remet nullement en cause leur qualité de médecins psychiatres pleinement aptes à établir des certificats médicaux. De même, il est indifférent que le Dr [F] psychiatre soit par ailleurs assistant spécialiste des Hôpitaux au centre hospitalier [7].

Ces certificats lesquels contiennent les constatations prévues par l'article L 3212-1 du code de la santé publique sont donc réguliers, de même que la procédure suivie.

La teneur de pièces médicales précédemment énoncées et examinées, concordantes entre elles, permet de constater que les conditions fixées par les articles L 3212-1 du code de la santé publique sont toujours réunies.

En effet , si l'amélioration de l'état de santé de Mme [R] est incontestable, il n'en demeure pas moins que l'existence d'une rechute après une hospitalisation récente en mai 2022 au centre hospitalier [7] justifie de consolider cette amélioration de l'état clinique ainsi que l'adhésion de la patiente aux soins et ce, afin d'éviter toute nouvelle rechute à court terme.

En conséquence, la décision du premier juge qui a autorisé la poursuite de l'hospitalisation complète doit être confirmée, la demande de sortie de l'intéressée étant prématurée au regard de la gravité de la pathologie et de la fragilité de son état de santé décrites par les médecins.

Les dépens seront laissés à la charge du Trésor public en application de l'article R 93-2° du code de procédure pénale.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement par décision réputée contradictoire.

Déclarons recevable mais non fondé l'appel formé par Mme [O] [R].

Confirmons la décision déférée rendue le 25 Novembre 2022 par le Juge des libertés et de la détention de MARSEILLE.

Laissons les dépens à la charge du Trésor public.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-11 ho
Numéro d'arrêt : 22/00177
Date de la décision : 08/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-08;22.00177 ?
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