COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-8
ARRÊT AU FOND
DU 02 DECEMBRE 2022
N°2022/.
Rôle N° RG 21/08041 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHRNZ
[B] [D]
C/
CPAM DES BOUCHES DU RHONE
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
- Me Pauline BOUGI
- CPAM DES BOUCHES DU RHONE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Pole social du TJ de MARSEILLE en date du 20 Avril 2021,enregistré au répertoire général sous le n° 18/09893.
APPELANTE
Madame [B] [D], demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Pauline BOUGI, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIMEE
CPAM DES BOUCHES DU RHONE, Contentieux Général demeurant [Adresse 1]
représenté par Mme [Y] [N] en vertu d'un pouvoir spécial
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Octobre 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre
Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller
Mme Isabelle PERRIN, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Isabelle LAURAIN.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 02 Décembre 2022.
ARRÊT
contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 02 Décembre 2022
Signé par Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre et Madame Isabelle LAURAIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE
Mme [B] [D], employée en qualité d'aide-soignante depuis le 30 avril 2014 par la société [3], a été victime le 30 avril 2014 d'un accident du travail pris en charge au titre de la législation sur les risques professionnels.
La caisse primaire d'assurance maladie des Bouches du Rhône l'a déclarée consolidée à la date du 1er septembre 2017 puis a fixé le 07 décembre 2017 à 12% son taux d'incapacité permanente partielle.
Mme [D] a saisi le 25 janvier 2018 le tribunal du contentieux de l'incapacité de Marseille de sa contestation de cette décision afférente au taux d'incapacité.
Par suite du transfert au 1er janvier 2019, résultant de la loi n°2016-1547 en date du 18 novembre 2016, de l'ensemble des contentieux des tribunaux du contentieux de l'incapacité aux pôles sociaux des tribunaux de grande instance, celui de Marseille a été saisi de ce litige.
Par jugement en date du 20 avril 2021, le tribunal judiciaire de Marseille, pôle social, a:
* déclaré recevable le recours de Mme [D],
* débouté Mme [D] de sa demande et dit que le taux d'incapacité permanente partielle, résultant de l'accident du travail dont elle a été victime le 30 avril 2014, est maintenu à 12% à la date de consolidation du 1er septembre 2017,
* confirmé la décision de la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône en date du 7 décembre 2017,
* condamne la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône aux dépens.
Mme [D] a relevé régulièrement appel, dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas discutées.
En l'état de ses conclusions visées par le greffier le 12 octobre 2022, reprises oralement à l'audience, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, Mme [D] sollicite la réformation du jugement entrepris hormis en ce qu'il a déclaré son recours recevable et demande à la cour de:
* dire que le taux d'incapacité permanente partielle doit être fixé à 25% à la date de consolidation du 1er septembre 2017,
* infirmer la décision de la caisse primaire d'assurance maladie du 7 décembre 2017,
* condamner la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
* condamner la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône aux dépens.
En l'état de ses conclusions visées par le greffier le 12 octobre 2022, reprises oralement à l'audience, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône sollicite la confirmation du jugement entrepris et demande à la cour de:
* débouter Mme [D] de toutes ses demandes,
* condamner Mme [D] à lui verser la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS
Il n'y a pas lieu de statuer sur la recevabilité de l'appel qui n'est pas discutée.
L'incapacité permanente partielle correspond au regard de la législation professionnelle à la subsistance d'une infirmité, consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle, diminuant de façon permanente la capacité de travail de la victime.
Il résulte de l'article L.434-2 du code de la sécurité sociale que le taux d'incapacité permanente est déterminé d'après la nature de l'infirmité, l'état général, l'âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d'après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d'un barème indicatif d'invalidité.
Ainsi, le taux d'incapacité doit s'apprécier à partir de l'infirmité dont la victime est atteinte et d'un correctif tenant compte de l'incidence concrète de cette infirmité sur son activité, et ce en se plaçant à la date de la consolidation.
L'appelante expose que lors de l'accident du travail du 30 avril 2014 un patient agressif lui a violemment tordu le poignet gauche alors qu'elle réalisait sa toilette et qu'elle a dû subir deux opérations en 2015 aux fins de dénervation du poignet et réparation ligamentaire.
Elle soutient qu'elle va garder des séquelles à vie au poignet gauche qui demeure douloureux et raide, qu'elle a dû renoncer à son emploi d'aide-soignante ne pouvant plus effectuer certains mouvements et qu'elle subit une réduction notable de la prono-supination de son poignet gauche associée à la réduction de l'adduction-abduction justifiant compte tenu du caractère manuel de sa profession et des séquelles psychologiques causées par le fait d'avoir été agressée que son taux d'incapacité permanente partielle ne peut être inférieur à 25%.
La caisse lui oppose que le taux d'incapacité permanente partielle a été justement évalué en tenant compte des séquelles constituées par une raideur douloureuse du poignet gauche chez une droitière dans les suites d'une rupture du ligament scapho lunaire post-traumatique ayant nécessité une réparation chirurgicale et une dénervation du poignet, en application du chapitre 1.1.2 du barème indicatif.
Elle souligne que l'avis du médecin consultant rejoint celui de son expert sur le taux de 12%, et souligne que la salariée a poursuivi son activité professionnelle puisqu'elle a été destinataire le 22 mai 2016 d'une déclaration d'accident du travail mentionnant une date d'embauche au 02 mai 2016 en tant qu'aide soignante dans le même groupe employeur.
En l'espèce, le rapport du médecin conseil de la caisse évaluant le taux d'incapacité permanente partielle travail à 12% n'est pas versé aux débats.
Il résulte du rapport du médecin consultant désigné par les premiers juges que lors de l'accident du travail du 30 avril 2014 la salariée a eu une entorse du poignet gauche (elle est droitière), qu'une arthroscopie a été réalisée le 08 septembre 2015 et qu'il y a eu une intervention chirurgicale le 26 novembre 2015 pour réparation ligamentaire.
Lors de son examen, le médecin consultant a constaté:
* pas de déformation du poignet gauche,
* flexion palmaire: quelques degrés,
* flexion dorsale: 30°,
* pronosupination: complète,
* mouvements en abduction adduction: légèrement diminués,
* enroulement des doigts longs: complet,
* pince pollici digitale: possible,
* tenue légère de la force de préhension,
* légère amyotrophie (-1cm) avant bras (mot suivant illisible)
Il retient au titre des séquelles un enraidissement séquellaire du poignet gauche chez une droitière et propose un taux de 12%.
Les éléments médicaux que l'appelante verse aux débats ne contredisent pas ces éléments en ce que:
* l'arthroscanner du poignet gauche en date du 24 septembre 2014 conclut à une rupture du faisceau supérieur du ligament scapho-lunaire,
* les comptes-rendus opératoires des 08 septembre 2015 et 26 novembre 2015 établissent la réparation chirurgicale et la dénervation du poignet, dont fait état la caisse dans ses conclusions, * le certificat en date du 14 août 2017, proche de la date de consolidation fixée au 1er septembre 2017, mentionne qu'elle conserve un poignet gauche limité dans la flexion extension (sans plus de précision), une baisse de la force motrice et une douleur résiduelle,
* le compte-rendu de la consultation médicale du 29 août 2017, établi par un médecin du centre de chirurgie de la main, précise qu'à l'examen clinique la mobilité du poignet est de 10/0/80 de F/E et que la force de poigne est de 22 à droite et de 4 à gauche.
Le barème indicatif d'invalidité des maladies professionnelles mentionne en son chapitre 1.1.2 que les atteintes des fonctions articulaires sont caractérisées par le blocage et la limitation des mouvements des articulations du membre supérieur quelle qu'en soit la cause.
Il renvoie pour les troubles fonctionnels associés à la main au chapitre 1.2, tout en précisant pour l'atteinte de la prono-supination que l'évaluation doit se faire au regard d'une prono-supination normale de 180° et donne une fourchette pour le membre non dominant de 8 à 12 en cas de limitation en fonction de la position et de l'importance.
S'agissant de la mobilité du poignet, il précise que des altérations fonctionnelles peuvent exister sans lésion anatomique identifiable et que les données de référence à retenir pour une mobilité normale sont les suivantes:
* flexion: 80°,
* extension active: 45°,
* extension passive: 70° à 80°,
* abduction (inclinaison radiale): 15°,
* adduction (inclinaison cubitale): 40°.
Il propose pour un blocage du poignet:
- en rectitude ou extension, sans atteinte de la prono-supination, pour le membre non dominant un taux de 10%,
- et en flexion sans troubles importants de la prono-supination, un taux de 30%.
En l'espèce, le médecin consultant a évalué à la flexion du poignet gauche à 30° sans retenir de diminution de la pronosupination.
Le chapitre 1.2 spécifique aux atteintes de la main, précise les modalités d'évaluation de l'invalidité concernant ce membre supérieur en indiquant qu'il faut se fonder au départ sur le bilan anatomique et le moduler 'grâce au bilan fonctionnel en utilisant le matériel d'examen suivant:
un goniomètre,
un cylindre de 15 cm de long et de 7 cm de diamètre,
un manche d'outil (ciseau à froid) de 20 cm de long et de 2,5 cm de diamètre,
un pinceau ou crayon,
une plaquette de plastique de 1/2 mm d'épaisseur et de 6 cm sur 3 cm ;
une balle de caoutchouc de 4 à 5 cm de diamètre, avec en plus, si possible :
- un dynamomètre marqueur,
-un éventail de cinq plaquettes dont les extrémités porteront :
- un fragment de velours, un fragment de caoutchouc-mousse, un fragment de papier émeri, un gros bouton, une pièce de monnaie'.
Il indique que la valeur fonctionnelle de la main est donnée par l'addition des 7 cotes accordées:
* pince unguéale (ramassage d'une allumette ou d'une épingle)
* pince pulpo-pulpaire (plaquette de plastique),
* pince pulpo-latérale (plaquette de plastique),
* pince tripode (haut de la boîte cylindrique, manche d'outil, pinceau),
* empaumement (boîte de conserves, manche, pinceau),
* crochet (poignée),
* prise sphérique (haut de la boîte cylindrique).
Il précise au regard de la quantification de ces 7 cotes détaillées dans son tableau que l'incapacité totale de la main représente un total de 70%.
Les données de l'examen clinique réalisé par le médecin consultant bien que succinctes conduisent la cour à retenir au titre des séquelles de cet accident du travail, un enraidisement du poignet gauche (membre non dominant) avec une limitation légère de la force de préhension, laquelle a été quantifiée de 4 à gauche contre 22 à droite lors de la consultation du 29 août 2017 dont justifie l'appelante.
Eu égard à l'âge de la salariée à la date de consolidation (50 ans), à la nature des séquelles affectant son poignet gauche (du membre non dominant) avec une diminution légère de la force de préhension de la main gauche, le taux d'incapacité permanente partielle de 12% est justifié.
L'appelante ne rapporte pas la preuve qui lui incombe que son accident du travail a eu une incidence professionnelle, la circonstance que la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées des Bouches-du-Rhône lui a reconnu le 09 novembre 2017 la qualité de travailleur handicapé sur la période du 09 novembre 2017 au 31 octobre 2020 étant inopérante pour l'établir.
Le jugement entrepris doit en conséquence être confirmé en ses dispositions soumises à la cour.
Succombant en ses prétentions Mme [B] [D] doit être condamnée aux dépens, hormis les frais de la consultation ordonnée en première instance demeurant à la charge de la caisse nationale de l'assurance maladie et ne peut utilement solliciter l'application à son bénéfice des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Compte tenu de la disparité de situation, il ne paraît pas inéquitable de laisser à la charge de la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône les frais qu'elle a été contrainte d'exposer pour sa défense en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS,
- Confirme le jugement entrepris en ses dispositions soumises à la cour,
y ajoutant,
- Déboute Mme [B] [D] de l'intégralité de ses demandes,
- Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône,
- Condamne Mme [B] [D] aux dépens, hormis les frais de la consultation ordonnée en première instance demeurant à la charge de la caisse nationale de l'assurance maladie.
Le Greffier Le Président