COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-6
ARRÊT AU FOND
DU 02 DECEMBRE 2022
N°2022/ 353
Rôle N° RG 19/03814 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BD45S
[B] [F]
C/
SAS CLINEA
Copie exécutoire délivrée
le :02/12/2022
à :
Me Roselyne SIMON-THIBAUD,
avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
Me Nicolas GOLHEN, avocat au barreau de GRASSE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de FREJUS en date du 05 Février 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° F17/00366.
APPELANT
Monsieur [B] [F], demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Roselyne SIMON-THIBAUD de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Sandra JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, et Me Nathalie ABRAN, avocat au barreau de TOULON
INTIMEE
SAS CLINEA, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Nicolas GOLHEN, avocat au barreau de GRASSE et Me Bruno ADOLPHE, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été appelée le 27 Septembre 2022 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Philippe SILVAN, Président de chambre, et Madame Estelle DE REVEL, Conseillère.
Madame Estelle DE REVEL, Conseiller, est chargée du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des demandes dans le délibéré de la cour, composée de :
M. Philippe SILVAN, Président de chambre
Madame Dominique PODEVIN, Présidente de chambre
Madame Estelle DE REVEL, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Caroline POTTIER.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 02 Décembre 2022..
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 02 Décembre 2022.
Signé par M. Philippe SILVAN, Président de chambre et Mme Suzie BRETER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
M. [B] [F] a été engagé en qualité de chef de cuisine, statut employé, par la société Sodexho, selon contrat à durée indéterminée à temps complet du 28 août 2006.
A compter du 30 janvier 2009, il a exercé ses fonctions au sein de la clinique [4] à [Localité 3].
Le contrat de travail de M. [F] a été transféré à la société Clinea à compter du 1er octobre 2012.
Dans le dernier état de la relation contractuelle régie par les dispositions de la convention collective de l'hospitalisation privée du 18 avril 2002, le salarié était responsable restauration, niveau 301, moyennant une rémunération brute mensuelle moyenne de 2 490,48 euros.
En novembre 2015, M. [F] a été élu délégué du personnel titulaire et membre du CHSCT de la SAS Clinea. Le 1er janvier 2017, il a été désigné représentant syndical CGT au comité d'entreprise.
A compter du 21 août 2017, M. [F] a été placé en arrêt de travail et son contrat de travail a été suspendu.
Le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Fréjus le 23 novembre 2017 aux fins de voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur, dire que la résiliation produira les effets d'un licenciement nul et voir condamner la société au paiement de dommages et intérêts pour harcèlement moral et discrimination syndicale.
Le 12 mars 2019, le médecin du travail a déclaré le salarié 'inapte au poste de travail au sens de l'article L.4624-4 et R.4624-42 du code du travail aux termes d'un examen médical et échange avec M. [F] en date du 12 mars 2019, et d'une étude de poste et des conditions de travail et d'échange avec l'employeur en date du 5 mars 2019. L'évaluation des capacités résiduelles de M. [F], conduite dans l'objectif de prévenir l'altération de son état de santé, montre que celui-ci fait obstacle à tout reclassement dans un emploi de l'entreprise.'
L'inspection du travail a autorisé le licenciement de M. [F].
Le 13 juin 2019, il s'est vu notifier son licenciement pour inaptitude non professionnelle et impossibilité de reclassement.
Par jugement du 5 février 2019, le conseil de prud'hommes de Fréjus a débouté M. [F] de l'ensemble de ses demandes et la société Clinea de sa demande reconventionnelle.
M. [F] a relevé appel de la décision le 6 mars 2019.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 6 juin 2019, M. [F] demande à la cour de :
DIRE ET JUGER que M.[F] est victime de harcèlement et discrimination
CONDAMNER la SAS CLINEA au versement des sommes suivantes :
- Indemnité pour violation de l'obligation de sécurité 14 822 €
- Indemnité de licenciement nul 14 822 €
- Indemnité compensatrice de préavis 4 940 €
- Indemnité légale de licenciement 6 792 €
- Indemnité compensatrice de conges payés sur préavis 494 €
- Dommages et intérêts pour le harcèlement subi 14 822 €
- Dommages et intérêts pour la discrimination subie 14 822 €
En tout état de cause
DIRE que les créances salariales porteront intérêts au taux légal capitalise a compter de
la demande en justice.
CONDAMNER la SAS CLINEA au paiement de la somme de 2500 € sur le fondement
de l'article 700 du CPC, ainsi qu'aux entiers dépens
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 5 septembre 2019, la SAS Clinéa demande à la cour de :
Dire M.[F] mal fondé en ses conclusions d'appel ;
Confirmer le jugement dont appel ;
Débouter M.[F] de toutes ses demandes ;
Le condamner à verser à la SAS CLINEA la somme de 2.000,00 Euros par application
des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel;
Le condamner aux éventuels dépens.
Pour l'exposé plus détaillé des prétentions et moyens des parties, il sera renvoyé, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions des parties.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur le harcèlement moral
M. [F] qui se dit victime de harcèlement moral de la part de son employeur fait valoir les faits suivants :
- une absence d'entretien annuel depuis le mois de décembre 2015 correspondant à sa prise de mandat de délégué du personnel,
- une absence d'augmentation de son salaire depuis 2012,
- sa mise à l'écart de la gestion quotidienne de son équipe,
- un manque de considération à son égard lors de l'altercation avec deux salariés pendant l'exercice de ses mandats,
- sa mise à l'écart des entretiens annuels de son équipe depuis 2015,
- l'absence d'entretien portant sur les modalités d'exercice des mandats
- et plus généralement, la volonté de le 'mettre au placard'
Il indique que cette situation a eu des conséquences sur son état de santé ayant fait une dépression à partir du mois d'août 2017 qui est, selon lui, à l'origine de son inaptitude médicalement constatée par le médecin du travail.
La société Clinéa conteste les allégations du salarié soutenant que celui-ci n'a fait l'objet d'aucune mise à l'écart, ni brimade, ou attitude vexatoire d'aucune sorte et que ni le CHSCT, ni le médecin du travail n'ont signalé une quelconque situation, ou jugé utile de mener une enquête ou d'alerter l'employeur.
sur ce:
L'article L.1152-1 du code du travail prévoit qu'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Il résulte des dispositions précitées et de l'article L.1154-1 du code du travail qu'il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer ou laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail et que, dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
1) Le salarié affirme que depuis 2012, il n'a plus bénéficié d'augmentations de salaire, hormis celles liées à l'ancienneté, et que l'employeur a refusé les deux demandes qu'il a faites.
Il produit un mail du 20 juin 2017 de la direction lui demandant de remplir un document pour la prime d'intéressement aux fins de versement partiel ou total, auquel il répond qu'il n'a pas été informé que la procédure avait changé.
Il ne peut être déduit de cette pièce, qui concerne les modalités de versement de la prime, que le salarié en aurait été écarté.
La cour relève qu'aucun élément n'est produit quant à un refus qu'aurait opposé l'employeur à une demande d'augmentation de salaire.
Il n'est par ailleurs ni rapporté, ni même allégué qu'en vertu de dispositions conventionnelles, l'entreprise pratiquerait un système de rémunération reposant sur des augmentations générales dont M. [F] aurait été écarté, ou qu'en vertu de son contrat de travail, celui-ci aurait dû bénéficier d'une variation de sa rémunération qu'il n'aurait pas eu.
La cour constate au contraire que le salarié a bénéficié des augmentations liées à son ancienneté et qu'il perçoit un salaire brut mensuel de 2 470,49 euros tel que l'indiquent ses bulletins de salaires de 2017, qui est supérieur à celui correspondant à son coefficient et son ancienneté s'élevant à 1 910,18 euros.
Il en résulte que le fait n'est pas matériellement établi.
2) M. [F] affirme avoir été mis à l'écart de ses fonctions de chef de service en ce que les nouveaux cadres de la clinique avec lesquels il devait collaborer n'avaient pas pour consigne de se présenter à lui. Il en veut pour preuve le cas de l'arrivée de l'infirmière diplômée d'état coordinatrice (IDEC).
L'appelant ne produit aucune pièce pour justifier de ce fait et ne cite ni le nom, ni la date d'arrivée de la nouvelle IDEC.
La cour observe au contraire, que Mme [W], dont l'intimé produit l'attestation, indique avoir intégré la clinique [4] en tant qu'infirmière coordinatrice le 1er août 2017 et s'être présentée à M. [F] le lendemain de son arrivée en tant que nouvelle IDEC.
En tout état de cause, en ne se référant qu'à une seule situation, le salarié n'établit pas la matérialité du caractère général et systématique du fait qu'il dénonce.
3) S'agissant de sa mise à l'écart de la gestion quotidienne de son service, M. [F] indique avoir demandé à bénéficier d'une nouvelle organisation de son poste de travail pour ne pas pénaliser son service en l'état de ses nouvelles fonctions de délégué du personnel et de membre du CHSCT, et qu'en dépit d'un entretien avec la direction, cela n'a abouti à aucune proposition.
Il soutient qu'il en a été de même s'agissant de sa demande de création d'un poste supplémentaire en cuisine qui a été refusée, l'employeur lui demandant de trouver lui-même des remplaçants en cas d'absence.
Il communique les pièces suivantes :
- un mail du 15 novembre 2016 aux termes duquel M. [N], directeur d'exploitation, lui indique l'absence d'un salarié et une demande de remplacement dans ces termes: 'je me permets de vous envoyer ce mail pour ne pas vous déranger au téléphone pendant votre formation. [L] doit voir son médecin demain. A priori, il risque fort de ne pas être là jeudi et vendredi. Et il risque d'être arrêté par la suite. Pensez-vous pouvoir vous libérer jeudi et vendredi pour le remplacer' Ou au moins vendredi (je pourrai voir avec [U] pour qu'elle travaille jeudi). Merci d'avance.' auquel l'appelant apporte la réponse suivante : 'je pourrai interrompre ma formation syndicale jeudi 17 afin de le remplacer, mais je ne pourrai pas me libérer vendredi. (...) Vous serez d'accord avec moi afin d'avoir un entretien débouchant sur des mesures concrètes concernant la problématique de l'organisation du service cuisine afin que je puisse exercer, à l'avenir mes mandats, en toute quiétude et sans entrave.'
- un mail du 20 mars 2017 où M. [F] demande les numéro de téléphone du cuisinier remplaçant
- un mai du 12 mai 2014 dans lequel il organise un remplacement
L'embauche de salarié est une décision ressortant du pouvoir de direction et d'organisation de l'employeur.
Les mails susvisés ne démontrent pas un refus systématique de l'employeur d'embaucher un salarié remplaçant malgré les besoins. Aucune pièce ne concerne une demande de création d'un poste supplémentaire en cuisine qui aurait été refusée. Figurent au contraire dans les pièces de l'employeur un courriel du 23 janvier 2017 à propos du recrutement d'un remplaçant et de l'embauche d'un stagiaire en décembre 2016.
Il y a également lieu de remarquer que bien que déplorant l'absence de proposition pour assumer les remplacements, M. [F] fait état d'un entretien avec la direction à ce sujet; de même, dans un courrier du 22 avril 2017, il indique qu'un cuisinier remplaçant a été embauché en 2015.
La cour relève par ailleurs que parmi les pièces de l'intimé, figurent la convocation et la présence de M. [F] à plusieurs réunions de différents comités de l'entreprise démontrant qu'il n'est pas mis à l'écart (convocation staff de direction 2015, 2016, 2017 (pièces 7); convocation commission restaurant pour 2014 à 2017; convocation CLAN, CLIN, COPIL 2015/2017).
La matérialité des faits n'est pas établie.
4) M. [F] affirme avoir été écarté des contrôles d'hygiène et de sécurité alimentaire qui doivent être réalisés au moyen d'EVAL FLASH tous les 15 jours en présence du chef de service. Il affirme que lors du seul contrôle pratiqué en 2016, le dimanche 5 décembre 2016, il était absent car en délégation syndicale et que par ailleurs, les deux repas témoins ont été choisis au cours de service dans lesquels il intervenait en tant que remplaçant et ce afin de le juger personnellement.
Le salarié produit :
- un mail de M. [N] du 5 décembre 2016 qui transmet aux équipes cuisine, dont M. [F], les résultats de l'évaluation flash du jour; il indique qu''il y a les mêmes éléments de non conformité sur lors de plusieurs évaluations (traçabilité vestiaire homme, amélioration casier, chaussures par terre). S'agissant des plats témoins, il indique avoir contrôlé 3 jours complets : 'pour le mardi 29 novembre, tous les poids des plats OK et aucun manquement; pour le 1er décembre, tous les plats témoins sont présents; tous les poids sont OK pour le midi, par contre pour le jeudi soir, non conformité du poids pour la salade (seulement 26 g); pour le 2 décembre, tous les plats témoins sont présents; pour le soir, tous les poids sont Ok; par contre, 3 non conformité de poids pour le midi (moules, frites, surimi). Aspect cuisine Ok, traçabilité température enceinte réfrigérées OK pas DLC dépassée de constatée sur les produits contrôlés, qualité de repas ++; respect des menus (conforme sauf pour les plats de remplacement étant donné l'absence de jambon). Merci de faire le point sur ces divers éléments et de mettre en place les plans d'action en place'
L'appelant n'explique pas en quoi un contrôle effectué alors qu'il était en poste en cuisine comme il le soutient, serait anormal.
Les mails, produits par l'intimé, échangés entre ce dernier et M. [F] à propos des dates d'intervention, des plans d'action demandés, des évaluations flash (notamment un retour des résultats vers M. [F] et des demandes de mesures correctives mail du 11 janvier 2017) démontrent des relations normales et continues entre eux.
La matérialité des faits n'est pas établie.
5) Concernant les entretiens individuels de son équipe, M. [F] estime en avoir été tenu à l'écart puisque la direction aurait décidé seule des heures de convocation.
Il produit :
- un mail de M. [N] qui lui demande le vendredi 30 octobre 2015 à 17h15 de lui préciser à quelle heure il peut recevoir les salariés du service cuisine pour leurs entretiens annuels d'évaluation; dans un mail de réponse le lundi suivant, M. [F] lui propose des horaires ; la réponse de M. [N] est illisible dans les pièces de l'appelant (pièce 24); M. [F] demande ensuite que lui soit indiquées les dates et heures d'entretien de son équipe. Il n'y a pas de réponse,
- un mail de M. [N] qui lui demande le 11 janvier 2017 de proposer des dates pour l'entretien annuel d'évaluation du personnel de son service auquel M. [F] répond que l'idéal serait des dates où ils sont présents dans l'établissement
Il indique qu'il n'y a pas eu d'entretien en 2016.
Ce fait est matériellement établi.
6) S'agissant de l'absence d'entretien portant sur les conditions d'exercice de ses mandats, le salarié affirme qu'il n'y en a pas eu. Or, il produit un courrier du 22 juin 2017 de la CGT du Var faisant état d'un entretien qui a eu lieu le 21 mars 2016.
Ce fait n'est pas matériellement établi.
7) S'agissant de l'absence d'entretien le concernant, M. [F] affirme que l'employeur n'a respecté aucune de ses obligations en matière d'entretien d'évaluation soutenant n'avoir été évalué qu'une seule fois en deux ans.
Ce fait est matériellement établi.
8) Sur l'absence de sanction de ses collègues en dépit d'une altercation avec lui, il explique qu'alors qu'il avait des relations très tendues avec son collègue, M. [J] [H], et qu'il avait demandé à son employeur de le sanctionner, celui-ci l'a seulement rappelé à l'ordre sans autre mesure disciplinaire. Il indique qu'il en a été de même avec une autre salariée, Mme [Z] alors que la situation aurait mérité une sanction à l'encontre de celle-ci.
A l'appui, il produit :
- un mail du 30 octobre 2015 à M. [N] indiquant 'j'attends toujours de pouvoir m'expliquer suite à un désaccord avec M. [J] [H] [P] qui s'est terminé par des menaces et des injures à mon encontre le 8 octobre 2015; je vous ai transmis un compte rendu des événements le même jour pour des éventuelles sanctions contre cette personne et vous m'avez proposé une confrontation en votre présence. La situation dans mon service est pesante pour mon équipe et pour moi-même, j'espère que vous ne prenez pas cette situation à la légère car le temps passé à ce jour est insoutenable.'
- un mail du 30 mars 2017 à M. [N] comme suit : 'je reviens vers vous à propos de l'entretien que vous m'avez proposé avec Me [Z] suite à son comportement envers moi et son travail au quotidien. (...) Cette personne ne tient pas compte de mes remarques malgré mes avertissements répétés et se permet même de me répondre de façon irrespectueuse. En vue de tous ces éléments, je ne peux me contenter en tant que chef de service d'un simple entretien; je vous demande donc de convoquer officiellement cette personne par l'envoi d'un courrier. Merci.'
Il fait état d'une réponse le 26 avril qu'il juge tardive, mais qui est illisible dans ses pièces (pièce 19).
Ce fait est matériellement établi.
9) Le salarié produit enfin les attestations de collègues faisant état du harcèlement moral dont l'appelant aurait été victime, notamment, celle de l'assistante sociale de la société qui indique avoir reçu le salarié 'pour des conflits avec la direction de l'établissement. Il apparaît clairement que M. [F] subissait des pressions néfastes venant de la direction' (pièces 37 à 39).
Cependant, ces attestations en ce qu'elles sont rédigées en termes très généraux, sans faire état de faits précis et circonstanciés dont les auteurs auraient été témoins, ne peuvent établir la matérialité des faits.
10) S'agissant des conséquences sur son état de santé, M. [F] produit :
- l'attestation du docteur [D], médecin exerçant au sein de l'entreprise, qui indique avoir reçu l'appelant à plusieurs reprises en consultation médicale 'pour un syndrome anxieux important' et indiquant qu'il évoquait alors 'son ressenti' de harcèlement moral 'responsable, selon lui, de son mal être et de son anxiété',
- attestation de l'aide soignante de la clinique Héliades
- des prescriptions médicales (Xanax notamment) pour les mois d'août, septembre et octobre 2017,
- des arrêts de travail à compter du 21 août 2017.
En l'état des faits matériellement établis et au vu d'un arrêt de travail contemporain à ceux-ci, M. [F] établit l'existence matérielle de faits qui pris dans leur ensemble permettent de présumer l'existence d'un harcèlement à son encontre.
En réponse, la société Clinéa produit les éléments suivants:
S'agissant de sa mise à l'écart des entretiens des salariés de son équipe, l'employeur établit qu'en 2016, seul M. [J] [H] [P] a été évalué et que M. [F] n'y a pas assisté en raison d'un contentieux entre eux et du refus de ce dernier d'être évalué en présence de M [F].
S'agissant du manque de considération à l'égard du salarié au moment de l'altercation qu'il a eu avec M. [J] [H] [P] d'une part et Mme [Z] d'autre part, la cour rappelle que le pouvoir disciplinaire appartient à l'employeur qui dispose du choix de la sanction. En l'espèce, la société justifie avoir reçu en entretien M. [F] et fait des courriers formels de recadrage aux deux salariés.
L'employeur ne produit pas d'élément concernant les évaluations individuelles de M. [F] et n'apporte pas de réponse à l'affirmation du salarié selon laquelle il n'y en pas eu pendant deux ans. Cependant, d'une part, il s'agit d'un fait isolé qui ne saurait être constitutif à lui seul de harcèlement moral et d'autre part, aucun lien ne peut être fait entre l'absence d'entretien et l'état de santé du salarié.
Au vu des pièces versées, l'employeur démontre que les agissements concernés ne sont pas constitutifs d'un harcèlement moral et que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
La demande de dommages et intérêts est par conséquent rejetée et le jugement confirmé.
Sur la discrimination syndicale
M. [F] estime que depuis son élection en qualité de délégué syndical et membre du CHSCT en novembre 2015, il a fait l'objet de réprimandes et reproches et soutient que l'exercice de ses mandats est à l'origine de ce comportement de l'employeur.
Il fait valoir l'existence d'un avertissement le 4 avril 2017 qu'il considère injustifié et le refus de lui rembourser des frais occasionnés pour un déplacement dans le cadre du CHSCT le 13 juin 2017.
La société Clinéa qui conteste l'existence d'une discrimination syndicale fait valoir que M. [F] n'a pas sollicité l'annulation de l'avertissement qui était parfaitement justifié et que le déplacement dont le remboursement avait été refusé avait été réalisé sans avoir été mandaté par le CHSCT.
sur ce:
Aux termes de l'article L. 1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation ou identité sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé ou de son handicap.
L'article L.1134-1 du code du travail, dans sa version applicable à la date du licenciement, prévoit qu'en cas de litige relatif à l'application de ce texte, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte telle que définie par l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, au vu desquels il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, le juge formant sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
L'article L.2141-5 alinéa 1er du code du travail dispose qu'il est interdit à l'employeur de prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d'avancement, de rémunération et d'octroi d'avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail.
En application de l'article L.1132-4 du code précité, toute disposition ou tout acte pris à l'égard d'un salarié en méconnaissance des dispositions du présent chapitre est nul.
La cour constate que M. [F] ne sollicite pas l'annulation de l'avertissement litigieux.
Il ressort par ailleurs des pièces versées que le déplacement réalisé par M. [F] n'a pas été fait en tant que membre du CHSCT. En tout état de cause, le seul fait qu'une note de frais ne soit pas remboursée ne saurait constituer une discrimination.
En considération de ces seuls éléments, et notamment de l'absence de concomitance entre son élection en qualité de délégué syndical et la procédure disciplinaire, le salarié n'apporte pas à la juridiction les éléments suffisants susceptibles de laisser supposer l'existence d'une discrimination liée à une activité syndicale.
La demande est rejetée et le jugement confirmé.
Sur l'obligation de sécurité
Le salarié demande la somme de 14 822 euros au titre de la violation de l'obligation de sécurité au motif qu'en cas de licenciement pour inaptitude lorsque celle-ci est la conséquence directe d'un harcèlement moral, le salarié peut demander une indemnité spécifique pour non respect de l'obligation de sécurité.
L'employeur conteste avoir été informé par le salarié d'une situation de harcèlement moral.
sur ce:
Selon l'article L. 4121-1 du code du travail, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. L'article L.4121-2 du même code décline les principes généraux de prévention sur la base desquels l'employeur met en oeuvre ces mesures.
Il est de principe que respecte l'obligation de sécurité qui lui incombe, l'employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures de prévention prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail (actions de prévention, d'information, de formation') et qui, informé de l'existence de faits susceptibles de constituer un harcèlement moral, a pris les mesures immédiates propres à le faire cesser.
La cour observe que le courrier du 9 juillet 2017 de M. [F] à l'inspecteur du travail n'a pas pour objet de dénoncer des faits de harcèlement moral, le terme n'étant d'ailleurs jamais utilisé, mais de manifester son mécontentement à l'encontre de l'avertissement qu'il considère être en lien avec le fait qu'il soit délégué professionnel et membre du CHSCT. Il affirme également que son quotidien dans l'entreprise est désagréable depuis qu'il a obtenu ces mandats et affecte son équilibre personnel et professionnel.
Le médecin du travail n'a pas jugé utile de diligenter une enquête.
En tout état de cause, M. [F] qui soutient qu'il n'aurait pas été protégé par l'employeur au titre de son obligation de sécurité n'articule pas d'autres griefs et ne dénonce pas d'autres faits que ceux que la cour n'a pas retenu au titre du harcèlement moral.
Il convient en conséquence de rejeter sa demande.
Il convient en conséquence de rejeter l'ensemble des demandes faites par M. [F] et de confirmer le jugement entrepris.
Sur les autres demandes
Il est équitable de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de condamner M. [F] qui succombe à verser à la société la somme de 2 000 euros à ce titre.
Le salarié doit en outre être condamné aux dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS;
La cour, statuant publiquement et contradictoirement;
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions;
Y ajoutant;
Déboute M. [B] [F] de ses demandes;
Condamne M. [F] à payer à la société SAS Clinea la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;
Condamne M. [F] aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT