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01/12/2022 | FRANCE | N°19/11230

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-5, 01 décembre 2022, 19/11230


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5



ARRÊT AU FOND

DU 01 DECEMBRE 2022

hg

N° 2022/ 480













N° RG 19/11230 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BESZS







[P] [Z]





C/



[G] [T]

[X] [H]



























Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Charles REINAUD



ASSOCIATION NIQUET - TOURNAIRE CHAILANr>
























Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de TARASCON en date du 20 Juin 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 18/01688.



APPELANT



Monsieur [P] [Z] Exerçant en nom propre et exploitant le garage [Z], dont le siège social est [Adresse 3] - [Loc...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5

ARRÊT AU FOND

DU 01 DECEMBRE 2022

hg

N° 2022/ 480

N° RG 19/11230 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BESZS

[P] [Z]

C/

[G] [T]

[X] [H]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Charles REINAUD

ASSOCIATION NIQUET - TOURNAIRE CHAILAN

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de TARASCON en date du 20 Juin 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 18/01688.

APPELANT

Monsieur [P] [Z] Exerçant en nom propre et exploitant le garage [Z], dont le siège social est [Adresse 3] - [Localité 8]

représenté par Me Charles REINAUD, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assisté de Me Cédrine RAYBAUD de la SCP LEXVOX AVOCATS & ASSOCIES, avocat au barreau de TARASCON

INTIMES

Monsieur [G] [T]

né le [Date naissance 1] 1982 à [Localité 6], demeurant [Adresse 5] - [Localité 8]

représenté par Me Véronique TOURNAIRE-CHAILAN de l'ASSOCIATION NIQUET - TOURNAIRE CHAILAN, avocat au barreau de TARASCON

Madame [X] [H]

née le [Date naissance 2] 1982 à [Localité 7], demeurant [Adresse 5] - [Localité 8]

représentée par Me Véronique TOURNAIRE-CHAILAN de l'ASSOCIATION NIQUET - TOURNAIRE CHAILAN, avocat au barreau de TARASCON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804, 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Octobre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Hélène GIAMI, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Conseille Madame Hélène GIAMI, Conseiller, faisant fontion de Président de chambre

Madame Laetitia VIGNON, Conseiller

Madame Patricia HOARAU, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 01 Décembre 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 01 Décembre 2022

Signé par Madame Laetitia VIGNON, Conseiller pour Madame Hélène GIAMI, Conseiller, faisant fontion de Président de chambre, empéchée et Madame Danielle PANDOLFI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire

***

FAITS ET PROCÉDURE - MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

[G] [T] et [X] [H] sont propriétaires d'une maison d'habitation située [Adresse 5] à [Localité 8].

En face, et séparé par l'[Adresse 4], se trouve un garage exploité par [P] [Z], qui a fait installer une station de lavage sur son aire de parking, suivant procès-verbal de réception du 8 novembre 2013.

Après intervention d'un conciliateur de justice à l'initiative de la mairie, suite à la plainte de riverains, et constat d'infraction aux émergences sonores tolérées par les services de police municipale, le 15 juillet 2014, [P] [Z] a été mis en demeure de remédier aux difficultés récurrentes par courriers de l'assureur puis du conseil des consorts [T]-[H] des 3 avril 2015 et 16 août 2016

Les consorts [T]-[H], se plaignant du trouble anormal de voisinage causé par le défaut d'aménagement de nature à réduire les nuisances acoustiques de la station de lavage, ont, par acte d'huissier du 22 novembre 2016, fait assigner [P] [Z] devant le tribunal d'instance de Tarascon afin de voir prononcer, avec exécution provisoire :

la condamnation de [P] [Z] à mettre en place tous dispositifs nécessaires pour stopper les nuisances sonores et notamment, la mise en place d'un mur anti-bruit, afin de respecter les limites acoustiques autorisées ne dépassant pas les 43,6 db et ce sous astreinte de 200€ par jour de retard à compter du prononcé du jugement,

- la cessation de l'activité de lavage les dimanches et jours fériés sous peine du règlement de 500€ par infraction constatée,

- la condamnation de [P] [Z] aux dépens outre le versement d'une somme de 1 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 13 juillet 2017, un expert judiciaire en matière acoustique a été désigné.

L'expert [L] [V] a déposé son rapport le 8 novembre 2017.

Par jugement en date du 25 octobre 2018, le tribunal d'instance de Tarascon s'est déclaré incompétent matériellement et a renvoyé l'affaire devant le tribunal de grande instance de Tarascon.

Par jugement du 20 juin 2019, le tribunal de grande instance de Tarascon a statué en ces termes :

« condamne Monsieur [P] [Z] exerçant sous l'enseigne

garage [Z] à placer le portique de lavage dans une enceinte en maçonnerie traditionnelle, munie de deux portes automatiques souples et isolantes ;

condamne Monsieur [P] [Z] exerçant sous l'enseigne

garage [Z] à faire fonctionner le portique de lavage conformément à la législation en vigueur de 8 heures à 20 heures du lundi au samedi et à fermer son ouverture au public les dimanches et l'ensemble des jours fériés,

condamne Monsieur [P] [Z] exerçant sous l'enseigne

garage [Z] à payer à Monsieur [G] [T] et Madame [X] [H] une somme de 300 € pour tout manquement au respect des horaires et jour d'ouverture légalement constaté par voie d'huissier,

condamne Monsieur [P] [Z] exerçant sous l'enseigne

garage [Z] à payer à Monsieur [G] [T] et Madame [X] [H] la somme de 1 733,40 € à titre de dommages et intérêts pour trouble de jouissance,

ordonne l'exécution provisoire de la présente décision concernant :

la condamnation au paiement de dommages et intérêts et,

la condamnation de Monsieur [P] [Z] exerçant sous l'enseigne

garage [Z] à respecter les heures et jour d'ouverture,

condamne Monsieur [P] [Z] exerçant sous l'enseigne

garage [Z] à payer à Monsieur [G] [T] et Madame [X] [H] la somme de 1 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

condamne Monsieur [P] [Z] exerçant sous l'enseigne

garage [Z] aux entiers dépens de la procédure.

Pour le premier juge :

-le trouble anormal de voisinage est caractérisé par les nuisances sonores permanentes de 8 heures à 20 heures, y compris week-end et jours fériés,

-les émergences mesurées sont au-delà des prescriptions légales et affectent les pièces d'habitation et le jardin.

Par déclaration du 11 juillet 2019 [P] [Z] a fait appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 16 mars 2020 auxquelles il convient de se référer pour un exposé détaillé des moyens et prétentions, [P] [Z] entend voir, au visa des articles 544 du code civil, 1382 et 1383, R.1334-31 et suivants du code de la santé publique, et de la jurisprudence :

-infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

et, statuant à nouveau,

à titre principal,

-constater l'absence de trouble anormal du voisinage,

en conséquence, débouter [G] [T] et [X] [H] de leur demande, fins et conclusions.

-débouter [G] [T] et [X] [H] de leur demande de paiement de la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens comprenant notamment les frais d'expertise judiciaire.

-condamner [G] [T] et [X] [H] au paiement de la somme de 2.000 €

sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

à titre subsidiaire,

-débouter [G] [T] et [X] [H] de leur demande de placement du portique de lavage dans une enceinte en maçonnerie traditionnelle, muni de deux portes automatiques souples et isolantes, sous astreinte de 200 € par jour de retard à compter du jugement à intervenir,

-débouter [G] [T] et [X] [H] de leur demande de paiement d'une somme de 500 € par infraction constatée,

-dire et juger que le garage [Z] devra se mettre en conformité dans le délai de six mois à compter du jugement à intervenir par :

-la mise en place d'un kit variateur de vitesse.

-la mise en place d'une horloge pour la gestion du séchage du portique.

-la poursuite des horaires en semaine de 8h à 20h l'arrêt de la soufflerie les dimanches et jours fériés

-débouter [G] [T] et [X] [H] de leur demande de paiement de la somme de 300 € par mois durant six mois par an, en réparation de leur préjudice de jouissance, soit selon décompte arrêté au 31 décembre 2017, la somme de 7.200 €

à titre infiniment subsidiaire

-réduire à de plus juste proportion la somme de 300 € par mois de préjudice de jouissance et ce avec comme point de départ du trouble la date de l'acte introductif d'instance, à savoir le 22 novembre 2016

en tout état

-débouter [G] [T] et [X] [H] de leur appel incident.

-débouter [G] [T] et [X] [H] de leur demande de paiement de la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

-condamner [G] [T] et [X] [H] au paiement de la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, ceux d'appel distraits au profit de Maître Charles Reinaud sur son intervention de droit.

Il fait notamment valoir que :

-la gêne dénoncée est due à la soufflerie de la station de lavage, qui n'a fonctionné depuis son installation qu'à raison de 13,16 lavages en moyenne chaque jour, soit durant 23 mns et 20 secondes, de jour uniquement ;

-la gêne relevée par l'expert mentionne les émergences de son, à l'intérieur, dans le séjour et la chambre du rez-de-chaussée, fenêtres ouvertes, ou à l'extérieur dans le jardin, côté nord ;

-l'émergence sonore quand la soufflerie fonctionne, par rapport au bruit routier habituel, est en moyenne de 14 dbs, ce qui est considéré comme un bruit d'audibilité, et donc très calme selon le rapport de l'ARS Ile de France, le seuil de gêne étant fixé à 60db ;

-le trouble anormal de voisinage n'est pas caractérisé par rapport à cette émergence faible et de peu de temps, uniquement dans la journée ;

-l'infraction à l'article R.1334-33 al 1er du code de la santé publique, est insuffisante à caractériser le trouble anormal de voisinage ;

-la maison des plaignants est située en bord d'une route très fréquentée dans une région où le mistral est très fréquent, et où le bruit des cigales en été est supérieur à celui de la soufflerie, en sorte que si les mesures avaient été prises à ces occasions, aucune émergence due à la soufflerie n'aurait été constatée ;

-le garage et la station-service préexistaient à l'installation des consorts [T]-[H], ce qui leur permettait d'envisager une certaine gêne ;

-seuls les consorts [T]-[H] se plaignent alors qu'ils ne sont pas les seuls à habiter à proximité ;

-une pétition a été signée par 209 personnes pour le soutenir face à l'action engagée ;

-la construction d'une enceinte en maçonnerie traditionnelle, munie de deux portes automatiques souples et isolantes est d'un coût de 34 000 € HT qu'il ne peut supporter, et qui est disproportionné, risque de créer une autre gêne et de ne pas être autorisée administrativement ;

-la situation du couple [Z] est précaire, il a dû cesser de travailler pour raisons de santé, ce qui a entraîné l'arrêt de la partie garage agréé Renault, seule son épouse poursuivant l'activité de la station-service qui génère de faibles ressources.

Aux termes de leurs dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 22 août 2022, auxquelles il convient de se référer pour un exposé détaillé des moyens et prétentions, les consorts [T]-[H] entendent voir:

-confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a condamné [P] [Z] à :

placer le portique de lavage dans une enceinte en maçonnerie traditionnelle, munie de deux portes automatiques souples et isolantes ;

faire fonctionner le portique de lavage conformément à la législation en vigueur de 8 heures à 20 heures du lundi au samedi et à fermer son ouverture au public les dimanches et l'ensemble des jours fériés,

les indemniser de leur préjudice de jouissance,

leur payer 1 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civil,

pour le surplus, réformer le jugement,

-assortir la condamnation de [P] [Z] à :

placer le portique de lavage dans une enceinte en maçonnerie traditionnelle, munie de deux portes automatiques souples et isolantes, d'une astreinte de 200 € par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir,

-condamner [P] [Z] à leur payer une somme de 500 € pour tout manquement constaté par huissier, concernant les horaires d'ouverture de la station de lavage,

-condamner [P] [Z] à leur payer la somme de 10 800 € à titre de dommages et intérêts pour trouble de jouissance, ( 300 € par mois durant six mois par an), somme à parfaire jusqu'à la réalisation des travaux,

-débouter [P] [Z] de toutes demandes, fins et conclusions,

-condamner [P] [Z] aux entiers dépens, y compris les frais d'expertise, et à leur payer 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour eux :

-la station de lavage a été installée en 2013, après leur arrivée en mai 2011 ;

-les nuisances sonores (56,4 décibels au lieu de 43,6 autorisés) ont été constatées dès le 15 juillet 2014, dans le cadre de la mesure acoustique réalisée à l'initiative de la mairie ;

-la station de lavage fonctionnait même le dimanche (constat du 11 septembre 2016),

63 à 72 dbs étant relevés lorsque la soufflerie fonctionnait ;

-la réglementation est enfreinte ;

-l'expertise a mis en évidence les nuisances sonores qu'ils subissent ;

-leur habitation est à 30 m de l'installation ;

-le jugement a valablement relevé les infractions à la réglementation, apprécié la réalité de leur trouble anormal de voisinage, et retenu les solutions permettant d'y mettre un terme.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 27 septembre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'existence d'un trouble anormal de voisinage subi par les consorts [T]-[H] :

La demande des consorts [T]-[H] est fondée sur le trouble anormal de voisinage qu'ils indiquent subir à raison de l'installation d'une station de lavage par [P] [Z].

Aux termes de l'article 544 du code civil, «la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements.»

La limite à ce droit est que nul ne doit causer à autrui de trouble anormal de voisinage, et qu'à défaut, il en devra réparation, même en l'absence de faute.

L'anormalité du trouble doit s'apprécier au regard des circonstances locales, et doit présenter un caractère grave et/ou répété, dépassant les inconvénients normaux de voisinage, sans qu'il soit nécessaire de caractériser une faute de son auteur, ce qui est différent si l'action est menée sur le fondement de l'article 1240 du code civil.

Il appartient à celui qui invoque le trouble anormal de voisinage d'en rapporter la preuve.

En l'espèce, les consorts [T]-[H] se plaignent des nuisances sonores causées par l'installation qui ne préexistait pas à leur arrivée, peu important à cet égard qu'il y ait eu une station service ou un garage, seule la dernière installation et en particulier, sa soufflerie étant incriminée.

L'expert judiciaire [L] [V] a conclu son rapport en indiquant :

« Compte tenu de la difficulté à évaluer le niveau de bruit résiduel, nous avons procédé à une campagne de mesures du 25 septembre au 2 octobre 2017...

L'exploitation du portique de lavage du garage [Z] provoque une gêne caractérisée le jour à l'intérieur dans le séjour et la chambre du rez-de-chaussée fenêtres ouvertes, et à l'extérieur dans le jardin en vue directe sur l'installation.

Cette gêne n'est pas caractérisée durant les heures de pointe du trafic routier...

Le préjudice de jouissance subi par les consorts [T]-[H] est lié à une gêne caractérisée qui a pour origine une émergence globale et une émergence spectrale du bruit particulier du portique de lavage.

Cette gêne est principalement ressentie en période estivale tous les jours ; les horaires sont de 7h45 à 20h15 l'été et de 8h00 à 20h00 l'hiver. »

Il avait précisé en page 12 :

« L'émergence globale admise le jour pour une durée cumulée d'apparition du bruit particulier entre 20 mns et 2 heures est de 8 dBA. L'émergence mesurée dans une pièce habitable, fenêtre ouverte, varie de 3 à 8 dBA le jour aux heures de pointe de trafic routier et varie de 13 à 20 dBA en dehors des heures de pointe. Il en résulte que l'exploitation du portique de lavage provoque une gêne caractérisée dans la chambre et le séjour attenant à la cuisine, fenêtre ouverte, et au voisinage du jardin en vue directe sur le portique de lavage, en dehors des heures de pointe. »

Bien que [P] [Z] conteste les conditions dans lesquelles les relevés de l'expert judiciaire ont été effectués, pas nécessairement lorsque le bruit ambiant est le plus élevé, il ressort à la fois :

de la mesure acoustique organisée par la mairie le 15 juillet 2014, que le volume des décibels passe de 43,6 dBs à la base à 56,4 dBs, lorsque le bruit particulier (de la station ) se rajoute, l'émergence étant de 12,8 dBs ;

du constat d'huissier du 11 septembre 2016 établi avec mesure par sonomètre, que le volume des décibels passe de 47 dBs à la base à 63 dBs environ chez les consorts [T]-[H], lorsque la machine et notamment la soufflerie se met en marche, l'émergence étant de 16 dBs.

[P] [Z] n'apporte aucun autre relevé qui permettrait de contredire l'ensemble de ceux décrits et qui mettent en évidence le dépassement des seuils autorisés pour des bruits ayant une durée d'apparition de 20 mns à 2heures par jour.

Il indique que la soufflerie de la station ne fonctionne que durant 23 mns et 20 secondes en moyenne par jour, mais il a été relevé par l'expert que l'émergence durant le cycle de lavage lui-même, est encore supérieure aux seuils fixés.

L'existence d'un trouble anormal de voisinage est indépendante de l'infraction aux normes fixées en matière acoustique par les articles R.1334-31 et suivants du code de la santé publique, (remplacés depuis le 10 août 2017 par les articles R 1336-4 et suivants).

Toutefois, l'appréciation de l'anormalité peut se faire en fonction de cette réglementation qui permet à chacun d'espérer vivre dans les conditions prévues par la société pour le respect de la santé, étant observé que la station a été installée à proximité immédiate d'habitations existantes, puisque les plaignants ont des pièces de vie situées à 30 mètres de celle-ci.

[P] [Z] fait valoir que l'émergence sonore quand la soufflerie fonctionne, par rapport au bruit routier habituel, est en moyenne de 14 dbs, ce qui est considéré comme un bruit d'audibilité, et donc très calme selon le rapport de l'ARS Ile de France, le seuil de gêne étant fixé à 60db.

D'une part, il ne produit pas ledit rapport et d'autre part, l'expert a répondu sur ce point à un dire du 24 octobre 2017 en indiquant que :

- le seuil de gêne fixé à 60db ne correspond pas à une émergence, l'oreille est sensible à un écart de 3dBs, quel que soit le niveau de bruit, c'est pourquoi cette émergence est prise en compte dans les textes ;

-un tableau annexe produit (recommandation ISO R196) suivant lequel pour 15 à 20 dBs, la réaction des collectivités est classée de forte à très forte.

Par ailleurs, face à des mesures acoustiques précises effectuées depuis le logement ou le jardin des consorts [T]-[H], il ne peut être tenu compte d'une pétition signée par 209 « voisins, citoyens ou usagers du garage » pour protester contre la plainte d'une riveraine à l'encontre du garage existant de père en fils, qui serait la seule à se plaindre dans le seul but d'être indemnisée, alors que les époux [Z] vivraient difficilement de leur activité et que « la circulation sur la départementale séparant les deux opposants est une nuisance sonore bien supérieure à la soufflerie du lavage automatique ».

En effet ces pétitionnaires ne peuvent à priori connaître la situation particulière des plaignants dont l'habitation est à proximité immédiate de la station, (moins de 30 mètres des pièces de vie).

Les attestations suivantes sont également invoquées par [P] [Z] :

[S] [I] suivant laquelle, habitant juste au-dessus du garage, elle n'entend pas la machine de lavage et n'est en rien dérangée,

[R] [M] suivant laquelle, le portique de lavage n'amène aucune gêne alors qu'elle en est la riveraine la plus proche,

[A] [D] suivant lequel, habitant à 200 m, il ne subit pas de nuisance susceptible d'indemnisation alors que la station ne fonctionne pas de nuit.

D'une part, la distance entre les habitations de ces attestants et la station de lavage n'est pas connue avec certitude et d'autre part, la tolérance au bruit est inégale, ce qui justifie en ce domaine de se référer aux normes établies.

Bien que les consorts [T]-[H] subissent déjà la proximité d'une route et ses nuisances sonores, l'ajout d'autres bruits dont l'émergence dépasse les seuils admis, subis à la fois dans la partie nord de leur jardin, et dans leur espace habitable (séjour et nuit) environ et en moyenne 13 fois par jour, la fréquentation pouvant varier en hausse ou en baisse à tout moment, y compris les dimanches et jours fériés, est bien de nature à créer un trouble anormal de voisinage, comme cela a été reconnu en première instance.

Pour l'ensemble de ces motifs, le trouble anormal de voisinage étant caractérisé, il convient d'examiner quels sont les moyens propices à y remédier et quelle indemnisation réparera le préjudice subi.

Sur la réparation du trouble anormal de voisinage :

L'expert a préconisé de placer le portique de lavage dans une enceinte en maçonnerie traditionnelle, muni de deux portes automatiques souples et isolantes, ce que le premier juge a entériné.

[P] [Z] entend voir limiter sa condamnation à la mise en place d'un kit variateur de vitesse, d'une horloge pour la gestion du séchage du portique, avec respect des horaires en semaine de 8h à 20h et arrêt de la soufflerie les dimanches et jours fériés, en faisant notamment valoir que le coût des travaux à réaliser tels que préconisés par l'expert, est disproportionné eu égard aux gains provenant de la station de lavage.

Toutefois, le seul critère à retenir pour envisager les travaux nécessaires, est leur efficacité eu égard à la cessation du trouble anormal causé, avec au minimum le respect de la réglementation fixée en matière de nuisances sonores, eu égard à la proximité de l'habitation [T]-[H].

[P] [Z] produit aux débats des devis d'une société Lavance Services Provence Alpes Côte d'Azur pour l'installation du kit variateur de vitesse et d'une horloge pour la gestion du séchage du portique, mais rien ne permet de connaître l'efficacité éventuelle du kit, alors que cette solution n'a pas été soumise à l'examen de l'expert quant à son efficacité, et qu'aucune appréciation technique fiable n'est fournie à son propos.

Il n'a été évoqué devant l'expert que l'installation d'une enceinte légère en plexiglass, à propos de laquelle il a mentionné que cette solution pourrait être retenue si elle était réalisée sous la direction d'un maître d''uvre qui en garantirait le résultat, et aucun document n'est produit permettant de garantir l'efficacité d'une telle installation.

Enfin, les engagements de [P] [Z] à se servir d'une horloge pour limiter le fonctionnement de son installation ne permettent pas de s'assurer d'une solution pérenne qui ne dépendrait pas de lui seul, alors même qu'il a été constaté, après le prononcé du jugement que les jours de fermeture de la station, dimanche et jour férié n'étaient pas respectés (procès-verbaux de constats d'huissier des 15 et 18 août 2019, 11 novembre 2019)

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a :

condamné [P] [Z] à :

-placer le portique de lavage dans une enceinte en maçonnerie traditionnelle, munie de deux portes automatiques souples et isolantes,

-faire fonctionner le portique de lavage conformément à la législation en vigueur de 8 heures à 20 heures du lundi au samedi et à fermer son ouverture au public les dimanches et l'ensemble des jours fériés,

payer aux consorts [T]-[H] une somme de 300 € pour tout manquement au respect des horaires et jour d'ouverture légalement constaté par voie d'huissier, sans qu'il y ait lieu d'augmenter le montant ainsi prévu..

Une astreinte assortira la condamnation principale, selon les modalités mentionnées au dispositif de la présente décision.

Les consorts [T]-[H] peuvent prétendre à une indemnisation de leur préjudice de jouissance à compter du 8 avril 2014, comme retenu en première instance, et pas seulement à compter de l'assignation du 22 novembre 2016, s'agissant d'un dommage continu, indemnisable à partir de sa naissance.

Le premier juge a apprécié ce préjudice à 200 € par mois durant quatre mois par an par des motifs pertinents que l'argumentation développée en appel sans élément nouveau ne permet pas de contrer.

En effet, le préjudice est essentiellement caractérisé pendant la période de l'année où l'on vit à l'extérieur ou les fenêtres ouvertes.

A la date du présent arrêt, la somme due s'élève donc à 7 200 € ( 4 x 200 € x 9 ans).

PAR CES MOTIFS :

Confirme le jugement en ce qu'il a :

condamné [P] [Z] à :

-placer le portique de lavage dans une enceinte en maçonnerie traditionnelle, munie de deux portes automatiques souples et isolantes,

-faire fonctionner le portique de lavage conformément à la législation en vigueur de 8 heures à 20 heures du lundi au samedi et à fermer son ouverture au public les dimanches et l'ensemble des jours fériés,

-payer aux consorts [T]-[H] une somme de 300 € pour tout manquement au respect des horaires et jour d'ouverture légalement constaté par voie d'huissier,

Y ajoutant,

Dit que [P] [Z] devra avoir placé le portique de lavage dans une enceinte en maçonnerie traditionnelle, munie de deux portes automatiques souples et isolantes, dans les six mois de la signification de cette décision, sous astreinte passé ce délai de 100 € par jour de retard pendant trois mois.

Le réformant pour le surplus,

Condamne [P] [Z] exerçant sous l'enseigne garage [Z] à payer à [G] [T] et [X] [H] la somme de 7 200 € à titre de dommages et intérêts pour trouble de jouissance, selon décompte arrêté au jour du prononcé du présent arrêt, somme à parfaire jusqu'à la réalisation des travaux,

vu les articles 696 à 700 du code de procédure civile,

Condamne [P] [Z] aux dépens, y compris les frais d'expertise, et à payer à [G] [T] et [X] [H] la somme de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, au total pour la procédure de première instance et d'appel.

Le Greffier Pour le Président empêché


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-5
Numéro d'arrêt : 19/11230
Date de la décision : 01/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-01;19.11230 ?
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