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01/12/2022 | FRANCE | N°19/11134

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-5, 01 décembre 2022, 19/11134


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5



ARRÊT AU FOND

DU 01 DECEMBRE 2022

hg

N° 2022/ 479













N° RG 19/11134 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BESPT







[L] [O]





C/



[C] [T]

[G] [P] épouse [T]





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :



SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON



Me Caroline CAUSSE




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Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de Toulon en date du 17 Juin 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 15/06048.



APPELANTE



Madame [L] [O]

née le [Date naissance 1] 1952 à [Localité 10] (SENEGAL), demeurant [Adresse 5]



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COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5

ARRÊT AU FOND

DU 01 DECEMBRE 2022

hg

N° 2022/ 479

N° RG 19/11134 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BESPT

[L] [O]

C/

[C] [T]

[G] [P] épouse [T]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON

Me Caroline CAUSSE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de Toulon en date du 17 Juin 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 15/06048.

APPELANTE

Madame [L] [O]

née le [Date naissance 1] 1952 à [Localité 10] (SENEGAL), demeurant [Adresse 5]

représentée par la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Corinne BONVINO-ORDIONI de l'ASSOCIATION C.BONVINO ORDIONI V.ORDIONI, avocat au barreau de TOULON, plaidant

INTIMES

Monsieur [C] [T]

né le [Date naissance 3] 1970 à [Localité 8], demeurant [Adresse 12], CAMEROUN

représenté par Me Caroline CAUSSE, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant

Madame [G] [P] épouse [T]

née le [Date naissance 2] 1973 à [Localité 13], demeurant [Adresse 11], CAMEROUN

représentée par Me Caroline CAUSSE, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804, 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Octobre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Hélène GIAMI, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Hélène GIAMI, Conseiller faisant fonction de Président de chambre

Madame Laetitia VIGNON, Conseiller

Madame Patricia HOARAU, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 01 Décembre 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 01 Décembre 2022

Signé par Madame Laetitia VIGNON, Conseiller pour Madame Hélène GIAMI, Conseiller, faisant fontion de Président de chambre, empéchée et Madame Danielle PANDOLFI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCÉDURE - MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Par acte du 10 avril 2013, [C] [T] et son épouse [G] [P] ont acquis :

-le lot n°2 consistant en un appartement situé au premier étage d'un bien situé à [Localité 9], traverse des jardins, cadastré section AI n°[Cadastre 7], auquel est affecté la moitié (500/1000èmes) des parties communes générales ;

-un septième indivis d'une cour attenante à l'immeuble située traverse des jardins, cadastré section AI n°[Cadastre 6].

[L] [O], (qui ne produit pas son titre) est propriétaire d'un bien mitoyen à la propriété des époux [T], et a obtenu :

- le 10 juin 2009, un permis de construire pour la surélévation d'un bâtiment avec création de deux logements sur un terrain situé 30 traverse des jardins, pour une SHON créée de 136 m² ;

- le 22 mai 2012, un permis de construire modificatif pour la création d'une terrasse au 2ème niveau en remplacement d'une couverture de tuiles sur un terrain situé [Adresse 4]

Elle a fait procéder à des travaux sur la base des permis de construire obtenus, puis a sollicité le 11 septembre 2013, la possibilité de transformer une fenêtre en porte fenêtre et de supprimer les panneaux solaires en toiture, ce qui lui a été accordé le 7 janvier 2014.

Par acte d'huissier du 27 août 2014, les époux [T] ont fait assigner [L] [O] devant le tribunal de grande instance de Marseille sur le fondement des dispositions des articles 1382, 678 et 679 du code civil aux fins de fermeture d'une porte fenêtre, de son remplacement par une fenêtre et d'indemnisation de divers préjudices.

Par ordonnance du juge de la mise en état du 02 juillet 2015, l'affaire a été renvoyée au tribunal de grande instance de Toulon.

Par ordonnance du 06 mars 2017, le juge de la mise en état, saisi par les époux [T] a notamment :

- dit que Madame [L] [O] bénéficie d'une vue droite sur la seconde fenêtre située au sud de la façade ouest appartenant aux époux [T],

-ordonné à Madame [L] [O] de mettre fin à cette vue droite par la pose d'une paroi inamovible et opaque dans les dimensions et hauteurs conformes aux règles d'urbanisme, dans le délai de quatre mois de la signification de l'ordonnance,

-interdit aux époux [T] d'accéder à la terrasse (par) leur fenêtre

Par jugement contradictoire du tribunal de grande instance de Toulon du 17 juin 2019, il a été statué en ces termes :

« Ordonne à Madame [L] [O] de maintenir :

- sur l'extrémité nord de sa terrasse, un mur bahut de 60 cm de hauteur, rehaussé d'un garde-corps en métal sur 40 cm de hauteur, doublé de canisses ou tout équivalent sur 80 cm de hauteur environ, ledit dispositif se situant à 1,50 m environ de la fenêtre des époux [T],

- le dispositif ayant mis fin à la vue droite sur la fenêtre située au sud de la façade ouest de la terrasse consistant en la pose d'une paroi inamovible et opaque dans les dimensions et hauteurs conformes aux règles d'urbanisme ;

Rappelle à Monsieur [C] [T] et Madame [G] [P] épouse [T] qu'ils ne disposent d'aucun droit à accéder à ladite terrasse ;

Condamne Madame [L] [O] à payer à Monsieur [C] [T] et Madame [G] [P] épouse [T] la somme de 10.000 (dix mille) euros en indemnisation de leur préjudice de jouissance, produisant intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;

Déboute Madame [L] [O] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Condamne Madame [L] [O] à payer à Monsieur [C] [T] et Madame [G] [P] épouse [T] la somme de 1.800 (mille huit cents) euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamne Madame [L] [O] aux dépens, qui comprennent par définition les frais de constats d'huissier ;

Ordonne l'exécution provisoire ;

Rejette le surplus des demandes. »

Par déclaration du 10 juillet 2019, [L] [O] a fait appel de ce jugement, en ce qu'il :

- l'a condamnée au paiement de 10.000 (dix mille) euros en indemnisation du préjudice de jouissance des époux [T], produisant intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;

-l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

- l'a condamnée à payer aux époux [T] la somme de 1.800 (mille huit cents) euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- l'a condamnée aux dépens, qui comprennent par définition les frais de constats d'huissier ;

-a ordonné l'exécution provisoire ;

-a rejeté le surplus des demandes.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 7 mai 2020 auxquelles il convient de se référer pour un exposé détaillé des moyens et prétentions, [L] [O] entend voir :

-infirmer le jugement en ce qu'il :

. l'a condamnée au paiement de 10.000 (dix mille) euros en indemnisation du préjudice de jouissance des époux [T], produisant intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;

.l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

. l'a condamnée à payer aux époux [T] la somme de 1.800 (mille huit cents) euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

. l'a condamnée aux dépens, qui comprennent par définition les frais de constats d'huissier ;

.a rejeté le surplus des demandes.

.dire et juger que la preuve de l'existence d'un trouble n'est pas rapportée,

.dire et juger que la preuve de l'anormalité du trouble n'est pas rapportée,

.débouter les époux [T] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

.les condamner à lui payer 3 000 € pour procédure abusive,

.les condamner à lui payer 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Aux termes de leurs dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 10 février 2020, auxquelles il convient de se référer pour un exposé détaillé des moyens et prétentions, les époux [T] entendent voir:

-confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions.

-débouter Madame [L] [O] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

y ajoutant,

-condamner Madame [L] [O] au paiement de la somme de 10 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, distrait au profit de maître causse sur son affirmation de droit.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 27 septembre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'étendue de la saisine de la cour :

Le jugement n'est pas contesté en ce qu'il a :

ordonné à Madame [L] [O] de maintenir :

- sur l'extrémité nord de sa terrasse, un mur bahut de 60 cm de hauteur, rehaussé d'un garde-corps en métal sur 40 cm de hauteur, doublé de canisses ou tout équivalent sur 80 cm de hauteur environ, ledit dispositif se situant à 1,50 m environ de la fenêtre des époux [T],

- le dispositif ayant mis fin à la vue droite sur la fenêtre située au sud de la façade ouest de la terrasse consistant en la pose d'une paroi inamovible et opaque dans les dimensions et hauteurs conformes aux règles d'urbanisme ;

-rappelé aux époux [T] qu'ils ne disposent d'aucun droit à accéder à ladite terrasse.

Il est donc définitif de ces chefs, la création de vues illicites par [L] [O] étant ainsi consacrée et considérée comme réparée par les dispositifs mis en place.

Sur l'indemnisation du préjudice de jouissance des époux [T] :

La demande des époux [T] est fondée sur le trouble anormal de voisinage qu'ils indiquent subir à raison des constructions édifiées par [L] [O] au mépris des dispositions du code civil relatives aux vues.

Aux termes de l'article 544 du code civil, «la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements.»

La limite à ce droit est que nul ne doit causer à autrui de trouble anormal de Voisinage, et qu'à défaut, il en devra réparation, même en l'absence de faute.

L'anormalité du trouble doit s'apprécier au regard des circonstances locales, et doit présenter un caractère grave et répété, dépassant les inconvénients normaux de Voisinage, sans qu'il soit nécessaire de caractériser une faute de son auteur.

Il appartient à celui qui invoque le trouble anormal de voisinage d'en rapporter la preuve.

Les époux [T] se plaignent de la transformation de leur vue antérieure qui donnait sur les toits en tuiles d'un centre-ville ancien, et plus particulièrement depuis leurs deux fenêtres, sur les toits d'un immeuble, situé dans une cour, tandis que désormais leurs fenêtres ouvrent sur la terrasse de leur voisine située à moins d'1,6dm, la création de vues droites ayant été reconnue, et les palissades installées pour y remédier réduisant leur ensoleillement ;

en outre une sensation d'encerclement et d'oppression, de muraille et d'enfermement, avec perte d'intimité, résulterait des constructions très rapprochées de leurs fenêtres.

Pour établir ces préjudices, ils se réfèrent aux procès-verbaux de constats établis par huissiers les 4 mars 2014 et 22 avril 2016, ainsi qu'aux plans joints au permis de construire accordé le 7 janvier 2014.

Le premier de ces constats met en évidence que deux fenêtres existent sur la façade ouest des époux [T], et qu'elles sont impactées d'une part, pour la fenêtre la plus au sud, par la construction rehaussée d'[L] [O], et d'autre part, par la terrasse jouxtant la façade ouest de l'immeuble [T], accessible par une porte-fenêtre, depuis l'appartement [O].

Le second de ces constats met en évidence que :

- des canisses ont été installés en bordure nord de la terrasse, à environ 1,50 m de la première fenêtre située au centre de la façade ouest ;

-au niveau de la seconde fenêtre, au sud de la façade ouest, la terrasse se prolonge jusque devant cette fenêtre, avec une vue directe et sans distance entre la terrasse et la fenêtre, un dispositif de protection constitué de deux panneaux de bois jointés fixés par des gonds et doublés de canisses, étant visible, aucun ouvrage maçonné n'empêchant l'accès.

Dès lors que les deux fenêtres donnent immédiatement sur une terrasse devenue accessible depuis le fonds [O], que cette terrasse relie les deux immeubles, auparavant séparés d'environ 2 mètres, et se trouve juste en dessous de la fenêtre la plus au sud de la façade ouest, la perte d'intimité pour les époux [T] est amplement caractérisée, et dépasse les inconvénients normaux de voisinage en les privant d'une utilisation normale de leur fenêtre puisqu'une fois ouverte, la présence de leurs voisins est immédiate.

Quant à la perte de vue, si aucun droit à une vue n'est consacré en milieu urbanisé, ce qui est le cas en l'espèce au regard des photographies produites, la nécessité d'installer des brise-vues causée par la construction litigieuse pour remédier aux vues illicitement créées, est directement à l'origine d'une perte de vue, ajoutée à celle résultant de la simple surélévation de l'immeuble [O], ce qui, par l'effet d'enfermement indéniable mis en évidence par les photographies annexées aux constats, est constitutif d'un trouble anormal de voisinage.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a condamné [L] [O] à payer aux époux [T] la somme de 10 000 € en réparation de leur préjudice de jouissance.

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive :

Le droit d'agir en justice dégénère en abus si une légèreté blâmable, une intention de nuire, de la mauvaise foi ou une erreur grossière équipollente au dol, est caractérisée.

En l'espèce, [L] [O] succombe à l'instance et ne peut donc prétendre à une indemnité pour procédure abusive.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté cette prétention.

PAR CES MOTIFS :

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Yajoutant,

Vu les articles 696 à 700 du code de procédure civile,

Condamne [L] [O] aux dépens d'appel, avec distraction dans les conditions prévues par l'article 699 du code de procédure civile,

Condamne [L] [O] à payer 3 000 € aux époux [T] en application de l'article 700 du code de procédure civile, pour la procédure d'appel.

LE GREFFIER POUR LE PRÉSIDENT EMPÊCHÉ


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-5
Numéro d'arrêt : 19/11134
Date de la décision : 01/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-01;19.11134 ?
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