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01/12/2022 | FRANCE | N°19/07292

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-5, 01 décembre 2022, 19/07292


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5



ARRÊT AU FOND

DU 01 DECEMBRE 2022

lv

N°2022/483













Rôle N° RG 19/07292 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BEGYU







[S] [W]





C/



[C] [Y]

[M] [D] épouse [Y]

[R] [Z]

[B] [Z] épouse [F]

Société DE L'IMMEUBLE LES GRILLONS LLONS























Copie exécutoire délivrée le :

à :
>

SELARL JOUSSET AVOCATS

Me Grégory SAMBUCHI



SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de Grasse en date du 04 Avril 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 16/03575.





APPELANTE



Madame [S] [W]

demeurant [Adresse...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5

ARRÊT AU FOND

DU 01 DECEMBRE 2022

lv

N°2022/483

Rôle N° RG 19/07292 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BEGYU

[S] [W]

C/

[C] [Y]

[M] [D] épouse [Y]

[R] [Z]

[B] [Z] épouse [F]

Société DE L'IMMEUBLE LES GRILLONS LLONS

Copie exécutoire délivrée le :

à :

SELARL JOUSSET AVOCATS

Me Grégory SAMBUCHI

SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de Grasse en date du 04 Avril 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 16/03575.

APPELANTE

Madame [S] [W]

demeurant [Adresse 5]

représentée par Me Matthieu JOUSSET de la SELARL JOUSSET AVOCATS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Joris RAFFY de la SELARL JOUSSET AVOCATS, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE, plaidant

INTIMES

Monsieur [C] [Y]

demeurant [Adresse 4]

représenté par Me Grégory SAMBUCHI, avocat au barreau de GRASSE

Madame [M] [D] épouse [Y]

demeurant [Adresse 4]

représentée par Me Grégory SAMBUCHI, avocat au barreau de GRASSE

Monsieur [R] [Z]

demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Sébastien BADIE de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assisté de Me Gérard BENTATA, avocat au barreau de GRASSE

Madame [B] [Z] épouse [F]

demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Sébastien BADIE de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Gérard BENTATA, avocat au barreau de GRASSE

Syndicat des copropriétaires DE L'IMMEUBLE LES GRILLONS dont le siège social est [Adresse 4], représenté par son syndic en exercice la SARL HERACL'IMMO [Adresse 2]

représenté par Me Sébastien BADIE de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assisté de Me Franck GHIGO, avocat au barreau de GRASSE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Octobre 2022 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Hélène GIAMI, Conseiller, et Madame Laetitia VIGNON, Conseiller, chargés du rapport.

Madame Laetitia VIGNON, Conseiller, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Hélène GIAMI, Conseiller faisant fonction de Président de chambre

Madame Laetitia VIGNON, Conseiller

Madame Patricia HOARAU, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 01 Décembre 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 01 Décembre 2022.

Signé par Madame Laetitia VIGNON, Conseiller pour Madame Hélène GIAMI, Conseiller, faisant fontion de Président de chambre, empéchée et Madame Danielle PANDOLFI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

Selon acte notarié en date du 22 décembre 2010, M. [C] [Y] et Mme [M] [D] épouse [Y] ont acquis de Mme [S] [W] une villa située [Adresse 4] à [Localité 6] et constituant le lot n° 56 de la copropriété de l'immeuble LES GRILLONS.

M. [R] [Z] et Mme [B] [F] sont propriétaires de la villa jumelée constituant le lot n° 55 de l'état descriptif de division de ladite copropriété.

En février 2011, M. et Mme [Y] ont constaté que le sous-sol de la villa qu'il venait d'acquérir était atteint par des venues d'eau et ont obtenu, par ordonnance de référé en date du 6 mai 2013, l'instauration d' une mesure d'expertise judiciaire confiée à M. [H] [T].

Celui-ci a déposé son rapport définitif le 13 février 2015.

Par acte d'huissier en date des 20 et 24 juin 2016, M. et Mme [Y] ont fait assigner Mme [W] et le syndicat des copropriétaires de l'immeuble LES GRILLONS devant le tribunal de grande instance de Grasse, afin d'obtenir, à titre principal, la condamnation de la première sur le fondement des articles 1641 et suivants du code civil, à leur payer la somme de 85.580 € au titre des travaux nécessaires à la mise hors d'eau de la maison outre la somme de 25.000 € en réparation de leurs différents préjudices.

M. [Z] et Mme [F] sont intervenus volontairement à l'instance par conclusions notifiées le 31 janvier 2018 aux fins d'obtenir la condamnation de Mme [W], au visa de l'article 1240 du code civil, à leur régler la somme de 35.800 € correspondant au coût des travaux de nature à mettre fin aux désordres, outre la réparation de divers autres préjudices.

Par jugement contradictoire en date du 4 avril 2019, le tribunal de grande instance de Grasse a:

- rejeté la demande d'homologation du rapport d'expertise formée par M. et Mme [Y],

- rejeté la fin de non recevoir tirée de la prescription opposée par Mme [W],

- jugé inapplicable la clause d'exclusion de garantie des vices cachés stipulés à l'acte de vente du 22 décembre 2010,

- condamné Mme [S] [W] à payer à M. [C] [Y] et Mme [M] [Y] la somme de 85.580 € au titre des travaux nécessaires à la mise hors d'eau du sous-sol de leur villa,

- débouté M. [C] [Y] et Mme [M] [Y] de leur demande au titre des préjudices subis,

- reçu l'intervention volontaire de Mme [B] [F] et de M. [R] [Z],

- condamné Mme [S] [W] à payer à Mme [B] [F] et M. [R] [Z] la somme de 35.800 € hors taxe, actualisée en fonction de l'évolution de l'indice BT 01 entre novembre 2014 et le jour du prononcé de la présente décision, outre celle de 429 € correspondant au coût d'acquisition d'une pompe de relevage,

- débouté Mme [B] [F] et M. [R] [Z] de leurs demandes relatives au manque à gagner, aux frais de recherche de locataire, au préjudice de jouissance et au préjudice moral,

- condamné Mme [S] [W] à payer à M. [C] [Y] et Mme [M] [Y], à Mme [B] [F] et M. [R] [Z] la somme de 1.500 € chacun par application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme [S] [W] aux entiers dépens en ce compris le coût de l'expertise judiciaire,

- ordonné l'exécution provisoire.

Par déclaration en date du 30 avril 2021, Mme [S] [W] a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 26 juillet 2021, Mme [S] [W] demande à la cour de:

Infirmer le jugement attaqué en ce qu'il a:

- jugé inapplicable la clause d'exclusion de garantie des vices cachés stipulée à l'acte de vente du 22 décembre 2010,

- condamné Mme [W] à payer aux consorts [Y] la somme de 85.580 €,

- condamné Mme [W] à payer aux consorts [F]-[Z] la somme de 35.800 € outre intérêts et la somme de 429 € correspondant au coût d'acquisition d'une pompe de relevage,

- condamné Mme [W] à payer à M. [Y], Mme [Y], Mme [F] et M. [Z] la somme de 1.500 € chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme [W] aux dépens,

Statuant à nouveau sur ces points:

1. Sur la demande de mise en jeu de la garantie des vices cachés formée par les consorts [Y]:

A titre principal, sur l'irrecevabilité pour défaut de droit à agir:

- déclarer irrecevable la demande des consorts [Y] pour défaut de droit d'agir,

A titre subsidiaire, sur l'efficacité de la clause de non garantie stipulée dans l'acte de vente du 22 décembre 2010,

- juger efficace et opposable la clause de non garantie stipulée dans l'acte de vente,

- débouter les consorts [Y] de leur demande,

A titre plus subsidiaire, sur le caractère apparent du vice et sur l'absence de vice compromettant l'usage du bien,

- débouter les consorts [Y] de leur demande,

2. Sur la demande de réduction du prix de vente formée par les consorts [Y], dans le cas notamment où Mme [W] serait tenue à garantie,

A titre principal,

- débouter les consorts [Y] de leur demande,

A titre subsidiaire,

- condamner Mme [W] à payer aux consorts [Y], la somme de 7.000,24€ TTC ou à défaut, la somme de 16.000 € , ou à défaut à 33.000 €,

3. Sur la demande de dommages et intérêts formés par les consorts [Y] dans le cas notamment où Mme [W] serait tenue à garantie,

- débouter les consorts [Y] de leur demande,

4. Sur la demande de dommages et intérêts formée par les consorts [F]-[Z]

A titre principal,

- déclarer irrecevable la demande des consorts [F]-[Z] pour défaut de droit d'agir,

A titre subsidiaire,

- débouter les consorts [F]- [Z] de leur demande pour défaut de caractérisation d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité,

5. En tout état de cause et à titre subsidiaire, dans le cas où la cour aurait besoin d'un éclairage complémentaire, sur la demande d'une nouvelle expertise judiciaire,

- ordonner une nouvelle mesure d'expertise judiciaire selon les modalités qu'il plaira à la cour de fixer, aux frais avancés des intimés à quui incombent la charge de la preuve,

- surseoir à statuer sur l'ensemble des demandes dans l'attente du dépôt de ce nouveau rapport,

6. En tout état de cause, sur le surplus,

- débouter les consorts [Y] de toutes leurs demandes, fins et conclusions contraires à celle de Mme [W],

- débouter les consorts [F]-[Z] de toutes leurs demandes, fins et conclusions contraires,

- débouter le syndicat des copropriétaires de l'immeuble LES GRILLONS de toutes ses demandes, fins et conclusions contraires,

- condamner les consorts [Y], in solidum, à payer à Mme [W] la somme de 3.000 €,

- condamner les consorts [F]-[Z], in solidum, à payer à Mme [W] la somme de 2.000 €,

- condamner les consorts [Y] et les consorts [F]-[Z] à payer à Mme [W] les dépens, en ce compris les frais d'expertise et ce, in solidum, ou à défaut selon la répartition suivante: 70% pours les consorts [Y] et 30% pour les consorts [F]-[Z].

Elle oppose aux époux [Y] l'irrecevabilité de leur demande de mise en jeu de la garantie des vices cachés, pour défaut de droit à agir, aux motifs que l'acte de vente ne mentionne à aucun moment le sous-sol litigieux, ni le fait que le bien serait établi sur trois niveaux, puisqu'il n'en mentionne que deux, de sorte que les acquéreurs ont fait le choix libre et éclairé de ne pas inclure le sous-sol dans le périmètre contractuel de la vente. Elle en tire pour conséquence qu'ils sont dépourvus du droit d'agir à son encontre au titre du sous-sol juridiquement inexistant non couvert par les garanties légales du droit de la vente et ont ainsi accepté de faire leur affaire personnelle du sous-sol.

Elle conclut en tout état de cause à l'efficacité de la clause de non garantie stipulée dans l'acte de vente, qu'elle a toujours reconnu en toute transparence avoir réalisé certains travaux dans son bien en 2003 et 2005, que toutefois, lesdits travaux n'ont jamais été des travaux d'excavation et n'ont pas modifié la structure de l'immeuble pour revêtir une nature décennale mais avaient uniquement vocation à s'adapter tant au caractère inondable de la zone qu' aux remontées de la nappe phréatique située sous le bien. Elle admet avoir subi par le passé des infiltrations, qu'elle a alors mis en oeuvre des mesures qui lui ont été recommandées pour neutraliser le risque et était dans ces conditions, certaine, d'avoir au moment de la vente litigieuse, mis fin au désordre.

Elle souligne que l'expert judiciaire n'a pas été en mesure de dater les travaux d'excavation réalisés antérieurement à la vente du 22 décembre 2010, qu'elle n'a jamais rien dissimulé et s'est toujours comportée de bonne foi, de sorte qu'elle ne saurait être tenue à garantie.

Elle estime que le vice était en outre parfaitement apparent, que les époux [Y] ont visité la villa à plusieurs reprises et notamment le sous-sol, qu'ils savaient que celle-ci était située en zone inondable et que pourtant dûment assistés par leur notaire, dès le compromis, ils n'ont jamais demandé à porter sur l'acte de vente le sous-sol, qui n'a donc pas été inclus dans le périmètre de la vente. Elle considère qu'un tel vice n'est pas de nature à compromettre l'usage du bien, qu'il s'agit uniquement d'un vide sanitaire, à savoir des locaux de 4ème catégorie, que les consorts [Y] ont toujours pu jouir de leur maison et n'ont jamais demandé la résolution de la vente, d'autant que le trouble dont ils se plaignent n'est pas un vice caché mais seulement la conséquence de l'existence d'une nappe phréatique sous la villa.

Elle conteste également le quantum retenu par l'expert au titre des travaux nécessaires pour remédier aux désordres, qu'il convient de prendre en compte le caractère non habitable et secondaire du sous-sol, que l'atmosphère humide du bâtiment n'est pas démontrée, que les époux [Y] ne justifie pas avoir effectué et réglé les travaux, qui s'appuient sur un devis COMOBAT, lequel est insuffisant et incohérent.

Elle ajoute que l'expert n'a jamais retenu que la cause du désordre invoquée par la partie adverse résidait dans un problème d'inondation, qu'elle communique un rapport d'étude réalisé par le cabinet VERNET, expert judiciaire hydrogéologique qui met en évidence tant l'existence de la nappe phréatique sous la villa que de son évolution exceptionnelle lors d'épisodes de fortes pluies. Elle s'oppose par ailleurs à la prise en charge des travaux d'amélioration souhaités par les époux [Y] et destinés à conférer au bien acquis une plus-value.

S'agissant des demandes formées par les consorts [F]-[Z], elle prétend que le quantum retenu par l'expert, à savoir 39.380 € ( outre l'achat de la pompe de relevage) est parfaitement injustifié en ce qu'il comporte d'importantes lacunes et d'imprécisions, le rapport de M. [T] étant formellement contredit par les constatations effectuées par le cabinet VERNET EXPERTISE;

Elle oppose également à ces derniers l'irrecevabilité de leur demande pour défaut de droit d'agir, qu'ils prétendent avoir subi un préjudice de son fait en s'appuyant sur un procès-verbal de constat établi le 12 novembre 2012, soit à une date à laquelle elle n'était plus propriétaire du bien, ni gardien de ce bien, ni davantage gardien de l'eau ou de la nappe phréatique située en sous sol. Elle considère qu'elle ne peut être tenue responsable du rôle joué par le sous-sol des consorts [Y], l'éventuelle négligence de ces derniers à mettre en oeuvre des mesures en cas de fortes pluies et du caractère ancien de la propriété [F]-[Z]. Elle soutient qu'elle ne leur doit aucune garantie et qu'il appartenait à ces derniers d'agir à l'encontre des époux [Y], sauf à réaliser deux fois les mêmes travaux dans deux biens distincts et en ce cas, faire bénéficier aux consorts [F]-[Z] de travaux d'amélioration constitutifs d'un enrichissement injustifié.

Elle conteste avoir commis une quelconque faute et plus particulièrement avoir entrepris des travaux ayant pu affecter le bien, que les consorts [F]-[Z] ne se sont jamais plaints d'infiltrations d'eaux entre 2003 et 2012 et qu'ils lui ont uniquement reproché une évacuation d'eau dans leur jardin sans jamais faire état de travaux fautifs à l'origine d'infiltrations dans leur sous-sol.

Elle fait valoir que ces derniers ne sont pas en mesure de justifier d'un quelconque préjudice, qu'ils se prévalent uniquement d'un devis COMOBAT, validé par l'expert, qui comporte cependant d'importantes lacunes et ne peut donc être retenu.

Elle relève que le sous-sol des consorts [F]-[Z] n'est pas une surface habitable, qu'il s'agit uniquement d'un vide sanitaire, à savoir un local de 3ème catégorie, aucun préjudice n'étant dans ces conditions caractérisé.

Elle insiste en outre sur l'absence de lien de causalité, s'appuyant sur le rapport du cabinet VERNET EXPERTISE et indique être fondé à se prévaloir de la force majeure, à savoir l'existence d'une nappe phréatique sous le bien et son évolution exceptionnelle en cas d'épisodes de fortes pluies. Elle ajoute ne pas avoir à répondre envers les consorts [F]-[Z], dont elle n'est plus la voisine, de la négligence ou de la légèreté dont ont fait preuve des époux [Y] dans la manière de gérer les épisodes de fortes pluies, particulièrement dans une zone inondable.

A titre subsidiaire, elle réclame l'instauration d'une nouvelle mesure d'expertise judiciaire, compte tenu des reproches qu'elle formule à l'encontre de M. [T], qui a accepté sa mission alors qu'il n'en avait pas la compétence, qui n'a pas traité sérieusement la question des conséquences des infiltrations survenues dans le sous-sol de la villa [Y], qui s'est prononcé uniquement sur deux devis établis par la société COMABAT et n'a pas examiné sur l'alternative suggérée par le cabinet VERNET, commettant ainsi une grave erreur d'appréciation technique.

M. [C] [Y] et Mme [M] [Y] née [D], suivant leurs dernières conclusions signifiées par RPVA le 1er février 2022, demandent à la cour de:

- débouter l'appelante de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

- confirmer le jugement attaqué en toutes ses dispositions,

- condamner Mme [W] au paiement de la somme de 3.500 € au bénéfice des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux entiers dépens, en ce compris les frais d'expertise.

Ils rappellent que tant dans le compromis que dans l'acte de vente définitif, Mme [W] a expressément précisé que l'immeuble acquis avait été construit et achevé dans sa totalité depuis plus de 10 ans et qu'aucune construction ou rénovation n'avait été effectuée dans les dix dernières années, que toutefois quelques semaines après la vente définitive du bien, à savoir en février 2011, ils ont eu à subir une situation désastreuse d'inondations de leur villa, par l'intérieur, le sous-sol plus exactement.

Ils relatent qu'interrogée sur ce point, Mme [W] leur a confirmé par mail du 29 mars 2011 avoir entrepris des travaux à la fin de l'année 2002, soit moins de dix ans avant la vente du sous-sol litigieux et avoir rencontré à plusieurs reprises des inondations de 45 cm, 10 cm ou encore 20 cm dans ce sous-sol présenté par elle aux acquéreurs comme destiné à une chambre d'enfant.

Ils soulignent que le compromis et l'acte de vente sont totalement muets sur de telles informations, que la situation de statut inondable du site en l'espèce n'a pas pour conséquence qu'un bien puisse s'inonder par lui-même en son sous-sol et qu'un voisin direct de l'appelante, aujourd'hui intervenant volontaire dans le cadre de la présente procédure, l'avait menacée par courrier du 4 novembre 2010, soit avant la signature de l'acte authentique, d'introduire une action pour qu'elle cesse d'inonder sa parcelle.

Ils exposent que le débit abondant des eaux souterraines étant tel, ils ont été contraints de procéder à l'achat de pompes supplémentaires et de mettre en place un système de drainage dans leur sous-sol, occasionnant des dépenses énergétiques importantes et rendant le sous-sol totalement inexploitable.

Ils s'appuient sur les conclusions de l'expert judiciaire qui a mis en évidence que le sous-sol de la villa acquise avait été abaissé et donc décaissé de 0,415 m de hauteur, que face aux constatations de travaux d'affouillement ainsi réalisés, Mme [W] a fait le choix de ne plus se manifester lors des opérations expertales jusqu'au dernier accédit.

Ils font valoir que:

- l'expert relève que les travaux ont été entrepris du sous-sol à l'étage dès l'achat de la villa fin 2002 par Mme [W],

- la date des venues d'eau au sous-sol de la maison est antérieure à leur acquisition, ce que l'appelante avait au demeurant reconnu dans son mail du 29 mars 2011,

- selon l'expert, les inondations récurrentes du vide sanitaire de leur villa résultent des travaux d'affouillement de son sol sur 45 cm de profondeur, vérifiés par sondage,

- le niveau de la villa situé sur le rez de jardin n'a certes pas été identifié dans l'acte d'acquisition en date du 22 décembre 2010 mais l'expert relève qu'il ne convient pas d'occulter les caractéristiques d'habitation de cette parcelle, que de telles inondations récurrentes génère une atmosphère humide du bâtiment compte tenu l'obligation de vider continuellement l'eau envahissant le vide sanitaire et le bâtiment est fragilisé du fait du décaissement entrepris,

- les travaux d'excavation entrepris par l'appelante ont impact sur la villa dans son entier,

- la demande de contre-expertise ne peut qu'être rejetée, Mme [W] ayant fait le choix de ne plus participer aux opérations menées par M. [T].

Mme [B] [Z] épouse [F] et M. [R] [Z], dans leurs dernières conclusions déposées et notifiées le 25 octobre 2019, demandent à la cour de:

- débouter l'appelante de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- confirmer dans toutes ses dispositions en ce qu'elles concernent Mme [B] [F] et M. [R] [Z] le jugement dont appel rendu le 4 avril 2019 sauf que la somme de 35.800 € hors taxe ( valeur novembre 2014) TVA au taux en vigueur en sus, correspondant au coût des travaux détaillés dans le devis de la société COMBAT, devra être indexé à la date du prononcé de l'arrêt à intervenir sur la variation de l'indice national du bâtiment,

Et, y ajoutant,

- condamner Mme [S] [W] à payer la somme de 4.000 € d'indemnité dau titre de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles exposés par Mme [F] et M. [Z] en cause d'appel ainsi que les entiers dépens, en ce compris les frais d'expertise.

Ils concluent au bien fondé de leur intervention volontaire dans le cadre de la présente procédure et à leur qualité à agir, qu'en effet, dès le mois de novembre 2010, ils ont alerté Mme [W] sur l'évacuation de ses eaux souterraines dans le jardin de leur propre villa, que de nouvelles inondations provenant du sous-sol du bien acquis par les consorts [Y] se sont produites et ont fait l'objet d'un constat d'huissier dressé le 12 novembre 2012 et qu'enfin, ils communiquent l'attestation notarié dressé le 21 novembre 1992 suite au décès de leur père et qui constitue leur titre de propriété.

Sur le fond, ils recherchent la responsabilité délictuelle de Mme [W] dès lors qu'il résulte des conclusions de l'expert que le préjudice qu'ils subissent résulte des travaux entrepris sans autorisation par Mme [W], eu égard au décaissement du sol sur près de 45 cm de hauteur dans le vide sanitaire du lot n° 56 actuellement propriété [Y] et ayant pour conséquence directe des inondations récurrentes non seulement de ladite propriété mais également de la leur, de par l'écoulement naturel des eaux sur les parcelles mitoyennes

Ils soutiennent que la faute commise par l'appelante est avérée, au regard des investigations de M. [T], de son propre mail en date du 29 mars 2011 par lequel elle reconnaît avoir entrepris des travaux au sous-sol dès l'année 2002 ainsi que des attestations qui sont produites.

Ils concluent à l'existence certaine d'un lien de causalité, que l'affouillement qu'elle a pratiqué sur près de 45 cm de profondeur a eu pour effet premier de permettre à la nappe phréatique de s'évacuer librement en dehors du sous-sol, pour se déverser notamment sur les propriétés voisines, un tel affouillement réalisé en une zone que Mme [W] qualifie elle-même d'inondable relevant de l'inconscience la plus totale.

Ils insistent sur la réparation de leurs préjudices, qu'il convient à ce titre de retenir le montant du devis validé par l'expert pour les travaux rendus indispensables du fait des dommages causés, outre le coût d'achat de la pompe de relevage, étant précisé qu'ils renoncent aux demandes formulées devant le premier juge tendant à être indemnisés de la perte de loyer et des frais d'agence pour la recherche d'un nouveau locataire.

Le syndicat des copropriétaires de l'immeuble LES GRILLONS, représenté par son syndic en exercice la SARL HERACL'IMMO, dans ses dernières conclusions déposées et signifiées le 4 février 2022, demande à la cour de:

- confirmer le jugement déféré sauf en ce qu'il a débouté le syndicat des copropriétaires de l'immeuble LES GRILLONS de sa demande de condamnation de tout succombant au paiement d'une indemnité au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- constater qu'aucune demande de condamnation n'est formulée par les époux [Y] à l'endroit du syndicat des copropriétaires de l'immeuble LES GRILLONS,

- prendre acte de ce que le syndicat des copropriétaires de l'immeuble LES GRILLONS s'en rapporte à justice sur les demandes des époux [Y],

Et statuant à nouveau,

- condamner tout succombant à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble LES GRILLONS une indemnité de 2.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner tout succombant aux dépens.

Il constate qu'au regard des opérations expertales, le sol des pièces utilisées sous le rez-de-chaussée de la villa acquise par les époux [Y] a été décaissé, que les inondations récurrentes résultent des travaux d'affouillement qui ont été effectués et ce, sans aucune autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires alors qu'il s'agit pourtant d'un acte d'appropriation d'une partie commune.

La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 8 février 2022.

MOTIFS

En cause d'appel, les dispositions du jugement entrepris ayant rejeté la fin de non recevoir tirée de la prescription de l'action en garantie des vices cachés ne font l'objet d'aucune discussion par les parties et seront en conséquence purement et simplement confirmées.

Sur la garantie des vices cachés

Selon l'article 1641 du code civil , le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix s'il les avait connus.

La notion de vice caché suppose la démonstration de l'existence d'un défaut grave inhérent à la chose vendue, compromettant son usage et antérieur à la vente.

L'article 1642 du code civil dispose par ailleurs que le vendeur n'est pas tenu des vices apparents et dont l'acheteur a pu se convaincre lui-même.

Les parties sont en l'état d'un acte authentique en date du 22 décembre 2010 en vertu duquel M. [C] [Y] et Mme [I] [D] épouse [Y] ont acquis de Mme [S] [W], sur la commune de [Localité 6] dans un ensemble immobilier soumis au statut de la copropriété, moyennant un prix de vente de 330.000€, les biens suivants:

- lot n° 56 à savoir une villa, portant le numéro 3 au plan élevée d'un étage sur rez-de-jardin,

- lot n° 85 consistant en un parking extérieur portant le numéro 29 au plan,

- lot n° 88 consistant également en un parking extérieur portant le numéro 32 au plan.

L'acte de vente comporte la clause d'exclusion insérée en page 15 et rédigée en ces termes ' L'acquéreur, sauf à tenir compte de ce qui peut être indiqué par ailleurs prendra le bien vendu dans l'état où il se trouvera le jour de l'entrée en jouissance sans aucune garantie de la part du vendeur, pour raison:

- soit de l'état des constructions, de leurs vices mêmes cachés, sous réserve des dispositions législatives ou réglementaires contraires analysées le cas échéant ci-après,

- soit de l'état du sol et du sous-sol à raison de fouilles ou excavations qui auraient pu être pratiquées sous le bien, de mitoyenneté, d'erreur ou d'omission, dans la désignation qui précède,

- soit même de l'état de l'immeuble vendu notamment concernant les termites dans la mesure où les prescriptions de la loi du 8 juin 1999 sont respectées,

- soit même de la surface du terrain d'assiette de l'immeuble, la différence en plus ou moins s'il en existe, entre la contenance sus-indiquée et celle réelle, excédât-elle un/ vingtième, devant faire le profit ou la perte de l'acquéreur, sans aucun recours contre le vendeur à ce sujet'

Une telle clause ne peut, cependant, recevoir application qu'à condition que le vendeur ne soit pas de mauvaise foi lui-même, en ayant eu connaissance du vice affectant la chose et en se gardant d'en avertir son cocontractant.

Mme [W] ne peut, en premier lieu, soutenir que les consorts [Y] sont irrecevables à solliciter la mise en jeu de la garantie des vices cachés aux motifs que le sous-sol n'apparaît pas dans la désignation du bien vendu, de sorte qu'elle ne saurait garantir un espace qui équivaut à un ' néant'. Un tel moyen est inopérant dès lors que les pièces sous le jardins existaient au moment de la cession, avaient été aménagées, l'expert ayant relevé qu'elles ' étaient pourvues de doublage des murs périphériques en placoplâtre, d'un convecteur électrique de chauffage, d'une VMC et de prises de courant électrique ' et étaient accessibles par un escalier carrelé. En outre, les inondations répétées affectant ce sous-sol, quelle que soit sa destination, affectent la villa en son entier.

Sur le fond, les époux [Y], qui ont pris possession de leur bien immobilier le 22 décembre 2010,ont déploré dès le mois de février 2011, soit quelques semaines plus tard, la survenance de venues d'eau répétées en provenance du sous-sol.

Alertée sur ces désordres, Mme [W] écrivait, le 29 mars 2011, un courriel aux époux [Y] relatant que ' Nous avons acheté cette maison en fin d'année 2002. Nous avons entrepris des travaux du sous-sol à l'étage aussitôt. C'est en rentrant d'un week-end, environ deux ans plus tard, que nous avons constaté de l'eau dans le sous-sol. Il y avait environ 45 cm d'eau au-dessus du carrelage. Nous avons recherché d'éventuelles fuites sans succès et avons fait appel aux pompiers de [Localité 6]. Ces derniers nous ont dit que le quartier était dans une zone inondable (...) Ils nous ont conseillé de réaliser un trou et d'y installer une pompe de cave. Ce que nous avons fait. On nous a aussi conseillé de réaliser des rigoles en périphérie de tous les murs pour diriger l'eau directement dans le trou de la pompe et éviter de mouiller l'ensemble du carrelage. Ce que nous avons fait (...) Nous avons eu en 6 ans, 2 montées des deux maximum d'environ 10 et 25 cm au-dessus du carrelage(...) Nous avons installé les dalles sur plots pour l'exploitation du sous-sol par l'exploitation du sous-sol car il est arrivé que par de très fortes pluies, l'eau déborde des rigoles (....)'.

Aux termes de son rapport d'expertise, M. [T], qui a mené ses opérations au contradictoire des parties, en procédant à une analyse objective des données de fait de la cause ainsi qu'à une étude complète et détaillée des différents chefs de mission qui lui étaient confiés, a confirmé l'existence de venues d'eau au niveau des pièces sous le niveau du rez-de-jardin de la villa des époux [Y] ( sous-sol) atteignant 25 cm le 9 novembre 2011 alors que trois pompes de relevage étaient en fonctionnement. Il précise que le doublage type placoplâtre des murs périphériques des deux pièces est totalement endommagé par des traces d'infiltrations, d'humidité, de moisissure et que les relevés d'humidité réalisées à l'aide d'un humiditest, ont révélé des lectures maximales.

A l'issue de ces investigations, il conclut que:

- ces inondations récurrentes du vide sanitaire de la villa des époux [Y] résultent sans ambiguïté des travaux d'affouillement de son sol, sur 45 cm de profondeur ( vérifié par sondage), en ce que cet affouillement a permis aux eaux souterraines en provenance soit d'une nappe phréatique, soit d'une veine d'eau, de se rapprocher du sol du vide sanitaire décaissé, qui lors des chutes de pluie, rejaillissent dans ledit vide sanitaire,

- la date des venues d'eau des pièces situées au rez-de-chaussée de ladite villa est antérieure à la vente du bien immobilier par Mme [W] aux époux [Y],

- le préjudice des époux [Y] résulte en conséquence:

* des inondations récurrentes de leur sous-sol générant une atmosphère humide du bâtiment, notamment au niveau des pièces du rez-de-jardin,

* de l'obligation de vider continuellement l'eau envahissant ledit vide sanitaire au moyen de pompes, sous peine de montée du niveau de cette eau,

* d'un surcoût évident de consommation électrique, du fait de l'usage obligatoire des pompes,

* du décaissement des fondations de leur bâtiment, d'autant que l'eau jaillit à leur niveau, fragilisant ledit bâtiment et pouvant être à l'origine, dans l'avenir, d'une déstabilisation et donc de fissuration de la structure.

Par ailleurs, l'expert, interrogé sur ce point, précise que s'il existe effectivement une nappe phréatique dans le sol situé sous la villa [Y] , la cause des inondations résident dans le décaissement du sol de cette partie du bâtiment qui a rapproché le niveau de la nappe phréatique ou veine d'eau du sol décaissé, qui lors de chutes de pluie augmente en volume, provoquant un rejaillissement des eaux souterraines dans le sous-sol. Il a ainsi exclu que les inondations proviennent de la situation naturelle des lieux.

En conséquence, l'hypothèse avancée par Mme [W] en se prévalant du rapport d'étude du Cabinet VERNET EXPERTISE, à savoir que les désordres ont pour origine l'existence d'une nappe phréatique sous la villa et l'évolution exceptionnelle de celle-ci en cas d'épisodes de fortes pluies, a été expressément écartée par l'expert judiciaire, étant précisé que l'étude et l'avis de ce Cabinet lui ont été soumis et ont fait l'objet d'une réponse précise, technique et étayée de sa part.

Le vice préexistait incontestablement à la vente et c'est en vain que Mme [W] prétend que celui-ci présentait un caractère apparent pour les consorts [Y].

En effet, le vice caché est celui dont l'acheteur, profane, n'a pu se convaincre par un examen ne présentant pas de difficulté particulière, qu'en effet n'ayant pas la compétence technique d'un professionnel, il n'a à se livrer qu'à un examen élémentaire, normalement attentif de la chose, sans avoir procédé à des investigations très approfondies. Ainsi le fait que M. et Mme [Y] aient visité le sous-sol avant leur acquisition est parfaitement inopérant, en ce qu'ils n'ont pas pu prendre connaissance de l'existence des désordres et de leur origine qui n'ont été révélés que par les investigations de l'expert et notamment suite à la réalisation de sondages. L'information donnée par la venderesse selon laquelle le bien est situé en zone inondable est indifférente dès lors que les désordres trouvent leur origine dans le décaissement des fondations du bâtiment.

Enfin, ces inondations sont incontestablement de nature à compromettre l'usage du bien, non seulement par leur importance et leur récurrence mais également en ce qu'elles fragilisent le bâtiment dans son ensemble.

Il s'agit bien en conséquence d'un vice caché au sens de l'article 1641 du code civil.

Par ailleurs, Mme [W] avait connaissance parfaitement de tels désordres ainsi qu'il en résulte de son courriel en date du 29 mars 2011 aux termes duquel elle reconnaît:

- avoir entrepris des travaux du sous-sol à l'étage dès son acquisition en 2002 et avoir constaté deux ans après la présence de venues d'eau dans le sous-sol,

- avoir tenté de remédier à ces venues d'eau en réalisant un trou dans le sol afin d'y installer une pompe de relevage, avoir créé des rigoles pour diriger les eaux et installé des dalles sur plots pour surélever le niveau du sol au-dessus des venues d'eau,

- avoir constaté la présence, a minima, de deux autres phénomènes d'inondations depuis lors de forts épisodes pluvieux.

Force est de constater que de telles informations n'ont pas été délivrées aux acquéreurs, le compromis et l'acte de vente étant muets sur ce point, que Mme [W] n'a pas indiqué aux époux [Y] qu'elle subissait des inondations dans le sous-sol de son bien depuis près de huit ans, ni avoir tenté d'y remédier par divers travaux, peu importe que ces derniers s'inscrivent ou non dans le cadre des dispositions de l'article 1792 du code civil, en ce que le simple fait d'effectuer ces multiples réparations démontrent à l'évidence qu'elle était parfaitement consciente de ces venues d'eau récurrentes ainsi qu'il en ressort des attestations de Mme [X], voisine, et des consorts [F]-[Z] dénonçant des écoulements d'eau permanents en provenance de la villa [W] .

L'application de la clause exonératoire de garantie des vices cachés contenue dans l'acte de vente doit être écartée compte tenu de la mauvaise foi de Mme [W] qui avait connaissance du vice affectant la villa qu'elle a vendue.

En vertu de l'article 1644 du code civil, dans les cas des articles 1641 et 1643, l'acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix.

En l'espèce, les époux [Y] sollicitent la condamnation de Mme [W] au paiement de la somme de 85.580 € correspondant au montant des travaux nécessaires à la mise hors d'eau de leur bien, telle que chiffrée par l'expert judiciaire.

L'appelante considère que ce devis de la société COMOBAT est excessif, présente de multiples incohérences et émane d'une entreprise déporuvue de tout sérieux qui d'ailleurs n'a plus d'existence juridique.

Elle se prévaut de deux autres devis oscillant entre 5.200 € et 6.400 € qui ne peuvent être retenus en ce qu'ils ne correspondent absolument pas aux prescriptions de l'expert judiciaire.

En outre, M. [T] a répondu à un dire du conseil de Mme [W] sur les solutions à mettre en oeuvre pour remédier aux désordres, rejetant l'alternative proposée par le cabinet VERNET EXPERTISE, à savoir la seule réalisation d'un seule cuvelage, insuffisante pour la remise en état du sous-sol, rappelant la nécessité de réaliser un radier destiné à rattraper le niveau originel et consolider les fondations du bâtiment qui ont été décaissées intérieurement, d'hydrofuger ledit raider, d'étancher les parois et drainer les venues d'eau.

Or, sur ce point, Mme [W] conteste l'évaluation par l'expert sans apporter de nouvel élément technique contraire.

L'action estimatoire permettant de replacer l'acheteur dans la situation où il se serait trouvé si la chose vendue n'était pas atteinte de vices, les époux [Y] sont fondés à demander le montant des travaux nécessaires pour remédier aux vices.

Le jugement querellé en ce qu'il a condamné Mme [W] à verser à ces derniers la somme de 85.580 € à ce titre sera confirmé.

En cause d'appel, les consorts [Y] ont renoncé au surplus de leurs demandes indemnitaires au titre de la réparation des autres préjudices.

Sur les demandes de Mme [B] [F] et M. [R] [Z]

Ces derniers recherchent la responsabilité de l'appelante, au visa de l'article 1382 du code civil, au titre des préjudices qu'ils subissent résultant des inondations survenues sur leur propriété et provenant da la villa mitoyenne appartenant aujourd'hui aux époux [Y].

Mme [W] leur oppose en premier lieu l'irrecevabilité de leurs demandes pour défaut de droit d'agir aux motifs qu'à la date de constat des désordres, elle n'était plus ni propriétaire, ni gardienne du bien litigieux et qu'elle n' était gardienne ni de l'eau s'étant infiltrée dans leur sous-sol, ni de la nappe phréatique située sous leur immeuble.

Celle-ci opère une confusion manifeste entre la recevabilité de l'action et son bien fondé.

En effet, le droit d'agir des consorts [F]-[Z] apparaît dans leur prétention relative à la réparation de leurs préjudices provenant des inondations survenues dans le sous-sol de la villa voisine dont ils soutiennent qu'elles ont pour origine les travaux réalisés par l'appelante avant qu'elle ne cède son bien.

En conséquence, le défaut de droit agir invoqué par Mme [W] en ce que sa responsabilité ne saurait être engagée n'est pas une condition préalable à l'action engagée mais une condition de son succès et ne constitue donc pas une fin de non recevoir.

Par courrier recommandé en date du 4 novembre 2010, soit avant l'intervention de la vente au profit de M. et Mme [Y], les consorts [F]-[Z] se sont plaints auprès de Mme [W] en ces termes ' Vous avez pris la liberté ( une fois encore) d'évacuer vos eaux souterraines dans le jardin de mon père ( décédé) (...) Si des excédents d'eau, conséquences des travaux personnels qu vous avez entrepris il y a quelques années vous causent encore et toujours des problèmes, vous êtes priés de les garder chez vous et de les traiter sous votre toit et dans votre périmètre (....) ';

Le 12 novembre 2012, ils ont fait dresser un constat d'huissier mettant en évidence que toute la superficie du sous-sol de leur villa était inondée, le niveau d'eau atteignant 5 cm.

Les opérations d'expertise ont permis d'établir que les travaux de décaissement du sol sur près de 45 cm de hauteur dans le vide sanitaire du lot n° 56, actuellement propriété des époux [Y], ont eu pour conséquences directes des inondations récurrentes, non seulement au sein de cette propriété, mais également, de par l'écoulement naturel des eaux, sur les parcelles mitoyennes, en l'occurrence sur celle des consorts [F]-[Z].

Mme [W] conteste avoir effectué des travaux de décaissement, affirmant n'avoir fait qu'aménager le sous-sol.

Si effectivement il n'a pas été possible techniquement de dater avec précision le décaissement, il n'en demeure pas moins que:

- la date d'apparition des inondations se situe dans la période où elle a été propriétaire de la villa, puisqu'elle a écrit aux époux [Y] le 29 mars 2011 avoir constaté environ deux ans après son acquisition, de l'eau dans le sous-sol et plus précisément 45 cm d'eau au-dessus du carrelage,

- dans ce même courrier du 29 mars 2011, elle reconnaît avoir entrepris des travaux dans cette partie du bâtiment puisqu'elle relate avoir effectué des travaux du sous-sol à l'étage dès l'achat de la villa en 2002 et avoir également, à la suite des venues d'eau dans le sous-sol, avoir fait creuser un trou pour y installer une pompe cave, ce qui n'a pas empêché d'autres inondations ( elle admet, a minima, deux autres épisodes d'inondation),

- Mme [A] et Mme [G], voisines, attestent avoir constaté, depuis l'arrivée de Mme [W], des écoulements d'eau sur le parking et en provenance de son lot,

- M. [U], auteur de Mme [W], a contesté avoir réalisé un tel décaissement, précisant que lorsqu'il était propriétaire de la villa, le sous-sol avait une hauteur de 1,90 m maximum, était en réalité un vide sanitaire et qu'il y avait peu d'humidité au sol ( brut béton) 1 mm,

- M. [U] a réitéré ses propos, lors du dernier accedit organisé par l'expert [T] le 28 juin 2014, auquel Mme [W] , pourtant dûment convoquée, n'était ni présente, ni représentée,

- les anciens locataires de M. [U] qui ont occupé les lieux entre 1989 et 1995 confirment n'avoir jamais constaté d'infiltrations dans le sous sol, que celui-ci était à 'hauteur d'homme' et qu'aucun travaux de transformation des lieux n'avait été effectué par le propriétaire.

Il est établi, au regard de ces éléments, que le décaissement a été réalisé alors que Mme [W] était propriétaire de sa villa, à savoir entre 2002 et 2010.

Comme l'explique l'expert, ce décaissement du vide sanitaire sur une profondeur de 45 cm a généré une désorganisation du sol originel avec rapprochement des eaux souterraines du niveau de ce sol, qui lors de chutes de pluie, permet aux eaux de rejaillir de le vide sanitaire.

Dans une zone inondable, l'affouillement tel qu'il a été pratiqué par Mme [W] a eu pour effet premier de permettre à la nappe phréatique de s'évacuer librement en dehors du sous-sol, pour se déverser notamment sur les propriétés voisines.

Il convient de rappeler que M. [T] a confirmé que les inondations ne provenaient pas de la situation naturelle des lieux et n'a retenu qu'une seule cause à l'origine de tels désordres, à savoir l'affouillement intempestif du sol.

Ces travaux de décaissement imputables à Mme [W] sont constitutifs d'une faute ayant directement entraîné les venues d'eau dans le sous-sol de la villa mitoyenne, propriété des consorts [F]-[Z].

Ces derniers sont donc fondés à solliciter la réparation de leurs préjudices, étant souligné que:

- la circonstance que les venues d'eau n'atteignent que le sous-sol de la maison voisine est parfaitement inopérante, un vide-sanitaire n'ayant pas fonction d'être le siège d'inondations,

- un vide sanitaire mal isolé, en proie à des inondations récurrentes, emporte des conséquences pour l'immeuble en son entier ( remontées d'humidité, moisissures, perte de chaleur) et donc à l'ensemble de l'habitation ainsi que ses occupants qui n'ont pas vocation à vivre dans une telle atmosphère,

- le sous-sol de la villa [E] n'a pas été pris en compte bien que contigu à celui de la villa [F]-[Z], Mme [E] n'ayant pas souhaité se joindre à la présente procédure, l'expert ayant d'ailleurs émis toutes réserves quant à l'absence de travaux dans le sous-sol de cette villa, qui plus est alors que les sous-sols des autres villas mitoyennes seront traités.

Afin de mettre un terme aux infiltrations, M. [T] préconise la réalisation d'une étanchéité du sol et des murs sur une hauteur d'un mètre et le drainage des venues d'eau ainsi qu'un colmatage définitif après étanchéité. Ces travaux ont été évalués à la somme de 35.800 € HT, Mme [W] n'apportant aucun élément technique contraire tant sur la nature de tels travaux, que sur leur coût, étant précisé que son conseil n'a formulé aucune observation particulière sur ce point, suite au dépôt du pré-rapport. Elle sera donc condamnée au paiement de cette somme outre le coût d'acquisition de la pompe de relevage conformément à la facture d'achat de SERENITY SERVICES du 29 décembre 2014, soit 429 €.

En cause d'appel, les consorts [F]-[Z] ne formulent aucune demande ni au titre de leur trouble de jouissance, ni au titre de leur préjudice moral.

La demande subsidiaire présentée par Mme [W] d'organisation d'une nouvelle mesure d'expertise ne peut qu'entrer en voie de rejet, la cour n'ayant besoin d'aucun éclairage complémentaire.

Le jugement déféré sera donc confirmé sauf à préciser que la somme de 35.800 € HT, sera indexée en fonction de l'indice BT 01 entre novembre 2014 et le jour du prononcé du présent arrêt.

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

Vu l'article 696 du code de procédure civile,

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Grasse déféré sauf à préciser que la somme de 35.800 € HT, sera indexée en fonction de l'indice BT 01 entre novembre 2014 et le jour du prononcé du présent arrêt,

Y ajoutant,

Condamne Mme [S] [W] à payer, sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel, les sommes de:

- 2.500 € à M. [C] [Y] et Mme [M] [Y] née [D],

- 2.500 € à Mme [B] [Z] épouse [F] et M. [R] [Z],

- 1.000 € au syndicat des copropriétaires de l'immeuble LE GRILLON,

Condamne Mme [S] [W] aux dépens de la procédure d'appel, qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Le greffier Le conseiller pour le président empêché


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-5
Numéro d'arrêt : 19/07292
Date de la décision : 01/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-01;19.07292 ?
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