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22/11/2022 | FRANCE | N°19/18169

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 2-2, 22 novembre 2022, 19/18169


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 2-2



ARRÊT AU FOND

DU 22 NOVEMBRE 2022



N°2022/367











Rôle N° RG 19/18169 N° Portalis DBVB-V-B7D-

BFHA3





[N] [U]



C/



PROCUREUR GENERAL

























Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Kiymet ANT



MINISTERE PUBLIC





Décision déférée à la Cour :r>


Jugement du Tribunal de Grande Instance de marseille en date du 02 mai 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 18/04716



APPELANTE



Madame [N] [U]

née le 28 septembre 1999 à [Localité 3]

demeurant [Adresse 1]



représentée par Me Alain COUDERC de la SCP COUDERC - ZOUINE, avocat au barreau de LY...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 2-2

ARRÊT AU FOND

DU 22 NOVEMBRE 2022

N°2022/367

Rôle N° RG 19/18169 N° Portalis DBVB-V-B7D-

BFHA3

[N] [U]

C/

PROCUREUR GENERAL

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Kiymet ANT

MINISTERE PUBLIC

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de marseille en date du 02 mai 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 18/04716

APPELANTE

Madame [N] [U]

née le 28 septembre 1999 à [Localité 3]

demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Alain COUDERC de la SCP COUDERC - ZOUINE, avocat au barreau de LYON, Me Kiymet ANT, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIME

PROCUREUR GENERAL

[Adresse 2]

comparant en la personne de M. Thierry VILLARDO, Avocat général

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 septembre 2022, en chambre du conseil, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Marc BAÏSSUS, Président Rapporteur, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Jean-Marc BAÏSSUS, Président

Madame Michèle CUTAJAR, Conseiller

Madame Hélène PERRET, Conseiller

Greffier présent lors des débats : Madame Jessica FREITAS.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 22 novembre 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 22 novembre 2022,

Signé par Monsieur Jean-Marc BAÏSSUS, Président et Madame Jessica FREITAS greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Le 24 novembre 2010, le directeur des services de greffe judiciaire du tribunal d'instance de Marseille a délivré un certificat de nationalité francaise au profit de Madame [N] [U], sur le fondement de l'article 18 du code civil en raison de son lien de filiation à l'égard d'une mère elle-même francaise, Madame [Z] [S].

Par exploit d'huissier de justice en date du 23 février 2018, le procureur de la République du tribunal judiciaire de Marseille a fait assigner 1'intéressée aux fins de voir juger que ce certificat lui a été délivré à tort et qu'elle n'est pas francaise.

Par jugement en date du 2 mai 2019, le tribunal a jugé que c'est à tort que le certificat litigieux a été délivré à l'intéressée et il a constaté son extranéité.

Par déclaration en date du 28 novembre 2019, Madame [N] [U] a interjeté appel de la décision.

Les formalités de l'article 1043 du code de procédure civile ont été remplies et récépissé a été délivré le 18 mars 2020.

Dans le dernier état de ses conclusions, enregistrées le 18 janvier 2022, et auxquelles il est expressément fait renvoi pour un exposé plus ample de ses moyens et prétentions, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, Mme [U] demande à la cour de:

- réformer le jugement du Tribunal de Grande Instance de Marseille dont appel en ce qu'il a :

- dit que c'est à tort que le directeur de Greffe du Tribunal d'Instance de Marseille a délivré à [N] [U] un certificat de nationalité française,

- constaté l'extranéité de [N] [U],

- ordonné la mention prévue par l'article 28 du Code Civil concernant cette extranéité,

- condamné Madame [N] [U] aux dépens.

- rejeter l'intégralité des demandes du Ministère Public,

- dire que [N] [U] née le 28 septembre 1999 à [Localité 3] est de

nationalité française,

- dire que c'est à raison que le Greffe du Tribunal d'Instance de Marseille a délivré à [N]

[U] un certificat de nationalité française,

- ordonner la mention prévue par l'article 28 du Code Civil,

- condamner le Ministère Public aux dépens.

Dans le dernier état de ses conclusions, enregistrées le 23 septembre 2022, et auxquelles il est expressément fait renvoi pour un exposé plus ample de ses moyens et prétentions, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, le Ministère Public demande à la cour de :

- constater que le récepissé prévu par l'article 1043 du code de procedure civile a été délivré,

- confirmer le jugement rendu le 2 mai 2019 par le tribunal judiciaire de Marseille,

- dire que le certificat de nationalité francaise, n°2697/2010, délivré par le greffier en chef du tribunal d'instance de Marseille, le 24 novembre 2010, l'a été à tort,

- dire que Madame [N] [U], se disant née le 28 septembre 1999 à Mitsoudjeb (COMORES) n'est pas de nationalité francaise,

- ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 26 septembre 2022.

MOTIFS

Sur la régularité de la procédure

Aux termes de l'article 1043 du code de procédure civile, dans toutes les instances où s'élève à titre principal ou incident une contestation sur la nationalité, une copie de l'assignation est déposée au ministère de la justice qui en delivre récépissé. En l'espèce, le ministère de la justice a délivré ce récépissé le 20 août 2019. La condition de l'article 1043 du code de procédure civile est ainsi respectée. La procédure est donc régulière.

Sur l'action déclaratoire de nationalité francaise

En application de l'article 30 alinéa l du code civil, la charge de la preuve en matière de nationalité incombe à celui qui revendique la qualité de Français lorsqu'il n'est pas déjà titulaire d'un certificat de nationalité délivré à son nom conformément aux dispositions des articles 31 et suivants du même code.

Mme [N] [U] disposant d'un certificat de nationalité française délivré le 24 novembre 2020, c'est au ministère public qu'incombe la charge de la preuve de l'extranéité de l'appelante.

La mise en oeuvre de l'article 18 du code civil suppose rapportée la preuve d'un lien de filiation

légalement établi à l'égard d'un parent francais, par la production d'actes d'état civil probants, au sens de l'article 47 du code civil, selon lequel tout acte de 1'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité.

Madame [N] [U] se prévaut de la nationalité française de celle qu'elle présente comme étant sa mère, Madame [Z] [S], née le 18 février 1975 à [Localité 4] (Comores), laquelle est française sur le fondement de 1'article 84 du Code de la nationalité francaise, par l'effet de la déclaration souscrite par M. [J] [S] né en 1939 à [Localité 4] (COMORES), son père déclaré, en date du 19 août 1977 devant le juge d'instance de Saint-Paul (La Réunion) en application de l'article 10 de la loi du 3 juillet 1975.

Le certificat de nationalité française litigieux a été délivré à Madame [N] [U] sur

présentation de son acte de naissance étranger portant le n°120 et dressé le 20 juin 2009 sur le registre du centre d'état civil de la commune de [Localité 3] en execution du jugement supplétif de naissance rendu le 17 avril 2009 par le Tribunal de Cadi de Hambou.

Il incombe donc au ministère public de rapporter la preuve que Mme [N] [U] ne dispose pas d'un état civil fiable, mettant ainsi en cause le lien de filiation établi à l'égard de sa mère, et ce, durant le temps de sa minorité, au moyen d'actes de l'état civil établis conformément aux dispositions de l'artic1e 47 du code civil. Aux termes de ce dernier texte, tout acte de 1'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de1'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégu1ier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité.

Néanmoins, malgré l'abrogation de l'ordonnance de la Marine d'août 1681, la formalité de la légalisation des actes de l'état civil établis par une autorité étrangère et destinés à être produits en France demeure obligatoire, selon la coutume internationale, et sauf convention contraire. Or, dans les rapports entre la France et 1'Union des Comores, aucune convention dispensant les actes d'état civil comoriens de légalisation n'a été conclue.

Pour qu'un acte d'état civil comorien puisse satisfaire aux exigences de la légalisation, celle-ci doit porter sur la signature de l'officier d'état civil qui a délivré la copie de l'acte de naissance, ou sur la signature des juge et greffiers, pour un jugement. Qui plus est, cette légalisation doit obligatoirement émaner soit du consul général de France aux Comores, soit du consul des Comores en France.

Force est de constater que l'appelante ne se prévaut pas des documents initialement présentés pour obtenir la délivrance d'un certificat de nationalité française, en raison des défauts de légalisation. C'est en effet sur la base de nouvelles copies de ces pièces qu'elle fonde son appel.

Cependant, ces nouvelles pièces ne sont pas légalisées par le consul général de France aux Comores, ou par le consul des Comores en France. Tel est le cas de la copie conforme délivrée le 6 août 2021 du jugement supplétif de naissance du 17 avril 2009, qui ne comporte que les cachets et signatures du premier conseiller de l'ambassade des Comores en France et du chef de chancellerie du ministère des affaires étrangères comorien. Tel est également le cas de la copie intégrale d'acte de naissance délivrée le 19 mars 2021, laquelle ne comporte que les cachets et signatures du premier conseiller de l'ambassade des Comores en France et du chef de chancellerie du ministère des affaires étrangères comorien et du parquet du tribunal de première instance de Moroni.

Faute de légalisation régulière, les pièces sur lesquelles a été basé le certificat de nationalité litigieux ne font pas la preuve d'un état civil permettant d'assurer la chaîne de filiation entre Mme [N] [U] et Mme [Z] [S].

Mme [N] [U] ne peut donc revendiquer la nationalite française.

Sur la mention prévue par l'article 28 du code civil

Aux termes de l'article 28 du code civil, mention sera portée, en marge de l'acte de naissance, des actes administratifs et des déclarations ayant pour effet l'acquisition, la perte de la nationalité française ou la réintegration dans cette nationalité. Il sera fait de même mention de toute première délivrance de certificat de nationalité française et des décisions juridictionnelles ayant trait à cette nationalité.

En conséquence, cette mention sera en l'espèce ordonnée.

Sur les demandes accessoires

Aux termes de l'artic1e 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par decision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. Mme [N] [U], qui succombe, supportera la charge des dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort et par mise à disposition au greffe :

Dit la procédure regulière au regard des dispositions de l'article 1043 du code de procedure civile,

Déboute Mme [N] [U] de l'ensemble de ses demandes,

Juge que Mme [N] [U], se disant née le 28 septembre 1999 à [Localité 3] (Union de Comores) n'est pas de nationalité française,

Ordonne la mention prévue par l'article 28 du code civil,

Condamne Mme [N] [U] aux dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 2-2
Numéro d'arrêt : 19/18169
Date de la décision : 22/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-22;19.18169 ?
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