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22/11/2022 | FRANCE | N°19/12148

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 2-2, 22 novembre 2022, 19/12148


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 2-2



ARRÊT AU FOND

DU 22 NOVEMBRE 2022



N°2022/365











Rôle N° RG 19/12148 -N° Portalis DBVB-V-B7D-

BEVIO





[T] [U]



C/



PROCUREUR GENERAL

























Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Jérôme BARBERIS



MINISTERE PUBLIC





Décision déférée à la

Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de Marseille en date du 20 juin 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 18/05534



APPELANT



Monsieur [T] [U]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2019/011410 du 08/11/2019 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVEN...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 2-2

ARRÊT AU FOND

DU 22 NOVEMBRE 2022

N°2022/365

Rôle N° RG 19/12148 -N° Portalis DBVB-V-B7D-

BEVIO

[T] [U]

C/

PROCUREUR GENERAL

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Jérôme BARBERIS

MINISTERE PUBLIC

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de Marseille en date du 20 juin 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 18/05534

APPELANT

Monsieur [T] [U]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2019/011410 du 08/11/2019 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE)

né le 13 janvier 1995 à [Localité 3], (SÉNÉGAL)

demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Jérôme BARBERIS, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIME

PROCUREUR GENERAL,

Cour d'Appel - [Adresse 4]

comparant en la personne de M. Thierry VILLARDO, Avocat général

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 septembre 2022, en chambre du conseil, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Marc BAÏSSUS, Président Rapporteur, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Jean-Marc BAÏSSUS, Président

Madame Michèle CUTAJAR, Conseiller

Madame Hélène PERRET, Conseiller

Greffier présent lors des débats : Madame Jessica FREITAS.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 22 novembre 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 22 novembre 2022,

Signé par Monsieur Jean-Marc BAÏSSUS, Président et Madame Jessica FREITAS greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Le 27 octobre 2017, M. [T] [U], née le 13 janvier 1995 [Localité 2] (Sénégal), a souscrit une déclaration de nationalité française sur le fondement de l'article 21-13 du code civil, devant le directeur des services de greffe judiciaire du tribunal d'instance de Marseille.

Par décision en date du 2 novembre 2017 notifiée le 23 novembre 2017, M. [T] [U] s'est vu refuser1'enregistrement de la declaration de nationalité francaise ainsi souscrite au motif que la declaration n'a pas été souscrite dans un délai raisonnable soit dix années aprés un jugement définitif ayant constaté son extranéité rendu par le tribunal de grande instance de Paris le 21 décembre 2007 et que la possession d'état dont il se prévaut est équivoque.

Par exploit d'huissier en date du 9 mai 2018, M. [T] [U] a assigné le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Marseille devant ce tribunal aux fins de voir annuler la décision précitée et dire qu'il a acquis la nationalité francaise.

Par jugement du 20 juin 2019, le tribunal de grande instance de Marseille a débouté M. [T] [U] de l'ensemble de ses demandes, et jugé qu'il n'est pas de nationalité francaise.

Par déclaration d'appel enregistrée au greffe de la cour d'appel d'Aix-en-Provence le 24 juillet 2019, M. [T] [U] a interjeté appel de cette décision.

Dans le dernier état de ses conclusions, enregistrées le 18 février 2022, et auxquelles il est expressément fait renvoi pour un exposé plus ample de ses moyens et prétentions, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, M. [U] demande à la cour de:

- juger recevable et bien fondé l'appel de Monsieur [T] [U],

- annuler ou réformer le jugement du 20 juin 2019 du Tribunal de Grande Instance de Marseille en ce qu'ila rejeté toutes les demandes de Monsieur [T] [U],

- annuler ou réformer le jugement du 20 juin 2019 du Tribunal de Grande Instance de Marseille en ce qu'il a rejeté la demande de Monsieur [T] [U] de voir constater qu'il justifie avoir joui de la possession d'état de français de manière constante dans les dix années ayant précédé la déclaration dont l'enregistrement a été refusé le 2 novembre 2017,

- annuler ou réformer le jugement du 20 juin 2019 du Tribunal de Grande Instance de Marseille en ce qu'il a rejeté la demande de Monsieur [T] [U] de dire et juger qu'il a acquis la nationalité française en application de l'article 21-13 du Code civil,

- annuler ou réformer le jugement du 20 juin 2019 du Tribunal de Grande Instance de Marseille en ce qu'il a rejeté la demande d'annulation de la décision du 2 novembre 2017 du Tribunal d'Instance de Marseille,

- annuler ou réformer le jugement du 20 juin 2019 du Tribunal de Grande Instance de Marseille en ce qu'il a rejeté la demande de Monsieur [T] [U] de dire et juger qu'il a droit à la délivrance d'un certificat de nationalité française,

- annuler ou réformer le jugement du 20 juin 2019 du Tribunal de Grande Instance de Marseille en ce qu'il a rejeté la demande de mention prévue par l'article 28 du Code civil,

- constater que Monsieur [T] [U] justifie avoir joui de la possession d'état de français de manière constante dans les dix années ayant précédé la déclaration dont l'enregistrement a été refusé,

- juger que Monsieur [T] [U] a acquis la nationalité française en application de l'article 21-13 du Code civil,

- annuler la décision du 2 novembre 2017 du Tribunal d'Instance (sic) de Marseille,

- juger que Monsieur [T] [U] avait droit à la délivrance d'un certificat de nationalité française,

- ordonner la mention prévue par l'article 28 du Code civil,

- statuer ce que de droit sur les dépens.

Dans le dernier état de ses conclusions, enregistrées le 8 avril 2022, et auxquelles il est expressément fait renvoi pour un exposé plus ample de ses moyens et prétentions, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, le Ministère Public demande à la cour de :

- constater que le récépissé prevu par l'article 1043 du code de procedure civile a été délivré ;

- confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Marseille le 20 juin 2019 ;

- débouter M. [T] [U] de l'ensemble de ses demandes ;

- dire que M. [T] [U], né le 13 janvier 1995 à [Localité 3] (Sénégal), n'est pas de nationalité francaise ;

- ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 septembre 2022.

MOTIFS

Sur la régularité de la procédure

Aux termes de l'article 1043 du code de procédure civile, dans toutes les instances où s'élève à titre principal ou incident une contestation sur la nationalité, une copie de l'assignation est déposée au ministère de la justice qui en delivre récépissé. En l'espèce, le ministère de la justice a délivré ce récépissé le 21 août 2019. La condition de l'article 1043 du code de procédure civile est ainsi respectée. La procédure est donc régulière.

Sur l'action déclaratoire de nationalité francaise

Par jugement contradictoire et définitif en date du 21 décembre 2007, le tribunal de grande instance de Paris a débouté Mme [R] [U] et M. [A] [U], es qualité de représentants légaux de [X] [U], [D] [U] et [T] [U] de leur action déclaratoire de nationalité francaise et dit que ces demiers ne sont pas de nationalité francaise.

Aux termes de l'article 21-13 du code civil, peuvent réclamer la nationalité francaise par déclaration souscrite conformément aux articles 26 et suivants, les personnes qui ont joui, d'une

facon constante, de la possession d'état de Francais, pendant les dix années précédant la déclaration. La possession d'état doit être continue, paisible, publique et non équivoque ainsi que non constituée ou non maintenue par fraude. Elle se caractérise par un faisceau d'éléments échelonnés dans le temps pendant la période de dix ans fixée par l'article 21-13 précité.

En outre, la déclaration doit être souscrite dans un délai raisonnable suivant la connaissance, par l'intéressé, de son extranéité.

En l'occurrence, la période de dix ans à examiner, compte tenu de la demande formée le 27 octobre 2017, est celle qui s'étend du 27 octobre 2007 au 27 octobre 2017.

Depuis le jugement précité du 21 décembre 2007, M. [U] est réputé avoir la connaissance de son extranéité. Le fait qu'il ait été mineur au jour de cette décision est sans incidence, puisqu'il était réprésenté par ses parents en qualité de représentants légaux.

Sur sa situation pendant la période à considérer, M. [T] [U] démontre avoir été scolarisé en France de septembre 2008 à 2010 et de 2011 à 2016, et qu'il a participé en 2012-2013 à la journée de défense et de citoyenneté.

Il produit des cartes électorales prouvant qu'il a voté aux élections du 22 mars 2015 et 27 mai 2017, ainsi que des avis d'imposition sur les revenus de 2015 à 2021.

Les documents d'état civil dont il fait état pour lui-même (carte d'identité du 29 mars 2007 et passeport du 9 mars 2007, transcription de l'acte de naissance du 19 juillet 2000) sont antérieurs au jugement précité du 21 décembre 2007. Ils auraient dès lors dû être restitués ou amendés à compter de l'enregistrement de cette décision, et ne sauraient utilement servir à établir une possession d'état.

Le passeport et la carte d'identité délivrés en mars 2007 mentionnent une adresse au Sénégal, tandis que le jugement du 21 décembre 2007 porte mention d'une adresse au Sénégal pour ses parents. La preuve n'est donc pas rapportée que sur la première année de la période considérée, M. [T] ait eu la moindre possession d'état de français.

Les pièces d'état civil de ses proches parents ont été soit délivrés avant les jugements du 21 décembre 2007 concernant les enfants [D], [X], [Y] et [K], soit avant la transcription de ce jugement le 20 novembre 2008. Leur production encourt la même critique que ci-dessus.

La situation administrative personnelle semble distincte pour les deux autres membres de la fratrie, [H] [U] et [E] [U], tous deux nés en France.

Il soutient n'avoir appris sa situation d'extranéité qu'en mai 2017, à l'occasion du refus de renouvellement de ses pièces d'identité, soit lorsqu'il était âgée de 22 ans. Cette allégation est fort peu crédible, puisque les autres pièces produites aux débats montrent que ses parents ont renouvelé depuis 2007 les démarches en vue de l'obtention de la nationalité française. C'est ainsi que ses père et mère se sont vus notifier respectivement les 11 avril et 7 mai 2014 des jugements d'extranéité (confirmé pour le père par arrêt du 7 avril 2015), que sa mère s'est vue refuser le 4 septembre 2015 l'enregistrement d'une déclaration de nationalité pour absence de possession d'état faute d'une pièce d'identité française, qu'il a été indiqué à son père le 26 août 2016 qu'il ne pouvait se prévaloir de sa nationalité française. L'ensemble de ces démarches montre une volonté déterminée de ses parents d'obtenir la nationalité française, notamment pour leurs enfants, et il est donc peu vraisemblable que l'intéressé ait été tenu complètement à l'écart de cette problématique si importante pour sa famille.

En dernière analyse, la possession d'état de français dont se prévaut M. [T] [U] est équivoque. De plus, pendant la première année de la période considérée en octobre 2007 et septembre 2008, il n'est pas établi qu'il ait résidé en France. Enfin, force est de constater que le requérant a attendu le 27 octobre 2017, soit plus de quatre ans après sa majorité, pour réclamer la nationalité française.

Le jugement dont appel sera donc confirmé.

Sur la mention prévue par l'article 28 du code civil

Aux termes de l'article 28 du code civil, mention sera portée, en marge de l'acte de naissance, des actes administratifs et des déclarations ayant pour effet l'acquisition, la perte de la nationalité française ou la réintegration dans cette nationalité. Il sera fait de même mention de toute première délivrance de certificat de nationalité française et des décisions juridictionnelles ayant trait à cette nationalité.

En conséquence, cette mention sera en l'espèce ordonnée.

Sur les demandes accessoires

M. [T] [U], qui succombe, supportera la charge des dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort et par mise à disposition au greffe :

DIT la procédure regulière au regard des dispositions de l'article 1043 du code de procedure civile,

CONFIRME la décision dont appel

DEBOUTE M. [T] [U] de l'ensemble de ses demandes,

JUGE que M. [T] [U], né le 13 janvier 1995 à [Localité 3] (Sénégal) n'est pas de nationalité française,

ORDONNE la mention prévue par l'article 28 du code civil,

CONDAMNE M. [T] [U] aux dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 2-2
Numéro d'arrêt : 19/12148
Date de la décision : 22/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-22;19.12148 ?
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