COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-9
ARRÊT AU FOND
DU 17 NOVEMBRE 2022
No 2022/734
Rôle No RG 21/09453 - No Portalis DBVB-V-B7F-BHWDJ
[O] [U]
C/
S.A. MCS ET ASSOCIES
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Jonathan HADDAD
Me Marco FRISCIA
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Juge de l'exécution de TOULON en date du 15 Juin 2021 enregistré au répertoire général sous le no 20/04192.
APPELANT
Monsieur [O] [U]
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/9198 du 01/10/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE)
né le [Date naissance 1] 1961 à [Localité 5]
de nationalité Française,
demeurant [Adresse 4]
représenté et assisté par Me Jonathan HADDAD, avocat au barreau de TOULON
INTIMÉE
S.A. MCS ET ASSOCIES
venant aux droits de DSO CAPITAL, société par actions simplifiée à associé unique, inscrite au RCS de PARIS sous le no821 693 918 et dont le siège social est sis [Adresse 3], aujourd'hui radiée au RCS en date du 24 janvier 2020, suite à la fusion-absorption intervenue en date du 31 décembre 2019, venant elle-même aux droits de la société CREDIPAR suivant convention de cession de créance en date du 26 juillet 2018,
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 2]
représentée et assistée par Me Marco FRISCIA, avocat au barreau de TOULON
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 21 Septembre 2022 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Monsieur Ambroise CATTEAU, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Evelyne THOMASSIN, Président
Madame Pascale POCHIC, Conseiller
Monsieur Ambroise CATTEAU, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Josiane BOMEA.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 17 Novembre 2022.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 17 Novembre 2022,
Signé par Madame Evelyne THOMASSIN, Président et Mme Josiane BOMEA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par ordonnance du 23 mars 2010, le président du tribunal de commerce de Toulon enjoignait à monsieur [O] [U] de payer à la SA CREDIPAR, venant aux droits des sociétés DIN et SOFI, la somme de 5 260,92 euros en principal, 57,32 euros à titre accessoire et 38,87 euros au titre des dépens, en vertu d'un contrat de prêt en date du 20 février 2006.
Le 17 mai 2010, cette ordonnance était revêtue de la formule exécutoire.
Selon acte d'huissier du 15 juillet 2020, la SA MCS et associés faisait signifier, à monsieur [O] [U], l'ordonnance d'injonction de payer exécutoire ainsi qu'un commandement de payer aux fins de saisie-vente pour la somme de 6 067,78 euros.
Ledit acte mentionnait que la société MCS et associés venait aux droits de la société DSO Capital, selon fusion-absorption intervenue le 31 décembre 2019, cette dernière venant elle-même aux droits de la société Credipar, en vertu d'un bordereau de cession de créances du 26 juillet 2018.
Le 5 août 2020, la société MCS et associés faisait signifier, à la Banque postale, une saisie-attribution des sommes détenues pour le compte de monsieur [O] [U], aux fins de paiement de la somme de 6 473,87 euros en principal, intérêts et frais, sur le fondement de l'ordonnance d'injonction de payer du 23 mars 2010. Le 13 août 2020, la saisie précitée était dénoncée à monsieur [O] [U].
Selon acte d'huissier de justice du 11 septembre 2020, monsieur [O] [U] faisait assigner la SAS MCS et associés devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Toulon aux fins de :
- nullité de la saisie-attribution signifiée le 5 août 2020 entre les mains de la Banque postale,
- subsidiairement, de rejet de la demande d'intérêts, prescrits,
- condamner la SAS MCS et associés à lui payer une indemnité de 2 000 euros au titre de ses frais irrépétibles ainsi que les entiers dépens de l'instance.
A l'audience, il maintenait sa demande au motif de la prescription du titre exécutoire. A défaut, il soulevait la prescription quinquennale des intérêts.
La société MCS ET ASSOCIES soulevait l'irrecevabilité de la contestation pour défaut de dénonce de la contestation à l'huissier saisissant. Elle contestait la prescription de son titre et des intérêts en l'état de leur prescription quinquennale.
Par jugement, en date du 15 juin 2021, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Toulon déclarait irrecevable, pour défaut de dénonce à l'huissier poursuivant, l'action en contestation engagée par monsieur [O] [U], et le condamnait à payer une indemnité de 900 euros des frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers dépens.
Le jugement précité était notifié à monsieur [O] [U], par lettre recommandée avec accusé de réception signé le 22 juin 2021. Le 24 juin suivant, il formait une déclaration d'appel reprenant l'intégralité des chefs du dispositif du jugement déféré.
Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 23 février 2022, auxquelles il est expressément fait référence pour plus ample exposé de ses moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, monsieur [O] [U] demande à la cour d'appel de:
- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré irrecevable son action en contestation de saisie-attribution,
- statuant à nouveau, à titre principal, déclarer prescrite l'action en recouvrement de la société MCS et associés, et nul et de nul effet, la saisie-attribution opérée,
- à titre subsidiaire, dire que les intérêts sont prescrits et rejeter la demande d'intérêts de la société MCS et associés,
- en toutes hypothèses, condamner la SAS Groupe MCS et associés à lui payer une indemnité de 2 000 euros au titre de ses frais irrépétibles ainsi qu'à supporter les entiers dépens d'instance avec distraction au profit de son avocat, Me Haddad, par application de l'article 699 du code de procédure civile.
Il conteste l'irrecevabilité de son action en l'état d'une dénonciation de son assignation à la SCP Dubail, ayant pratiqué la saisie.
De plus, il affirme que sa contestation a été délivrée à domicile élu, en l'étude de la SCP Blum-Tissot-Viguier à Draguignan, mandataire du créancier ayant opéré la saisie et qui a donc été informé de son action judiciaire.
Il invoque la prescription du titre exécutoire, une période supérieure à dix ans s'étant écoulée entre l'ordonnance d'injonction de payer du 23 mars 2010 signifiée le 9 avril 2010 et la saisie-attribution réalisée le 5 août 2020.
Il fonde sa demande subsidiaire de rejet des intérêts sur leur prescription quinquennale alors que les intérêts demandés remontent à l'année 2010 et que leur décompte n'est pas détaillé.
Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 13 avril 2022, auxquelles il est expressément fait référence pour plus ample exposé de ses moyens en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la société MCS et associés demande à la cour d'appel de :
- déclarer monsieur [U] irrecevable en sa contestation,
- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
- à titre subsidiaire, débouter Monsieur [O] [U] de ses demandes principales et subsidiaires,
- rejeter la prescription du titre exécutoire,
- valider la saisie pratiquée le 5 août 2020,
- à titre très subsidiaire, cantonner le montant des intérêts à la somme de 99,14 euros,
- en tout état de cause, condamner Monsieur [O] [U] à lui payer une indemnité de 3 000 euros au titre de ses frais irrépétibles et à supporter les dépens dont distraction au profit de Me Friscia, son conseil, en application de l'article 699 du code de procédure civile.
Elle fonde sa demande d'irrecevabilité de la contestation sur les dispositions de l'article R 211-11 du code des procédures civiles d'exécution, en l'absence de dénonce, le premier jour ouvrable au plus tard suivant la contestation, à l'huissier de justice ayant procédé à la saisie. Elle relève l'absence de dénonce de la contestation à la SCP Remuzat et associés ayant délivré la saisie, la dénonce opérée ayant été faite auprès de l'étude ayant délivré la dénonce de la saisie-attribution à monsieur [U]. Ainsi, l'huissier ayant délivré la saisie-attribution n'a pas été informé de la contestation.
Elle affirme l'absence de prescription du titre exécutoire en l'état de la suspension, pour cause de crise sanitaire, du 12 mars au 23 juin 2020, de la prescription de son titre exécutoire constitué par une ordonnance d'injonction de payer revêtue le 17 mai 2010, de la force exécutoire. Alors au demeurant qu'elle a délivré un acte interruptif, consistant en un commandement aux fins de saisie vente le 15 juillet 2020.
A titre subsidiaire, si la prescription des intérêts est retenue par la cour d'appel, elle liquide le montant des intérêts à 99,14 euros acquis du 23 mars 2010 au 31 décembre 2012.
L'instruction de la procédure était close par ordonnance en date du 10 mai 2022.
MOTIFS DELA DÉCISION
1/ Sur la constestation de la saisie-attribution,
- Sur la recevabilité de la contestation,
Selon les dispositions de l'article R 211-11 du code des procédures civiles d'exécution, les contestations relatives à la saisie sont, à peine d'irrecevabilité, formées dans un délai d'un mois à compter de la dénonciation de la saisie au débiteur. Sous la même sanction, elles sont dénoncées le même jour ou, au plus tard, le premier jour ouvrable suivant, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, à l'huissier qui a procédé à la saisie.
En l'espèce, la saisie-attribution, réalisée par la SCP Dubail-Sorini-Chabaud-Remuzat-Genissieux-Roth, Dubail a été dénoncée le 5 août 2020 à monsieur [O] [U].
Sa contestation formée par assignation en date du 11 septembre 2020 a été exercée dans le délai d'un mois à compter de la dénonce.
De plus, il justifie, devant la cour, avoir dénoncé sa contestation, à l'huissier ayant délivré la saisie-attribution, soit la SCP Dubail-Sorini-Chabaud-Remuzat-Genissieux-Roth, par lettre recommandée en date du 11 septembre 2020, portant le cachet de la poste du même jour, avec accusé de réception en date du 14 septembre 2020.
Par conséquent, le jugement déféré sera infirmé et la contestation de monsieur [O] [U] sera déclarée recevable.
- Sur la prescription du titre exécutoire,
Selon les dispositions de l'article L 211-1 du code des procédures civiles d'exécution, tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d'un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d'argent.
Selon celles de l'article L 111-3 1oet L 111-4 du code des procédures civiles d'exécution, constituent des titres exécutoires, les décisions des juridictions de l'ordre judiciaire ou de l'ordre administratif lorsqu'elles ont force exécutoire...l'exécution des titres exécutoires mentionnées aux 1o et 3 o de l'article L 111-3 ne peut être poursuivie que pendant dix ans sauf si les actions en recouvrement des créances qui y sont constatées se prescrivent par un délai plus long.
En application des dispositions de l'article 2244 du code civil, le délai de prescription est interrompu par un acte d'exécution forcée.
Conformément aux dispositions de l'article I de l'article 1er de la loi no2020-546 du 11 mai 2020, l'état d'urgence sanitaire déclaré par l'article 4 de la loi no2020-290 du 23 mars 2020 (d'une durée initiale de deux mois à compter de son entrée en vigueur ) pour faire face à l'épidémie de covid 19, a été prorogé jusqu'au 10 juillet 2020 inclus.
Selon les dispositions de l'article 1 I de l'ordonnance no2020-306 du 25 mars 2020 modifiée par l'ordonnance no2020-666 du 3 juin 2020, les dispositions étaient applicables aux délais et mesures entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020.
Selon celles de l'article 2 de l'ordonnance no2020-306 du 25 mars 2020 modifiée par l'ordonnance no2020-666 du 3 juin 2020, tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d'office, application d'un régime particulier, non avenu ou déchéance d'un droit quelconque, et qui aurait dû être accompli pendant la période mentionnée à l'article 1er sera réputé avoir été fait à temps s'il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois.
En l'espèce, la saisie-attribution contestée est fondée sur une ordonnance d'injonction de payer en date du 23 mars 2010, signifiée le 9 avril 2010. L'ordonnance revêtue de la formule exécutoire le 17 mai 2010, était à nouveau signifiée le 15 juillet 2020 à monsieur [O] [U].
La prescription du titre initialement encourue au 17 mai 2010 (soit entre le 12 mars et le 23 juin 2020) est concernée par la suspension légale du délai de prescription pour cause de dispositions spéciales régissant la période de crise sanitaire.
Elle a été reportée au 23 août 2020, soit à l'expiration du délai de deux mois à compter du 23 juin 2020, par application des dispositions des articles 1 et 2 de l'ordonnance no2020-306 en date du 25 mars 2020 modifiée par l'ordonnance no2020-666 en date du 3 juin 2020.
Et elle a été interrompue par la délivrance d'un commandement de payer aux fins de saisie-vente signifié le 15 juillet 2020 à monsieur [O] [U] puis par la saisie-attribution délivrée le 5 août suivant.
Il s'en déduit que la créance de la société MCS ET ASSOCIES n'est pas éteinte par l'effet de la prescription de son titre; la saisie-attribution délivrée le 5 août 2020 est donc fondée sur une créance certaine, liquide et exigible.
2/ Sur le décompte des intérêts
Selon les dispositions de l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
Comme il a été rappelé ci dessus, l'ordonnance portant injonction de payer du 23 mars 2010, constitue un titre pour la somme en principal de 5 260,92 euros, 57,32 euros à titre accessoire et 38,87 euros au titre des dépens, en vertu d'un contrat de prêt en date du 20 février 2006.
Aucun des intérêts échus n'était donc titré, et s'agissant de créances périodiques non titrées, elles restaient soumises à la prescription quinquennale.
Le procès-verbal de saisie-attribution en date du 5 août 2020 mentionne des intérêts dus depuis le 23 mars 2010 jusqu'au 31 juillet 2020 pour un montant total de 357,04 euros, alors que les intérêts sont dus pour la période limitée par la prescription quinquennale précitée, donc celle précédant le premier acte interruptif de prescription à savoir, le commandement de payer aux fins de saisie vente du 15 juillet 2020. Ils ne peuvent donc être réclamés qu'à partir du 15 juillet 2015 pour un montant total recalculé par la cour d'appel de 239.83 € arrêté au 31 juillet 2020.
En définitive, la saisie-attribution délivrée le 5 août 2020 sera validée sauf à cantonner le montant à 6 356.66 euros (6473.87 euros moins 357.04 euros plus 239.83 euros).
3/ Sur les demandes accessoires,
Monsieur [O] [U], qui succombe pour l'essentiel supportera les dépens de première instance et d'appel.
Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de la société MCS et associés les frais irrépétibles engagés dans l'instance, il ne sera pas fait droit de ce chef.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant après en avoir délibéré, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe,
INFIRME le jugement déféré,
Statuant à nouveau,
DÉCLARE RECEVABLE la contestation de monsieur [O] [U] à l'égard de la saisie-attribution délivrée le 5 août 2020 et dénoncée le 13 août suivant,
VALIDE la saisie-attribution sauf à en cantonner le montant à la somme de 6 356.66 euros,
DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société MCS ET ASSOCIES,
CONDAMNE Monsieur [O] [U] aux entiers dépens de première instance et d'appel qui seront poursuivis conformément aux textes régissant l'aide juridictionnelle avec droit de recouvrement direct des frais dont il a fait l'avance sans avoir reçu provision préalable au profit de Me Friscia, en application de l'article 699 du code de procédure civile .
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE