COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-9
ARRÊT AU FOND
DU 17 NOVEMBRE 2022
No 2022/751
Rôle No RG 21/05183 - No Portalis DBVB-V-B7F-BHIAZ
SCP BTSG ², liquidateur dela S.A.R.L. PISANI ARCHI
C/
S.C.I. MALET
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me MUSACCHIA
Me ASSUS-JUTTNER
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Juge de l'exécution de NICE en date du 29 Mars 2021 enregistré (e) au répertoire général sous le no 20/01790.
APPELANTE
LA SCP BTSG², prise en la personne de Me [P] [U], en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la S.A.R.L. PISANI ARCHI immatriculée au RCS de Nice sous le numéro 433 168 234, désignée à ces fonctions par leTribunal de Commerce de NICE le 29 juillet 2021
siège social [Adresse 2]
représentée par Me Elie MUSACCHIA, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assisté de Me Jean-louis DEPLANO de l'ASSOCIATION DEMES, avocat au barreau de NICE
INTIMEE
S.C.I. MALET, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Françoise ASSUS-JUTTNER de la SCP ASSUS-JUTTNER, avocat au barreau de NICE, substitué par Me Lucas PANICUCCI, avocat au barreau de NICE, assistée de Me Valentine JUTTNER, avocat au barreau de PARIS
*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 15 Septembre 2022 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Dominique TATOUEIX, Magistrat honoraire, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Agnès DENJOY, Président
Madame Pascale POCHIC, Conseiller
Monsieur Dominique TATOUEIX, Magistrat honoraire
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Ingrid LAVALLEE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 17 Novembre 2022.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 17 Novembre 2022,
Signé par Madame Agnès DENJOY, Président et Madame Ingrid LAVALLEE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS ET PROCÉDURE
La SCI MALET a confié à la SARL PISANI ARCHI d'importants travaux de rénovation et d'extension d'un bien immobilier dont elle est propriétaire sur la commune du Cap-d'Ail.
Le 7 novembre 2019, la SCI MALET s'est vu dénoncer une inscription d'hypothèque judiciaire provisoire inscrite par la SARL PISANI ARCHI sur le bien immobilier en vertu d'une ordonnance sur requête du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Nice en date du 23 octobre 2019 pour garantie d'une créance évaluée à la somme de 160 000 €.
Par exploit en date du 15 avril 2020, la SCI MALET a fait assigner la SARL PISANI ARCHI devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Nice aux fins de voir ordonner mainlevée de l'inscription d'hypothèque judiciaire provisoire outre condamnation de la SARL PISANI ARCHI au paiement d'une somme de 4000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 29 mars 2021 dont appel du 9 avril 2021, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Nice a rétracté l'ordonnance du 23 octobre 2019, a prononcé la mainlevée de l'inscription d'hypothèque judiciaire provisoire et a condamné la SARL PISANI ARCHI au paiement d'une somme de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, énonçant en ses motifs :
- la société PISANI ne produit pas de facture datée du 5 septembre 2018 à hauteur de 30 000 € tel que mentionné dans la lettre de mise en demeure et ne s'explique pas sur cette autre facture, d'un montant nettement inférieur à celui figurant dans la facture du 23 novembre 2018 intitulée 16e acompte, qu'elle produit,
- des constats d'huissier font ressortir divers inachèvements, de sorte que ces éléments tendent à établir que les parties ont effectivement négocié pour les sommes dues au titre des prestations travaux,
- la société PISANI ne s'explique pas non plus sur des facturations émises en 2019 au titre d'honoraires dus pour les permis de construire accordés en 2015 et 2017 alors que la mise en demeure de 2018 n'en fait nullement état.
Vu les dernières conclusions déposées le 14 février 2022 par la SCP BTSG² prise en la personne de Me [P] [U], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SARL PISANI ARCHI, appelante, aux fins de voir réformer le jugement dont appel et débouter la SCI MALET de l'ensemble de ses demandes, outre sa condamnation au paiement d'une somme de 3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel.
La SCP BTSG², ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SARL PISANI ARCHI fait valoir :
- que le premier juge a purement et simplement jugé au fond, se substituant ainsi au tribunal saisi,
- que la créance dont la société PISANI sollicite le règlement concerne pour une partie importante, soit des honoraires que la SCI MALET peut difficilement contester dans la mesure où ils concernent les diligences pour deux permis de construire modificatifs que cette dernière a obtenu, soit le remboursement de sommes payées pour son compte,
- que la SCI MALET a signé des avenants démontrant qu'elle était parfaitement satisfaite des services rendus,
- que le tribunal judiciaire de Nice a établi un principe de créance en ordonnant, par jugement du 21 avril 2021, une expertise destinée à faire le compte entre les parties en relevant que la créance alléguée est partiellement une créance de remboursement à hauteur de 148 053,10 €,
- que s'agissant des circonstances susceptibles de menacer le recouvrement de la créance, le maître d'ouvrage est de nationalité anglaise et la SCI dont il est l'animateur est immatriculée à Monaco, la société PISANI ne lui connaît aucune autre solvabilité en France que le bien immobilier objet des travaux et ce bien a sournoisement été mis en vente.
Vu les dernières conclusions déposées le 30 septembre 2021 par la SCI MALET, intimée, aux fins de voir, à titre principal, confirmer le jugement dont appel et à titre subsidiaire, substituer l'hypothèque judiciaire provisoire par la consignation d'un séquestre de 160 000 € auprès de la caisse de règlement pécuniaire des avocats, outre condamnation en tout état de cause de la SARL PISANI ARCHI au paiement d'une somme de 15 000 € à titre de dommages et intérêts et 8000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
La SCI MALET fait valoir :
- que M. PISANI a cru pouvoir considérer que les travaux étaient définitivement en état d'être reçus et il a fait établir un procès-verbal de constat le 28 septembre 2018 que le représentant de la SCI n'a pas signé car ses réserves n'y avaient pas été adjointes et il a fait établir un constat d'huissier le 31 octobre 2018 qui révèle l'inachèvement des travaux et leur malfaçon, le caractère inhabitable du bien,
- que les deux parties, qui savaient que la SCI MALET voulait vendre le bien, ce qui était impossible en l'état, ont donc signé le 3 décembre 2018 un accord prévoyant que M. PISANI achèverait les travaux moyennant le versement de la somme de 100 000 € sur laquelle un acompte de 20 000 € a été versé le jour de la signature mais sans résultat,
- que dans la procédure au fond initiée devant le tribunal judiciaire de Nice, qui seule tranchera la question de la réalité de la créance, l'expertise judiciaire qui a été ordonnée permettra aux juges du fond de faire les comptes entre les parties car ayant dû faire achever les travaux à ses frais, la SCI MALET dispose à l'encontre de M. PISANI d'une créance bien plus importante que celle dont celui-ci se prévaut et dont le recouvrement est réellement menacé par la liquidation judiciaire de la société,
- que les comptes de la SCI MALET sont créditeurs et s'agissant d'une société civile immobilière, ses associés sont débiteurs solidaires en nom propre, le bien immobilier représentant en outre une valeur 100 fois supérieure à la créance injustement réclamée, de sorte qu'il n'existe aucun péril au recouvrement de la prétendue créance,
- qu'en tout état de cause, pour justifier de sa situation financière, elle produit copie du contrat de prêt hypothécaire conclu avec la Société Générale en application duquel elle a bloqué la somme de 165 000 € sur un compte ouvert dans cette banque.
Vu l'ordonnance de clôture du 15 février 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Conformément à l'article L 511-1 du code des procédures civiles d'exécution, toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l'autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle- justifie de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement.
La société PISANI ARCHI se prévaut du refus de signature par la SCI MALET d'un PV de réception du 1er octobre 2018 listant des réserves dont le nombre est, si ce n'est contredit, à tout le moins contesté par la liste des réserves émises le 28 février 2019 par la SCI MALET et ce, à l'image du procès-verbal de constat établi le 28 septembre 2018 à la requête de la société PISANI ARCHI dont la valeur quant au caractère exhaustif des réserves est sérieusement affectée par le procès-verbal de constat établi le 31 octobre 2018 à la requête de la SCI MALET dont il résulte notamment que la propriété est en chantier, avec différents matériaux et matériels entreposés en extérieur, avec la présence de différentes entreprises et véhicules d'entreprise, que le garage est impropre à son utilisation, avec des points électriques en façade d'où s'extraient des câbles électriques sans la moindre installation, avec des problèmes d'étanchéité dans une salle de bain et des panneaux photovoltaïques dont l'installation n'est pas achevée, l'huissier constatant également l'absence de compteur électrique indépendant outre de nombreux défauts de finition.
La société PISANI ARCHI, qui argue de ce que les sommes réclamées sont incontestables en ce qu'elles correspondraient essentiellement à des diligences pour des permis de construire modificatifs obtenus, ne peut toutefois faire abstraction de la créance que la SCI MALET invoque au titre de désordres et malfaçons qui ont conduit le tribunal judiciaire de Nice à ordonner une expertise judiciaire par jugement du 20 avril 2021, au motif que des contestations existent entre les parties et que de nombreuses photographies annexées au procès-verbal de constat du 31 octobre 2010 démontrent des non finitions
La société PISANI ARCHI ne peut se contenter d'invoquer une créance d'honoraires alors que la prétendue débitrice justifie de désordres dont l'indemnisation est susceptible de venir en compensation de la créance alléguée par la société PISANI ARCHI, au vu des constatations objet du procès-verbal de constat du 31 octobre 2018 et alors que le tribunal saisi au fond a ordonné une expertise au motif précisément de l'existence de ces désordres, de sorte qu'au regard de ces éléments, la société PISANI ARCHI ne justifie pas d'une créance apparemment fondée en son principe au sens de l'article L 511-1 du code des procédures civiles d'exécution.
Le jugement dont appel doit être en conséquence confirmé en toutes ses dispositions.
L'abus de procédure invoqué par la SCI MALET au soutien de sa demande de dommages et intérêts n'est pas caractérisé.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement dont appel en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Déboute la SCI MALET de sa demande de dommages-intérêts ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société PISANI ARCHI à payer à la SCI MALET la somme de 3000 € (trois mille euros) ;
Déboute les parties de leurs demandes autres ou plus amples ;
Condamne la société PISANI ARCHI aux dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE