COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-9
ARRÊT AU FOND
SUR RENVOI APRES CASSATION
DU 17 NOVEMBRE 2022
No 2022/762
Rôle No RG 21/00660 - No Portalis DBVB-V-B7F-BGZEC
Société NERALDA HOLDING APS
C/
[D] [Z] [O] [W]
[F] [M] [E] épouse [O] [W]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me ERMENEUX
Me SCHRECK
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de Draguignan en date du 30 Juin 2017 enregistré (e) au répertoire général sous le no 16/08624, suite à l'arrêt rendu par la Cour d'appel d'Aix-en-Provence le 15 Novembre 2018, cassé par l'arrêt de la Cour de cassation du 10 décembre 2020.
APPELANTE
Société NERALDA HOLDING APS, société de droit danois, venant aux droits de la SAS LUXORINVEST, suite à l'absorption de celle-ci, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social, demeurant [Adresse 6] DANEMARK
représentée par Me Agnès ERMENEUX de la SCP ERMENEUX-ARNAUD-CAUCHIetASSOCIES, avocat au barreua d'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Cataldo CAMMARATA, avocat au barreau de PARIS, plaidant
INTIMES
Monsieur [D] [Z] [O] [W]
assigné à jour fixe le 04/02/2021 à domicile
assigné le 13/07/21 à domicile
né le [Date naissance 3] 1959 à [Localité 10] (PORTUGAL), demeurant [Adresse 4]
représenté par Me Philippe SCHRECKde la SCP SCHRECK, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
Madame [F] [M] [E] épouse [O] [W]
assignée à jour fixe le 04/02/2021à sa personne
assignée le 13/07/21 à sa personne
née le [Date naissance 2] 1960 à [Localité 8] (PORTUGAL),demeurant [Adresse 4]
représentée par Me Philippe SCHRECKde la SCP SCHRECK, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
PARTIE INTERVENANTE
Société DEMEURE-EN-VAR, société de droit luxembourgeois, immatriculée au RCS du LUXEMBOURG sous le no B 129375, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social
Intervenante volontaire, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Agnès ERMENEUX de la SCP ERMENEUX-ARNAUD-CAUCHIetASSOCIES, avocat au barreua d'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Cataldo CAMMARATA, avocat au barreau de PARIS, plaidant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 15 Septembre 2022 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Dominique TATOUEIX, Magistrat honoraire, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Agnès DENJOY, Président
Monsieur Ambroise CATTEAU, Conseiller
Monsieur Dominique TATOUEIX, Magistrat honoraire
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Ingrid LAVALLEE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 17 Novembre 2022.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 17 Novembre 2022,
Signé par Madame Agnès DENJOY, Président et Madame Josiane BOMEA greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS ET PROCÉDURE
Par acte notarié en date du 3 août 2006, M. [D] [O] [W] et Mme [F] [M] [E] épouse [O] [W] ont fait l'acquisition d'un terrain à bâtir à [Localité 9] (Var) pour le prix de 90 000 € avec souscription d'un prêt d'un montant principal de 300 000 € consenti par la société LUXORINVEST, prêt d'une durée de deux ans remboursable en une seule échéance, s'agissant d'un prêt participatif, le bénéfice sur la vente des deux villas à construire par les débiteurs devant être partagé à raison de 50/50 % entre le prêteur et les débiteurs.
Faute de remboursement du prêt, la SA LUXORINVEST a poursuivi à l'encontre de M. [D] [O] [W] et Mme [F] [M] [E] épouse [O] [W] suivant commandement en date du 9 août 2016, publié le 4 octobre 2016, la vente de biens et droits immobiliers consistant en un immeuble sis à [Localité 9] cadastré section A no [Cadastre 5] pour une contenance de 15a 02ca.
Par jugement d'orientation date du 30 juin 2017, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Draguignan a déclaré irrecevable le moyen tiré de l'acquisition de la prescription biennale, a rejeté la demande de vente forcée et a ordonné la radiation du commandement, au motif que le moyen tiré de la prescription de la créance est irrecevable dès lors que devant le tribunal de grande instance, les époux n'ont opposé que l'inexigibilité du prêt, or nul ne peut se contredire au détriment d'autrui mais que la vente de la villa constitue la condition d'exigibilité du prêt or cette condition n'est pas encore remplie.
Par arrêt en date du 15 novembre 2018, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a infirmé le jugement du 30 juin 2017 en toutes ses dispositions et a ordonné la vente forcée du bien, au motif que la créance n'est pas prescrite, l'article L 218-2 du code de la consommation n'étant pas applicable, mais que le prêt est exigible dès lors que les époux [O] [W], qui ne justifient d'aucune diligence pour vendre le bien ou circonstance empêchant sa vente et qui indiquent au contraire qu'aucune clause ne les oblige à vendre leur propriété privée dont ils ont fait leur domicile, empêchent, par leur refus de vendre, la condition de se réaliser, or la condition suspensive doit être réputée accomplie si celui qui y a intérêt en a empêché l'accomplissement.
Par arrêt en date du 10 décembre 2020, la Cour de Cassation a cassé l'arrêt du 15 novembre 2018 en toutes ses dispositions au motif qu'en écartant l'autorité de chose jugée au motif que la condition est purement potestative, sur le fondement d'un moyen qui n'avait pas été invoqué devant le juge du fond et sans relever l'existence d'un fait nouveau justifiant d'écarter l'autorité de chose jugée par jugement du 25 février 2014, la cour d'appel a violé l'article 1351 devenu 1355 du Code civil.
La cour d'appel de renvoi a été saisie par déclaration du 14 janvier 2021.
Par ordonnance en date du 26 janvier 2021, la SA LUXORINVEST a été autorisée à assigner à jour fixe et l'assignation délivrée à cette fin par exploit du 13 juillet 2021 a été remise au greffe le 11 février 2021.
Par arrêt avant dire droit en date du 9 décembre 2021 rappelant qu'en application de l'article 553 du code de procédure civile, dans une procédure de saisie immobilière l'indivisibilité s'applique à toutes les parties concernées, et notamment l'adjudicataire, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a ordonné réouverture des débats en invitant la société LUXORINVEST à appeler en cause la SARL DEMEURES EN VAR, adjudicataire ;
Vu les dernières conclusions déposées le 11 août 2022 par la société NERALDA HOLDING APS venant aux droits de la SA LUXORINVEST, appelante, et la SARL DEMEURES EN VAR aux fins de voir :
Statuant à nouveau, infirmer le jugement du 30 juin 2017 (RG no 16/08624) en ses seules dispositions relatives à l'exigibilité de la créance, la régularité de la procédure, à la demande de condamnation pour procédure abusive des consorts [O] [W] et aux frais irrépétibles et aux dépens ;
- Juger nécessaire l'interprétation par le juge de l'exécution de l'acte notarié du 3 août 2006 pour en fixer le sens, notamment pour permettre la fixation de la date d'exigibilité de la créance de 300 000 € au 3 juillet 2008, notamment par application des articles 1900,1901,1902 et 1904 du code civil, ensemble les articles 12 du Cpc. l'article 1305-1 et 4 du code civil, ensemble l'article 1211 du code civil (sur le délai raisonnable) ;
- Écarter l'autorité de la chose jugée s'attachant au jugement sur le fond du 25 février 2014 par application de l'article 1351 du code civil dans sa version applicable aux faits en l'état d'un fait nouveau révélé postérieurement audit jugement ;
- Juger le moyen tiré de l'application des articles 1176, 1177 et 1178 du code civil par LUXORINVEST recevable comme étant un moyen de défense au fond invocable en tout état de cause par application des articles 71 et 72 du Cpc ;
- Juger, au visa des articles R 322-9 et R 322-10 du code des procédures civiles d'exécution, la
procédure de saisie immobilière valable et régulière ; .
- Juger irrecevables et, en tout cas, non fondées en vertu de la force probante et du caractère exécutoire de l'acte notarié du 3 août 2006, ensemble l`autorité de la chose jugée, les prétentions des consorts [O] [W] visant aujourd'hui à remettre en cause cet acte notarié avant définitivement constaté qu'ils sont débiteurs de LUXORINVEST, motif pris notamment de l'incompétence du juge de l'exécution à remettre en cause un acte notarié en l'absence de demande de nullité de l'acte ou de procédure d'inscription de faux par application de l'article 3 de la loi no 91i50 du 9 juillet 1991, l'article 19 de la loi du 25 ventôse an Xl, ensemble les articles R 121-1 du Cpce et 1355 du code civil et L 213-6 du COJ ;
- Juger irrecevable le moyen tiré de la prétendue prescription de la demande de paiement de la
créance de LUXORINVEST dans le délai biennal de l'article L 218-2 du code de la consommation pour non-respect de la règle de la concentration de§ moyens, les consorts [O] [W] n`ayant développé ce moyen, ni devant le tribunal de commerce de Marseille en 2009, ni devant le tribunal de grande instance de Draguignan en 2012, ensemble l'article 1355 du code civil ; confirmer de ce chef le jugement entrepris ;
- Juger irrecevable le moyen tiré de la prétendue prescription de la demande de paiement de la
créance de LUXORINVEST dans le délai biennal de l'article L 218-2 du code de la consommation pour non-respect du principe de l'interdiction de se contredire au dépens d'autrui, les consorts [O] [W] ayant avoué judiciairement le point de départ de la prescription biennale calculé à compter de la vente des immeubles litigieux dans leur conclusions récapitulatives devant le TGI de Draguignan en contradiction avec leur prétention dans la présente instance retenant comme point de départ du calcul de la prescription la date d'échéance alléguée du prêt au 3/07/2008 ; confirmer de ce chef le jugement entrepris ;
- Juger non fondé le moyen tiré de la prétendue prescription de la demande de paiement de la
créance de LUXORINVEST dans le délai biennal de l'article L 218-2 du code de la consommation motifs pris (i) de l'absence de qualité de professionnel du crédit de LUXORINVEST et (ii) de l'absence de qualité de consommateur des consorts [O] [W], ceux ci ayant agi pour des raisons professionnelles et à des fins spéculatives à l`occasion du partenariat noué avec LUXORINVEST par application de l'article liminaire du code de la consommation et l'article L311-1, 2o du même code ;
- Juger principalement la créance de LUXORINVEST exigible à compter de l'échéance contractuelle du 3 juillet 2008, le cas échéant, fixer celle-ci au 3 juillet 2008 par application mutatis mutandis de l'article 1305-1 du code civil, ensemble l'article 1211 du code civil {sur le délai raisonnable) ;
- Subsidiairement, les consorts [O] [W], débiteurs de l'obligation de vente de l'immeuble litigieux à compter du 3 juillet 2008, (i) ayant fait défaillir ou empêché l'accomplissement de cette condition en refusant depuis cette date de vendre l'immeuble par application des articles 1176,1177 et 1178 du code civil, (ii) ensemble la nullité d'une condition perpétuelle ne dépendant que la seule volonté des débiteurs mettant en évidence leur turpitude dont ils ne peuvent pas se prévaloir pour faire échec à la demande de remboursement du créancier par application mutatis mutandis des articles 1210 et 1211 du code civil, (iii) juger le délai écoulé depuis le 3 juillet 2008, soit douze années, constitutif d'un
engagement perpétuel nul et, en tous cas, d'un délai déraisonnable :
- En tout état de cause, juger que tant le jugement du tribunal judiciaire de Draguignan du 25 février 2014 que celui du juge de l'exécution de cette même juridiction du 30 juin 2017 ont commis un déni de justice en s'abstenant d'interpréter et de donner un sens à la clause d'exigibilité par une interprétation permettant l'exécution du remboursement du prêt de 300 000 € par application des article§ 4,12, 384 du CPc et L141 -3 du code de l'organisation judiciaire:
- Juger que les consorts [O] [W] ont abusé de leur droit d'ester en justice en adoptant un comportement procédural visant à retarder le paiement de leur dette non contestée sur des fondements juridiques qu'ils savaient contraire au droit positif et insusceptibles de fonder leurs contestation ,en l'état, notamment d'un acte notarié ayant force probante et force exécutoire dont ils n'ont jamais contesté la validité effective jusqu'à inscription de faux ; en conséquence les condamner in solidum à payer à LUXORINVEST la somme de 20 000 € par application de l'article 1240 du code civil ;
- Débouter les consorts [O] [W] de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;
En conséquence,
- Juger valide la présente saisie immobilière au regard des textes applicables,
- Mentionner le montant retenu pour la créance du poursuivant en principal, frais et intérêts et autres accessoires, sous réserve des intérêts continuant à courir ;
- Juger qu'il y a lieu à la vente forcée de l'immeuble situé sur la commune de [Localité 9] (Var) [Adresse 7], cadastré Section AA no [Cadastre 5] pour une contenance de 15a 02ca, sur lequel est édifié une maison d'habitation d'un étage sur rez-de-chaussée avec garage et piscine d'une surface habitable totale de 151,64 m2, ce conformément au cahier des conditions de vente déposé au tribunal de grande instance de Draguignan le 28 novembre 2016;
- Juger en l'état de la vente déjà intervenue le 8 mars 2019, le renvoi des parties devant le premier juge pour poursuite de la procédure de saisie immobilière sans objet ;
- Ordonner la mention de l'arrêt de la cour à intervenir en marge de la publication du Commandement valant saisie immobilière ;
- Juger qu'il y sera procédé par les soins de M. ou Mme Le Directeur du Service de la Publicité Foncière au vu d'une expédition dudit arrêt ;
- Condamner in les consorts [O] [W] à payer à LUXORINVEST la somme de 15 000 € par application de l'article 700 du Code de Procédure Civile pour les frais irrépétibles de première instance et celle de 15 000 € au titre des frais irrépétibles d'appel ;
- Ordonner l'emploi des dépens en frai§ privilégiés de vente, qui comprendront notamment le coût de la visite et des divers diagnostics immobiliers et de leur réactualisation, ainsi que le coût du présent incident, dont distraction au profit de la Scp DUHAMEL-AGRINIER, Avocats associés sur ses offres et affirmations de droit ;
- Condamner in solidum les consorts [O] [W] en tous les dépens de première instance et d'appel par application de l'article 699 du Cpc ;
Vu les dernières conclusions déposées le 14 octobre 2021 par M. [D] [O] [W] et Mme [F] [M] [E] épouse [O] [W], intimés, aux fins de voir confirmer le jugement dont appel et en conséquence, ordonner la radiation du commandement délivré le 9 août 2016 et condamner la société LUXORINVEST au paiement d'une somme de 10 000 € sur le fondement de l'article 700 code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, aux motifs :
- qu'il n'existe aucun élément nouveau permettant d'écarter l'autorité de la chose jugée attachée au jugement du 25 février 2014 dès lors que l'impossibilité de tenter de commercialiser le bien depuis le début de l'année 2016 a pour seule cause l'action judiciaire intentée par la société LUXORINVEST, avec la délivrance d'un commandement aux fins de saisie immobilière et l'appel formé contre le jugement qui en a ordonné la radiation au lieu de procéder à cette radiation, ce qui aurait permis à défaut de vendre le bien,
- que le bien est encore moins commercialisable dans la mesure où la société LUXORINVEST a choisi de poursuivre la vente forcée nonobstant le pourvoi en cassation, ce qui a été fait par jugement en date du 8 mars 2019,
- qu'en tout état de cause, les époux [O] [W] étant des consommateurs au sens de la loi, la créance de la société LUXORINVEST est prescrite et en ce qu'il a débouté la société LUXORINVEST de sa demande en paiement dans une instance qui portait sur la qualification de l'opération entre les parties, le jugement du 25 février 2014 ne fait pas obstacle à ce que l'exception de prescription soit soulevée dans une autre instance.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La cassation en toutes ses dispositions de l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 15 novembre 2018 replace les parties en l'état du jugement d'orientation du 30 juin 2017, lequel a déclaré irrecevable le moyen tiré de l'acquisition de la prescription biennale et a constaté que la créance n'est pas exigible
Sur la prescription
En matière de recouvrement de créance, la prescription, qui sanctionne l'inaction du titulaire du droit, ne peut courir qu'à compter de la date à laquelle la créance est exigible.
Dans leurs conclusions au fond du 30 octobre 2013 devant le tribunal de grande instance de Draguignan, les époux [O] [W] exposaient que l'entreprise consiste en la construction de maisons destinées à être vendues sans délai après leur construction, car c'est la cause de la mise à disposition des fonds, et qu'ils ont rempli leur mission puisqu'ils ont acquis les terrains et construit les maisons, reprochant à la société LUXORINVEST d'avoir demandé que la mise en vente soit différée dans le seul but de ne pas partager les bénéfices et arguant de ce que contrairement à ce que cette dernière affirme, les villas sont toujours en vente et que les prix ont été revus à la baisse à plusieurs reprises, ce dont il résulte que les époux [O] [W] conditionnaient l'exigibilité de la créance à la vente des villas, parmi lesquelles celle objet de la présente procédure.
Dans son jugement du 25 février 2014, c'est au motif précisément qu'il n'est contesté par aucune des parties, comme le précisent les consorts [W], que les biens édifiés n'ont pas encore trouvé acquéreur et qu'ils sont en vente ou mis en location que le tribunal de grande instance de Draguignan a rejeté la demande en paiement de la société LUXORINVEST, après avoir rappelé que la caractéristique du prêt de 300 000 € est que son remboursement est soumis à la vente des biens construits ;
de
Ainsi, après une argumentation telle qu'elle résulte de leurs conclusions du 30 octobre 2013 et rappelée dans le jugement du 25 février 2014, argumentation qui repose nécessairement sur une exigibilité de la créance conditionnée par la vente du bien, les époux [O] [W] ne peuvent, sans se contredire aux dépens de la société LUXORINVEST, invoquer ensuite une prescription biennale qui suppose une exigibilité de la créance au 3 juillet 2008.
En conséquence, en application du principe de l'estoppel, c'est à bon droit que le premier juge a déclaré irrecevable le moyen tiré de la prescription biennale de la créance.
Sur l'exigibilité de la créance
Le jugement du 25 février 2014 a autorité de chose jugée en ce que pour rejeter la demande de paiement formée le 21 février 2012 par la société LUXORINVEST, le tribunal de grande instance a retenu que la caractéristique du prêt est que son remboursement est soumis à la vente des biens construits, que les biens édifiés n'ont pas encore trouvé acquéreur et qu'ils sont en vente.
L'autorité de chose jugée ne peut toutefois être opposée lorsque des événements postérieurs, des circonstances nouvelles sont venus modifier la situation antérieurement reconnue en justice.
Sur l'exigibilité proprement dite, dès lors effectivement que les parties sont convenues aux termes de l'acte du 3 août 2006 que le remboursement du prêt, qualifié de prêt participatif, se sera sur le bénéfice réalisé par la vente de la villa à faire édifier par l'acquéreur, à partager par moitié entre le prêteur et les débiteurs, la vente projetée conditionne nécessairement l'exigibilité de la créance.
Or la société NERALDA HOLDING APS soutient que les époux [O] [W] refusent désormais de vendre le bien.
Il est effectivement relevé qu'aux termes de leurs conclusions déposées le 21 septembre 2018 en vue de l'audience de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 10 octobre 2018, les époux [O] [W], répondant à la société LUXORINVEST qui invoquait une défaillance à la condition de vendre le bien, n'arguaient plus de ce que le bien est toujours en vente, aucune pièce n'étant d'ailleurs produite à ce titre, mais soutenaient que l'acte ne contiendrait aucune obligation de vendre leur propriété privée, ajoutant par ailleurs que la société LUXORINVEST ne les a jamais sommés de vendre.
La position des époux [O] [W] telle qu'exprimée dans leurs conclusions du 21 septembre 2018 et qui tend à contester l'obligation même de vendre, ce que ne traduisaient pas les conclusions du 31 octobre 2013 déposées dans l'instance qui a conduit au jugement du 25 février 2014, constituent une circonstance nouvelle permettant d'échapper à la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de chose jugée.
Et en arguant de ce qu'ils n'auraient pas reçu sommation de vendre, les époux [O] [W] ajoutent à l'acte du 3 août 2006 une condition qu'il ne prévoit nullement.
Quant à l'argument, dans leurs dernières conclusions du 14 octobre 2021, selon lequel la délivrance du commandement aux fins de saisie immobilière rend la vente impossible depuis 2016, il procède d'une confusion entre l'effet et la cause. Les époux [O] [W] ne peuvent reprocher à la société LUXORINVEST d'avoir rendu impossible une vente à laquelle eux-mêmes s'opposent.
Ainsi, la réalisation de la condition dépend de la seule volonté des époux [O] [W], or conformément à l'article 1304-2 du Code civil, est nulle l'obligation contractée sous une condition dont la réalisation dépend de la seule volonté du débiteur et conformément à l'article 1304-3 du même code, la condition suspensive est réputée accomplie si celui qui y a intérêt en a empêché l'accomplissement.
La condition étant ainsi réputée accomplie, le prêt est devenu exigible et la vente forcée doit donc être ordonnée.
Le jugement dont appel doit être en conséquence infirmé en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a déclaré irrecevable le moyen tiré de l'acquisition de la prescription biennale et statuant à nouveau, il convient d'ordonner la vente forcée du bien en constatant toutefois que sur poursuite de la procédure de saisie immobilière en l'état du caractère non suspensif du pourvoi en cassation formée à l'encontre de l'arrêt du 15 novembre 2018, le bien a été adjugé au prix de 228 000 € à la SARL DEMEURES EN VAR par jugement en date du 8 mars 2019 et y ajoutant, de fixer la créance de la société NERALDA HOLDING APS venant aux droits de la SA LUXORINVEST à la somme de 302 896,74 € arrêtée, sauf mémoire, au 9 août 2016
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement dont appel en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a déclaré irrecevable le moyen tiré de l'acquisition de la prescription biennale,
Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés,
Vu l'article 1304-2 du Code civil,
Dit que la condition prévue dans l'acte du prêt du 3 août 2006 est réputée accomplie et que le prêt est devenu exigible ;
Dit qu'il y a donc lieu d'ordonner la vente forcée du bien consistant en un immeuble sis à [Localité 9] cadastré section A no [Cadastre 5] pour une contenance de 15a 02ca ;
Constate toutefois que sur poursuite de la procédure de saisie immobilière en l'état du caractère non suspensif du pourvoi en cassation formée à l'encontre de l'arrêt du 15 novembre 2018, le bien été adjugé au prix de 228 000 €.à la SARL DEMEURES EN VAR par jugement du juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Draguignan en date du 8 mars 2019 ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. [D] [O] [W] et Mme [F] [M] [E] épouse [O] [W] à payer à la société NERALDA HOLDING APS la somme de 2 000 € (deux mille euros) ;
Confirme le jugement pour le surplus ;
Y ajoutant,
Vu l'article R 322-18 du code des procédures civiles d'exécution,
Dit qu'il y a lieu de retenir comme montant de la créance du créancier poursuivant, la société NERALDA HOLDING APS venant aux droits de la SA LUXORINVEST, la somme de 302 896,74 € arrêtée, sauf mémoire, au 9 août 2016 ;
Condamne M. [D] [O] [W] et Mme [F] [M] [E] épouse [O] [W] solidairement aux dépens de première instance et d'appel, ces derniers recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE