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17/11/2022 | FRANCE | N°21/00395

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-5, 17 novembre 2022, 21/00395


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5



ARRÊT AU FOND

DU 17 NOVEMBRE 2022

lv

N° 2022/ 458













Rôle N° RG 21/00395 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BGYJV







[G] [X]

[T] [A]





C/



[U] [I] [O]





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Alexandra GOLOVANOW



SELARL DEBEAURAIN & ASSOCIES




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Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal paritaire des baux ruraux de MANOSQUE en date du 07 Décembre 2020 enregistré au répertoire général sous le n° 51-18-7.





APPELANTS



Monsieur [G] [X]

demeurant [Adresse 3]



représenté par Me Alexandra GOLOVANOW, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE ,...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5

ARRÊT AU FOND

DU 17 NOVEMBRE 2022

lv

N° 2022/ 458

Rôle N° RG 21/00395 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BGYJV

[G] [X]

[T] [A]

C/

[U] [I] [O]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Alexandra GOLOVANOW

SELARL DEBEAURAIN & ASSOCIES

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal paritaire des baux ruraux de MANOSQUE en date du 07 Décembre 2020 enregistré au répertoire général sous le n° 51-18-7.

APPELANTS

Monsieur [G] [X]

demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Alexandra GOLOVANOW, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE , plaidant

Madame [T] [A]

demeurant [Adresse 5]

représentée par Me Alexandra GOLOVANOW, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE, plaidant

INTIME

Monsieur [U] [I] [O]

demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Julien DUMOLIE de la SELARL DEBEAURAIN & ASSOCIES, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE , plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 27 Septembre 2022 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame [P] [B], a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Sylvaine ARFINENGO, Président

Madame Hélène GIAMI, Conseiller

Madame Laetitia VIGNON, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 17 Novembre 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 17 Novembre 2022,

Signé par Madame Hélène GIAMI, Conseiller pour le Président Madame Sylvaine ARFINENGO, empêchée et Madame Danielle PANDOLFI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

M. [F] [O] est titulaire d'un bail rural qui lui a été cédé, selon acte du 23 décembre 2016, par sa mère, Mme [K] [S] divorcée [O], à compter du 23 décembre 2016 et jusqu'au 1er janvier 2020, sur les parcelles cadastrées [Cadastre 6], [Cadastre 7], [Cadastre 8], [Cadastre 9], [Cadastre 10], ainsi que le lot n° 2 comprenant selon la désignation du bail ' la partie de terrain en nature de terre d'une superficie de 70 a figurant en teinte marron sur le plan susvisé et une quote-part indéterminée de la propriété du sol dépendant de la parcelle cadastrée section [Cadastre 11] (...) 'sis lieudit [Localité 4], [Localité 1].

Par acte du 29 juin 2018, Mme [Y] [M] veuve [V], bailleresse en sa qualité d'usufruitière, M. [G] [X] et Mme [T] [A], ses petits-enfants et nu-propriétaires, ont fait délivrer à M. [F] [O] un congé pour reprise aux fins d'exploiter et portant sur les parcelles cadastrées [Cadastre 6], [Cadastre 7], [Cadastre 8], [Cadastre 9], [Cadastre 10] lieudit [Localité 4], [Localité 1].

Mme [Y] [M] veuve [V] est décédée le 5 septembre 2018.

Par requête en date du 13 septembre 2018, M. [F] [O] a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux de Manosque aux fins de solliciter, à titre principal, l'annulation du congé en d ate du 29 juin 2018, de dire que le bail se renouvellera pour une durée de 9 ans à compter du 1er janvier 2020 et, à tire subsidiaire, d'ordonner une expertise pour décrire et évaluer les évaluations apportées au fonds et chiffrer l'indemnité de sortie qui lui est due.

Par jugement contradictoire en date du 7 décembre 2020, le tribunal paritaire des baux ruraux de Manosque a:

- déclaré nul le congé reprise délivré le 29 juin 2018 à effet du 31 décembre 2019 à l'encontre de M. [F] [O] et au profit de M. [G] [X],

- constaté le renouvellement du bail du 26 janvier 2002 (cession du 23 décembre 2016) à compter du 1er janvier 2020, pour une durée de neuf années,

- rejeté les demandes formulées par M. [G] [X] et Mme [T] [A],

- condamné M. [G] [X] et Mme [T] [A] à payer à M. [F] [O] la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [G] [X] et Mme [T] [A] aux dépens,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

- rejeté le surplus des demandes.

Pour statuer en ce sens, le tribunal a retenu que:

- les conditions nécessaires permettant la reprise des parcelles louées par le bailleur s'apprécient à la date d'effet du congé reprise, soit en l'espèce le 1er janvier 2020,

- l'opération de reprise est soumise à une autorisation d'exploiter, eu égard au respect du contrôle des structures,

- M. [G] [X] a déposé une demande d'autorisation d'exploiter le 11 février 2020, soit après la date de prise d'effet du congé reprise, la demande de rescrit du 24 octobre 2019 ne constituant pas une demande d'autorisation d'exploiter complète,

- faute pour le bénéficiaire de l'opération de reprise d'avoir déposé une demande d'autorisation d'exploiter avant la date d'effet du congé, il ne remplit pas toutes les conditions légales le jour de l'expiration du bail.

Par déclaration en date du 4 janvier 2021, M. [G] [X] et Mme [T] [A] ont interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par RPVA le 20 septembre 2022, M. [G] [X] et Mme [T] [A] demandent à la cour de:

- recevoir M. [G] [X] et Mme [T] [A] en leur appel et le déclarer bien fondé,

- déclarer irrecevable, et à tout le moins infondé, le moyen soulevé par M. [F] [O] tiré de la prétendue nullité de la déclaration d'appel régularisée par les consorts [X]-[A] le 4 janvier 2021,

- réformer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal paritaire des baux ruraux de Manosque le 7 décembre 2020,

En conséquence,

- juger que M. [F] [O] n'exploite pas la parcelle cadastrée [Cadastre 11],

- juger que le congé pour reprise à fins d'exploiter, au profit de M. [G] [X], délivré le 29 juin 2018 à M. [F] [O] est régulier en la forme et bien fondé,

- en conséquence, valider ledit congé,

- dire et juger que M. [F] [O] devra libérer les terres cadastrées [Cadastre 6], [Cadastre 7], [Cadastre 8], [Cadastre 9], [Cadastre 10], sises Lieudit [Localité 4], [Localité 1], objets du congé délivré le 29 juin 2018, dans les 30 jours suivant la signification de la décision à intervenir, et ce, sous astreinte de 50 € par jour de retard passé cette date,

- débouter M. [F] [O] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- condamner M. [F] [O] à verser à M. [G] [X] et Mme [T] [A] la somme de 2400 € au titre des frais irrépétibles exposés en première instance, ainsi que la même somme exposée en cause d'appel, et ce, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [F] [O] à supporter les entiers dépens exposés tant en première instance qu'en cause d'appel.

S'agissant de la nullité de la déclaration d'appel invoquée par la partie adverse, ils rappellent que si effectivement l'article 933 du code de procédure civile, relatif à la déclaration d'appel sans représentation obligatoire, précise un certain nombre de mentions devant y figurer, il ne saurait leur être reproché de s'être conformés aux seules indications figurant dans la lettre de notification qui leur a été adressée par le greffe. Ils ajoutent qu'en tout état de cause, les irrégularités affectant les mentions de la déclaration d'appel constituent des vices de forme et que M. [O] ne justifie d'aucun grief.

Ils considèrent que lorsque le bailleur exerce son droit de reprise sur la totalité des biens détenus par le preneur, sans aucun changement de structure foncière, la reprise s'analyse en une simple substitution d'exploitants qui dispense le propriétaire d'obtenir une autorisation administrative, de sorte que M. [X] n'avait pas à solliciter la moindre autorisation d'exploiter.

Ils précisent qu'en tout état de cause, M. [X] a déposé le 24 octobre 2019, soit antérieurement à la prise d'effet du congé le 1er janvier 2020, une demande de rescrit auprès de la DDT des Alpes de Hautes Provence afin de savoir s'il devait présenter une autorisation d'exploiter, qu'il a formulé sa demande d' autorisation d'exploiter, par le biais de ses demandes de rescrit, dans la mesure où l'administration est tenue par sa propre réponse, antérieurement à la date à laquelle le tribunal a statué. Ils exposent qu'ils ont produit en cours de délibéré, devant le tribunal paritaire des baux ruraux un arrêté préfectoral du 19 octobre 2020 portant autorisation d'exploiter au profit de M. [X], qui est exécutoire, de sorte qu'il bénéficiait bien d'une telle autorisation lorsque le tribunal a été appelé à se prononcer sur la validité du congé par jugement du 7 décembre 2020.

Ils concluent:

- à la parfaite régularité en la forme du congé aux fins de reprise pour exploiter, en ce qu'il respecte le formalisme édicté par l'article L 411-47 du code rural:

* M. [J] [A], bailleur usufruitier de la parcelle cadastrée [Cadastre 11], n'avait pas à être partie au congé, dès lors que ledit congé ne porte pas sur la parcelle [Cadastre 11] qui n'est pas exploitée par l'intimé,

* cette parcelle correspond au jardin de la maison [A], de sorte qu'il n'était pas opportun qu'elle soit visée dans le congé litigieux, ni nécessaire que M. [J] [A], usufruitier de cette seule parcelle, soit également auteur du congé,

* M. [O] ne produit pas le moindre justificatif de versement d'un quelconque fermage concernent cette parcelle, qui n'est d'ailleurs pas visée dans l'arrêté préfectoral du 19 octobre 2020 refusant l'autorisation d'exploiter à ce dernier, confirmant qu'il n'a donc pas demandé une autorisation d'exploiter ladite parcelle,

- au bien fondé de ce congé:

* celui-ci respecte les dispositions de l'article L 411-59 du code rural, en ce que M. [X] justifie, depuis la date de prise d'effet du congé, être en mesure de se consacrer exclusivement à son projet professionnel agricole, qu'il dispose des diplômes nécessaires et a obtenu l'agrément préfectoral de son Plan de Professionnalisation Personnalisé,

* le projet économique de M. [X] est parfaitement viable ainsi qu'il en ressort notamment de la note de présentation relatif au projet d'installation établie par la chambre d'agriculture des Alpes de Hautes Provence et que ce dernier produit un Plan de Développement de l'exploitation ( PDE) nécessaire afin de solliciter des aides à l'installation.

M. [F] [O], suivant ses dernières conclusions déposées et notifiées le 26 septembre 2022 au RPVA, demande à la cour de:

- recevoir le concluant en ses écritures,

- déclarer nulle la déclaration d'appel au visa de l'article 933 du code de procédure civile,

- confirmer le jugement du tribunal paritaire des baux ruraux de Manosque du 7 décembre 2020, au visa des articles L 411-47 et L 411-58 du code rural, en ce qu'il a:

* déclaré nul le congé reprise délivré le 29 juin 2018 à effet du 31 décembre 2019 à l'encontre de M. [F] [O] et au profit de M. [G] [X],

*constaté le renouvellement du bail du 26 janvier 2002 ( cession du 23 décembre 2016) à compter du 1er janvier 2020, pour une durée de neuf années,

* rejeté les demandes formulées par M. [G] [X] et Mme [T] [A],

* condamné M. [G] [X] et Mme [T] [A] à payer à M. [F] [O] la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,

Y ajoutant,

- condamner M. [G] [X] et Mme [T] [A] aux entiers dépens ainsi qu'à la somme de 2.500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Il conclut en premier lieu à la nullité de la déclaration d'appel en ce que celle-ci ne répond pas aux prescriptions de l'article 901 du code de procédure civile par renvoi à l'article 933 du même code en ce que ladite déclaration ne vise pas les chefs du jugement critiqués, ce qui cause un grief, étant souligné que les appelants ne peuvent se prévaloir des indications visées à la notification du jugement.

Sur le fond, il sollicite la confirmation du jugement entrepris invoquant l'absence de conformité de M. [X] au regard du contrôle des structures, à la date effective du congé, conformément à l'article L 411-59 du code rural et la nécessité pour ce dernier d'obtenir une autorisation d'exploiter :

- selon une jurisprudence constante, pour apprécier si le bénéficiaire du congé remplit les conditions de fond de la reprise, il convient de se placer, non pas à la date de signification du congé, mais à celle pour laquelle le congé a été donné, à savoir sa date de prise d'effet,

- en l'espèce, M. [X] a présenté le 24 octobre 2019 une demande de rescrit, procédure qui n'est pas une procédure contradictoire et qui ne s'applique donc pas en cas de preneur en place,

- la demande de rescrit n'est pas une demande d'autorisation d'exploiter,

- dans le cas de M. [X] la nécessité d'une autorisation d'exploiter découlait de la position elle-même de l'administration telle qu'elle lui a été clairement indiquée dans le courrier des services de la DDTM du 22 janvier 2020,

* le 11 février 2020, M. [X] a déposé une demande d'autorisation d'exploiter en bonne et due forme alors que la date effective de prise d'effet du congé avait déjà eu lieu le 1er janvier 2020,

- ainsi au 1er janvier 2020, M. [X] n'était titulaire d'aucune autorisation d'exploiter et n'avait d'ailleurs saisi les services de la DDTM d'aucune demande en ce sens,

- la jurisprudence invoquée par la partie adverse n'est pas applicable en ce qu'elle concerne un preneur qui n'est ni propriétaire, ni locataire d'aucune autre parcelle que celles visées par un congé reprise, ce qui n'est pas sa situation en l'espèce, en ce qu'il exploite 82,25 ha comprenant 45 ha au titre du bail litigieux.

Il soutient que le congé est également nul au regard de la qualité des auteurs dudit congé:

- selon l'article L 411-46 du code rural, un congé reprise doit nécessairement être délivré par le propriétaire du bien loué au jour de la délivrance du congé,

- en l'espèce, au regard de l'acte de cession de bail du 23 novembre 2016, en tant que parties au congé, l'un des bailleurs, M. [J] [A], fait défaut,

- ce dernier est en effet également bailleur en qualité d'usufruitier de la parcelle cadastrée section [Cadastre 11], étant précisé qu'il justifie qu'il exploite bien cette parcelle, qui est comprise dans le bail,

- il est vain de soutenir qu'il n'y aurait aucun fermage, ladite parcelle étant louée moyennant le fermage stipulé au bail, comme d'ailleurs les autres parcelles,

- dès lors que le congé litigieux porte sur la totalité du bail du 26 janvier 2002 et donc de son acte de cession du 23 décembre 2016, l'absence d'un des co-bailleurs , en la personne de M. [J] [A], le congé est nul et non avenu.

Sur les conséquences de la reprise d'exploitation, il souligne que la perte de superficie correspondant aux terres louées serait à l'origine d'une perte de plus de la moitié de son bénéfice alors que pour sa part, M. [X] ne communique aucun élément relatif à la réalité du projet envisagé, peu importe qu'il bénéficie désormais d'une autorisation d'exploiter, la situation dont il se plaint n'étant que le résultat de son attentisme, en ce qu'il n'a pas déposé une demande en bonne et due forme dans les délais qui lui étaient impartis.

MOTIFS

Sur la nullité de la déclaration d'appel

Conformément à l'article 933 du code de procédure civile, dans sa version en vigueur depuis le 1er janvier 2021, la déclaration d'appel, dans la procédure sans représentation obligatoire, comporte les mentions prescrites par les 2° et 3° de l'article 54 et par le troisième alinéa de l'article 57. Elle désigne le jugement dont il est fait appel, précise les chefs du jugement critiqués auquel l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible, et mentionne, le cas échéant, le nom et l'adresse du représentant de l'appelant devant la cour. Elle est accompagnée de la copie de la décision.

M. [O] conclut à la nullité de la déclaration d'appel formalisée par M. [X] et Mme [A] compte tenu de l'absence de précision des chefs du jugement critiqués.

Or, comme le relèvent à juste titre les appelants:

- le jugement entrepris a été notifié par le greffe du tribunal paritaire des baux ruraux de Manosque, la notice de notification rédigée par le greffe comportant une reproduction erronée de l'article 933 susvisé en ce qu'il est mentionné ' la déclaration indique les noms, prénom, profession et domicile de l'appelant ainsi que le nom et l'adresse des parties contre lesquelles l'appel est dirigé. Elle désigne le jugement dont il est fait appel et mentionne le cas échéant, le nom et l'adresse du représentant de l'appelant devant la cour. Elle est accompagnée de la copie de la décision'.

- M. [X] et Mme [A] ont régularisé, seuls, une déclaration d'appel, dans le délai qui leur était imparti, par LRAR du 4 janvier 2021 en se conformant aux prescriptions de la notice de notification qui leur avait été adressée.

De surcroît, une telle irrégularité constitue un vice de forme, à charge pour celui qui l'invoque de rapporter la preuve d'un grief , ce que ne fait pas M. [O] , dès lors qu'il a été destinataire de la déclaration d'appel, qu'il a constitué avocat et que son conseil a été à même de présenter ses arguments en défense, comme en témoignent les deux jeux de conclusions qui ont été pris dans son intérêt.

En conséquence, la déclaration, d'appel n'encourt aucune nullité.

Sur la validité du congé reprise

En vertu de l'article L 411-58 du code rural, le bailleur a le droit de refuser le renouvellement du bail s'il veut reprendre le bien loué pour lui-même ou au profit de son conjoint, du partenaire auquel il est lié par un pacte civil de solidarité, ou d'un descendant majeur ou mineur émancipé.

Toutefois, le preneur peut s'opposer à la reprise lorsque lui-même ou, en cas de copreneurs, l'un d'entre eux se trouve soit à moins de cinq ans de l'âge de la retraite retenu en matière d'assurance vieillesse des exploitants agricoles, soit à moins de cinq ans de l'âge lui permettant de bénéficier de la retraite à taux plein. Dans chacun de ces cas, le bail est prorogé de plein droit pour une durée égale à celle qui doit permettre au preneur ou à l'un des copreneurs d'atteindre l'âge correspondant. Un même bail ne peut être prorogé qu'une seule fois. Pendant cette période aucune cession du bail n'est possible. Le preneur doit, dans les quatre mois du congé qu'il a reçu, notifier au propriétaire, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, sa décision de s'opposer à la reprise ou saisir directement le tribunal paritaire en contestation de congé.

Si le bailleur entend reprendre le bien loué à la fin de la période de prorogation, il doit donner de nouveau congé dans les conditions prévues à l'article L. 411-47.

Si la reprise est subordonnée à une autorisation en application des dispositions du titre III du livre III relatives au contrôle des structures des exploitations agricoles, le tribunal paritaire peut, à la demande d'une des parties ou d'office, surseoir à statuer dans l'attente de l'obtention d'une autorisation définitive.

Toutefois, le sursis à statuer est de droit si l'autorisation a été suspendue dans le cadre d'une procédure de référé.

Lorsque le sursis à statuer a été ordonné, le bail en cours est prorogé de plein droit jusqu'à la fin de l'année culturale pendant laquelle l'autorisation devient définitive. Si celle-ci intervient dans les deux derniers mois de l'année culturale en cours, le bail est prorogé de plein droit jusqu'à la fin de l'année culturale suivante.

Lorsque les terres sont destinées à être exploitées dès leur reprise dans le cadre d'une société et si l'opération est soumise à autorisation, celle-ci doit être obtenue par la société.

Lorsque le bien loué a été aliéné moyennant le versement d'une rente viagère servie pour totalité ou pour l'essentiel sous forme de prestations de services personnels le droit de reprise ne peut être exercé sur le bien dans les neuf premières années suivant la date d'acquisition.

L'article L 411-59 du même code dispose que le bénéficiaire de la reprise doit, à partir de celle-ci, se consacrer à l'exploitation du bien repris pendant au moins neuf ans soit à titre individuel, soit au sein d'une société dotée de la personnalité morale, soit au sein d'une société en participation dont les statuts sont établis par un écrit ayant acquis date certaine. Il ne peut se limiter à la direction et à la surveillance de l'exploitation et doit participer sur les lieux aux travaux de façon effective et permanente, selon les usages de la région et en fonction de l'importance de l'exploitation. Il doit posséder le cheptel et le matériel nécessaires ou, à défaut, les moyens de les acquérir.

Le bénéficiaire de la reprise doit occuper lui-même les bâtiments d'habitation du bien repris ou une habitation située à proximité du fonds et en permettant l'exploitation directe.

Le bénéficiaire de la reprise doit justifier par tous moyens qu'il satisfait aux obligations qui lui incombent en application des deux alinéas précédents et qu'il répond aux conditions de capacité ou d'expérience professionnelle mentionnées aux articles L. 331-2 à L. 331-5 ou qu'il a bénéficié d'une autorisation d'exploiter en application de ces dispositions.

Pour apprécier si le bénéficiaire du congé remplit les conditions de fond de la reprise, il convient de se placer à la date pour laquelle le congé a été donné, à savoir à sa date d 'effet, soit en l'occurrence le 1er janvier 2020.

M. [X] doit donc être en règle avec le contrôle des structures avant la date effective du congé.

En l'espèce, il ressort des pièces produites que:

- le 24 octobre 2019, M. [X] a présenté une demande de rescrit auprès de la DDTM des Alpes de Haute Provence,

- le 22 janvier 2020, l'administration lui a apporté la réponse suivante ' L'article 331-2-1 2° du code rural indique ' Sont soumises à autorisation préalable les opérations suivantes (...) quelle que soit la superficie en cause, les installations (...) ayant pour conséquence (...) de ramener la superficie d'une exploitation en deçà de ce seuil ( fixé par le schéma directeur régional des exploitations agricoles).' Comme cette perte de terres cultivées à ce jour en grande cultures et plantes à parfum ferait passer l'exploitation agricole de M. [O] sous le seuil des 85 ha pondérés, il est nécessaire que vous déposiez une demande d'autorisation d'exploiter.'

- le 11 février 2020, M. [X] a déposé une demande d'autorisation d'exploiter auprès des services de la DDTM.

A la date du 1er janvier 2020, M. [X] n'était titulaire d'aucune autorisation d'exploiter et n'avait saisi d'ailleurs la DDTM d'aucune demande en ce sens.

C'est en vain que les appelants soutiennent qu'aucune autorisation d'exploiter n'avait à être obtenu par le bénéficiaire de la reprise alors que:

- la nécessité d'une telle autorisation découle de la position elle-même de l'administration telle qu'indiquée dans son courrier du 22 janvier, qui est on ne peut plus clair,

- une telle autorisation était, en effet, nécessaire au regard des conséquences de ce congé-reprise pour l'exploitation de M. [O].

Il ne peut davantage être soutenu qu'une telle autorisation n'est pas nécessaire lorsque le bailleur exerce son droit de reprise sur la totalité détenue par le preneur, sans aucun changement de structure foncière, une telle hypothèse ne concernant qu'une procédure de reprise initiée par le bailleur auprès de son fermier dont l'exploitation est constituée par les seuls biens visés au congé, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, M. [O] louant d'autres parcelles que celles appartenant aux appelants.

La cour observe en outre que:

- une demande de rescrit ne constitue pas une demande d'autorisation d'exploiter, en que il s'agit simplement pour le bénéficiaire de la reprise de communiquer à l'administration des informations, purement déclaratives de sa situation pour connaître les démarches qu'il y a lieu de suivre,

- le tribunal paritaire des baux ruraux n'avait absolument pas à tenir compte de l'obtention par M. [X] d'un arrêté préfectoral d'autorisation d'exploiter le 19 octobre 2020, soit au cours du délibéré, cette circonstance étant sans emport, en ce qu'il est incontestable qu'à la date effective du congé ( le 1er janvier 2020) , celui-ci ne bénéficiait d'aucune autorisation d'exploiter et n'a d'ailleurs effectué une telle démarche que plusieurs semaines après,

- la réponse favorable de l'administration obtenue en octobre 2020 n'est pas de nature à valider rétroactivement le congé, dès lors qu'elle a été prise à la suite d'une demande tardive.

C'est donc à juste titre que le premier juge a retenu que faute pour le bénéficiaire de l'opération de reprise d'avoir déposé une demande d'autorisation d'exploiter avant la date d'effet du congé, il ne remplit pas toutes les conditions légales le jour de l'expiration du bail et que le congé reprise délivré le 29 juin 2018 était nul.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en toutes ses dispositions.

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

Vu l'article 696 du code de procédure civile;

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Rejette la demande de M. [F] [O] aux fins de déclarer nulle la déclaration d'appel de M. [G] [X] et Mme [T] [A],

Confirme le jugement du tribunal paritaire des baux ruraux de Manosque déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne M. [G] [X] et Mme [T] [A] à payer à [F] [O] la somme de 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [G] [X] et Mme [T] [A] aux dépens de la procédure d'appel.

Le greffier Pour le président empêché


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-5
Numéro d'arrêt : 21/00395
Date de la décision : 17/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-17;21.00395 ?
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