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17/11/2022 | FRANCE | N°19/12757

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-5, 17 novembre 2022, 19/12757


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5



ARRÊT AU FOND

DU 17 NOVEMBRE 2022

sa

N° 2022/ 456

Rôle N° RG 19/12757 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BEXBM







[T] [A]



C/



[Z] [U]

[I] [U]

SARL SOCANET

SCP LEFORT BERGER ROMAIN SACCONE ET LAMBERT

Syndicat des copropriétaires [Adresse 3]





Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Camille BERAUD



Me Alexandra BOISRAME



Me Joëlle HELOU-MICHEL





SCP LATIL PENARROYA-LATIL



Me Julien CEPPODOMO











Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 03 Juillet 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 15/05964.





APPELA...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5

ARRÊT AU FOND

DU 17 NOVEMBRE 2022

sa

N° 2022/ 456

Rôle N° RG 19/12757 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BEXBM

[T] [A]

C/

[Z] [U]

[I] [U]

SARL SOCANET

SCP LEFORT BERGER ROMAIN SACCONE ET LAMBERT

Syndicat des copropriétaires [Adresse 3]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Camille BERAUD

Me Alexandra BOISRAME

Me Joëlle HELOU-MICHEL

SCP LATIL PENARROYA-LATIL

Me Julien CEPPODOMO

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 03 Juillet 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 15/05964.

APPELANT

Monsieur [T] [A]

demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Camille BERAUD, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMES

Monsieur [Z] [U]

demeurant [Adresse 6]

représenté par Me Alexandra BOISRAME, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Madame [I] [U]

demeurant [Adresse 6]

représentée par Me Alexandra BOISRAME, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

SARL SOCANET, dont le siège social est [Adresse 2], prise en la personne de son représentant légal en exerice domicilié en cette qualité audit siège

représentée par Me Joëlle HELOU-MICHEL, avocat au barreau de GRASSE

SCP d'Huissiers de Justice LAMBBERT-BERGER-ROMAIN-SACCONE-VAN DE KERCHOVE, venants aux droits de la SCP LEFORT BERGER ROMAIN SACCONE ET LAMBERT, Huissiers de Justice, agissant poursuites et diligences en la personne de son gérant en exercice demeurant ès qualités audit siège [Adresse 1]

représentée par Me Pascale PENARROYA-LATIL de la SCP LATIL PENARROYA-LATIL, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Alain PATRICOT, avocat au barreau de NICE , plaidant

Syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier sis à [Adresse 3], représenté par son syndic en exercice, la société INTERSERVICES JMD, SA , dont le siège social à [Adresse 4], lui même pris en la personne de son représdentant légal en exercice, domiciié en cette qualité audit siège

représenté par Me Julien CEPPODOMO, avocat au barreau de GRASSE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 27 Septembre 2022 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Sylvaine ARFINENGO, Président , a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Sylvaine ARFINENGO, Président

Madame Hélène GIAMI, Conseiller

Madame Laetitia VIGNON, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 17 Novembre 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 17 Novembre 2022,

Signé par Madame Sylvaine ARFINENGO, Président et Madame Danielle PANDOLFI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

M. et Mme [U] sont propriétaires d'un appartement dépendant d'un immeuble situé [Adresse 3], soumis au statut de la copropriété, qu'ils ont donné à bail à Mme [R], compagne de Monsieur [T] [A].

Dans le courant de l'année 2009, une procédure d'expulsion a été engagée contre la locataire pour défaut de paiement des loyers.

Après un commandement d'avoir à quitter les lieux signifié le 21 septembre 2012, Mme [R] a quitté les lieux, mais M. [A] s'y est maintenu.

C'est dans ce contexte que les propriétaires de l'appartement ont saisi la SCP Lefort-Berger-Romain-Saccone-Lambert, huissiers de Justice à Cannes, à l'effet de procéder à l'expulsion de M. [A] de cet appartement.

Le 1er septembre 2015, la SCP d'huissiers de justice a fait signifier à M. [A] un avis d'expulsion du logement.

Les opérations d'expulsion ont eu lieu le 28 septembre 2015.

Les cartons contenant les affaires personnelles de M. [A] ont été entreposés sur le palier avant d'être enlevés par la société Socanet, à la demande du syndicat des copropriétaires.

Par exploit d'huissier en date du 17 novembre 2015, M. [A] a fait assigner la société Socanet et le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 3], devant le tribunal de grande instance de Grasse aux fins de les voir condamner solidairement à lui verser la somme de 113.981 euros, représentant, selon lui, le montant de ses effets disparus, débarrassés des parties communes par la société Socanet, à la demande du syndic de l'immeuble.

Par exploit d'huissier en date du 7 juillet 2016, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 3], représenté par son syndic en exercice, a assigné en intervention forcée les époux [U], propriétaires de l'appartement occupé par M. [A].

Par exploit en date du 28 novembre 2017, les époux [U] ont assigné en intervention forcée la SCP Lefort-Berger-Roman-Saccone-Lambert, huissiers de justice ayant procédé à la procédure d'expulsion.

Les instances ont fait l'objet d'une jonction.

Par jugement en date du 3 juillet 2019, le tribunal de grande instance de Grasse a statué ainsi qu'il suit :

-Constate qu'aucune faute n'est établie à l'encontre de la Sarl Socanet, du syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 3], de Monsieur [Z] [U], de Madame [I] [P] épouse [U] et de la SCP Lefort-Berger-Romain-Saccone-Lambert,

-Déboute Monsieur [T] [A] de l'ensemble de ses demandes ;

-Dit sans objet les demandes de relevé et garantie formées par les époux [U] et la SCP Lefort-Berger-Romain-Saccone-Lambert ;

-Condamne Monsieur [T] [A] à payer :

-à la SARL Socanet la somme totale de 2.000 €

-à Monsieur [Z] [U] et Madame [I] [P] épouse [U] la somme totale de 2.000 €,

-à la SCP la somme totale de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

-Déboute le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 3] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile formée à l'encontre des époux [U] ;

-Condamne Monsieur [T] [A] aux entiers dépens de l'instance distraits au profit de Maître Alain Patricot et Maître Julien Ceppodomo en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

-Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de la présente décision.

Pour statuer ainsi, le tribunal a retenu :

-que les cartons contenant les effets personnels de M. [A] avaient bien été évacués de l'immeuble [Adresse 3] où ils avaient été entreposés à sa demande par l'entreprise de déménagement, la société Carère, enlèvement effectué par la société Socanet le 29 septembre 2015,

'sur la responsabilité du syndicat des copropriétaires, qu'en application de l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965, le syndicat avait l'obligation d'entretenir les parties communes et qu'il n'avait dès lors commis aucune faute en sollicitant l'enlèvement des cartons entreposés dans l'escalier de l'immeuble,

'sur la responsabilité de la société Socanet, qu'elle avait procédé à l'enlèvement des cartons à la demande du syndic de la copropriété, que dès lors l'exécution d'une telle mission n'était pas constitutive d'une faute; qu'en revanche, l'attestation établie par le gérant de la société ne suffisait pas à établir la responsabilité de ses employés dans la disparition des affaires de M. [A],

-sur la responsabilité de l'étude d'huissier instrumentaire, qu'elle a effectué sa mission conformément aux dispositions du code des procédures civiles d'exécution et qu'aucune faute n'était établie à son encontre,

-sur la responsabilité des époux [U], qu'aucune faute n'a été retenue à l'encontre de la SCP d'huissier de justice, que les époux [U] avaient mandaté huissier dans le cadre de l'exécution régulière d'une décision de justice devenue définitive et que la sollicitation du concours de l'officier ministériel ne pouvait être ainsi considérée comme fautive

Le 2 août 2019, M. [A] a relevé appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 31 octobre 2019, il demande à la cour, sur le fondement des articles 1240 et suivants du code civil, de :

'infirmer le jugement du tribunal de grande instance de Grasse en date du 3 mai 2019,

statuant à nouveau,

'constater que le 28 septembre 2015, il a été expulsé de son appartement situé au troisième étage de l'immeuble [Adresse 3],

'constater que lors de cette expulsion, il s'est fait subtiliser ses effets personnels d'une valeur totale de 113 981 €,

'dire et juger qu'il est victime d'un préjudice d'une valeur de 113 981 €,

'constater que le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 3], par l'effet du président du conseil syndical, Monsieur [N], et de son syndic, la société Interservices JMB, a sollicité la société Socanet pour retirer les cartons contenant ses effets personnels,

'dire et juger que le syndicat des copropriétaires a commis une faute de nature délictuelle ou quasi délictuelle au sens des articles 1382 et 1383 du code civil en mandatant la société Socanet, sans prendre le soin de le contacter ou de contacter l'huissier de justice en charge de son expulsion,

'dire et juger que cette faute du syndicat de l'immeuble est à l'origine du préjudice qu'il subit,

'dire et juger que par cette faute, le syndicat des copropriétaires engage sa responsabilité civile délictuelle ou quasi délictuelle l'obligeant à réparer le préjudice qu'il subit,

'constater que le gérant de la société Socanet atteste que ses effets personnels ont été volés par les employés,

'dire et juger qu'en procédant au vol de ses effets personnels, les employés de la société Socanet ont agi dans le cadre de leurs fonctions,

'dire et juger que cette faute des employés de la société Socanet est à l'origine du préjudice qu'il subit,

'dire et juger que du fait de la faute commise par ses employés, la société Socanet engage sa responsabilité civile à son égard,

'condamner solidairement la société Socanet et le syndicat des copropriétaires à lui payer la somme de 113 981 €,

'ordonner l'exécution provisoire,

'condamner solidairement le syndicat des copropriétaires et la société Socanet à lui payer la somme de 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

'condamner le syndicat des copropriétaires et la société Socanet aux dépens.

L'appelant soutient en substance que :

-le syndicat des copropriétaires, qui était informé de la mesure d'expulsion dont il faisait l'objet, a commis une faute en faisant retirer ses cartons par la société Socanet, sans même tenter de le joindre ou de rentrer en contact avec l'huissier de justice en charge de la mesure d'expulsion ;

'la société Socanet a également commis une faute car ses employés seraient impliqués dans le vol des cartons, ce qu'a reconnu le gérant de la société dans l'attestation qu'il a rédigée.

-l'acte du préposé qui a un lien avec ses fonctions engage la responsabilité du commettant. Or, en l'espèce, c'est à l'occasion de l'accomplissement de leur mission qu'ils ont procédé au vol des cartons ;

'ses cartons contenaient l'intégralité de ses effets personnels;

-Il a récupéré les factures d'une plus grande partie de ses biens dont le montant total s'élève à 113 981 €.

Selon les dernières conclusions qu'il a remises au greffe et notifiées le 22 janvier 2020, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 3] demande à la cour, sur le fondement des articles 1382 anciens et suivants du code civil, L122-1 et L433- 1 du code des procédures civiles d'exécution, de :

'à titre principal,

'confirmer purement et simplement le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Grasse le 3 juillet 2019,

'compléter ce jugement en ce qui concerne l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à son égard,

'à titre subsidiaire,

'condamner Monsieur et Madame [U] d'avoir à le relever et à le garantir de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre,

en tout état de cause,

'condamner tout succombant à lui verser la somme de 3000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

'condamner tout succombant aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Julien Ceppocomo, avocat, sous sa due affirmation de droit,

'dire et juger que dans l'hypothèse où l'exécution forcée des condamnations prononcées à l'encontre de M. [A] dans la décision à intervenir devra être réalisée par l'intermédiaire d'un huissier de justice, le montant des sommes par lui retenue en application de l'article A 444-32 du code de commerce devra être supporté par le débiteur.

Le syndicat des copropriétaires expose essentiellement que M. [A], qui sollicite sa condamnation sur le fondement de l'ancien article 1382 du code civil, ne démontre pas la faute commise, ni la preuve d'un quelconque préjudice.

En effet, il considère avoir respecté son obligation légale d'entretien des parties communes, comportant notamment l'obligation de les désencombrer ; il ajoute qu'il ignorait à qui appartenaient les cartons litigieux et précise qu'il ne lui incombait pas de demander à Monsieur [A] d'enlever ses cartons des parties communes mais à ce dernier de demander au syndic l'autorisation éventuelle de les laisser dans la cage d'escalier.

Le syndicat des copropriétaires indique qu'il n'est pas à l'origine de la disparition des cartons, ces derniers ont été enlevés par la société Socanet, intervenue le 29 septembre 2015 et qu'en procédant à cet enlèvement, elle en est devenue gardienne et donc responsable. Il relève que les cartons auraient été volés par des employés de la société Socanet, ce que cette dernière ne dément pas. Il précise que la disparition de ses cartons n'est pas en lien avec leur enlèvement qu'il a sollicité.

Il souligne également que Monsieur [A] est personnellement à l'origine de la situation qu'il invoque, ne pouvant se prévaloir de sa propre turpitude et se plaignant d'une situation qu'il a contribué à créer. Il rappelle que les cartons ont été stockés dans les parties communes le 28 septembre 2015 et qu'ils ont été enlevés le lendemain par la société Socanet. Il observe que contrairement à ce que ce dernier prétend, Monsieur [A] n'a pas été pris de court par la procédure d'expulsion et que les intempéries qu'il invoque se sont produites près d'une semaine après son expulsion.

Le syndicat des copropriétaires expose ensuite que Monsieur [A] ne justifie d'aucun préjudice certain, prétendant que ses cartons contenaient l'intégralité de ses affaires personnelles, pour un montant de 113 981 €.

Il indique que le jugement du 3 juillet 2019 a omis de statuer sur la demande qu'il avait formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Enfin, à titre subsidiaire, il demande à être relevé et garanti par Monsieur et Madame [U] car ce sont eux qui ont mandaté l'huissier de justice, lequel a commis une faute lors des opérations d'expulsion en laissant les cartons en cause dans les parties communes de l'immeuble, sans autorisation du syndicat des copropriétaires.

Aux termes des dernières conclusions qu'ils ont remises au greffe et notifiées le 31 janvier 2020, Monsieur et Madame [U] demandent à la cour de :

-confirmer le jugement entrepris,

en conséquence, vu l'article 1240 du code civil,

'juger que la faute de Maître [O], huissier de justice, n'est pas établie,

'juger que le lien de causalité direct n'est pas démontré non plus,

'juger qu'ils n'ont commis aucune faute et ne sont pas responsables d'une éventuelle faute de l'huissier n'étant pas ses mandants pour l'opération d'expulsion en cause,

'juger en toute hypothèse que plusieurs fautes s'intercalent entre la faute de huissier si elle était retenue et le dommage,

'juger que les fautes de Monsieur [A] sont exonératoires,

'juger que les vols subis par Monsieur [A] par les employés de la société Socanet présente un caractère imprévisible et irrésistible de sorte que cette faute les exonère ainsi que le huissier de toute responsabilité,

'juger que le dommage n'est pas valablement démontré,

'rejeter en conséquence la demande du syndicat des copropriétaires,

'subsidiairement,

'si Monsieur [A] obtenait la condamnation du syndicat des copropriétaires,

'réformer le jugement entrepris et, vu l'article 1240 du Code civil,

'juger que la faute en lien direct avec le dommage si elle est établie résulte des vols des employés de la société Socanet,

-juger en conséquence que la société Socanet les relèvera et les garantira de toute condamnation éventuellement prononcée à leur encontre,

'vu les articles L 122-1 et suivants, et L 433-1 du code des procédures civiles d'exécution,

-juger que la SCP Lefort Berger Romain Saccone Lambert qui a réalisé l'expulsion et déposé les effets dans les parties communes, les relèvera et les garantira de toute condamnation éventuellement prononcée à leur encontre,

'dans tous les cas,

'condamner tout succombant et notamment le syndicat des copropriétaires [Adresse 3] à leur payer la somme de 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Monsieur et Madame [U] exposent tout d'abord que l'huissier de justice n'a commis aucune faute, que les articles L122-1 et L 433-1 du code des procédures civiles d'exécution s'appliquent aux meubles meublants et non aux effets personnels de Monsieur [A], étant observé que l'huissier a laissé les cartons de vêtements et objets là où Monsieur [A] lui avait demandé de les déposer, soit dans les parties communes de l'immeuble. Ils ajoutent que si une autorisation du syndicat des copropriétaires était nécessaire, il appartenait à Monsieur [A] de la solliciter.

Ils précisent qu'ils n'ont pas à répondre de la faute éventuelle de l'huissier car ils ne sont pas ses mandants, l'expulsion étant une opération réglementée par la loi que seul un huissier peut réaliser.

Ils font également valoir qu'il n'existe pas de lien direct de causalité entre la faute reprochée et le dommage : la victime a abandonné sans surveillance ses cartons du 28 septembre à 14 heures, fin de l'expulsion, au 29 septembre au matin, le syndicat des copropriétaires a fait retirer les cartons sans mise en demeure préalable et les employés de la société Socanet aurait volé le contenu des cartons. Au cas particulier la faute de la victime est exonératoire.

Ils font enfin valoir que le dommage allégué et contestable car aucune facture n'est produite.

Selon les dernières conclusions qu'elle a remises au greffe et notifiées le 7 avril 2020, la SCP LAMBBERT-BERGER-ROMAIN-SACCONE-VAN DE KERCHOVE, venants aux droits de la SCP d'huissiers de justice Lefort Berger Romain Saccone et Lambert demande à la cour de :

-dire qu'elle n'a commis aucune faute,

'débouter toutes les parties de toutes demandes, fins et conclusions dirigées contre elle,

'débouter les époux [U] de leur appel en garantie dirigée contre elle,

'confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions la concernant,

'y ajoutant,

'condamner la partie succombante à lui verser la somme de 3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

'condamner la partie succombante en tous les dépens, tant de première instance que d'appel, ces derniers distraits au profit de Me Pascale Pannaroya-Latil.

La SCP fait valoir en substance qu'elle n'a commis aucune faute et relève que dans ses conclusions, l'appelant ne forme aucune demande à son encontre.

Elle rappelle que l'expulsion en cause a fait l'objet d'un procès-verbal d'expulsion en date du 28 septembre 2015, de 8h30 à 14 heures, que le mobilier a fait l'objet d'un inventaire figurant dans ce procès-verbal, qu'il y est précisé que le mobilier a été enlevé et que Monsieur [A] n'ayant communiqué aucune adresse, le mobilier a été transporté par la Sarl Carrère, déménageur.

S'agissant des cartons faisant l'objet du litige, la SCP observe qu'ils ont été remplis de vêtements et d'effets personnels de Monsieur [A] par une personne venant de l'extérieur, qu'ils ont été entreposés devant la porte de l'appartement le jour de l'expulsion, soit le 28 septembre 2015 à 15 heures, alors que l'expulsion s'étant terminée à 14 heures, ainsi que cela résulte du procès-verbal, l'huissier n'était plus sur les lieux.

Elle ajoute que les cartons contenant des vêtements et effets personnels ne sont pas des meubles au sens où l'entend l'article L433-1 du code des procédures civiles d'exécution et que le syndicat des copropriétaires en a ordonné l'enlèvement. Elle observe que ni le syndicat des copropriétaires, ni la société Socanet l'appellent en garantie, à l'inverse des époux [U] mais elle relève que ces derniers affirment que la SCP n'a commis aucune faute.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 18 février 2022, la Sarl Socanet demande à la cour, sur le fondement des articles 1382, 1383 du code civil applicables au cas d'espèce (1240 du code civil et suivants), et 9 du code de procédure civile, de :

A titre principal,

-confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions en ce qu'il a débouté Monsieur [A] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions et l'a condamné à lui verser une somme de 2.000 Euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile

-déclarer qu'elle n'a fait qu'exécuter la mission qui lui était confiée,

-déclarer que Monsieur [A] ne rapporte pas la preuve d'une faute commise par elle,

-déclarer que Monsieur [A] ne rapporte pas la preuve de la réalité du préjudice allégué ni de son quantum,

-débouter Monsieur [A] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions en ce qu'elles sont dirigées contre elle;

-subsidiairement et dans l'hypothèse où le jugement de première instance serait réformé et qu'une quelconque faute serait retenue à son encontre,

-condamner les époux [U] à la relever et la garantir de toute condamnation mise à sa charge,

En tout état de cause

-condamner tout succombant à lui payer la somme de 6.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

-Condamner tout succombant aux entiers dépens.

La société Socanet fait essentiellement valoir qu'elle n'a commis aucune faute : requise par le syndic de l'immeuble, elle a, en sa qualité de société de nettoyage, fait exécuter la mission confiée par le syndic de débarrasser les encombrants et cartons laissés dans la cage d'escalier par les déménageurs. Ces cartons se trouvaient dans les parties communes, présumées être sous la garde du syndicat des copropriétaires.

Elle ajoute que Monsieur [A] ne peut invoquer un prétendu vol car les cartons ont été laissés sciemment par le locataire lui-même à la libre disposition de toutes les personnes circulant dans les parties communes de l'immeuble. En outre, Monsieur [A] reconnait lui-même avoir demandé à l'huissier de laisser les cartons en cause dans les escaliers de l'immeuble, parties communes, et ce sans autorisation préalable du syndic.

Elle relève, au surplus, que les demandes de Monsieur [A] sont contestables dans leur quantum, faute de rapporter la preuve du contenu exact des cartons en cause.

La société Socanet fait aussi valoir que les opérations d'expulsion se déroulent sous la responsabilité de l'huissier et de son mandant, les époux [U].

L'ordonnance de clôture est intervenue le 1er mars 2022.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions di-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé, en application de l'article 455 du code de procédure civile.

Motifs de la décision :

1- En application de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

Or, le dispositif des conclusions des parties contiennent des moyens, et non des prétentions, présentés sous la forme « constater que », « dire et juger que » ou encore « déclarer que » qui n'ont pas à y figurer.

Il sera répondu à ces moyens dans le corps de l'arrêt mais non dans le dispositif.

2-M. [A] poursuit la responsabilité civile délictuelle du syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 3], dont il sollicite la condamnation « solidaire » avec la société Socanet, à l'indemniser du préjudice qu'il estime avoir subi.

L'article 1240 du code civil énonce que tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Sur le fondement de ce texte, M. [A] doit donc rapporter la triple démonstration d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité directe entre eux.

2-1:Il est constant qu'à la suite de l'expulsion dont M. [A] a fait l'objet de l'appartement dont sont propriétaires M. et Mme [U], situé [Adresse 3], des « cartons et effets personnels » lui appartenant, selon les termes de l'attestation établie par le gérant de la société de déménagement Carère, ont été entreposés sur le palier, « quelques marches au-dessus de l'appartement du 3ème étage », selon cette même attestation.

Il est tout aussi constant que le syndicat des copropriétaires, a mandaté, dès le 28 septembre 2015, la société Socanet, afin, selon la demande d'intervention, de «débarraser (sic) encombrent (sic) et cartons dans cage d'escalier laissé (sic) par les déménageurs ».

Il apparaît que société est intervenue le lendemain, soit le 29 septembre 2015, dans la matinée.

Le gérant de la société Socanet a indiqué, dans une attestation rédigée le 26 octobre 2015, que ces cartons au nombre de 15, avaient été stockés devant la porte de l'appartement occupé par M. [A], qu'ils étaient revêtus de l'inscription Carère Déménagements, qu'ils étaient fermés proprement et qu'ils n'empêchaient nullement l'accès à la cage d'escaliers.

Enfin, il ressort des débats que ces cartons ont été laissés sur le palier à la demande de M. [A], qui a pris le risque de laisser ses effets sans surveillance.

Cependant, en vertu de l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965, dans sa version applicable au présent litige, le syndicat des copropriétaires a pour objet la conservation de l'immeuble et l'administration des parties communes et est responsable des dommages causés aux copropriétaires ou aux tiers par le vice de construction ou le défaut d'entretien des parties communes, sans préjudice de toutes actions récursoires.

Le syndicat des copropriétaires ne conteste pas ne pas avoir pris contact avec M.[A] avant de prendre la décision de faire procéder à l'enlèvement des cartons.

Mais il n'est pas utilement contredit lorsqu'il affirme ne pas avoir été informé de la mesure d'expulsion dont M. [A] faisait l'objet et ignorer à qui appartenaient ces cartons, rappelant d'une part, que l'expulsion par un copropriétaire d'un occupant sans droit ni titre est une affaire privée, d'autre part que M.[A] s'est abstenu de solliciter du syndic l'autorisation de laisser ses cartons sur place.

Il apparaît donc qu'en agissant ainsi, le syndicat des copropriétaires n'a fait qu'exécuter l'obligation d'entretenir les parties communes qu'il tient de la loi, sans qu'il soit tenu préalablement d'en informer un copropriétaire ou un tiers.

Par ailleurs, la disparition des cartons n'est pas imputable au syndicat des copropriétaires, ces cartons ayant été enlevés le 29 septembre 2015 par la société Socanet.

Dès lors, le jugement dont appel sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [A] des demandes qu'il a formées à l'encontre du syndicat des copropriétaires.

2-2: M. [A] poursuit ensuite la responsabilité de la société Socanet, mandatée par le syndicat des copropriétaires pour débarrasser les parties communes de l'immeuble des cartons litigieux.

Il se fonde sur l'ancien article 1384 du code civil, devenu 1242, selon lequel les maîtres et commettants sont responsables du dommage causé par leurs domestiques et préposés dans les fonctions auxquelles ils les ont employés.

Exposant qu'une employée de la société Socanet serait « impliquée dans le vol » de ses cartons, l'appelant se prévaut d'une attestation établie par le gérant de cette société.

Cette attestation, rédigée par M.[S] [C] le 26 octobre 2015, énonce :

« Je soussigné [C] [S], gérant de la société Socanet, déclare sur l'honneur qu'à la demande de JMD Interservices, avoir mandaté le 28 septembre pour débarrasser des cartons au [Adresse 3] (courrier ci-joint attestant de la demande de JMD Interservices).

En effet, ces cartons environ quinze étaient stockés devant la porte de M. [A] (3ème étage). Ces cartons portant l'inscription « Carère Déménagements » étaient fermés proprement et n'empêchaient en aucun cas l'accès dans la cage d'escaliers.

Mes employés ont donc enlevé les cartons le 29/9/2015 vers 7 h30.

Quelques heures après les faits, mes employés ne m'ont pas informé où les cartons avaient été stockés.

Pour ma part, je reste à la disposition de M. [A] et je m'engage à contacter mon ...pour faire marcher ma responsabilité civile ainsi que d'entreprendre des démarches nécessaires à l'encontre de mes employés (qui ont fait disparaître ces cartons) [V] [W].

J'engagerai une démarche juridique à l'encontre de JMD Interservices et M. [N] (président du conseil syndical) si cela était nécessaire ».

Au regard de ces éléments, il se déduit que la mission de la Sarl Socanet, qui a procédé à l'enlèvement des cartons, a été effectuée à la demande du syndicat des copropriétaires, et comme telle, ne présente aucun caractère fautif.

Pour solliciter la condamnation de cette société sur le fondement de la responsabilité des commettants à l'égard de leurs préposés au visa du texte précité, M. [A] ne produit que l'attestation précitée, dont le tribunal a relevé, à juste titre, qu'elle ne respectait pas le formalisme de l'article 202 du code de procédure civile.

En outre, ce seul élément ne saurait suffire à rapporter la preuve du vol commis par l'un des préposés de la Sarl Socanet, ce alors que M. [A] indique avoir porté plainte auprès du procureur de la République de Grasse le 8 novembre 2015, avoir été entendu dès le 8 décembre 2015 par les services de police de [Localité 5], sans que près de 7 ans plus tard, aucune précision ne soit apportée sur les suites réservées à cette démarche.

Dès lors, M.[A] sera débouté de ses demandes à l'égard de la société Socanet, par confirmation du jugement déféré.

Il sera observé que :

-l'appelant ne forme aucune demande contre les autres parties à l'instance,

-le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 3], représenté par son syndic en exercice, a assigné en intervention forcée les époux [U], propriétaires de l'appartement occupé par M. [A], ne forme de demande à leur encontre qu'à titre subsidiaire

-la société Socanet ne forme à l'encontre des époux [U] qu'à titre subsidiaire,

-les époux [U] ne forment des demandes à l'encontre de la société Socanet et de la SCP d'huissiers qu'à titre subsidiaire.

Ces appels en garantie ne seront pas examinés au regard de la confirmation du jugement qui a débouté M. [A] de ses demandes à l'encontre du syndicat des copropriétaires et de la Sarl Socanet, qui en ont fait la demande.

Vu les articles 696 à 700 du code de procédure civile

Par ces motifs,

La cour, statuant par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré,

Confirme le jugement rendu le 3 juillet 2019 par le tribunal de grande instance de Nice en ses dispositions appelées.

Condamne M. [T] [A] aux entiers dépens d'appel, distraits au profit de Maître Julien Ceppodomo, et de Maître Pascale Penarroya-Latil de la SCP Latil-Penarroya Latil, qui en on fait la demande, en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Condamne M. [T] [A] à payer, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel :

-la somme de 1000 euros au syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 3], représenté par son syndic en exercice, la société Interservices JMD, située [Adresse 4],

-la somme de 1000 euros à la Sarl Socanet,

Dit n'y avoir lieu à plus ample application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-5
Numéro d'arrêt : 19/12757
Date de la décision : 17/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-17;19.12757 ?
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